Mon inventaire 2020

Janvier 2021, Domi C Lire 6 ans déjà

Domi C Lire est un rendez-vous quotidien indispensable pour partager ma passion et vous donner je l’espère quelques envies de lecture.

2020 était une drôle d’année avec des mois de confinement, des jours que l’on n’a pas vu passer, et souvent l’impression de perdre son temps, de ne pas avancer…

Heureusement l’envie de lire et de partager mes coups de cœur était toujours là. Que ce soit à propos de nouvelles lectures, de rencontres (trop rares cette année) avec des auteurs, d’expositions, de musées, théâtres et les villes ou les lieux que j’ai découvert et partagé ici.

Il y a beaucoup moins d’expositions, musées, théâtre, mais on se rattrapera en 2021 j’espère. Alors avec un peu plus de 190 livres tous genres confondus lus en 2020, combien en reste-t-il ? En tout cas, impossible de n’en garder que 10 comme je pensais le faire au départ…

Voici Mon inventaire 2020

Ces premiers romans bouleversants

Ces romans qui m’ont fait vibrer

Ces thrillers qui m’ont sortie du quotidien

Une envie de voyage

Une incursion réussie en littérature étrangère

Une BD, parce que Boris Vian !

A la rencontre de Caroline Lunoir

Caroline Lunoir vit et travaille à Paris. Son dernier roman Première dame aborde sous l’angle d’un journal intime, la vie d’une « femme de », candidat aux présidentielles ou président, qu’importe. Elle décrypte la vie de ces femmes qui accompagnent souvent dans l’ombre, et qui ne sont pas toujours mises en lumière pour les bonnes raisons, ces hommes politiques qui sont au premier plan de la vie publique.

Avocate pénaliste, Caroline Lunoir est également l’auteur de deux autres romans, parus chez Actes Sud : La Faute de goût (2011 ; n°1194) et Au temps pour nous (2015, prix littéraire des Sables-d’Olonne – prix Simenon).

J’ai eu envie de lui poser quelques questions à propos de « Première dame » et du travail d’écriture. Un grand merci à Caroline d’avoir accepté de répondre à mes interrogations. A vous de découvrir ses réponses à mes interrogations.

À propos de « Première dame »

  • Comment vous est venue l’idée d’écrire « Première dame » ? Est-ce l’actualité (car j’imagine que l’écriture a coïncidé plus ou moins avec les dernières campagnes des présidentielles ?)  Ou était-ce une envie que vous portiez et qui s’est concrétisée récemment ?

Je ne m’étais jamais particulièrement intéressée aux « Premières dames » avant de débuter ce roman. Le sujet m’a saisie brutalement, alors que je travaillais à un autre texte, pendant la dernière campagne présidentielle. J’ai été frappée par la tension narrative créée par les révélations distillées par la presse qui nous a tenu en haleine, des primaires au soir du second tour, en bouleversant les cartes des partis, en déstabilisant les candidats, en confrontant leurs idées à la vérité crue de leur quotidien.

Ainsi, un matin, au réveil, ma radio diffusait un extrait de la confrontation qui a opposé lors d’une émission de télévision François Fillon à Christine Angot. François Fillon dénonçait la violence des journalistes et l’angoisse de sa femme qu’il ne se suicide. Il évoquait son suicide et non celui de son épouse, pourtant particulièrement visée dans les affaires révélées. Beaucoup d’images enregistrées inconsciemment me sont alors revenues : Cécilia Sarkozy photographiée le visage défait lors de son vote au premier tour des élections qui ont porté son mari à la présidence ; Hillary Clinton écoutant son époux nier, en conférence de presse, toute relation avec Monica Lewinsky ; Valérie Trierweiler forcée de vivre publiquement la révélation de la trahison de son compagnon.

  • Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ?

J’ai écrit ce texte très rapidement, comparé à mes autres romans, comme une évidence et comme une urgence, de mars 2017 à novembre 2017, pour le terminer juste avant la naissance de mon aîné.

  • Avez-vous un rituel lorsque vous écrivez, remplir des carnets, écrire à certaines heures ?

J’ai presque toujours sur moi un carnet où je consigne mes idées pour un texte en cours, des bouts de phrases, des considérations sur les personnages, le fil du récit. J’y jette aussi des impressions, des pensées, le portrait de personnes que je croise, un détail de paysage. Mes carnets sont décousus, usés, raturés mais ils sont un instant de ma vie.

J’écris le week-end, une à trois heures, dès que je peux. Mon temps d’écriture est en général si court, comme volé à mon quotidien, qu’en général, je le prépare en pensée dans mes moments d’attente, ou dans le métro.

  • J’ai aimé le fait que vous preniez un point de vue peu utilisé, celui de l’épouse de, et de la laisser s’exprimer. Etait-ce facile ? Comment avez-vous travaillé ce personnage ? En allant recueillir des témoignages, ou par des journaux, des reportages ?

Adopter le point de vue de l’épouse m’a permis d’aborder la politique sous l’angle le plus intime de l’engagement. J’ai voulu analyser comment une famille se mettait au pas ou au service d’une ambition et vivait cette exposition publique « collatérale ». J’ai beaucoup cherché d’images d’archives, celles qui relèvent de l’iconographie des hommes de pouvoir quand ils mettent en scène leur vie privée : de Gaulle marchant sur la plage suivi de son chien, puis d’Yvonne, bien plus en retrait ; les Giscard d’Estaing en famille modèle, Nicolas et Cécilia Sarkozy sur une pirogue en Guyane…

  • En lisant première dame, mes premières impressions étaient parfois de noter qu’il y avait encore un fait divers dont nous avions entendu parler, pourquoi en utiliser autant dans ce roman ? Est-ce voulu ?

Il est vrai que j’ai été fascinée par le matériau littéraire offert par notre histoire politique de la cinquième république, si riche et à portée de mains !

