Quand sonne l’heure, Kirby Williams

De l’Amérique ségrégationniste à la France occupée, suivre Urby, un talentueux jazzman

Alors que les Allemands entrent dans Paris, en ce mois de juin 1940, les habitants tentent par tous les moyens de quitter la ville. C’est aussi ce que veulent faire Urby Brown, un jazzman noir qui avait déjà quitté La Nouvelle-Orléans pour échapper à la ségrégation raciale quelques années auparavant, et Hannah Korngold, une pianiste juive, sa compagne. Ils n’ont qu’un seul et même but, échapper aux nazis. Musiciens en sursit, ils doivent trouver un moyen de quitter la capitale, et c’est Stanley, l’ami de toujours qui va pouvoir les aider.

Urby Brown a été abandonné à sa naissance dans un foyer pour jeune noirs à La Nouvelle-Orléans. Son parcours a été suivi en secret par les hommes de main de son père, un aristocrate français qui avait abandonné sa mère au moment de sa naissance. Urby l’a découvert lorsqu’il est arrivé en France, mais ce dernier est un activiste fasciste aux idéaux et aux actions bien éloignées de celles d’Urby et Hannah. La relation entre les deux hommes est complexe et malsaine. Pourtant, fort de sa puissance malfaisante, il tient sous sa coupe ce fils qui ne veut pas de lui, en le menaçant de faire disparaître Hannah.

Fort heureusement, le vieux Stanley, un musicien de jazz qui a prêté à Urby ses premiers instruments et lui a permis de faire ses premiers pas de jazzman à la nouvelle-Orléans est toujours là, à Paris, pour protéger le jeune couple. Ses nombreuses connections lui permettent de les aider de loin sur le chemin semé d’embûches et de trahisons pour rejoindre le sud de la France et échapper à la déportation.

Un roman qui promettait de beaux moments de lecture, suspense, amour, intrigue complexe à souhait dans la relation entre les différents personnages en ces périodes d’avant-guerre et de débâcle, et un rappel de ces périodes troubles de notre Histoire. Pourtant, sans doute du fait des invraisemblances un peu trop nombreuses, il m’a manqué un petit quelque chose en plus pour être totalement emballée. Peut être faut-il lire avant Les enragés de Paris ce roman précédent dans lequel l’auteur plante le décor et fait connaître à ses lecteurs son personnage principal.

Catalogue éditeur : Baker Street

Le 14 juin 1940, les Allemands entrent dans Paris. En quelques jours, ils posent leur empreinte sur une ville déjà désertée de près de deux tiers de ses habitants. Parmi ceux-ci, le jazzman noir Urby Brown, exilé quelques années plus tôt de La Nouvelle-Orléans, et sa compagne juive Hannah Korngold qui s’efforcent eux aussi par tous les moyens d’échapper à l’oppression nazie.
Confrontés à l’antisémitisme et au racisme, poursuivis par un groupe de néo-fascistes, ils se lancent dans un périple qui manque à plusieurs reprises de leur être fatal. Il leur réserve, de Paris à Bordeaux, d’étonnantes rencontres, jusqu’à un éphémère échange avec le général de Gaulle qui leur propose de les embarquer dans son avion pour Londres…
Thriller historique et politique haletant, aux multiples péripéties, ce roman inventif nous offre, à travers une chronique saisissante de la période précédant l’arrivée des Allemands dans Paris et de la panique qui s’ensuit, précipitant sur les routes des milliers de gens, l’occasion d’une réflexion sur l’intolérance et la haine raciales.

Traduction SOPHIE GUYON  / parution 18 Janvier 2022 / 21.00 €

Belle Greene, Alexandra Lapierre

Découvrir l’incroyable bibliothécaire de la Morgan Librairy de New-York

En 1900, dans une Amérique profondément raciste et ségrégationniste, une seule goutte de sang noir suffisait à faire de vous un paria au même titre que pour tous les Afro-américain du pays. Si vous n’aviez pas la bonne couleur de peau, et qu’importe d’ailleurs si vous étiez aussi blanc qu’un blanc, vous étiez soumis aux lois iniques, Jim Crow, règle de l’unique goutte de sang, divisant la population entre white or colored.
C’est dans ces conditions que la jeune Belle Greener décide, avec toute sa famille alors abandonnée par le père, de transgresser les lois et de faire leur « passing » c’est-à-dire de franchir la frontière invisible mais quasiment infranchissable qui faisait d’eux des blancs.

