Les monstres, Maud Mayeras

Âmes sensibles s’abstenir, pour les autres, accrochez-vous, quelle claque !

Dans mon panthéon personnel des familles dysfonctionnelles, il y avait Turtle et son père dans My absolute darling, un père survivaliste qui élève sa fille pour qu’elle s’en sorte, dans une relation aussi ambiguë que destructrice.

Désormais il y aura aussi Eine et son père Aleph, une famille cachée dans son terrier, une mère apeurée qui obéit et tente de protéger ses deux enfants.

Ils vivent à l’écart du monde, seul le père va à la ville chercher des provisions pour ses monstres, ses enfants qu’il protège du regard et de la folie des humains. C’est lui qui les nourrit, ils restent à l’abri, sous terre. Mais un jour il a un problème et doit être emmené à l’hôpital. C’est ce même jour que toute la région s’affole car le barrage risque de céder et d’engloutir la vallée et tous ceux qui vivent en aval. Il faut évacuer toutes les habitations.

Eine et son frère sont des monstres, ils le savent, l’affirment, le revendiquent, leur père le leur a assuré, c’est la seule vérité qu’ils connaissent. Lorsque les secours tentent de les faire sortir du terrier, leur monde fermé s’écroule, leur abri devient piège, la confiance est détruite, ils doivent fuir, agir, se battre avant d’être dévorés par plus monstrueux qu’eux. Commence alors une lutte sans merci, à la vie à la mort pour échapper aux humains, ou aux monstres, c’est selon. Mais comment pourront-ils se confronter à l’extérieur après avoir vécu ainsi terrés, à l’abri, trompés, manipulés.

Étonnant roman, noir, très noir, un peu de survivalisme, un lien avec ces affaires sordides d’enfant enlevées, comme celle de Natasha Kampusch, de familles cachées. Inceste, viol, violence, mort, terreur, rien n’est épargné aux personnages que nous offre l’autrice. Intéressant aussi de se poser les bonnes questions, à travers l’éducation, la formation, la domination et les sentiments, comment et jusqu’à quel point peut-on assujettir l’autre.

Le chapitres, courts et dynamiques, alternent avec des extraits de contes, pas toujours bienvenus ou compréhensibles, ça casse le rythme, mais c’est peut-être fait exprès, pour rendre moins violente cette course pour échapper aux humains ?

Âmes sensibles prière de s’abstenir. Il faut être en forme pour attaquer ce livre et résister aux monstres, mais je vous assure qu’on ne peut plus le lâcher quand on commence, il faut juste trouver le bon moment !

Catalogue éditeur : Pocket

Ils vivent dans un « terrier ». Les enfants, la mère. Protégés de la lumière du jour qu’ils redoutent. Sales et affamés, ils survivent grâce à l’amour qu’ils partagent et grâce à Aleph, qui les ravitaille, les éduque et les prépare patiemment au jour où ils pourront sortir. Parce que, dehors, il y a des humains. Parce que eux sont des monstres. Et tant qu’ils ne seront pas assez forts pour les affronter, ils n’ont aucune chance.
Mais un jour Aleph ne revient pas, et les humains prédateurs cognent à leur porte. Alors, prêts ou pas, il va falloir faire face, et affronter cette terrifiante inconnue: la liberté.

Date de parution : 13/01/2022 / 8.30 € / EAN : 9782266320221

La nuit des pères, Gaëlle Josse

Retrouver le père pour guérir les cicatrices invisibles

Il s’est passé de nombreuses années depuis son départ du village de montagne où vivent son père et son frère. Pourtant aujourd’hui Isabelle y revient.

Le père est au plus mal, et Olivier ne peut plus assumer cette charge seul, il a besoin de sa sœur, même dans le silence, malgré les rancœurs et les secrets.

Isabelle a quitté le domicile familial au décès de sa mère. Comment rester auprès d’un homme qui n’a jamais montré d’amour ni même d’affection. Comment s’épanouir et vivre libre auprès de cet amoureux des grands espaces qui a fuit toute sa vie vers les sommets, préférant la nature au cocon familial. Et quand le père ne rêve que de l’élever vers les cieux, Isabelle préfère quant à elle les profondeurs et le silence des mers. Comment pourraient-ils alors se retrouver.