Mais si les obstacles rencontrés par ma première dame évoquent des faits divers que nous connaissons, c’est aussi parce que je souhaitais fermement ancrer mon récit dans le réel et montrer que le destin que je décris n’est pas qu’un drame de pure fiction mais la rançon d’une exposition publique auxquels les candidats et leurs proches n’échappent pas.

  • Car j’avoue que peu à peu l’impression dominante a été plutôt, oui, finalement, c’est tellement énorme de les voir là mis bout à bout qu’ils nous montrent que cette réalité est bien plus énorme que toute fiction. Est-ce une des raisons qui vous a poussé à les écrire ainsi ?

Oui, c’est exactement ça et je vous remercie de votre question.

À mon sens, le cumul des scandales financiers et intimes que doit affronter la première dame ne relève pas d’un exercice de caricature.

En effet, si l’on prend en exemple les premières dames de la cinquième république, presque toutes ont à la fois dû faire face à des rumeurs ou des révélations d’un adultère d’époux souvent réputés « coureurs », voire d’une double vie, et à la fois affronter de graves scandales financiers, de l’affaire Markovic, à celle des diamants, de l’affaire Urba à celle des emplois fictifs de la mairie de Paris, de l’affaire Bygmalion à l’affaire Benalla…

Le plus exceptionnel dans mon récit pourrait être l’enchaînement particulièrement serré des révélations qui accablent Marie pendant le temps d’une seule campagne. Mais là encore, ce caractère exceptionnel est démenti par la brutalité et la soudaineté de la chute de Dominique Strauss Khan ou de François Fillon lors des dernières campagnes présidentielles.

  • Première dame, c’est aussi me semble-t-il un moyen de nous montrer la mascarade que peuvent être parfois les campagnes électorales, où le bien commun passe souvent après l’intérêt de chacun. Cela vous paraissait-il important de le souligner ?

Se mettre dans la peau d’un candidat et d’une équipe de campagne pour imaginer la stratégie de communication qu’ils élaboreraient en réponse aux obstacles que je leur opposais ou aux faux pas que je leur faisais commettre, s’est avéré un exercice passionnant et très instructif.

La forme du journal permet en outre un hiatus particulièrement intéressant. Il m’a obligée à chercher à confronter le lecteur tant à l’image que Marie veut donner d’elle-même (ou se donner à elle-même) en écrivant, qu’à ce qu’elle révèle d’elle-même sans le maîtriser.

  • La situation de cette femme est bien souvent peu enviable, on a l’impression qu’elle se sacrifie en permanence pour un mari qui ne pense qu’à lui. Qu’aviez-vous envie de montrer en écrivant « Première dame » ?

Au-delà d’une Première Dame, la femme qui s’exprime dans son journal et qui, peu à peu, apprend à se regarder dans le miroir que la presse lui tend, est d’abord une femme mûre, dont les enfants ont grandi, qui se retourne sur des années de mariage et s’interroge sur ses choix, ce qu’il reste de celle qu’elle voulait être et qu’elle pourrait être.

  • Pensez-vous que cela pourrait s’appliquer dans d’autres situations, dans la vie de couple en général ?

Oui, Marie est pour moi plus universelle qu’une femme de politique. Cette femme, verrouillée tant par ses choix et ses peurs que les conventions, même si elle a un destin singulier parce que public, peut ressembler à beaucoup d’autres dans ses désillusions et ses contradictions. Première Dame est ainsi aussi le récit d’un moment charnière où une femme, peu importe sa condition bourgeoise et son éducation traditionnelle, est acculée à réfléchir au bilan de sa vie amoureuse, professionnelle, et de mère pour choisir quelle voie prendre.

  • Pensez-vous que les femmes ont la place qui leur revient dans nos  sociétés ? J’ai eu l’impression en vous lisant que le chemin est encore long pour accéder à l’égalité de reconnaissance !

Il est significatif qu’il n’existe aucune expression masculine équivalente à « Première Dame » et que nous n’ayons aucun véritable exemple de « conjoint homme » d’une femme politique de premier rang. Ainsi, nous ne connaissons pas ou peu le compagnon de Ségolène Royal, Martine Aubry, Michèle Alliot Marie, Christine Lagarde ou Nathalie Kosciusko-Morizet.

La dévolution exclusivement masculine du pouvoir sous l’Ancien Régime n’a d’ailleurs certainement pas contribué à imposer en France l’image de femmes fortes à la différence des anglo-saxons qui ont connu des reines, ou des femmes chefs de l’exécutif.

Mais en dehors de ces constats pragmatiques, je pense que le défi tient aussi à faire sauter les verrous que les femmes s’imposent parfois à elles-mêmes.

Le portrait de Marie, qui n’incarne en rien une héroïne féministe et conquérante que nous pourrions donner en exemple à nos enfants, relève de cette intention : décrire ce qui peut museler une femme, et provoquer la réaction du lecteur pour qu’il éprouve de l’empathie, de la révolte voire de l’agacement mais pense « je ne veux pas être la place de Marie » ou « je ne serai jamais sa place ».

Et vous ?

  • Qui êtes-vous Caroline Lunoir ? D’abord un auteur ou une juriste ?

Je crois que si je savais sereinement qui j’étais je n’aurais pas tant besoin d’écrire !

Caroline Lunoir est ma part de rêve, de fiction et de littérature. Dans la vie, sous mon vrai nom, je suis résolument une juriste.

  • Vous avez déjà écrit trois romans, mais vous exercez également le métier d’avocate, est-ce facile de tout concilier ?

Je ne vois pas de contradiction entre mon métier et l’écriture. Au contraire, j’ai l’impression que les deux demandent d’essayer de comprendre, de réfléchir à un destin ou au sens d’un actes et de porter une voix.

La conciliation n’est pas difficile : écrire est un bonheur, une échappatoire, une chance d’agripper le temps qui passe.

  • Avez-vous déjà imaginé, ou commencé, votre prochain roman ? Et si oui, nous en direz-vous quelques mots ?

