Les jours heureux ne s’oublient pas, Gavin’s Clemente Ruiz

Comment vivre après le deuil, un roman tendre et positif

Gontran reçoit un appel affolé de Victoire, l’amie de son père. Celui-ci, veuf depuis six ans, ne va vraiment pas bien et la présence de son fils à ses côtés est indispensable. Mais son père habite en Espagne. Gontran organise ce voyage en un éclair pour partir au chevet de celui qui pourtant n’a jamais été très présent dans sa vie. Depuis la mort de sa mère la relation ne s’est pas vraiment améliorée. Il faut dire que mère et fils avaient une relation fusionnelle, laissant peu de place à celui qui s’est avéré plus un géniteur qu’un père attentif et tendre.

Mais à son arrivée, la surprise est grande. Son père est seul dans une maison encombrée de tant d’objets, cartons, souvenirs que la vie semble figée dans une solitude morne et triste. Seul, avec sa vieille camionnette et son chien Gontran, le père est figé dans le passé et son amour pour la défunte.

Ces quelques jours ensemble sont une occasion unique pour les deux hommes de se rapprocher, s’écouter, se parler. Et miracle, Gontran décide de faire venir son fils pour que pères et fils se retrouvent enfin.

Comment faire son deuil, comment parler avec son enfant lorsque l’on s’est tu toute sa vie, comment avancer quand tout autour de vous vous rappelle sans cesse le passé qui ne reviendra plus, et comment lâcher prise alors que l’on est tellement occupé à vouloir tout gérer, organiser, diriger dans sa vie et celle de ceux qui nous entourent.

Un roman tendre et positif sur la relation parents-enfants, les questions et les mots que l’on n’ose pas s’avouer, l’amour que l’on donne à ses enfants ou celui que l’on retient sans comprendre les conséquences de cette attitude, le couple et l’amour parfois à sens unique.

Et quel plaisir d’avoir découvert ce roman en Espagne autour d’un bon chocolate y churros et d’une paella Valenciana, ça ne pouvait pas être plus adapté !

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Lorsqu’il débarque en Espagne, où son père est censé avoir refait sa vie, Gontran découvre un veuf esseulé, écrasé par le poids des souvenirs et du chagrin. Le fils décide d’aider le père. Mais comment le soutenir et combler le vide laissé par la femme qui rendait à l’un et à l’autre la vie si extraordinaire ?

Chroniqueur sur Europe 1, secrétaire général du Guide du Routard, Gavin’s Clemente Ruiz est aussi romancier. Après le succès de La divine comédie de nos vies, il signe un roman tendre et sensible sur la perte et la renaissance.

Date de parution 05 avril 2023 / Édition Brochée 18,90 € / 208 pages / EAN : 9782226474186

Il ne doit plus jamais rien m’arriver, Mathieu Persan

L’amour d’une mère, comment vivre sans ?

Tout d’abord il y a ces trois silhouettes dans une rue déserte, la nuit sans doute, un graphisme sobre et beau.
Ensuite il y a Mathieu Persan, l’auteur de ce premier roman est un illustrateur de talent qui est d’avantage habitué aux couvertures des romans qu’il crée pour d’autres, qu’au sien.
Enfin, il y a cette famille unie autour des parents,
Elle, une mère qui a oublié d’être femme et épouse à partir du jour où elle a donné la vie,
Lui le père, amoureux comme au premier jour de celle qui grâce à lui ne doit plus jamais pleurer,
Eux, les enfants, frères et sœur unis, la fratrie entourée, choyée, aimée par cette mère qu’ils adorent,
Et l’invité surprise, celui dont personne ne veut, le cancer.

Avec une grande tendresse et parfois une belle dose d’humour, l’auteur raconte la maladie, la perte de celle qui s’en va comme le disent souvent avec ellipse les personnels médicaux pour annoncer un décès. Puis la suite, toute la suite, enfin presque. L’assurance vie, le cimetière, les pompes funèbres, mais au fait, comme habille-t-on un défunt ? Le verre que l’on boit à la santé de ceux qui restent et à tous ces souvenirs qui nous reviennent lorsque l’on partage le deuil, le départ, la perte d’un être cher.