Dans un étrange huis-clos au cœur de la montagne, elle va égrener les souvenirs pour tenter de comprendre. L’attitude du père, sa froideur, ses silences, ses absences, ce manque d’amour qui détruit tout. Mais désormais la mémoire du père s’enfuit, il sera bientôt impossible de lui parler.

L’autrice fait parler chacun des personnages, Isabelle, Olivier, le père, pour tenter d’ouvrir les cœurs et les mémoires, d’éveiller les souvenirs, de comprendre les réticences. Pour évoquer une enfance dévastée, le besoin d’amour d’une enfant envers son père, le silence de la mère, les violences parfois silencieuses, insidieuses, comme la scène avec le chiot si difficile à supporter. Pour dire enfin ce qui a été tu toute une vie, et de se demander lors, et si cela avait été différent, qu’elles auraient été les vies de chacun dans cette famille. Échange, discussion, partage, résilience, pardon, tant de choses sont dites dans ce roman qui cependant en peu de pages semble porter toute une vie de silence et de regrets.

On retrouve une fois encore l’écriture de Gaëlle Josse à la fois humaine et pudique, ciselée et précise, au plus près des sentiments et des interrogations qui nous touchent tous plus ou moins un jour ou l’autre.

Catalogue éditeur : Noir sur Blanc

Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli.
Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer.
Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer.
Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.

Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.

Date de parution : 18/08/2022 / Prix : 16,00 € / 192 pages / ISBN : 978-2-88250-748-8

Premier sang, Amélie Nothomb

Un roman par an et l’art de se renouveler à chaque fois

Avec talent Amélie Nothomb arrive à nous surprendre à chaque rentrée littéraire

Premier sang évoque à la première personne le père de l’autrice décédé en 2020 et qu’elle n’a pas pu revoir pour cause de confinement et de covid.

Le roman s’ouvre sur un peloton d’exécution, Patrick Nothomb a vingt-huit ans, et sa vie va s’achever à Stanleyville, pendant la révolution qui libère le Congo jusque là Congo belge.
Patrick a huit mois lorsque son père décède. Veuve inconsolable, son épouse confie son fils à ses parents.
Le grand-père général, la grand-mère aimante et douce s’occupent du petit Patrick.
Alors qu’il a six ans, Patrick qui sait déjà lire et écrire, souhaite rencontrer la famille Nothomb, la famille de son père qu’il n’a jamais connue.

Au château de Pont d’Oye, Pierre Nothomb le baron poète ne se soucie guère de la vie de ses enfants. Treize sont nés de ses différents mariages. Cinq vivent sous son toit lorsque Patrick les rejoint.
Le baron porte beau et mange à sa faim, Quand toute la tribu doit se battre pour avoir ne serait-ce qu’un morceau de pain ou de viande. La vie au château est un combat permanent pour la vie, mais Patrick s’y endurcit et apprécie cette famille qui est aussi la sienne.

Nous le suivons tout au long du roman, avec un bonheur incroyable malgré la difficulté de vivre à cette époque, malgré les problèmes et les contraintes de sa famille.
Il y a à la fois beaucoup de tendresse et une pointe d’humour tout au long de ces pages, et l’on a envie d’en connaître plus, de l’écouter nous parler encore. Car oui, on s’y croit, on l’écoute, ce petit Patrick qui deviendra diplomate. Amélie Nothomb incarne avec brio, amour et un brin de dérision parfois cet homme qui a su tirer le meilleur des moments les plus difficiles. Un magnifique hommage à son père.

Un excellent cru, un récompense méritée pour une autrice que je suis avec plaisir depuis des années.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. » 
Prix Renaudot 2021 / Palmarès 2021 Les 100 livres de l’année du magazine Lire

18 août 2021 / Édition Brochée 17,90 € / 180 pages / EAN : 9782226465382

Le dilemme, B.A. Paris

Parler, ou se taire ? Quand silences et non-dits troublent l’équilibre d’une famille

Livia rêve de cette fête d’anniversaire depuis ses vingt ans. Le jour est enfin arrivé, elle a quarante ans et tout est enfin prêt pour célébrer cette date qu’elle veut unique, festive, joyeuse, et qui va remplacer la cérémonie de mariage qu’elle n’a jamais eue. Adam, amoureux comme au premier jour, ne sait pas comment faire plaisir à sa femme. Il a organisé une jolie surprise pour son épouse.