À la fin d’un texte et après la parution d’un roman, j’observe souvent une pause dans l’écriture. Puis l’envie me reprend d’un coup, comme une pensée obsédante.

Je pense tenir le sujet de mon prochain roman. J’ai acheté un nouveau carnet et commencé à le noircir. C’est un signe !

Quel lecteur êtes-vous ?

  • Enfin, si vous deviez nous conseiller la lecture d’un roman, ce serait lequel, ou lesquels ?

Dans cette rentrée de janvier, j’ai été happée par les feuillets d’usine de Joseph Ponthus dans « À la ligne », aux éditions de La Table Ronde.

Le roman que j’offre le plus souvent, ces dernières années, est la trilogie du « Tour du Malheur » de Joseph Kessel. J’aime ses récits amples, son sens du rythme, son affection pour ses personnages, son style exemplaire.

Merci !

Un grand merci à vous, Caroline, pour vos réponses et votre disponibilité !

Vous pouvez également retrouver ma chronique de A la ligne ici.

Rencontre avec Philippe Claudel

Pendant le salon Livres Paris, le bonheur de rencontrer Philippe Claudel avec un groupe de blogueurs pour l’écouter parler de son dernier roman L’archipel du Chien. 

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C’est un choc ce roman, ce texte qui est au fond une histoire pas si morale que ça ! On y retrouve la belle écriture de Philippe Claudel et son souci d’aborder des sujets contemporains qui interrogent. Si le roman lui-même est assez classique dans sa forme, romanesque à souhait, c’est aussi un livre à suspense à la limite du thriller puisqu’il y a un cadavre et qu’il faudra bien comprendre le pourquoi, comment, qui et quand peut-être aussi ?

Domi_C_Lire_rencontre_philippe_claudel_3Avec L’archipel du Chien l’auteur a voulu une fois encore se confronter au mal. Pour cela, il établit sur une ile tranquille une communauté idéale, calquée sur celle de Voltaire et de son Candide, où chacun ne souhaite qu’une chose, se retrouver au calme dans son jardin, en ayant réussi à réaliser ses objectifs, quels qu’ils soient… Dans ce cas, l’ambition importe peu, ce qui compte c’est la sérénité.

Comme le dit l’auteur, ici, nous découvrons cette communauté, installée dans son ile, mais qui va être confrontée à un monde extérieur déstructuré qui viendra perturber son équilibre. Car en fait, le monde idéalisé de candide et de Voltaire n’existe plus, même si on essaie de dresser des murs – au propre comme au figuré – il est impossible de se confiner dans sa bulle de confort en restant aveugle au monde qui nous entoure.

L’archipel du Chien est donc une interrogation sur le phénomène migratoire qui vient frapper aux portes de l’Europe, via la méditerranée ou l’atlantique, mais pas seulement.

Tout au long de ses romans Philippe Claudel a parlé des déplacés, des migrants, se posant des questions sur ces actions parallèles et particulièrement intriquées portées aussi bien par les passeurs, les migrants, mais aussi les bénévoles. Car bien évidement, en plus de divertir, un roman doit permettre d’aborder des questions d’actualité.

Ici, les personnages ont une singularité qui les rend intemporels. Ce sont seulement des archétypes de pouvoir, le pouvoir politique avec le maire, le pouvoir religieux ou de conscience avec le prêtre, le pouvoir de police avec le commissaire, le pouvoir social avec le médecin, et enfin le savoir avec l’instituteur. Chacun a un avis, et bizarrement, on peut aussi se dire que chacun a raison, si l’on prend en compte sa propre logique et son point de vue, au travers de ses propres objectifs.

Il me semble d’ailleurs que c’est aussi ce qui est fascinant dans ce livre, la raison, la logique, de chacun, parfois infaillible mais pourtant tellement contestable !

L’auteur est passionné depuis toujours par les mythes fondateurs, l’Iliade par exemple, mais aussi Hélène de Troie et tant d’autres, qui ont bercé ses lectures d’enfance et d’adolescence. Ici, le mythe du Chien prend toute son importance, via cet archipel que l’on peut comparer aux iles Canaries, mais aussi en rappel de l’annonce en latin, au seuil des villas romaines, et qui avertit le visiteur : attention au chien !

Ce roman est tragique par le sujet – les sujets je devrais dire – qu’il aborde, mais parfois aussi tellement drôle, on dirait que ses personnages sont sortis d’une comédie italienne. Comme le prêtre qui se désespère pour les abeilles qui l’accompagnent sans cesse et dont il sait que l’extermination annoncée précédera  la fin de l’humanité. Ensuite, les détails, la mise en scène, ne sont jamais anodins, ici par exemple, une ile, un volcan, car la géographie des lieux entraine parfois celle des hommes, leur comportement.

A la question, quand vous commencez à écrire, connaissez-vous déjà la fin ? La réponse est oui. Et non seulement la fin mais surtout et avant tout le titre. Car l’auteur écrit son histoire autour d’un titre qu’il a soigneusement choisi. Puis comme un noyau nucléaire qui explose, tout s’articule ensuite autour de ce titre, et tout conduit à la dernière phrase, celle dont on sait au moment où on l’écrit, qu’elle sera la dernière ! Comme une évidence absolue.

Cette rencontre était un vrai moment d’échange et de partage avec un auteur qui sait prendre le temps de répondre, d’échanger, qui donne de son temps, un grand bonheur ! Et un bel échange aussi  avec des lecteurs passionnés, c’était une belle rencontre dans un lieu au demeurant très agréable ! Merci aux éditions Stock.

 

 

Rien que des mots. Adeline Fleury

Les mots, un bonheur ou une malédiction ? Un rêve ou un cauchemar ? Dans « Rien que des mots », livre d’anticipation ou une fable à la manière de,  Adeline Fleury s’interroge.

domiclire_rien_que_des_motsDans un monde où le numérique règne en maitre, un grand feu de joie a permis de détruire tous les livres, maintenant que chacun peut lire ce qu’il veut sur sa liseuse. Mais dans la famille d’Adèle, on ne l’entend pas de cette oreille. Car lorsqu’on aime les livres, les mots, la littérature en général, on a un peu de mal à comprendre que ceux-ci puissent être définitivement banni d’une vie.