Belle devient alors une « da Costa Greene » descendante d’une hypothétique famille sud-américaine légèrement typée. Elle qui adore les livres va réussir ses études de bibliothécaire et entrer dans la très prestigieuse famille J. P. Morgan pour s’occuper de la bibliothèque et des collections de John Pierpont.

Toute sa vie sera consacrée aux livres rares, devenant cette grande spécialiste qui a su se faire une place parmi les marchands internationaux et les spécialistes reconnus de par le monde.

Un roman et un destin fabuleux, celui d’une héroïne qui a tout osé pour vivre sa passion. Une femme moderne, forte, énergique et insoumise, ambitieuse, amoureuse, au caractère bien trempé qui dénotait auprès de ses contemporains. Critiquée, aimée, adulée, vilipendée, celle qui s’est imposée comme la directrice incontournable de la Morgan Librairy de New-York est un personnage romanesque à découvrir sans faute.

Vous l’aurez compris j’ai adoré Belle, et j’ai aimé arpenter grâce à Alexandra Lapierre les salles de la Morgan Librairy que j’avais tant apprécié lors de ma visite à New-York. Enfin, mieux comprendre la passion pour les livres anciens. Et retrouver quelques unes de mes photos à la Morgan Librairy, en particulier ces livres en cage qui sont justement la photo que j’ai choisie pour être le bandeau du blog.

Catalogue éditeur : Pocket, Flammarion

« En 1900, au cœur d’une Amérique puritaine et ségrégationniste, elle fume, boit, choisit ses
amants et réussit une carrière dont aucune autre femme de sa génération ne pouvait rêver. Elle est d’une modernité inouïe ! Et toute sa vie est bâtie sur un mensonge explosif… »

Date de parution : 06/01/2022 / 9.50 € /EAN : 9782266311090 / pages : 624

Blanc autour, Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

Il est long le chemin vers l’égalité et l’éducation pour toutes

En 1832, dans le Connecticut, la petite ville de Canterbury est une bourgade paisible.
Prudence Crandall est la directrice d’un pensionnat pour jeunes filles. Nous sommes trente ans avant l’abolition de l’esclavage toujours pratiqué dans les états du sud. Dans cette région les noirs sont libres mais restent des personnes à part dans la vie des villages. Aussi lorsque Prudence décide d’accepter des jeunes filles noires, puis de consacrer son école à elles seules, les citoyens ses déchaînent.

Peu de temps auparavant Nat Turner, un jeune noir instruit, avait fomenté une révolte d’esclaves qui s’est terminée dans les sang par le massacre de soixante personnes. Nat Turner, l’esclave qui savait lire, donne une image désastreuse de l’éducation des noirs à ces américains à qui cela convient parfaitement car ils peuvent ainsi continuer à pratiquer la ségrégation en toute impunité, et refuser l’accès à l’éducation aux noirs. Et à des femmes de surcroît.

Un sujet passionnant, qui montre d’un côté la position désastreuse et ségrégationniste des blancs, les actions entreprises, légales ou pas, pour contraindre celles qui souhaitent l’éducation de toutes et pour empêcher les jeunes filles d’y avoir à accès. De l’autre, le courage et la détermination de ces jeunes femmes à s’instruire, et de Prudence Crandall, précurseur dans ce domaine et qui œuvrera à l’égalité de l’accès à l’éducation toute sa vie.

Quelques pages en fin de BD restituent la vie de différents protagonistes, leur rôle dans l’éducation des jeunes filles et l’abolition de l’esclavage. Le graphisme est intéressant, stylisé, à la fois déterminé par certains traits ou couleurs, et parfois assez flou pour laisser nos esprits compléter les scènes.