Ils ont deux enfants. Josh est né lorsqu’ils étaient encore étudiants. Il a bouleversé l’avenir de Livia, l’a privée de ses études et du mariage dont rêvaient pour elle ses parents, mais il fait le bonheur de sa mère. Marnie, étudiante à Hong-Kong, est la fille à son père, celle qu’il adule en secret et à qui il pourrait passer toutes les folies. C’est grâce à leur entente parfaite que Marnie et Adam ont concocté dans le plus grand secret la surprise idéale pour Livia.

L’auteur nous entraîne alternativement dans la tête et les pensées de Livia, puis d’Adam, tout au long de cette journée unique de bien des façons. Et pendant ce temps, Marnie nous apparaît en fil rouge, tantôt fille aimante et aimée, tantôt mystérieuse et presque haïssable, sans qu’à aucun moment elle ne puisse s’expliquer.

Tout l’intérêt du roman, malgré certaines invraisemblances dans les sentiments et les situations décrits, vient du dilemme vécu par chacun des protagonistes, à propos de ce qu’il doit révéler ou pas. Peu à peu, on découvre que l’un comme l’autre connaissent des secrets à propos de leur fille, mais aucun des deux n’est prêt à les dévoiler pour ne pas gâcher la fête.

Alors, dira, dira pas, angoisse, inquiétude, chaque parent tait ce qu’il sait mais que le lecteur découvre par leurs points de vue. À chaque instant, on attend l’explosion, le clash, le retournement de situation, les mots qui doivent sortir mais restent muets, la journée se déroule heure par heure dans l’inquiétude, le quiproquo, l’interrogation secrète et tourmentée de l’un puis de l’autre.

Le poids des non-dits, les secrets, les silences, pèsent sur chacun des protagonistes et polluent leur relation heure par heure jusqu’au final que chacun attend comme une délivrance. Tant il est vrai que face au silence, les comportements des individus deviennent parfois incompréhensibles, et peuvent être interprétés différemment par celui qui les reçoit ou celui qui les émet, et cela perturbe profondément les relations entre les êtres humains.

Voilà un thriller que l’on peut qualifier de psychologique ou domestique, intéressant malgré quelques longueurs. Si j’ai aimé ma première lecture de cet auteur, il m’en faudra d’autres pour l’apprécier à sa juste mesure.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche, Hugo et Cie

Livia rêvait d’une soirée inoubliable pour son quarantième anniversaire. Alors Adam, son mari, a fait en sorte que la fête soit grandiose. Leurs amis sont tous là. Ne manque plus que leur fille, Marnie, qui viendra exprès de Hong Kong – Livia ne le sait pas, ce sera une surprise. Un sujet de conversation jette un furtif voile d’ombre parmi les invités : un avion s’est écrasé au Caire, le matin même. Mais il suffit d’un verre ou d’une invitation à danser pour ne plus y songer. Seul Adam le sait : Marnie aurait dû être à bord de cet avion. Heureusement, pense-t-il, qu’elle a manqué sa correspondance et qu’elle n’a donc pas pu monter à bord. Sans doute a-t-elle été transférée sur un autre vol. Dès lors, pas la peine d’inquiéter Livia, n’est-ce pas ?…

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Vincent Guilluy.

Date de parution : 26/05/2021 / prix : 7,90€ / 384 pages / EAN : 9782253241508

Éditeur d’origine : Hugo et Compagnie / parution 8/05/2020 / ISBN papier : 9782755644777 prix 19,95€ / ISBN numérique : 9782755648829 prix 9,99€

Bonne nuit maman, Seo Mi-Ae

Violence et manipulation au pays du Matin Calme

Seon-geyong Lee est une criminologue appréciée de ses étudiants. Formée au FBI, elle fait étrangement penser à la Jodie Foster du silence des agneaux. Surtout lorsqu’un tueur en série la fait appeler du fond de sa prison et souhaite la rencontrer. Lui qui ne veut rien dire de ses meurtres et de sa folie, l’occasion est belle d’essayer de le faire parler.