C’est pourtant ce qui arrive à Nino, le fils d’Adèle. Car Adèle aime les mots, mais porte de sérieux stigmates. Comment est-ce possible ? Eh bien, imaginez un père qui passe son temps à créer des livres, à taper sur les touches de sa machine pour en sortir des pages et des pages de mots, de phrases, de livres, au détriment du bonheur partagé et donné avec sa fille unique et de sa vie de famille. Imaginez un mari qui vit dans ce monde dans lequel le livre papier a été éradiqué, et cependant rêve de recréer l’ensemble des livres qu’il a lu et que sa mémoire prodigieuse lui permet de restituer dans leur intégralité devant sa machine à écrire, pour les proposer de nouveau au reste de l’humanité.

Imaginez alors la vie d’Adèle, seule, dans cet univers-là. Bien sûr, elle aussi a choisi les mots, puisque elle est journaliste. Jusqu’au jour où elle décide de tout arrêter, et de protéger son fils, de le sortir de cet univers, pour le faire vivre loin des livres, des mots, de l’écriture dans un cocon douillet et familier, tout doux, suave comme une bulle protectrice. Mais cette bulle, est-elle protectrice ou despotique, douce ou violente ? Et c’est sans compter sur la perspicacité de Nino, et sur l’impossibilité de tout humain de vivre sans, sans les mots, sans les phrases, sans les pages des livres, sans cette forme de vie qu’ils nous dispensent et ce savoir qu’ils nous offrent.

La séparation est brutale, car le jour où il comprend, Nino va s’éloigner de sa mère, son mari va exploser dans un éclatement de lettres et de mots, de pages dactylographiées qui le propulsent jusqu’au ciel. Son père s’enterre dans sa cave, lui dont les mains et les doigts se paralysent, ployant sous l’effort de tant d’années à taper avec l’énergie de l’urgence sur les touches de sa machine, pour lutter contre le temps et sauver les mots qui peuvent l’être.

Roman initiatique ? Roman surréaliste ? Roman d’anticipation ou au contraire historique ? Toute interprétation de « Rien que des mots » est possible, tout est permis, car à plusieurs époques, inquisition, seconde guerre mondiale, et pas si loin de nous avec Daesh, les hommes ont voulu bannir les mots, la connaissance, pour faire vire les hommes dans l’obscurantisme…Si j’ai bien aimé l’idée sous-jacente de ce roman, j’ai parfois eu un peu de mal avec le côté anticipation que je n’ai pas senti forcément assumé jusqu’au bout, mais qu’elle idée intrigante, et si demain il n’y avait plus aucun mot, aucun papier ! Alors là, non !! Je dis non ! Rendez-nous nos livres, leurs couvertures séduisantes ou tristes, l’odeur incomparable du papier, et la vue de ces belles piles qui s’entassent dans nos bibliothèques et jusqu’au fond de nos greniers, de nos fauteuils, au pied de nos lits…

#les68premiersromans édition 2016


Catalogue éditeur : Bourin édtions

Dans un avenir qui ressemble à notre futur proche, Adèle a décidé de tenir son fils Nino éloigné de la lecture. Privée dans son enfance de la tendresse d’un père écrivain accaparé par son œuvre, elle fera tout pour éviter un tel sort à son fils. Pour qu’il reste dans la vraie vie, pour l’empêcher d’être tenté par la grande aventure de l’écriture, elle proscrira autour de lui la présence des livres. Elle les brûlera, elle va jusqu’à nier leur existence.
Mais l’enfance est têtue et tous les silences ne peuvent rien contre sa curiosité. Lire la suite

Format : 13 x 20 cm / 184 pages / ISBN : 979-10-2520-160-2 / Prix de vente public : 20.00€

La succession. Jean-Paul Dubois

Comment vit-on le départ de ses proches, de ses parents, lorsque l’on ne rêve que de pratiquer son sport de prédilection sous le soleil de Miami. Dans « La succession », son dernier roman, Jean-Paul Dubois explore avec beaucoup de légèreté et d’ironie en apparence, les relations familiales, la transmission et l’héritage moral.

DomiCLire_la_succession.jpgPaul Katrakilis a laissé à Toulouse son père médecin, seul rescapé d’une famille où de grand-père en belle fille, d’épouse en beau-frère, comme une tare indélébile et génétiquement transmissible, le suicide est la seule porte de sortie. Paul a été initié jeune à la cesta punta au pays basque. Tout juste achevées ses études de médecine, il part pratiquer la chistera sous le soleil de la Floride. Là, il s’entoure de très peu d’amis, d’une femme qu’il aime sans espoir, et d’un chien qu’il sauve des eaux. Jusqu’au jour où le décès brutal de son père le contraint à revenir à Toulouse.
C’est alors le difficile retour dans la maison lourde des départs mais également de la présence toujours prégnante des défunts. Il est délicat de se réadapter, de changer de métier, d’affronter les souvenirs, de vider la maison, et sans doute de comprendre enfin qui était ce quasi inconnu, son propre père. La découverte sera pour Paul bouleversement, sidération, interrogation, puis compréhension et acceptation. C’est aussi un long cheminement vers la famille, l’héritage, la fatalité, la recherche d‘un bonheur parfois si difficile à trouver.

De cet auteur, J’avais adoré Une vie française dans lequel l’ironie piquante cède le pas à une grande sensibilité et à une vision particulièrement corrosive de toute une époque. On retrouve ici cette plume à la fois critique, mordante, et sensible.  Comme toujours dans les romans de Jean-Paul Dubois, la légèreté n’est qu’apparente. Les sentiments émergent et ont finalement la part belle. Les questionnements sont bien plus profonds qu’il n’y parait de prime abord, le destin, le choix que l’on a ou pas, la vie que l’on choisit, autant de questions auxquelles il est bien compliqué de savoir répondre. Tragique, comique, sensible, ironique, un brin désespéré et certainement désabusé, voilà du grand Jean-Paul Dubois.