Ensuite, il faut dire, aux enfants, soutenir le père, vivre avec mais sans.

Ce roman, ou récit, ou un peu des deux, n’est pas triste malgré son sujet qui devrait être profondément déprimant. On y sent tout l’amour d’un fils pour sa mère, cette complicité, ces silences et tous ces mots jamais dits, ni par l’un ni par l’autre, mais que chacun sait et ressent au plus profond de lui. C’est un bel hommage empreint de sensibilité et de tendresse à tout ce qu’elle a donné à ses enfants tout au long de sa vie.

J’ai aimé le lire, et du coup me souvenir forcément du décès de mon père, mon choix de musique refusé d’abord par l’église, ce qui m’a tellement mise en colère que finalement c’est passé (comment, « on ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime, pas assez dans la ligne du parti, enfin de l’église ? ), le cimetière, le caveau pas prêt, les voisins qui prêtent le leur, un temps, comme s’il fallait un sas avant de quitter définitivement cette terre. Oui, c’est évident, dans ces moments de grande tristesse, il y a comme des signes de connivence avec le défunt qui bien sûr nous le fait comprendre, vous l’avez vécu vous aussi ? Et qu’il est difficile de réaliser que pendant que votre cœur saigne, tout autour de vous le monde continue sa course effrénée sans rien remarquer.

J’ai retrouvé tout ça et plus encore dans ce récit-roman, lu d’une traite, parce qu’il est impossible à lâcher. J’y ai trouvé une belle écriture, un flot de sentiments, d’amour, d’empathie, de tendresse et de tristesse auquel on ne peut qu’adhérer. Je n’avais pas lu la quatrième de couverture, ni le sujet du roman, comme à mon habitude, mais il est dans la sélection des romans en lice pour le Prix Orange du Livre 2023. Fort heureusement pour moi, car je ne sais pas si je serais allé de moi même le lire, cela aurait été bien regrettable.

Catalogue éditeur : L’Observatoire

Dans ce récit, Mathieu Persan raconte les combats de sa mère contre la maladie, jusqu’à ses derniers jours ainsi que les siens et ceux de sa famille, après sa disparition. Malgré tout, à mesure que sa santé se dégrade et ensuite quand le deuil s’installe, un constant appel à la vie refait surface. Ce sont les souvenirs d’enfance au sein d’une famille fantaisiste, l’empreinte des grands-parents juifs, l’amour de la cuisine, les grandes tablées ouvertes à tous. Mathieu Persan manie tendresse, pudeur et humour, et souvent le rire l’emporte sur le chagrin.

Mathieu Persan est un illustrateur connu du milieu littéraire pour son engagement et son travail au style rétro et élégant. Il a réalisé les couvertures de nombreux livres, magazines et albums de musique. Il signe avec l’Iconoclaste son premier roman.
ISBN 978-2-37880-347-6 / Date de publication 09/03/2023 / Nombre de pages 255

Mères indignes, Luce Caron

Voir les mères et la maternité avec un regard neuf et sincère

Huit nouvelles sur la difficulté d’être soi en devenant mère. Sur cet amour et cet altruisme que l’on attend des femmes comme une normalité culpabilisante lorsqu’elles ont enfanté. Sur cette capacité à entendre, donner, partager, prendre sur soi, et s’oublier qui paraît évidente aux autres mais qui est si difficile, exigeante, péremptoire, celle de ne plus exister dans le regard des autres que comme une mère.

J’ai aimé ces nouvelles si dérangeantes mais au fond si vraies, qui posent de bonnes questions sur le regard et le jugement d’une société qui exige sans contrepartie. Une société qui considère normal qu’une femme ait des enfants, que devenir mère c’est être enfin une femme accomplie. Un vrai regard neuf, direct, sans pathos ni faux-semblants.

Céline, restée seule à partir du moment où son ventre s’est arrondi, a de plus en plus de mal à supporter les pleurs de son bébé, comment réagir sans commettre le pire.

Aurélie est mère de trois garçons, mais elle n’en peut plus des pourquoi, des questions, de cet incessant besoin qu’ils ont tous d’elle et de sa présence active, souriante, disponible, et si la fuite était la solution pou être enfin tranquille.