Mais n’est-ce pas aussi un piège de répondre à un homme aussi pervers ? Car le tueur en série Byeong-do Lee est passé maître dans l’art de manipuler son monde. Il ne sera donc pas évident d’arriver à lui faire dire quoi que ce soit ou de l’emmener là où elle le souhaite.

En parallèle à ses rencontres à la prison, Seon-geyong Lee va voir sa vie de couple bouleversée. En effet, son mari vient de recueillir sa fille d’un premier mariage. Élevée par ses grands-parents maternels au décès de sa mère, ces derniers viennent de disparaître dans un violent incendie. La fillette est désormais sous la garde de son père et d’une belle-mère qu’elle ne semble pas prête à accepter facilement. La jeune femme va de découverte en surprise car son mari ne lui avait pas tout révélée sur son premier couple et sur sa fille. Rapidement, c’est elle qui doit s’occuper de cette enfant, et affronter ses états d’âme et sa mauvaise volonté.

Seon-geyong Lee doit maintenant gérer deux relations difficiles en parallèle. D’une part avec le tueur en série qui se dévoile peu à peu et dont on devine une enfance de souffrance et une relation délétère à la mère ; et d’autre part, avec une fillette de dix ans qui sous des airs de petit ange cache peut-être un jeu aussi pervers qu’inquiétant.

J’ai aimé suivre cette intrigue, qui semble avoir une suite, même si j’ai parfois trouvé que cette spécialiste des tueurs en série faisait preuve de bien d’innocence quant elle analyse les comportements dans sa propre famille. Mais sans doute refuse-t-on de voir le mal sous son toit quand on connaît la noirceur de l’âme humaine.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Matin Calme, Le Livre de Poche

Seon-gyeong, criminologue et professeure à l’université, est sollicitée par un détenu en attente de jugement. Cet homme, un serial-killer qui a assassiné treize femmes, veut lui parler – à elle seule. Seon-gyeong va devoir faire preuve de la plus grande prudence face à ce tueur hors norme, intelligent et manipulateur. Dans le même temps, son mari se voit contraint de faire venir chez eux sa fille née d’un précédent mariage. Une enfant de onze ans qui serre contre elle son ours en peluche, bouleversée par les décès de sa mère et de ses grands-parents maternels. Des décès pour le moins suspects, d’ailleurs…

320 pages / Date de parution: 31/03/2021 / EAN : 9782253079231 / 7,70€

Matin Calme : EAN : 9782491290054 / Parution : 05/03/2020 / Pages : 269 / Prix : 19.90€

Grand Platinum, Anthony van den Bossche

Une lecture savoureuse et instructive

Lire Grand Platinum, c’est tout d’abord en savoir plus, beaucoup plus, sur l’origine des carpes au sang choisi, enfin des carpes Nishikigoï rebaptisées Koï par les occidentaux. Par exemple, découvrir enfin que les paysans de la province de Niigata ont sélectionné des spécimens aux mutations génétiques spontanées, puis les ont croisées entre elles, pour en faire les Koï exceptionnelles que l’on connaît aujourd’hui.

Puis suivre Louise dans ses pérégrinations pour sauver les carpes de son père. Car celui-ci vient de décéder. Mais pendant sa vie, il avait disséminé dans quelques mares et étangs parisiens sa collection unique de Koï. Il faut dire que ces dernières ont besoin d’espace pour se développer. Et lorsqu’il avait quitté sa maison au grand jardin, il avait bien fallu leur trouver un point de chute.

Mais pas seulement ! Car ce sauvetage est aussi un moyen de mieux connaître le père disparu. Avec l’aide de son frère, un garçon au rythme de vie totalement décalé et hors du temps, et de quelques amis bien choisis, Louise va parcourir la capitale à la rencontre des secrets bien gardés de son père.