Envie de suivre Paul de Toulouse à Miami…


Catalogue éditeur : Editions de l’Olivier

Paul Katrakilis vit à Miami depuis quelques années. Jamais il n’a connu un tel bonheur. Pourtant, il se sent toujours inadapté au monde. Même la cesta punta, ce sport dont la beauté le transporte et qu’il pratique en professionnel, ne parvient plus à chasserle poids qui pèse sur ses épaules.
Quand le consulat de France l’appelle pour lui annoncer la mort de son père, il se décide enfin à affronter le souvenir d’une famille qu’il a tenté en vain de laisser derrière lui.
Car les Katrakilis n’ont rien de banal: le grand-père, Spyridon, médecin de Staline, a fui autrefois l’URSS avec dans ses bagages une lamelle du cerveau du dictateur; le père, Adrian, médecin lui aussi, est un homme étrange, apparemment insensible; la mère, Anna, et son propre frère ont vécu comme mari et femme dans la grande maison commune. C’est toute une dynastie qui semble, d’une manière ou d’une autre, vouée passionnément à sa propre extinction.
Paul doit maintenant rentrer en France pour vider la demeure. Lorsqu’il tombe sur deux carnets noirs tenus secrètement par son père, il comprend enfin quel sens donner à son héritage.

Parution 18 août 2016 / Livre 140 × 205 mm 240 pages / EAN : 9782823610253 / 19,00 €

Tabous. Danielle Thiéry

Le Tabou absolu, celui qui touche aux enfants, est l’objet du dernier roman de Danielle Thiéry, comme pour nous rappeler que cette violence n’est pas une utopie, mais qu’elle est là, tout près, à notre porte…

domiclire_tabous_danielle_thieryPour ceux qui la suivent comme moi depuis quelques années, Danielle Thiéry nous entraine en général dans les pas d’Edwige Marion, sa flic fétiche. Mais Marion a été gravement blessée dans une de ses précédentes aventures, pour ceux qui s’en souviennent, elle a quand même pris une balle dans la tête ! Aussi dans ce nouvel opus, la brillante et emblématique commissaire commence-t-elle doucement à s’effacer au profit d’autres personnages jusque-là secondaires, et qui prennent ici toute leur envergure, en particulier la capitaine Valentine Cara, ses compétences et son mauvais caractère ; ou cette petite nouvelle, la psycho-criminologue Alix de Clavery.

Dans la région de Bordeaux (région chère à l’auteur) une mère, Celia Meddi, et son bébé, Roxane, viennent de disparaitre de la maternité de l’hôpital d’Arcachon. Le père du bébé, fils d’un riche homme d’affaires iranien, est introuvable, sa vie et ses agissements intriguent les enquêteurs. La famille de Celia s’inquiète, la PJ de Bordeaux appelle rapidement en renfort l’OCRVP, cette brigade compétente dans la résolution des affaires portant sur les violences faites aux personnes, aux enfants et aux femmes en particulier.
Dans la forêt landaise, un marginal, Truc, s’enfuit de l’hôpital sur un scooter volé, et percute une vieille femme… pas d’autres issue que d’aller se réfugier chez cette dernière, habitant un petit village tranquille et paisible.
Je ne vous en dis pas plus, ce serait trop en dévoiler… Mais voilà un pitch à faire saliver tous les amateurs de polar, et ils auront raison ! Deux affaires menées en parallèle, des destins à comprendre, des intrigues à démêler, la vie des policiers et enquêteurs en somme ! Jusqu’à un certain paroxysme, car en cette semaine de Noël, la tempête sévit dans les Landes, et quand elle déclenche les réactions en chaine, elle impose son rythme aux humains.

Danielle Thiéry, forte de son expérience et de sa plume vive à la gouaille alerte et réaliste, nous régale et nous emporte dans une intrigue à tiroir. Là où le vrai est souvent insoutenable, où les tabous seront levés avec difficulté, car ceux qui enquêtent devront se mettre à la place des coupables, et parce que visualiser l’indicible est parfois bien difficile.

Il y a comme toujours une trame intelligente qui fait appel à des évènements ou des faits de sociétés très actuels, violence faites aux enfants, difficulté d’assumer sa sexualité, poids des traditions et de l’obéissance familiale, par exemple. Mais il y a également cette équipe de flics qui parle comme on l’imagine, à la fois avec le langage policé qu’il se doivent d’avoir lorsqu’ils mènent une enquête et rencontrent les suspects, la hiérarchie ou la Presse, et celui plus familier que l’on peut tous avoir dans le feu de l’action. Il y a enfin une connaissance fine du métier qui n’est cependant jamais envahissante au point de perdre le lecteur, et de cela on peut remercier l’auteur qui pense à tous ses lecteurs amateurs de polars et non spécialistes des arcanes de notre police.

La structure en chapitres courts, le rythme soutenu, donnent envie de finir ce livre à peine les premières pages ouvertes, et nous tient en haleine tout au long de cette semaine pendant laquelle se déroule l’action. Enfin, si la vie de Valentine Cara n’est pas tout à fait une énigme pour les habitués des polars de Danielle Thiéry, et si malgré tout celui-ci, comme tous les autres romans de l’auteur (ou presque) se lit indépendamment des autres, nous découvrons Alix de Clavery pour laquelle un certain mystère semble planer… Alors, sera-t-elle le sujet d’un nouvel opus ?

Note : OCRVP est L’office central pour la répression des violences aux personnes. information à consulter sur le site du ministère de l’Intérieur.

Retrouvez mon avis sur Dérapages.