Agnès est mère célibataire d’un ado en crise, enfin, en crise il l’est depuis longtemps, puisqu’il n’a envie de rien, ne travaille pas, et ne lui répond plus, et s’isole de plus en plus dans son monde virtuel. Mais existe-t-il une solution pour le ramener à la vraie vie.

Elsa retrouve son frère pour aller aux obsèques d’un proche, enfin un proche de sa mère en tout cas, drôle de famille, drôle d’enfance.

Olivia part aux obsèques de sa mère avec sa grand-mère. Sa mère, cette femme admirable ou cette mère perverse si peu aimante, qui était-elle au fond.

Caroline attend le départ de son fils chez le père pour s’adonner à son addiction favorite et dévastatrice, jusqu’au jour où elle dépasse certaines limites.

Sabine veux faire des efforts, note tout, se crée de alertes, mais Sabine est tellement étourdie qu’elle ne sait même plus pourquoi elle les a créées. Comment vivre sereinement avec fille et mari dans ce cas, comment ne pas lasser ceux qui l’entourent.

Retrouvez l’autrice sur le blog mères indignes

Catalogue éditeur : Chloé des Lys

ISBN : 978-2-39018-238-2 / parution : Décembre 2022 / 22,00 €

La nuit introuvable, Gabrielle Tuloup

Un roman qui se lit d’un souffle


Nathan Weiss a toujours été davantage le fils de son père que celui de sa mère
Aussi depuis le décès de Jean, il a délaissé Marthe sans aucun scrupule d’autant que ce nouveau poste en Slovénie évite bien des discussions.
Mais aujourd’hui c’est une voisine inconnue qui l’appelle pour lui parler de Marthe. Sa mère va mal, il doit venir la voir.
Il est à Paris tous les deux mois, il ira donc retrouver sa mère rue du cherche midi, dans l’appartement qui a abrité les amours fusionnels de ses parents.
Le choc est intense lorsqu’il comprend que la maladie est là. Alzheimer a pris possession de la mémoire et du passé de Marthe, de son présent et lui a volé son futur.

Pourtant celle qui fut une épouse avant d’être une mère a laissé des lettres pour son fils unique. Huit lettres qui lui seront remises au fils du temps, afin qu’il sache et comprenne, qu’il envisage le présent à la lumière du passé.
Et le lecteur ému et attentif va suivre les interrogations de Nathan et les révélations de Marthe à mesure de leur lecture et du temps qui passe, ces découvertes qui vont bouleverser ses sentiments.

Gabrielle Tuloup dit sans dire l’enfance, la douleur, la peur d’une mère d’être un jour séparée de son enfant, l’amour entre deux êtres absolu et éternel, les regrets et les silences, la vie qui vient et qui s’en va. L’amour d’un fils pour son père, celui qu’on attend en vain d’une mère qui n’ose pas embrasser et aimer. Elle dit les pourquoi et les comment, les silences et les absences, l’amour que l’on n’ose pas dire et celui que l’on cache pour se protéger.
Un roman qui se lit d’un souffle et que j’ai aimé.

Catalogue éditeur : Philippe Rey, Le Livre de Poche

Nathan Weiss vient d’avoir quarante ans lorsqu’il apprend que sa mère, malade, souhaite le voir en urgence – cette mère qu’il s’efforce d’oublier depuis le décès de son père, il y a quatre ans… Expatrié en Slovénie, il revient néanmoins à Paris.
Marthe a changé : elle est atteinte d’Alzheimer et ne le reconnaît presque plus. Nathan apprend alors qu’elle a confié huit lettres à sa voisine, avec pour instruction de les lui remettre selon un calendrier précis. Il se sent manipulé par ce jeu, qui va toutefois l’intriguer dès l’ouverture de la première enveloppe.
Ces textes d’une mère à son fils, d’une poignante sincérité, vont éclairer Nathan sur le vécu de Marthe. Et si la résolution de ses propres empêchements de vivre se trouvait dans ces lettres qui tentent de réparer le passé ?

D’une écriture sensible et poétique, Gabrielle Tuloup décrit l’émouvant chassé-croisé de deux êtres qui tentent de se retrouver avant que la nuit ne recouvre leur mémoire.