Il y a une belle poésie et beaucoup d’humour, de sentiments et d’empathie dans ce premier roman pour le moins insolite et original. Le rythme, les personnages, l’intrigue, en font un joli moment de lecture. Original, enlevé, le sujet singulier des Koï et la personnalité de Louise, de son client Stan, de son frère et de quelques autres protagonistes donnent envie de la poursuivre encore un peu et laisse comme un goût de pas assez.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Parce que souvent sur un même roman les avis sont très partagés, n’hésitez pas à lire aussi l’avis enthousiaste de Geneviève du blog mémo émoi, et beaucoup moins par Les miss chocolatine bouquinent

Catalogue éditeur : Seuil

Louise a fondé une petite agence de communication. Elle est jeune et démarre une brillante carrière, malgré les aléas du métier, liés en particulier à son fantasque et principal client, un célèbre designer , Stan. Elle doit aussi jongler avec les fantasmes déconcertants de son amant, Vincent. Mais elle a autre chose en tête : des carpes. De splendides carpes japonaises, des Koï. Celles que son père, récemment décédé, avait réunies au cours de sa vie, en une improbable collection dispersée dans plusieurs plans d’eau de Paris. Avec son frère, elle doit ainsi assumer un étrange et précieux héritage.

Anthony van den Bossche est né en 1971. Ancien journaliste (Arte, Canal +, Nova Mag, Paris Première, M6, Le Figaro) et commissaire indépendant (design contemporain), il accompagne aujourd’hui des designers, artistes et architectes.

Date de parution 07/01/2021 / 16.00 € TTC / 160 pages / EAN 9782021469165

Danse avec la foudre, Jeremy Bracone

Dans la grisaille des citées de Lorraine, il faut la poésie d’un homme pour réaliser les rêves des enfants

II est amoureux Figuette. D’une femme enfant si délicieusement irrésistible, fantasque et éthérée. Mais Moïra vit tellement loin du quotidien, elle s’est pourtant laissée séduire par la folie douce de Figuette. Elle semble bien ignorante de la galère dans laquelle il se retrouve lorsqu’elle le quitte. Car il est bien seul pour gérer le risque de fermeture de l’usine, le manque d’argent pour boucler la fin du mois, et surtout pour s’occuper seul de sa petite Zoé qu’il faut choyer, aimer et éblouir pour deux.

Heureusement il y a les copains, ces fidèles compagnons de route, de sacrés bonhommes qui aiment passer leurs soirées à refaire le monde au café le Spoutnik. Il y a aussi les jardins ouvriers pour améliorer un peu l’ordinaire, les travailleurs transfrontaliers qui cherchent un meilleur emploi de l’autre côté de la frontière, les ouvriers qui « cagnottent » pour aider les autres, les patrons qui délocalisent sans bruit et sans fanfare, si peu soucieux de faire vivre ces régions qui sont tant à la peine. Si à travers eux, le côté social de la vie ouvrière est évoqué en filigrane, c’est pourtant bien la vie de Figuette, son amour immodéré tant pour Moira que pour sa petite Zoé, qui sont au cœur de ce premier roman tout en émotion.

On aime découvrir l’amour fou, la passion, de ce père célibataire qui se débrouille pour que sa fille passe des vacances inoubliables à la belle étoile. Mais aussi toute la magie de ces sentiments qui débordent au fil des pages et nous font aimer cet homme qui tente le tout pour le tout pour éblouir son enfant. Il y a de la magie et de la poésie dans ces lignes, dans ce roman que l’on ne veut pas quitter, dans ces personnages pour la plupart si attachants.

Un premier roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : L’Iconoclaste

Au cœur de la Lorraine en faillite industrielle, une communauté ouvrière indomptable et l’histoire d’un amour fou.

Figuette est ouvrier et père célibataire de la petite Zoé depuis que sa femme, Moïra, imprévisible et passionnée, a fugué. L’été arrive et l’usine qui l’emploie menace de fermer, il n’aura pas les moyens d’emmener sa fille en vacances comme il l’avait promis.
Pour séduire Moïra, il avait été capable des plus belles folies. Pour la reconquérir et ne pas décevoir sa fille, il va aller encore plus  loin.
Entre drame et comédie, solidarité ouvrière et passion amoureuse, Danse avec la foudre est un premier roman poétique et révolté.