Catalogue éditeur : Flammarion / Ombres Noires

À quelques jours de Noël, Celia Laporte et son bébé de quatre mois disparaissent brutalement d’une maternité. Le père de l’enfant, issu d’une puissante famille iranienne, est introuvable. L’affaire est complexe. La PJ de Bordeaux décide d’appeler en renfort l’OCRVP de Paris. Edwige Marion, la directrice du service, se rend immédiatement sur place avec son équipe et la jeune psycho-criminologue Alix de Clavery. C’est l’occasion pour la nouvelle recrue, spécialiste des crimes sur enfants, de s’imposer face aux a priori, et de faire ses preuves sur le terrain.

Alors que l’enquête des forces de police se heurte à la puissance des tabous, Alix va découvrir une vérité plus terrifiante encore.

ISBN : 978-2-08-137713-4 / Éditeur Ombres Noires / Date de publication 21/09/2016 / Nombre de pages : 352 / Dimensions : 21 x 14 x 3 cm

I love Dick. Chris Kraus

Sulfureux « I love Dick » ? Ce roman écrit par Chris Kraus à la première personne est avant tout la  revendication féministe d’une femme qui s’affirme dans un monde d’hommes.

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D’abord publié en 1997, le roman a reçu un accueil mitigé, et pourtant il est aujourd’hui traduit dans plusieurs pays. Assez étonnant, troublant par sa construction, il peut rebuter un lecteur par toutes ces mentions d’auteurs anglo-saxons et parce qu’il est très ancré dans les années soixante-dix et quatre-vingt, qu’il faut avoir connues pour ne pas être parfois perdu. De plus, l’impression que Chris a fait tomber les barrières entre l’écriture et la vie privée, la réalité et la fiction, tout en écrivant malgré tout un roman, place parfois le lecteur en porte-à-faux. Et pourtant « I love Dick » parle essentiellement de la difficulté d’être une femme dans un monde d’hommes, celui des affaires, celui de l’art, du cinéma, de l’écriture, où les femmes sont souvent vues comme secondaires et peu intéressantes, insignifiantes, faibles, trouvant leur place uniquement par rapport aux hommes auprès de qui elles évoluent.

La première partie de roman se présente comme un journal. Chris Kraus et son mari, Silvère Lotringer, sont au restaurant avec Dick. Le temps est menaçant, aussi Dick leur propose de les héberger pour une nuit. Dès cette scène, le lecteur connait alors tout ce qu’il faut savoir sur les trois personnages, situation, âge, profession, et le fait qu’ils se connaissent finalement très peu. Au lendemain de cette soirée, Chris est persuadée que la nuit passé sous le même toit que Dick a été comme une rencontre intime et qu’il s’est passé une connexion entre eux, une sorte de « baise conceptuelle » et qu’elle est désormais amoureuse de Dick.
Silvère, jaloux à sa façon, va pourtant rentrer dans le jeu de Chris, et tous deux vont lui écrire des centaines de lettres, produisant ainsi une étrange réalisation artistique à quatre mains. Que faire, les envoyer ? Les publier en un roman ? En parler à Dick ? Attendre sa réponse ?
Pour Chris, c’est un peu comme si elle rédigeait un journal …. Et petit à petit cela devient une véritable introspection pour cette femme tentée par un changement de vie, elle se rend compte que si elle reste auprès de son mari, elle ne sera jamais que sa femme, son accompagnatrice, et n’aura pas de réalité en tant que Chris, aussi elle décide de le quitter.

La deuxième partie du roman nous fait d’abord suivre Chris dans sa traversée des États Unis seule en voiture. Elle tente de revoir Dick, le poursuit de ses assiduités, le harcèle. Mais toute cette partie est aussi un long plaidoyer pour toutes les femmes artistes si peu comprises, si peu appréciées tout au long des années, autrement que par rapport aux hommes qui les ont accompagnées. Et Chris défend la cause de ces femmes, leur talent, réel, méconnu, mal compris. Défend le fait d’être une femme, artiste, talentueuse, révolutionnaire, contestataire ou avant-gardiste, et surtout le droit à l’expression au même titre que les hommes.

Voici donc un roman très déroutant et qui loin d’être aussi sulfureux que le laissait présager son titre, et sa double signification en argot, nous entraine à la suite des délires et des pensées de Chris, aux limites de la fiction et de la réalité, et qui cherche à faire entendre les voix féminines si souvent oubliées et si peu soutenues par la société, en particulier dans les années 80, dans le monde de l’art et de la littérature.

💙💙💙

Quelques extraits :

« Nous étions deux électrons qui se tournaient autour dans une circuit fermé. Sans issue, huis clos. J’avais pensé à toi, rêvé de toi chaque jour depuis décembre. T’aimer m’avait permis d’accepter l’échec de mon film, de mon mariage et de mes ambitions. La route 126, l’autoroute de Damas. Comme saint Paul et Bouddha qui firent l’expérience d’une conversation grandiose à l’âge de 40 ans, j’étais re-née en Dick. Mais était-ce une bonne chose pour moi ?
Voilà la façon dont j’ai compris les règles.
Si l’on veut quelque chose très fort, on peut continuer à chercher à l’obtenir jusqu’à ce que l’autre dise Non. »

« Tout ceci était d‘une grande cruauté mais t’aimer était devenu un boulot à plein temps et je n’étais pas prête à me retrouver au chômage. »

« Qu’est-ce qui est selon vous la plus grande réussite de votre vie ? a demandé un adolescent du Thurman Youth Group à George Mosher, un trappeur, fermier, homme à tout faire et bucheron de 72 ans. « Être resté ici » a dit George. « A 3 kilomètres de l’endroit où je suis né ». Cher Dick, le sud des Adirondack permet de comprendre le Moyen Age. »

Catalogue éditeur : Flammarion

 Chris Kraus, une jeune femme, raconte son amour à sens unique pour un critique d’art prénommé Dick. Entre obsession, désir féminin et quête à travers les Etats-Unis, elle s’éloigne de son mari Sylvère et comprend que tout n’était que prétexte à la méditation et à la réflexion sur la place des femmes dans le couple et dans le monde.