144 pages / Date de parution: 14/09/2022 / EAN : 9782253242161 / 6,90€

Le cas Victor Sommer, Vincent Delareux

Journal d’une émancipation inquiétante

Victor Sommer a trente-trois ans, l’age du christ. Sa mère a soixante-six ans. C’est son seul univers, sa vie, son horizon. Après lui avoir permis de faire des études, cette femme a réussi le prodige, enfin, plutôt le maléfice de soumettre son fils à sa seule volonté. C’est l’archétype de la mère possessive, exigeante, autoritaire, elle exige sa présence au quotidien, heure par heure, avec elle, et en échange lui offre le gîte, le couvert, et des émoluments qui suffisent à combler ce semblant de vie qu’elle lui autorise.

Elle prend soin de son fils qu’elle couve, embrasse, enlace, au delà du raisonnable. Elle lui a même trouvé un psy chez qui il peut aller exposer ses états d’âme une fois par semaine. Mais en dehors du psy et du marchand de journaux chez qui il va docilement chaque matin acheter le journal pour sa mère, sa vie est solitaire et soumise.

Une seule fois, lors d’un anniversaire, elle lui a montré une vieille photo de celui qui devait être son père. Mais n’a jamais plus évoqué ce géniteur totalement inconnu du fils.

À chacun de ses anniversaires elle ne souhaite qu’un seul et unique cadeau, une photo encadrée de son fils, qu’ils accrochent quasi religieusement au mur de la chambre maternelle. Et aujourd’hui, ce dernier anniversaire ne fait pas exception à cette règle immuable.

Pourtant c’est précisément ce jour là que Victor montre des velléités de vouloir travailler à l’extérieur, de voir le monde, de s’émanciper de cette mère trop possessive, de rencontrer une femme. Et Vincent ose braver l’interdit. Dès lors, le monde de sa mère s’écroule et celle-ci disparaît.

Punition, disparition inquiétante, le lecteur va devoir attendre et pour comprendre, tenter de soulever le voile de quelques scènes pour le moins étranges. Mais Victor souffre de cette incertitude, de cette solitude, de cette incompréhension. Victor, ce jeune homme ni vraiment sympathique ni tout à fait antipathique. Victor et ses inquiétudes, sa solitude, ses velléités de vivre enfin, mais sa peur de décevoir cette mère aussi possessive que castratrice.

Je me suis laissée embarquer dans ce roman à côtoyer un Victor aussi étrange que paumé, au caractère particulier ni vraiment attachant, ni vraiment détestable que l’on a envie de sauver de cette prison affective. Puis à comprendre sans vouloir le découvrir trop vite ce qu’il a bien pu se passer tout en ayant envie de voir où cette relation toxique entre une mère et son fils pouvait les mener. J’ai aimé l’écriture et le style de Vincent Delareux, et cette façon singulière d’envisager le désir d’enfant, le besoin et sa signification pour une mère ou un individu quel qu’il soit. Pourquoi fait-on des enfants, pour eux ou pour soi ?

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : L’Archipel

À 33 ans, Victor Sommer mène une vie monotone qui lui pèse. Secrètement, il aspire à devenir quelqu’un. Une ambition entravée par sa mère, infirme autoritaire et possessive qui l’empêche de prendre son envol.
Le jour où celle-ci disparaît de façon mystérieuse, Victor est confronté à un monde qu’il n’a jamais appris à connaître…

Après des études littéraires à Paris, Vincent Delareux s’installe en Normandie et commence à écrire. À 25 ans, il signe Le Cas Victor Sommer, premier roman d’une série où les tourments de l’âme côtoient les secrets de famille.

EAN : 9782809844177 / Nombre de pages : 208 / 18.00 € / Date de parution : 25/05/2022

Ubasute, Isabel Gutierrez

Partir dans une autre dimension, humaine, poétique, nostalgique

Marie est malade, et sait que sa fin est proche. Elle a apprivoisé la maladie et connaît bien les faiblesses de ce corps qui l’abandonne. Elle qui a tant souffert du manque depuis la disparition de son mari, cet amoureux que la montagne lui a enlevé trop jeune, accepte la fin annoncée. Depuis le décès de son mari, elle s’est réfugiée dans les livres, le rêve, les souvenirs, en s’occupant vaille que vaille de ses filles et de son fils.