Jérémy Bracone a quarante ans. Il a vécu en Lorraine jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans. Artiste plasticien, il sculpte, dessine et réalise des installations. Danse avec la foudre est son premier roman.

288 pages / 19,00 € / EAN : 9782378801755 / 07/01/2021

Over the rainbow, Constance Joly

Quand l’intime rejoint l’universel, le magnifique hommage d’une fille à son père

Un livre pour dire l’amour d’une fille pour son père, pour dire la liberté et la difficulté d’être soi dans un monde qui ne vous comprend pas et ne vous accepte pas tel que vous êtes, pour dire la force d’un homme qui décide enfin de vivre la vie pour laquelle il est fait, envers et contre tous.

À la fin des années 60, Jacques le père de Constance quitte Nice et sa vie de couple avec Lucie. Il part vivre à Paris la vie pour laquelle il est fait depuis toujours, mais qu’il n’avait sans doute pas réussi à accepter avant. Le vent de liberté qui souffle en mai 68 a-t-il aidé, ou est-ce la rencontre avec Ivan qui lui montre où est sa vraie place ? Toujours est-il qu’il accepte enfin de se reconnaître homosexuel à une époque où c »était encore un crime ou une maladie qu’il fallait combattre.

La relation avec son ex femme, cette amoureuse meurtrie d’avoir été abandonnée, est d’abord compliquée, puis s’apaisera et deviendra plus sereine au fil du temps. Mais toujours le père saura s’occuper de sa fille, les week-ends, les vacances, l’éducation pas toujours facile à mesure que les enfants deviennent des ados. et la fillette, puis l’adolescente, trouve sa place au sein du couple qu’il compose avec Ivan.

Il est solaire ce père, à la fois artiste, amoureux, séducteur, passionné, professeur d’italien, amateur de théâtre et d’opéra, d’art, de belles choses, mort à cinquante quatre ans d’avoir eu le courage d’être enfin lui-même, de vivre, et de ce que certains appelaient alors le cancer des homosexuels.

Car après les années bonheur viendront les années 90, les années sida, terribles faucheuses de vies souvent regardées par les bien-pensants avec un dédain affligeant. Cette maladie sournoise est souvent tue par ceux que la contractent, surtout dans ces années-là. Elle est synonyme de différence, puisqu’elle touche en particulier le milieu des homosexuels. Elle est d’abord mal soignée, car méconnue de la médecine. Et si aujourd’hui on en meurt moins, elle est toujours présente et fait toujours des ravages.

L’auteur écrit pour dire ce père aimant, ce père présent, ses incompréhensions sans doute à certains moments, quand les ados préfèrent les vacances avec les copains à celles avec les parents. Mais aussi peut-être le regret de n’avoir pas vécu ces moments où ils auraient pu se retrouver et qui sont perdus à jamais.

C’est surtout un texte d’amour, d’empathie, de reconnaissance pour la vie donnée. C’est le livre des regrets, de l’absence, des silences que l’on aimerait combler, des mots que l’on voudrait dire, des regards que l’on ne peut plus poser sur l’autre, sur ce père qui forcément manque tant.

C’est beau comme l’amour d’une fille pour son père, d’un père pour sa fille, lumineux comme sait l’être la vie et sombre parfois comme le sont la maladie et la mort. On ressort de cette lecture bouleversé, ému, avec l’envie de les prendre tous les deux dans nos bras et de les remercier de vivre et d’aimer aussi fort, aussi bien, aussi vrai. Merci Constance Joly de nous avoir emmené avec autant de sensibilité, de justesse et de poésie Over the rainbow à la rencontre de Jacques, cet homme que j’ai presque l’impression d’avoir connu.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Flammarion

Celle qui raconte cette histoire, c’est sa fille, Constance. Le père, c’est Jacques, jeune professeur d’italien passionné, qui aime l’opéra, la littérature et les antiquaires. Ce qu’il trouve en fuyant Nice en 1968 pour se mêler à l’effervescence parisienne, c’est la force d’être enfin lui-même, de se laisser aller à son désir pour les hommes. Il est parmi les premiers à mourir du sida au début des années 1990, elle est l’une des premières enfants à vivre en partie avec un couple d’hommes.
Over the Rainbow est le roman d’un amour lointain mais toujours fiévreux, l’amour d’une fille grandie qui saisit de quel bois elle est faite : du bois de la liberté, celui d’être soi contre vents et marées.