Littérature étrangère / Traduit de l’anglais (États-Unis) par Alice Zeniter / Parution : 24/08/2016 / Prix : 20 €

Le syndrome de la vitre étoilée. Søphie Adriånseñ

Avec  « Le syndrome de la vitre étoilée » Søphie Adriånseñ nous entraine avec bonheur dans les pensées et les obsessions, les malheurs et les joies de Stéphanie, jeune trentenaire qui rêve d’un enfant et panique à l’idée de voir tourner son horloge biologique…

Le Syndrome de la vitre étoiléeAprès une foultitude d’examens pour comprendre pourquoi elle n’arrive pas à « tomber enceinte », il s’avère que le problème ce n’est pas Stéphanie mais bien son amoureux, celui avec qui elle a décidé de vivre malgré les avis contraires de la famille, malgré les dix ans d’écart, malgré la différence sociale dont elle n’a rien à faire mais qui inquiète ses proches. Et si le problème c’est lui, l’envie d’enfant se construit à deux. Elle va donc passer toutes les étapes de la procréation assistée, subir et souffrir, pour rien, échec, souffrance, déprime. Tout en voyant autour d’elle ses amies procréer, élever les enfants dont elle rêve, sa famille faire des réflexions idiotes, de celles qui vous donnent mal au ventre et mauvaise conscience et qui vous font dire « pourquoi moi et pas les autres ? » alors que vous n’y êtes pour rien.
Désir d’enfant qui tourne à l’obsession et qui détruit tout, l’amour, le vrai (car maintenant le seul but de la relation est de procréer), l’amitié (gâchée par des « pourquoi elles et pas moi » insidieux et persistants), la confiance en soi, en l’avenir, et jusqu’au couple, si solide jusque-là. Obsession qui est celle de nombreuses jeunes femmes puisqu’il est souvent dit qu’un couple sur cinq n’arrive pas à procréer.

Portant sur des interrogations actuelles, « le syndrome de la vitre étoilée » est écrit avec beaucoup d’humour, de justesse et même de tendresse. J’ai aimé sa structure en courts chapitres d’à peine une page parfois, intitulés « Dans un livre », « maintenant », « un souvenir », etc., et qui expriment des sentiments, une page de journal, quelques pensées, des extraits de livres, des phrases et quelques poncifs de donneurs de leçon qu’on croise immanquablement autour de soi. Alors on les tourne ces pages-là, vite même, et on a envie de savoir si Stéphanie va réussir à se sortir de cette impasse… Et comment elle va se retrouver après avoir subi ce syndrome de « La vitre étoilée, c’est celle du flipper qui, sous les coups des joueurs frustrés d’avoir laissé échapper la bille, se brise sans se disloquer. Les fissures lui confèrent un aspect céleste. C’est quand tout est brisé à l’intérieur alors qu’à l’extérieur tout semble tenir. On peut même trouver ça joli. Après généralement, ça fait tilt. »… Un roman épistolaire n’est généralement pas ce que je préfère car je m’y ennuie parfois… mais avec celui-ci, point d’ennui, au contraire, voilà un livre que l’on va lire pour se détendre et qui fait du bien.

#rl2016


Catalogue éditeur : Fleuve éditions

Un garçon, une fille, dix ans de vie commune. De cette équation parfaite naît le désir d’enfant. Puis les difficultés arrivent. Le désir se transforme. Le garçon et la fille aussi. Un couple sur cinq connaît des difficultés pour avoir un enfant.
Derrière cette proportion, combien d’autres statistiques ? De formules intrusives ? De conseils « bienveillants » ? De boîtes de tampons ? De pieds dans les étriers ? D’amis auxquels on ment ? De bouteilles éclusées ? Combien de pensées magiques pour conjurer le sort et cette foutue proportion ?
Voilà des questions – des obsessions – que la narratrice de ce roman tente d’éclairer sous un jour nouveau en découpant sa pensée comme on range la commode de son adolescence.
Ce qui démarrait comme un chemin de croix frappe par sa lucidité, sa drôlerie, sa cruauté et prend la forme du journal rétroéclairé d’une jeune femme qui découvre le pouvoir d’être libre.

Date de parution : 25 Août 2016 / Roman contemp. GF / 352 pages / ISBN 9782265115682

Le jour se lève et ce n’est pas le tien. Frédéric Couderc

New-York, Cuba, deux entités antinomique jusqu’à ces derniers mois. Mais qu’est-ce qui relie Dora, vivant à New York à l’histoire de cette ile ? C’est ce que va tenter de comprendre le héros malgré lui du roman de Frédéric Couderc « Le jour se lève et ce n’est pas le tien ».

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2009, New York. Léonard Parker a été élevé par Dora, mère célibataire qui a travaillé toute sa vie pour qu’il ait la meilleure éducation possible et réussisse dans les quartiers huppés de New York. Il profite de son métier, mais trop peu de sa famille, ses deux garçons et sa femme avec qui la relation est quelque peu chaotique. Léo aime donner la vie, c’est un obstétricien de renom, son travail le satisfait pleinement, et il passe une partie de son temps livre à aider les femmes dans un centre du planning familial fortement controversé par les manifestants « pro life ». Depuis la mort de sa mère, le mutisme de Dora sur son passé le perturbe. Le silence sur l’identité de son père en particulier, alors qu’il n’a jamais osé questionner sa mère sur ses origines, puis son incompréhension face au choix de Dora d’être enterrée dans le cimetière cubain du Bronx, réveillent des interrogations enfouies tout au fond de lui.
Victime d’une agression à la sortie du planning familial, Léo se rétabli, mais soucieux d’éclaircir ses questionnements, il décide d’enquêter pour comprendre d’où il vient réellement. Il part pour Cuba, se confronter à son passé, à son histoire, et avancer vers un avenir qu’il espère plus serein. Là il démêlera le fil qui lui fera comprendre que son histoire familiale est liée à celle de la révolution et à l’un de ses principaux héros, Camillo Cienfuegos.