Aujourd’hui, c’est à son fils qu’elle demande l’impossible, l’emporter sur son dos pour faire son Ubasute. Cet acte que pratiquaient les japonais et que nous avait fait découvrir la balade de Narayama, cet émouvant film vu dans les années 80 et dont je me souviens encore. Emporter sur son dos celle qui l’a vu naître et l’a élevé pour qu’elle rejoigne sa dernière demeure, la montagne glacée.

Tout au long du voyage les souvenirs, les mots que l’on ne s’est pas dit, les espoirs et les attentes, sont effleurés par l’un comme par l’autre, pensés plus que dit, et peu à peu la mère disparaît au profit des paroles du fils qui devra apprendre à vivre sans elle.

Il y a beaucoup d’amour au milieu des silences et des souvenirs dans ce beau roman très poétique qui touche au cœur plus sûrement que de longs discours.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : La fosse aux ours

MARIE VA MOURIR. Elle demande à son fils de la porter dans la montagne pour la déposer sous le Grand Rocher. Ce court périple est la dernière chance pour Marie de parler à son fils.
Ce roman autour de l’ubasute, cette tradition ancestrale du Japon qui voulait que l’on abandonne en montagne une personne âgée et malade, brosse le portrait d’une femme lumineuse. C’est un véritable hymne à la vie, à sa beauté et à sa cruauté.

Parution : 25/08/2021 / ISBN : 9782357071667 / 15 €

Revenir fils, Christophe Perruchas

Peut-on revenir fils lorsque l’on est devenu père, un roman qui déborde d’émotion et d’amour

1987. Le fils a quinze ans, ses belles années sont devant lui quand survient le deuil qui va tout changer. L’accident du père au volant de sa 504 entraîne peu à peu la folie de la mère. Elle sombre dans une mélancolie que rien ne pourra arrêter. Le choc est si intense que même la vie de son fils va s’estomper de sa mémoire. Remplacé bien étrangement par un autre fils, disparu lui aussi. Il faudra confier le fils à la famille, oncle et tante feront ce qu’ils peuvent pour l’élever.

2007. Le fils devenu père éprouve le besoin de revenir fils. De retrouver cette mère qui l’a effacé de sa vie des années auparavant pour sombrer dans la folie. Atteinte de la maladie de Diogène, elle vit toujours dans la même maison, désormais envahie de toute part par les accumulations de toute sorte qui la rassurent, la confortent, l’aident à survivre. Des boites de Nesquick aux aliments frelatés, des verres inutiles aux revues qui s’amoncellent, sa vie est un équilibre instable fait d’accumulation, de saleté, de solitude.

Peu à peu, alternant ces deux époques, l’auteur nous fait pénétrer dans le monde intérieur d’une mère perdue, d’un fils orphelin, d’un homme qui se cherche et veut donner ce qu’il n’a plus jamais reçu depuis l’accident qui a transformé leurs vies.

L’auteur a su aborder des thèmes difficiles et délicats avec beaucoup de tendresse, d’émotion, de véracité. La maternité, le deuil, la famille, la maladie, celle de Diogène évoquée ici est envahissante et traumatisante autant pour ceux qui la vivent que pour ceux qui la subissent.

Difficile chemin de ce fils devenu homme, mari, père et qui devra tout oublier pour enfin devenir fils. Ce roman est dense, fort, percutant et marquant. L’alternance des époques donne du rythme et du souffle face à la difficulté d’être, de vivre, d’accepter, de comprendre, et enfin d’aimer, en étant le fils de cette mère si singulière. Car il doit en affronter des murailles, au propre comme au figuré, dans cette maison devenue une véritable décharge et le creuset des immondices récoltées avec tant d’énergie par cette mère devenue souillon. Mais aussi des silences, des frustrations, pour tenter de percer la carapace et faire émerger l’amour. Quelle énergie, quel amour, quelle tendresse dans ces gestes, ces mots, ces sentiments du fils orphelin envers celle qui lui a donné la vie.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Rouergue

