Mémoire de soie, Adrien Borne

Quand la famille est un monde et que son histoire se mêle à celle du pays

Lorsque Émile part pour le service militaire, en juin 1936, il a vingt ans et connaît si bien Auguste et Suzanne, ses parents, qu’il sait déjà comment ils vont réagir face à la séparation annoncée. Continuer leur vie, leurs habitudes, sans rien en changer. Pourtant, lorsque sa mère dépose au fond de son sac un mystérieux carnet, il n’imagine pas à quel pont sa vie va en être transformée.

Car ce n’est pas le nom de son père, Auguste, que le militaire va dire à haute voix lors de son incorporation, mais celui de Baptistin, un prénom inconnu qui lui ouvre un monde de questions et de silences. Dès lors, il n’aura de cesse de comprendre, pourquoi cet inconnu, pourquoi ces silences dans la famille, pourquoi l’absence de son véritable père.

Peu à peu, il remonte le fil de son histoire, et de l’histoire de son pays.

Suzanne abandonnée par ses parents. Sans doute n’ont-ils pas assez d’argent pour faire vivre la famille, alors une fille choisie au hasard dans la fratrie va être donnée à l’orphelinat des sœurs. Là, elle sera éduquée et apprendra comment tenir une maison pour trouver un mari, et surtout un métier. Elle connaît bien les cocons du vers à soie, et maîtrise parfaitement le processus pour faire naître le fil tant convoité.

Elle croise dans l’église du village un beau garçon. De rencontre silencieuse en œillade intimidée, les deux jeunes gens échangent quelques mots, puis décident de se fréquenter. Suzanne quitte l’orphelinat pour la magnanerie de Bapstistin. Car Bapstistin a repris l’œuvre du père, cette magnanerie avec ses papillons, ses vers à soie qui éclosent et prospèrent pour donner le fil de soie tant apprécié par les soieries lyonnaises. Pourtant l’installation ne se fait pas sans mal, la future bru ne plaît pas beaucoup à la mère.

Mais la guerre, mais la grippe espagnole, mais le deuil et l’enfant… Baptistin n’est pas rentré du front en 1918. Auguste qui lui n’est jamais parti pourra prendre la suite, la place du frère préféré, et pourquoi pas tenir le rôle du père absent.

Ce roman est magnifique, tout en finesse dans l’évocation des sentiments. Il est à la fois dur, profond, violent parfois, et très fort, surtout quand il parle de l’intime et du silence, de la solitude et de la séparation, de la jalousie et de l’absence. Basé sur une histoire vraie, celle de l’ancêtre de l’auteur, il est aussi le reflet d’une époque. Il évoque les années difficiles des deux grandes guerres, mais aussi une époque où dire ses sentiments, les montrer, aimer, espérer, souffrir, se faisait en silence et loin des autres.

L’écriture est ciselée, poétique, même pour dire le tragique et la douleur, les mots sont posés, les sentiments décryptés avec subtilité, sensibilité et beaucoup d’empathie. C’est une belle découverte de cette rentrée littéraire.

Catalogué éditeur : JC Lattès

Ce 9 juin 1936, Émile a vingt ans et il part pour son  service militaire. C’est la première fois qu’il quitte la  magnanerie où étaient élevés les vers à soie jusqu’à la fin  de la guerre. Pourtant, rien ne vient bousculer les habitudes  de ses parents. Il y a juste ce livret de famille, glissé au fond  de son sac avant qu’il ne prenne le car pour Montélimar.
À l’intérieur, deux prénoms. Celui de sa mère, Suzanne, et  un autre, Baptistin. Ce n’est pas son père, alors qui est-ce ?  Pour comprendre, il faut dévider le cocon et tirer le fil,  jusqu’au premier acte de cette malédiction familiale.
Ce premier roman virtuose, âpre et poignant, nous  plonge au cœur d’un monde rongé par le silence. Il explore  les vies empêchées et les espoirs fracassés, les tragédies  intimes et la guerre qui tord le cou au merveilleux. Il raconte  la mécanique de l’oubli, mais aussi l’amour, malgré tout, et la vie qui s’accommode et s’obstine.