Constance Joly travaille dans l’édition depuis une vingtaine d’années et vit en région parisienne. Le matin est un tigre, son premier roman (Flammarion, 2019), a été très bien accueilli par la critique et les libraires.

Paru le 06/01/2021 / 192 pages – 136 x 210 mm / ISBN : 9782081518650 / 17,00

Quartier libre, Vincent Lahouze

Mourir pour s’en sortir, le roman social et humaniste d’un auteur à suivre

A Toulouse, dans le quartier du Mirail, Olivier assiste aux obsèques d’Ismahane, une jeune fille qu’il connaît depuis des années. Ismahane la belle et lumineuse rebelle s’est suicidée. Olivier veut découvrir ce qui a motivé son geste incompréhensible.

Flash-back de quelques années, quand le jeune Olivier débarque dans ce quartier du Mirail à Toulouse pour travailler comme animateur social dans une école. On ne peut pas dire qu’il ait la vocation, mais il n’a pas le choix. Son père lui impose de prendre ce poste. Ses parents en ont raz le bol de voir leur fils de vingt ans planté devant son ordinateur et ses jeux en ligne à longueur de journée. Il est temps de se confronter au monde du travail.

La découverte va être totale, face à ces jeunes des quartiers difficiles, venus de familles souvent issues de l’immigration et qui vivent dans ces immeubles où il est plus facile de vendre de la drogue que d’espérer trouver un emploi. D’abord intrigué par son nouvel environnement de travail et souvent découragé, Olivier peu à peu apprend à connaître et aimer ces enfants qui le testent puis l’acceptent. En particulier la jeune Ismahane, rebelle, courageuse, meneuse de groupe et particulièrement intelligente.

La vie pourrait devenir belle avec Sophie son amoureuse, les enfants qu’il accompagne et cette vie d’animateur dans laquelle Olivier s’épanouit chaque jour un peu plus. Mais c’est sans compter sur les déboires sentimentaux. Sans compter surtout sur les caïds qui veulent mener la loi et maintenir sous leur coupe ces jeunes qui pourraient leur échapper. Et qui n’apprécient pas qu’on leur fasse de l’ombre.

Quartier libre est un roman très actuel, social et humain, ancré dans la réalité, prenant et terriblement émouvant. Il est à la fois déprimant face au sort inéluctable qui attend ces jeunes, et empli d’espoir envers ceux qui déploient ces étincelles de vie avec autant de pugnacité pour s’en sortir.
J’ai aimé l’écriture, le contexte, l’énergie qui s’en dégage. On a tellement envie de les prendre dans nos bras, mais parfois aussi de les secouer, de leur ouvrir les yeux, ou tout simplement de compatir, d’accepter ces vies tracées par la société, la famille, les traditions, et pour lesquelles au final on est impuissant à pouvoir faire quelque chose. Une totale découverte de cet auteur, et une vraie réussite.

Catalogue éditeur : Michel-Lafon

Février 2017, Olivier, éducateur d’une trentaine d’années, assiste à la veillée funèbre d’Ismahane, l’une de ses protégées qu’il connaissait depuis sa plus tendre enfance. Ismahane l’insolente, la libre et charismatique Ismahane, s’est suicidée à la veille de ses seize ans.
Pour lui rendre hommage et pour tenter de comprendre le geste irréparable de celle qui aurait dû avoir la vie devant elle, il décide de mener l’enquête. L’occasion pour lui de revenir sur ses débuts d’éducateur inexpérimenté catapulté dans ce quartier difficile de la banlieue de Toulouse. Un quartier régi par ses propres lois qui vous broie et vous recrache aussi bien qu’il peut vous porter.

Une réflexion bouleversante sur des quartiers où la vie tient de la survie, où la violence côtoie la plus grande humanité. Un livre coup de poing.