Depuis la mort de son père, le narrateur, un collégien de quatorze ans, vit seul avec sa mère, qui montre les signes grandissants d’un syndrome de Diogène : elle accumule les objets qui envahissent peu à peu la maison. Tandis que le fils adolescent continue de grandir et d’explorer, la mère se replie jour après jour dans un monde où un premier enfant, Jean, touché par la mort subite du nourrisson, reprend vie. Lire la suite…
Parution août 2021 / 288 pages / 20,00 € / ISBN  978-2-8126-2211-3

On pourrait croire que ce sont des larmes, Eric Genetet

Après les années de silence, la rencontre d’un fils et de sa mère, émotion garantie

Lorsque Genio Tardelly, le voisin de Louise, averti Julien que sa mère à disparu, il n’a d’autre choix que de venir le retrouver. Portant, voilà trente cinq ans qu’il n’est pas revenu à Argelès-sur-mer, la station balnéaire où sa mère a posé ses valises lorsqu’elle a enfin accepté de prendre sa retraite.

Tout au long du voyage, les souvenirs l’assaillent, ces trajets qu’ils refaisaient chaque année pour passer les grandes vacances en bord de mer. Louise, sa mère, une femme très amoureuse de son mari, une comédienne qui a attendu toute sa vie le rôle qui allait faire démarrer sa carrière. Serge, son père, un bel homme très secret qui a disparu un jour de l’été 1986 pour ne jamais revenir.

Julien est photographe. Après s’être essayé aux paysages pendant des journées et des nuits, parcourant l’Europe au volant de la vieille Mercedes de son père, il a compris que ce qui l’anime, c’est sa relation aux autres, son regard posé sur eux, que son point fort c’est les portraits.

La relation entre la mère et le fils n’a jamais été facile et s’est détériorée depuis des années. Car Julien en veut à Louise, la seule responsable à ses yeux du départ du père. Et donc la seul responsable de ses échecs amoureux, de son instabilité, de son inadaptation au monde qui l’entoure.

Mais le retour vers Argelès-sur-mer s’avère être aussi un retour vers les années d’enfance, vers la relation qui l’unit à sa mère, vers le manque du père. Car ils parlent, elle l’écoute, elle a enfin envie de lui dire tant de choses, mais elle se tait…

Il y a des familles qui portent des mystères trop lourds pour s’aimer.

Ce que j’ai aimé ?

Le style de l’auteur, cette simplicité apparente de l’écriture, toute en émotion, en silences et en non-dits qui pourtant parlent au lecteur. Entendre les regrets et les silences d’une mère et de son fils qui auraient tant à se dire pour se comprendre. Ces silences que l’on s’impose alors qu’il faudrait parler, ces rancœurs que l’on refuse d’éteindre, les souvenirs que l’on a transformé pour qu’ils ne fassent plus souffrir, le passé que l’on modifie comme on s’arrange parfois avec la vie.

L’absence d’un père, violente, incompréhensible, sur laquelle il faut construire sa vie. Le silence de la mère, comme un refuge à sa douleur, mais dressé comme une palissade face aux questions et aux attentes d’un fils. Cette mère qui écrit pour se retrouver, pour dire son manque à elle, pour dire l’amour absent et celui jamais exprimé, pour dire la peine, la solitude. Les mots posés sur le papier en exutoire à la douleur, comme un point final. Et ce fils qui doit se construire seul, dans l’indifférence et l’absence d’amour maternel, sur le manque.

Beaucoup d’humanité et d’amour entourent chacun de ces personnages. Le roman est court, mais d’une densité telle que l’émotion est là, vibrante, touchante.

Catalogue éditeur : Héloïse d’Ormesson

Julien doit prendre la route pour Argelès-sur-Mer. Cela fait près de trente ans qu’il n’y est plus retourné. C’est là-bas, sur la plage, qu’il a abandonné son innocence, ses souvenirs d’une enfance heureuse et celui du visage de son père. C’est aussi là-bas que s’est installée sa mère, Louise, depuis plusieurs mois. Elle qui s’était promis de ne plus y remettre les pieds non plus. Ce trajet qui le ramène vers son passé, Julien n’a d’autre choix que de l’emprunter : sa mère a disparu. Du moins l’a-t-il cru, car elle est bien dans son appartement lorsqu’il arrive. À quoi joue-t-elle ? Louise veut lui parler. Elle doit lui parler. Mais après tant de silence, y a-t-il encore quelque chose à renouer ?