Nombre de pages : 250 / EAN 9782709666190 / Prix du format papier : 19,00 € / EAN numérique : 9782709665889 / Prix du format numérique : 13,99 € / Date de parution : 19/08/2020

Angélus, François-Henri Soulié

En Occitanie, un fascinant thriller historique au pays du fanatisme religieux

Entre Carcassonne et Narbonne, trois personnages, sur trois sites différents, partent à la recherche d’un mystérieux assassin. En l’an de grâce 1165, les chrétiens se déchirent. Les abbayes rivales se livrent une guerre impitoyable, pendant que la noblesse prend de plus en plus d’importance. Les religieux veulent conforter leur mainmise sur la société coûte que coûte. Dans ce contexte instable, un, puis deux, puis trois anges meurent et leurs cadavres sont mis en scène et exposés de façon particulièrement macabre et barbare.

À l’abbaye de Saint-Hilaire, le tailleur de pierre Jordi de Cabestan travaille avec ses artisans à l’érection d’un sarcophage. Il doit accueillir les reliques de saint-Hilaire qui devraient permettre de redorer le blason de l’abbaye. Mais ce sont bien ses ouvriers qui sont tour à tour victimes de meurtres aussi insoutenables qu’incompréhensibles. Jordi doit trouver le coupable. Mais pourquoi ces morts barbares, et dans quel but, porter atteinte à son atelier, à l’abbaye, aux confréries d‘artisans ?

À Carcassonne, le jeune noble Raimon de Termes prend la route de l’abbaye de La Grassa. Il fait allégeance à l’archevêque Pons d’Arsac et affirme son souhait de protéger l’église. Mais ce dernier va le mander pour retrouver le coupable de ces ignominies.

À Narbonne, Dame Aloïs de Malpas s’est convertie à la vraie foi, celle des Cathares, ces hérétiques qui renient l’opulence des abbés et des archevêques. Les Bons chrétiens tentent de prouver qu’ils sont sur le chemin de la vraie foi. Ils ne demandent ni ne possèdent rien, ils croient à la pauvreté et au partage. Mais ils sont injustement accusés des meurtres. Aloïs doit partir sur les routes pour tenter de les disculper.

Chacun représente une strate du pouvoir en place, tous ont un but identique, trouver le ou les coupables. Ils vont mener leur enquête séparément, mais vont forcément finir par se retrouver. Car au final, la question est bien de comprendre qui peut s’enrichir ou trouver avantage de tels crimes, de ces morts qui effrayent et bouleversent.

Le lecteur chemine à travers l’Occitanie, dans ce Moyen Age berceau d’un fanatisme religieux, avec ses luttes intestines et ses rivalités dans les différents ordres, mais aussi de violence et de luttes de pouvoir  parmi la noblesse et les fraternités d’artisans. Ajoutez à ces guerres de pouvoir dans les régions les guerres internes pour accéder aux fonctions suprêmes et prendre la tête de l’abbaye, le contexte est idéal pour nous embarquer dans cet imbroglio mortel. Un roman fort bien documenté, rythmé, porté par des personnages aussi inquiétants qu’attachants, et un suspense passionnant dans un cadre historique et régional tout à fait réaliste.

Catalogue éditeur : 10/18

An de grâce 1165. En terre d’Occitanie. Deux abbayes, deux jours, deux crimes.

1165. Les corps suppliciés des victimes, qui appartiennent à l’atelier du tailleur de pierre Jordi de Cabestan, ont été déguisés en anges dérisoires. La panique se répand. Certains voient dans ces crimes la main du diable. D’autres soupçonnent les adeptes de cette nouvelle secte que l’on nommera bientôt les « Cathares ». Au grand scandale de l’Église de Rome, ceux-ci prétendent être les Vrais Chrétiens.
L’archevêque de Narbonne missionne un jeune noble, Raimon de Termes, afin de découvrir l’assassin. Les « hérétiques » désignent une des leurs, Aloïs de Malpas, pour les disculper. De son côté, Jordi de Cabestan veut venger ses compagnons. Trois enquêtes labyrinthiques vont les mener vers une vérité qu’aucun d’entre eux n’imaginait.