Catalogue éditeur : Dargaud

1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah.
La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction… Lire la suite

Date de parution : 15.01.2021 / 144 pages / 19,99€ / ISBN/EAN : 9782505082460

Nickel boys, Colson Withehead

Même morts, les garçons étaient un problème

L’auteur nous entraîne en Floride. Elwood Curtis est un fervent partisan de Martin Luther King dont il écoute en boucle le message sur un disque offert par sa grand-mère. Abandonné par ses parents, élevé par cette dernière, c’est un élève sérieux qui va bientôt entrer à l’université.
Alors qu’il est sur le chemin de l’université, un malentendu va changer le cours de sa vie. Un malentendu, mais surtout une erreur judiciaire qui aurait sans doute été évitée s’il avait été blanc. Le voilà envoyé à la Nickel Academy. Là, noirs comme blancs doivent réapprendre les règles qui régissent la société, mais là comme ailleurs, il ne fait vraiment pas bon être né noir dans l’Amérique ségrégationniste de ces années 60. Elwood va l’apprendre à ses dépends, mais il sera fort heureusement épaulé dans cette longue descente aux enfers par Turner, son alter ego, avec qui il se prend d’amitié.

Cette institution doit remettre les jeunes garçons de 5 à 20 ans dans le droit chemin. Mais on se rend vite compte qu’à la Nickel Academy, les malfaisants et les tortionnaires ne sont pas forcément ceux qui sont enfermés. Les mots ne manquent pas pour décrire les lieux de douleur et de souffrance, voire de mort, qui menacent ces jeunes à chaque instant.

Le roman alterne la descente aux enfers des adolescents à la Nickel Academy, et le présent, lorsque Elwood se souvient de ces années de souffrance et d’espoir.

L’auteur une fois de plus s’inspire de faits réels pour explorer la déchirure et la blessure que portent en eux les noirs américains. Les lois raciales, la ségrégation, l’injustice subies par une partie de la population pour une question de couleur de peau semblent être à jamais des blessures inguérissables. Les évocations des conditions de détention de ces adolescents, la cruauté, le racisme et la corruption qui règnent dans l’institution semblent tellement inhumaines que l’on aurait du mal à y croire si l’on ne savait pas que l’intrigue a été inspirée à l’auteur par la Arthur G. Dozier School for Boys de Floride. Et qu’en 2010, des dizaines de corps ont été retrouvés sur le terrain de ce centre de redressement pour enfants et adolescents.

J’ai particulièrement aimé la version audio qui donne si bien corps aux différents personnages. L’écriture à la fois sobre et révoltée face à tant d’injustice et de violence est tout à fait adaptée à l’écoute de ce roman magistral et puissant. Et comme j’ai été totalement interpellée par l’épilogue, j’ai apprécié de pouvoir réécouter tout le début une fois arrivée à la fin…

Du même auteur on ne manquera pas de lire Underground Railroad, également paru chez Le Livre de Poche

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : livre audio Audiolib et Albin-Michel

Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.

Couronné en 2017 par le prix Pulitzer pour Underground Railroad puis en 2020 pour Nickel Boys, Colson Whitehead rejoint William Faulkner et John Updike parmi les très rares auteurs à avoir reçu deux fois cette consécration. S’inspirant de faits réels, il continue d’explorer l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique et donne avec ce nouveau roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d’innocents, victimes de l’injustice du fait de leur couleur de peau.

Albin-Michel Prix : 19.90 € / 19 Août 2020 / 140mm x 205mm /272 pages / EAN13 : 9782226443038
Audiolib Date de parution : 14 Octobre 2020 Durée : 6h59

Rassemblez-vous en mon nom, Maya Angelou

Le récit autobiographique puissant et sincère d’une icône de l’Amérique

Positif, humoristique, honnête, Maya Angelou se raconte sans fard, de ses dix-sept à ses vingt-et-un ans. Fille mère, elle élève seule son fils Guy, et jeune femme noire, ça fait beaucoup dans cette Amérique qui sort de la seconde guerre mondiale.

Si elle fuit d’une certaine façon le racisme du sud, ce dernier n’est pas absent pour autant dans les autres régions des États-Unis qu’elle parcourt de l’Arkansas à San Francisco. Serveuse, cuisinière, maquerelle, danseuse, elle a fait tous ces métiers avec autant de bonne volonté et de sincérité, la plupart du temps même par amour ou par recherche de cet amour, de cet homme qui pourrait la protéger et l’aimer.

Mais ces hommes justement abusent sans scrupule de cette jeune femme positive, intelligente, authentique qui ne demande qu’à être aimée. Elle donne son cœur et sa confiance à de nombreux hommes qui tour à tour jouent de cette naïveté qui la caractérise mais qui d’une certaine façon la protège sans doute.