À travers le portrait de cet homme en route vers son passé, Éric Genetet raconte les silences infranchissables et les blessures vives de l’enfance. Mais au bout du voyage, la lumière inonde la plage entre les larmes et ouvre la voie de la renaissance. L’avenir est toujours à construire.

Né en 1967, Éric Genetet vit entre Strasbourg et Paris. Journaliste, il a travaillé dix ans dans le monde de la radio (notamment pour France Bleu Alsace). Il est l’auteur de plusieurs romans dont Le Fiancé de la lune, sélection Talents Cultura 2008, Tomber (2016), lauréat du prix Folire (Thuir, Pyrénées-Orientales), et Un bonheur sans pitié (2019).

EAN : 9782350877877 / Nombre de pages : 160 / 16.00 € / Date de parution : 27/01/2022

Comme des bêtes Violaine Bérot

Au pays des fées et des Ours, un roman émouvant et fort qui bouleverse nos certitudes

Mariette et son fils vivent dans la montagne, à l’orée du village. Un fils sans père, vite surnommé l’Ours par les enfants du village. Puisque dans ce coin reculé de montagne, c’est bien connu, les enfants sans père sont les enfants de l’ours. S’il est allé un temps à l’école, l’Ours n’a jamais réussi à s’intégrer ni à s’habituer aux contraintes. Lui qui ne s’exprime que par gestes ou grognements a besoin de l’espace et de la sérénité de la nature et des animaux pour vivre.

La mère et ce fils que d’aucuns trouvent différent, vivent en paix depuis des années près du village, au flanc de cette montagne sauvage et isolée. Jusqu’au jour où un randonneur plus curieux que les autres dénonce ce qu’il a découvert, et qui jusqu’alors ne faisait de mal à personne, une enfant qui vit nue dans la montagne, auprès d’un âne et de l’Ours. .

Le lecteur entre dans leur histoire à travers les interrogatoires de divers villageois, l’institutrice, le facteur, la pharmacienne, un voisin, Luc le coureur, et quelques autres. Mais aussi Mariette qui tente de faire comprendre à cette maréchaussée obtuse et bornée que les différences et un handicap ne sont pas forcément synonymes de dangerosité. Que son fils est un homme bon qui a eu peur du déploiement de force de ceux qui sont venus l’arrêter, qu’il ne peut pas s’exprimer ni comprendre. Mais surtout, tente de montrer que l’on peut accepter les différences, que le bonheur et la justice ne sont pas toujours où on croit.

Violaine Bérot nous propose là un roman choral subtil, qui déroule peu à peu une intrigue forte en émotion. La différence, le handicap, le viol, les peurs enfantines, les croyances, les fées protectrices, chaque élément qui compose cette intrigue apparaît peu à peu, le mystère se dévoile et nous montre qu’il faut ouvrir son cœur à l’autre pour l’accepter tel qu’il est.

J’ai aimé cette écriture et cette façon si poétique et en même temps si sobre de dire la douleur, la différence. Mais aussi de mettre en avant notre manière d’appréhender ces autres que l’on veut tellement conformes à nos idées, notre cadre de référence, notre propre façon de vivre et de penser. Comme des bêtes, un titre à double sens particulièrement bien trouvé. Car ici on peut se demander qui sont les bêtes, qui juge qui, et de quel droit ?

Du même auteur j’avais déjà apprécié le roman Nue, sous la lune et cette façon bien à elle appréhender de vrais sujets de société avec force et en si peu de pages.

Lire également la chronique de Joëlle du blog Les livres de Joëlle.

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

La montagne. Un village isolé. Dans les parois rocheuses qui le surplombent, se trouve une grotte appelée ’la grotte aux fées’. On dit que, jadis, les fées y cachaient les bébés qu’elles volaient.

A l’écart des autres habitations, Mariette et son fils ont construit leur vie, il y a des années. Ce fils, étonnante force de la nature, n’a jamais prononcé un seul mot. S’il éprouve une peur viscérale des hommes, il possède un véritable don avec les bêtes.