François-Henri Soulié est un homme de théâtre aux multiples casquettes : écrivain, comédien, marionnettiste, scénographe, metteur en scène et scénariste. Il a reçu le Prix du premier roman du festival de Beaune en 2016 pour Il n’y a pas de passé simple, paru aux Éditions du Masque. Ce livre a inauguré la série des « Aventures de Skander Corsaro ».
François-Henri Soulié est l’auteur chez 10/18 d’une trilogie écrite à quatre mains avec Thierry Bourcy, qui nous fait voyager à travers l’Europe du début du XVIIe siècle : Le Songe de l’astronome, La Conspiration du Globe et Ils ont tué Ravaillac.

Date de parution : 05/03/2020 / EAN : 9782264074485 / Nombre de pages : 522 / Prix : 15.90 €

Santa Muerte, Gabino Iglesias

Pourquoi il faut lire Santa Muerte, cet étonnant road trip sanglant en pays mafieux. Le thriller noir revisité par Gabino Iglesias

Quand Fernando débarque à Austin, Texas, on se doute que les choses ne sont pas tout à fait claires et qu’il a connu des jours meilleurs sous le soleil. En effet, ce clandestin arrive tout droit du Mexique, là-bas il risque sa peau. Il faut dire que lorsque sa petite sœur lui a dit qu’elle était harcelée par deux hommes, il n’a écouté que son cœur et sa force… mais dans certains milieux, on ne s’attaque pas à n’importe qui.

Alors il se planque aux USA. Fernando est dealer, il travaille pour Guillermo, le chef du gang qui règne sur une partie de la ville. Mais quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Il se fait enlever par le gang adverse. Les hommes de la Salvatrucha sont féroces et n’hésitent pas à montrer à quel point en torturant devant ses yeux un comparse de Fernando. Et Indio, le plus féroce d’entre eux, est un véritable cauchemar ambulant. Fernando a  la mission de prévenir Guillermo, celui-ci doit céder une partie de son territoire.

La leçon est particulièrement sanglante, on ne compte plus les morts et Fernando va devoir jouer fin pour s’en sortir. Quitte à demander l’aide de la Santa Muerte, en s’appuyant sur les croyances et le mysticisme le plus incongru, ou même à plus méchant ou tordu que lui.

Un étonnant road trip sanglant en pays mafieux, où le plus malin n’est pas le plus méchant, où l’on plaint vite ce pauvre clandestin plus faible que violent à priori. C’est sanglant donc, mais aussi décalé, le personnage de Fernando est à la fois atypique et perdu entre les deux cultures de ces deux pays, cultures auxquelles il doit adhérer pour être accepté et survivre. La fatalité, la violence, les morts, les prières, les peurs et les croyances ancestrales se succèdent dans ce thriller noir revisité à la sauce Santa Muerte. Tout en maintenant une progression dans l’intrigue et dans la violence, Gabino Iglesias propose une analyse fine du contexte social et culturel, de cette double appartenance, de la difficulté d’être clandestin dans un pays qui vous rejette, et une évocation intéressante des croyances et de l’étrange qui régissent certains cultures. Un excellent moment de lecture, à ne pas mettre entre toutes les mains, lecteurs sensibles s’abstenir !

Catalogue éditeur : Sonatine

Pierre SZCZECINER (Traducteur)

Santa Muerte, protegeme…
Austin, Texas. Tu t’appelles Fernando, et tu es mexicain. Immigré clandestin. Profession ? Dealer. Un beau jour… Non, oublie « beau ». Un jour, donc, tu es enlevé par les membres d’un gang méchamment tatoués qui ont aussi capturé ton pote Nestor. Pas ton meilleur souvenir, ça : tu dois les regarder le torturer et lui trancher la tête. Le message est clair : ici, c’est chez eux.
Fernando croit en Dieu, et en plein d’autres trucs. Fernando jure en espagnol, et hésite à affronter seul ses ennemis. Mais avec l’aide d’une prêtresse de la Santería, d’un Portoricain cinglé et d’un tueur à gages russe, là oui, il est prêt à déchaîner l’enfer !

Originaire de Porto Rico, Gabino Iglesias vit à Austin. Il est culturiste et dort quatre heures par nuit. Santa Muerte est son premier roman publié en France.

Date de parution : 20/02/2020 / 20.00 € /  EAN : 9782355847769 / Pages : 192