Le racisme, la difficulté d’être femme, la solitude, sont aussi bien retranscrits ici. La famille, sa mère, son frère, mais aussi les oncles et tantes si froids et égoïstes, les nounous bienveillantes de son fils Guy, et ces femmes qu’elle rencontre vont également forger celle qu’elle deviendra.

Une magnifique traduction de Christiane Besse nous permet de profiter pleinement de ce formidable texte. L’écriture, le rythme, l’humour et la dérision, et je le redis sans doute, la sincérité, font de ce récit un moment inoubliable.

Je connaissais vaguement la vie de Maya Angelou, figure emblématique de la vie politique et artistique américaine, après avoir lu Rassemblez-vous en mon nom j’ai forcément envie d’en savoir d’avantage et de lire ses autres livres.

Maya Angelou, poétesse, écrivain, actrice, militante pour les droits civiques, réalisatrice et enseignante est décédée en 2014 à l’âge de 86 ans.

Catalogue éditeur : éditions Noir sur Blanc Notbilia

Traduit par Christiane Besse
Langue d’origine : Anglais (États-Unis)

Silhouette imposante, port de tête altier, elle fait résonner la voix d’une femme noire, fière et volontaire, qui va devoir survivre dans un monde d’une extrême dureté, dominé par les Blancs. Une voix riche et drôle, passionnée et douce qui, malgré les discriminations, porte l’espoir et la joie, l’accomplissement et la reconnaissance, et défend farouchement son droit à la liberté.

Après l’inoubliablement beau Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, Maya Angelou poursuit ici son cycle autobiographique. Maya Angelou fut poétesse, écrivaine, actrice, militante, enseignante et réalisatrice. Elle a mené de nombreux combats avant de devenir une icône contemporaine qui a inspiré la vie de millions de personnes. Elle a côtoyé Nelson Mandela, Martin Luther King, Malcolm X et James Baldwin. À sa mort, Michelle Obama, Rihanna, Oprah Winfrey, Emma Watson, J. K. Rowling et beaucoup d’autres encore lui ont rendu hommage.

Date de parution : 20/08/2020 / Format : 12,8 x 20 cm, 272 p., 18,00€ / ISBN 978-2-88250-644-3

La femme révélée, Gaëlle Nohant

La femme révélée nous embarque entre Paris et Chicago, des années 50 à la fin des années 60

En 1950, à Paris, une jeune femme vient de débarquer avec pour seul viatique son appareil photo Rolleiflex. Une situation surprenante car jusqu’alors elle vivait confortablement à New-York avec son époux et son petit garçon. Elle n’a emporté que quelques bijoux, témoins de l’aisance de sa vie passée. Hébergée dans un clandé plutôt louche, elle se fait dévaliser.

Désormais fauchée, elle se retrouve à la merci de la patronne de cet hôtel de passe. Aidée de Rose, une prostituée au grand cœur, elle trouve refuge dans un foyer pour jeunes femmes et tente de vivre grâce à de petits boulots. Elle découvre aussi St-Germain-des-prés et les soirées Jazz. A la façon de Vivian Maier, elle prend plaisir à parcourir les rues de Paris toujours armée de son appareil photo pour y saisir des scènes de vie que son talent sait mettre en valeur. Elle a fui on ne sait qui ni quoi, et si le mystère est d’abord épais, les raisons de sa fuite deviennent de plus en plus évidentes à mesure que se dévoile son passé.

Dans ce roman construit en deux parties assez différentes l’auteur nous entraîne par son écriture à la fois réaliste et poétique et son talent de conteuse dans les pas de Violet-Eliza, personnage mystérieux et très attachant.

Avec Violet, le lecteur découvre le Paris des années 50 où tout est à reconstruire sur les ruines de la seconde guerre mondiale. Puis les années 60/70, avec la crise immobilière aux États-Unis, mais surtout les différences de traitement entre blancs et noirs, jusque dans les états du nord prétendument moins racistes. Car si les problèmes de racisme n’y sont pas aussi ouvertement déclarés que dans le sud, ils régissent les lois du marché et de la politique plus sûrement que s’ils étaient verbalisés. Ce sont les prémices de la fin de la ségrégation raciale, mais aussi les assassinats de Martin Luther King et Robert Kennedy, puis la révolte grandissante de la jeunesse contre la guerre du Vietnam pendant la présidence de Nixon.