Parution : 15/10/20 / Prix : 17.95 € / ISBN : 9782749938974

Une Rose seule, Muriel Barbery

Une renaissance, un deuil, une fille, un père, et tout le charme du japon à travers temples et jardins

Rose part à Kyoto à la suite de l’appel d’un notaire. Sa présence est requise sur place par Haru, son père marchand d’art qui vient de décéder. Rose, quadra, célibataire sans enfants, botaniste, embarque pour un voyage à la rencontre de celui qu’elle n’a jamais connu. Élevée en partie par Paule, sa grand-mère décédée depuis peu, sa mère est également décédée sans jamais lui avoir donné les clés du mystère de sa naissance.

A Kyoto elle est accueillie par Paul, le bras droit de Haru, et par Syoko son intendante.

Temples, restaurants, thé du matin devant l’érable qui pousse au milieu de la maison, silence, regards aimants et amis, interrogateurs et complices, vont ponctuer ce séjour pour le moins dépaysant. La nature qui l’entoure, les camélias, pivoines, lilas, ces fleurs chaque jour renouvelées dans des bouquets si évocateurs, les poèmes, les jardins à la beauté sobre et minérale, sont là pour lui passer un message d’amour, de sérénité, de bonheur à venir.

Le lecteur la voit évoluer, marcher doucement sur les tatamis, se laisser apprivoiser par le bruit du vent dans les feuilles de l’érable, goûter au thé Macha, se rebeller et se révolter aussi, rendue agressive par la colère qui l’habite, les questionnements, les doutes, les absences. Bière et saqué, fleurs et jardins, temples et paysages auront-il raison de sa rébellion ? Paul peut-il lui faire comprendre l’immensité de l’amour de ce père, esthète et poète, disparu sans l’avoir connue ?

Au départ Rose est bien peu attachante, sa rébellion, sa colère, son manque d’empathie en font un personnage à priori peu engageant. Pourtant elle va s’ouvrir peu à peu à la beauté et à l’amour donné par ce père que l’on comprend malgré l’absence. L’écriture sobre et concise, les descriptions des temples et de leurs jardins, la nature et les fleurs, les coutumes, le cérémonie du thé, procurent au lecteur un réel sentiment de sérénité.

Les chapitres sont ponctués de courts extraits de textes ou de haïkus en particulier ceux du poète japonais Issa Kobayashi (Kobayashi Issa 1763-1828 ou Issa « (tasse de) thé »).

Pour qui aime le Japon, on ne manquera pas de lire le beau roman d’Amanda Sthers Lettre d’amour sans le dire. Mais aussi les romans de Aki Shimasaki également publiés chez Actes Sud.

Catalogue éditeur : Actes Sud

Rose arrive au Japon pour la première fois. Son père, qu’elle n’a jamais connu, est mort en laissant une lettre à son intention, et l’idée lui semble assez improbable pour qu’elle entreprenne, à l’appel d’un notaire, un si lointain voyage.
Accueillie à Kyōto, elle est conduite dans la demeure de celui qui fut, lui dit-on, un marchand d’art contemporain. Et dans cette proximité soudaine avec un passé confisqué, la jeune femme ressent tout d’abord amertume et colère. Mais Kyōto l’apprivoise et, chaque jour, guidée par Paul, l’assistant de son père, elle est invitée à découvrir une étrange cartographie, un itinéraire imaginé par le défunt, semé de temples et de jardins, d’émotions et de rencontres qui vont l’amener aux confins d’elle-même.

Ce livre est celui de la métamorphose d’une femme placée au cœur du paysage des origines, dans un voyage qui l’emporte jusqu’à cet endroit unique où se produisent parfois les véritables histoires d’amour.

Muriel Barbery est née en 1969. Une rose seule est son cinquième roman, après Une gourmandise (2000), L’Élégance du hérisson (2006), La Vie des elfes (2015) et Un étrange pays (2019) parus aux éditions Gallimard.

août, 2020 / 11.50 x 21.70 cm / 158 pages / ISBN : 978-2-330-13922-3 / Prix indicatif : 17.50€