Les chapitres à New York alternent dès le début du roman avec le « livre de Dolores », ce journal qui décrit la vie d’une jeune fille de bonne famille dans le Cuba de 1959. Jeune et jolie, elle se consacre à la danse dont elle rêve de faire son métier. Héritière d’une famille aisée, la fortune de son père pourrait être liée aux sombres affaires et aux malversations approuvées par Batista, le dictateur en place, aux Etats Unis et à la mafia, principal pourvoyeur de cash de l’ile. La rencontre de Dolores avec Camillo, qu’elle a connu plus jeune et qui est devenu l’un des héroïques camarades de Fidel Castro et de son frère Raoul, au plus fort de la révolution qui est en marche dans le pays, va changer sa vie.

« Le jour se lève et ce n’est pas le tien » nous dévoile un pan de l’histoire et des relations entre les USA et Cuba. A la fois roman historique, polar, et roman d’amour, c’est un mélange savamment dosé qui transporte le lecteur dans une folle aventure qui se poursuit sur plusieurs décennies.

J’ai particulièrement aimé sentir l’âme de la revoluciòn, celle qui portait les plus sincères de ses combattants. Mais également découvrir les conflits intérieurs qui pouvaient agiter les individus et les familles qui croyaient en une révolution qui sauverait leur pays de la corruption et de la mainmise des mafieux sur leurs richesses. Ces cubains ont parfois aidé des révolutionnaires qui se sont à leur tour laissés envahir par l’est, pour établir une dictature qui a laissé le pays à la traine et exsangue. Bien écrit, rythmé, particulièrement d’actualité et tout à fait crédible, j’ai dévoré ce roman absolument passionnant avec un énorme plaisir.

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Catalogue éditeur : Editions Héloïse d’Ormesson

New York, 2009. Pourquoi Dorothy Parker a-t-elle souhaité être enterrée au cimetière de Union City, à Long Island ? Léonard, son fils, obstétricien de renom à Mont Sinai Hospital, n’en a strictement aucune idée. Pourtant, en dépit du serment fait à sa mère, il sent que l’heure est venue d’éclaircir le brouillard qui entoure ses origines et de dérouler le fil de son histoire. Commence alors une folle course-poursuite qui le mènera dans les arcanes du passé, l’obligeant à tout laisser derrière lui.
La Havane, 1959. Le destin réunit Dolores et Camilo, Lire la suite

368 pages / 20€ / Paru le 1 septembre 2016 / ISBN : 978-2-35087-350-3
Photo de couverture Jessica Lia/Millennium Images, UK

Comment tu parles de ton père. Joann Sfar

On ne présente plus Joann Sfar, enfin presque plus, car qui n’a pas lu, ou au moins vu la série de BD « Le chat du Rabin » dont il est dessinateur et scénariste ? Avec « Comment tu parles de ton père » je le découvre et je l’apprécie dans un registre totalement différent.

Pourtant à priori le sujet est plutôt triste, il s’agit de la mort de son père, « né l’année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933 »… comme mon père, parti trop tôt lui aussi…. et c’est cette phrase en 4e de couverture qui m’a au départ attirée vers ce livre. Mais je n’ai rien projeté de personnel ensuite dans la lecture de ce roman, je me suis laissé porter par les mots de l’auteur.

Joann Sfar parle de son père et de son grand-père aux personnalités fortes l’un comme l’autre, mais aussi de souvenirs, d’enfance, de famille, de parents et d’amis, de sa vie et de ses amours. Il évoque largement la souffrance de n’avoir pas su que sa mère était morte, lorsqu’à trois ans et demi, son père a préféré lui dire qu’elle était partie en voyage…souffrance inutile de l’enfant qui attend et qui ne comprend pas l’abandon de sa mère…Ni compris alors que son père voulait le protéger, et sans doute se protéger également, de la douleur de cette perte inéluctable.

Ce livre se lit avec bonheur, même s’il évoque la tristesse et la perte d’un être cher, qui plus est d’un parent. On sent au fil des pages l’amour d’un fils pour son père, teinté de respect, d’admiration, d’affection. Il égrène les souvenirs et tout ce qui ne sera jamais plus, et en parallèle, forcément la vie qui avance, inéluctable, jusqu’au prochain deuil, à la prochaine naissance, aux prochaines amours. Je l’ai ressenti comme une prière, qu’elle soit israélite, chrétienne ou païenne, mais aussi comme une ode à la vie et à tous ceux qui ne sont plus, à la fois émouvant et empreint d’humour, comme la vie en somme.

Extraits :

« Papa m’a toujours dit que si un jour il me cognait, j’aurais le droit de me défendre. Le jour où il me semblera que ce danger s’éloigne, j’abandonnerai la lutte.
Cela se produit à la mort du père : on n’a plus personne à épater. »

« Chers fidèles, il m’arrive d’avoir peur que le judaïsme ne consiste qu’en de semblables ruminations : craindre le futur et louper l’instant. »

« J’ai tant parlé de sa beauté parce que je souhaite convoquer les souvenirs de mon père en jeune homme. Sur les tombes juives, on interdit de faire figurer des photographies afin que la mémoire ne se fixe pas sur un moment de l’existence du défunt. Il faut beaucoup d’imagination pour remonter le temps et laisser derrière soi les images de l’agonie ou de la vieillesse. »

#rl2016

Retrouvez l’avis de Jean-Paul sur son blog


Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Papa est né l’année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933. C’est l’année où pour la première fois on a découvert le monstre du Loch Ness. C’est l’année, enfin, où sortait King Kong sur les écrans. Mon père, c’est pas rien. »

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir un père comme André Sfar. Ce livre pudique, émouvant et très personnel, est le Kaddish de Joann Sfar pour son père disparu. Entre rire et larmes.

Edition brochée 15.00 € : 1er Septembre 2016 / 140mm x 205mm / 160 pages / EAN13 : 9782226329776