Une fois de plus, Gaëlle Nohant a su me séduire et me convaincre avec son personnage. Cette femme émouvante, attachante et combative, qui lutte pour vivre libre et suivre ses convictions les plus intimes, au risque d’y perdre sa vie, et surtout de perdre ce qu’elle a de plus cher, son fils.

Gaëlle Nohant parle de liberté, de soif de vivre, et d’exil, mais aussi de ce bonheur qu’il peut y avoir à se réaliser pleinement en accord avec ses convictions les plus profondes.

Du même auteur, lire aussi l’émouvant roman Légende d’un dormeur éveillé qui évoque si bien le poète Robert Desnos.

Catalogue éditeur : Grasset

Paris, 1950. Eliza Donneley se cache sous un nom d’emprunt dans un hôtel miteux. Elle a abandonné brusquement une vie dorée à Chicago, un mari fortuné et un enfant chéri, emportant quelques affaires, son Rolleiflex et la photo de son petit garçon. Pourquoi la jeune femme s’est-elle enfuie au risque de tout perdre ?
Vite dépouillée de toutes ressources, désorientée, seule dans une ville inconnue, Eliza devenue Violet doit se réinventer. Au fil des rencontres, elle trouve un job de garde d’enfants et part à la découverte d’un Paris où la grisaille de l’après-guerre s’éclaire d’un désir de vie retrouvé, au son des clubs de jazz de Saint-Germain-des-Prés. A travers l’objectif de son appareil photo, Violet apprivoise la ville, saisit l’humanité des humbles et des invisibles.

Dans cette vie précaire et encombrée de secrets, elle se découvre des forces et une liberté nouvelle, tisse des amitiés profondes et se laisse traverser par le souffle d’une passion amoureuse.
Mais comment vivre traquée, déchirée par le manque de son fils et la douleur de l’exil ? Comment apaiser les terreurs qui l’ont poussée à fuir son pays et les siens ?  Et comment, surtout, se pardonner d’être partie ?

Vingt ans plus tard, au printemps 1968, Violet peut enfin revenir à Chicago. Elle retrouve une ville chauffée à blanc par le mouvement des droits civiques, l’opposition à la guerre du Vietnam et l’assassinat de Martin Luther King. Partie à la recherche de son fils, elle est entraînée au plus près des émeutes qui font rage au cœur de la cité. Une fois encore, Violet prend tous les risques et suit avec détermination son destin, quels que soient les sacrifices.
Au fil du chemin, elle aura gagné sa liberté, le droit de vivre en artiste et en accord avec ses convictions. Et, peut-être, la possibilité d’apaiser les blessures du passé. Aucun lecteur ne pourra oublier Violet-Eliza, héroïne en route vers la modernité, vibrant à chaque page d’une troublante intensité, habitée par la grâce d’une écriture ample et sensible.

Format : 141 x 206 mm / Pages : 384 / EAN : 9782246819318  / Prix : 22.00 / Parution : 2 Janvier 2020

Joséphine Baker. Catel & Bocquet

Pourquoi j’ai adoré ce roman graphique de Catel & Bocquet : une façon extraordinaire de redécouvrir une vie hors norme, celle de Joséphine Baker

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Joséphine est née à Saint louis, dans le Missouri en 1906, à une époque où la ségrégation veut dire quelque chose, où tout semblait possible et où pourtant la vie était si difficile. Très jeune, elle aime faire la rigolote, et surtout, surtout, danser… elle a des jambes longues comme un jour sans pain, et sa mère ne les aime pas beaucoup, ces jambes-là. Mais elles feront sa gloire lorsqu’elle descendra comme une reine l’escalier des folies bergères. Pour arriver jusque-là, il lui aura fallu des maris, plusieurs, des amants, beaucoup, de l’audace, du courage et de l’ingéniosité, et du talent, forcément. C’est aussi beaucoup de travail, danser pendant des heures, apprendre à chanter, à marcher, à parler français, puisqu’elle arrive à Paris en 1925. Elle adoptera la France, comme elle adoptera plus tard une tribu de douze enfants venus de tous les continents, de toutes les couleurs, de toutes les religions et qu’elle les abritera au château des Milandes dans le Périgord.