En marge du village, chacun mène sa vie librement jusqu’au jour où, au cours d’une randonnée dans ce pays perdu, un touriste découvre une petite fille nue. Cette rencontre va bouleverser la vie de tous…

Violaine Bérot, dans ce nouveau roman à l’écriture poétique, décrit une autre vie possible, loin des dérives toujours plus hygiénistes et sécuritaires de notre société. Un retour à la nature qu’elle-même expérimente depuis vingt ans dans la montagne pyrénéenne

Retrouvez également le blog de Violaine Berot

Parution : 01/04/2021 / Format : 13 x 19 cm, 160 p., / 14,00 EUR € / ISBN 9782283034873

Rosa Dolorosa, Caroline Dorka-Fenech

L’amour d’une mère, aveuglant et inconditionnel

Ils se promènent dans le vieux Nice. Rosa et Lino, la mère et le fils, sont inséparables depuis toujours. Surtout depuis qu’elle a chassé le père. Elle veille comme une louve sur sa merveille. Même si parfois Lino se perd dans l’alcool des nuits entières et a quelques accès de violence.

Ensemble, ils ont un rêve. Quitter le restaurant Le petit soleil et rénover un hôtel dans le quartier. Les plans sont faits, ne manquent que les financements. Avec l’aide de Marc, son ami de cœur, et grâce à son dynamisme et sa fougue Rosa séduit les investisseurs potentiels. Le rêve est enfin à leur portée. Lino le plongeur amoureux de la mer sait déjà qu’il installera dans le hall de leur hôtel trois-étoiles un immense aquarium rempli de méduses.

Mais c’est sans compter sur un événement dramatique, une mort inexplicable et l’arrestation au petit matin de Lino, le fils chéri.

Cette mère passionnée le sait, son fils est innocent ; alors elle doit tout faire pour le faire sortir de prison. La bataille ne fait que commencer pour cette mère inquiète et malade, mais surtout combative et pugnace. Rien ne peut l’arrêter. Pas même les doutes, les questionnements de son entourage, les affirmations des enquêteurs.

L’auteur déroule ici un scénario aussi plausible que tragique. C’est un étonnant questionnement sur le vrai rôle d’une mère, sur la connaissance que les parents ont de leurs enfants, sur le silence et l’éducation, la confiance et le partage, l’amour maternel incandescent et aveuglant. L’obstination d’une mère, ses sentiments les plus profonds, son assurance et son jusque-boutisme sont maîtrisés, pesés et réalistes jusque dans leur folle concrétisation.

L’amour absolu, la confiance, le désespoir dont elle fait preuve prennent le lecteur dans leurs filets pour l’amener vers un dénouement aussi dramatique qu’inéluctable. Un roman bouleversant que l’on ne lâche pas avant d’avoir tourné la dernière page.

Catalogue éditeur : éditions de La Martinière

Un premier roman magnétique, sombre et lumineux, dont l’héroïne rappelle la Gloria de John Cassavetes et la Mamma Roma de Pasolini. Nourri d’images organiques, charnelles, poétiques, ce livre retrace le parcours d’une mater dolorosa prise dans une quête obsédante et dévorante pour prouver l’innocence de son fils.

« Elles étaient au nombre de douze. Douze méduses qui plongèrent parmi les bulles éclairées au néon dans l’aquarium. Leurs tentacules flottant comme des fourreaux de fantômes. »

Dans les rues serpentines du Vieux-Nice, Rosa déambule au bras de son fils, Lino. Ensemble ils rêvent de posséder un hôtel dans lequel un immense aquarium accueillerait des méduses. À peine dix-neuf ans d’écart, ils forment un duo inséparable. Jusqu’au jour où Lino est arrêté et emprisonné pour le meurtre d’un enfant.
Pour Rosa, l’innocence de son fils est incontestable. Dans un ballet d’images charnelles, poétiques, la mater dolorosa se lance dans une quête sublime et dévorante. Mais jusqu’où l’amour maternel peut-il conduire ?

Née en 1975, Caroline Dorka-Fenech, diplômée de lettres modernes et de l’Atelier scénario de la FEMIS, a travaillé comme lectrice de scénarios, script doctor et enseignante. Rosa dolorosa, son premier roman, est le fruit d’un travail de dix ans.

27 août 2020 / 130 x 205 mm / 288 pages / ISBN : 9782732494258