Joséphine se battra également pour lutter contre la ségrégation, elle qui a su très vite ce que c’est d’être traitée de négresse dans son propre pays, ou au contraire d’être acceptée et acclamée malgré sa couleur de peau, lorsqu’elle arrive en France.

Joséphine, c’est aussi cette femme qui chante pour les soldats, qui passe des documents secrets d’un pays à l’autre pendant  la guerre, qui fera la résistance  et sera remerciée pour son action par le général de Gaulle.

C’est une vie intense, joyeuse, d’amour donné et pas si bien reçu, de partage et de courage, de dépression et de maladie aussi. Acclamée, regrettée, Joséphine Baker est une figure talentueuse d’une époque révolue. Elle meurt en 1975, tombée dans le coma à la suite d’une représentation à Bobino.

Le graphisme est vraiment intéressant. Entièrement en noir et blanc, comme un vieux film d’époque peut-être. La chronologie en fin du volume est complète et riche de nombreux détails. Enfin, les personnages secondaires qu’elle croise tout au long de sa vie sont également détaillés, expliqués, nous donnant à revoir une partie de notre histoire. Bravo !

J’avais très envie de découvrir cette BD grâce à Pénelope Bagieu qui parle si bien de Joséphine Baker dans son album « Les Culottées« tome 1, que je vous conseille vivement !


Catalogue éditeur : Casterman

Entre glamour et humanisme, la vie tumultueuse de la première star mondiale noire.

Joséphine Baker a 20 ans quand elle débarque à Paris en 1925. En une seule nuit, la petite danseuse américaine devient l’idole des Années Folles, fascinant Picasso, Cocteau, Le Corbusier ou Simenon. Dans le parfum de liberté des années 1930, Joséphine s’impose comme la première star noire à l’échelle mondiale, de Buenos Aires à Vienne, d’Alexandrie à Londres.
Après la guerre et son engagement dans le camp de la résistance française, Joséphine décide de se vouer à la lutte contre la ségrégation raciale. La preuve par l’exemple : au cours des années 1950, dans son château des Milandes, elle adopte douze orphelins d’origines différentes, la tribu arc-en-ciel.
Elle chantera l’amour et la liberté jusqu’à son dernier souffle.

568 pages – 17.2 x 24.2 cm / Noir et blanc / ISBN : 9782203088405

Dans la chaleur de l’été. Vanessa Lafaye

« Tu es mort maintenant mon frère, mais qui, pendant la saison des ouragans en Floride t’a laissé sur les Keys où un millier d’hommes étaient déjà morts avant … » Ernest Hemingway

https://i0.wp.com/ecx.images-amazon.com/images/I/41Byh3qOK2L._SX210_.jpgAvec « Dans la chaleur de l’été », Vanessa Lafaye nous entraine en Floride pendant les années trente. Elle utilise en trame de son roman deux composantes essentielles de la vie à l’époque, la ségrégation raciale et les lois iniques qui cantonnent les Noirs dans leur condition d’avant la sécession, et les ouragans terribles qui sévissent régulièrement dans cette zone des USA.

Les hommes, célébrés par tous lorsqu’il sont partis en 1917 faire la guerre en France, sont rejetés par les populations et le pouvoir en place, pas de travail, pas d’indemnisation, pas de pension, ils survivent en marge de la société et parcourent le pays à la recherche d’un travail. Mais ce sont les années de la grande dépression, il y a tellement peu  de travail. Les vétérans ont enfin trouvé un emploi sur le chantier d’un pont, sur les Keys, au sud de Miami, en Floride. Un de leurs chefs n’est autre que Henri Roberts, un jeune noir du pays, parti fier et conquérant, la fleur au fusil comme tant d’autres, et qui depuis son retour en ville n’a jamais revu sa famille.

C’est le 4 juillet, et à Heron Key comme partout dans le pays, les habitants vont célébrer la fête nationale lors d’un grand barbecue sur la plage, journée clôturée comme chaque année par un feu d’artifice. Mais chacun restera de son côté, car une barrière invisible sépare les blancs et les noirs. Si tous célèbrent la fête nationale, l’unité raciale est impossible. Les différents protagonistes vont converger sur la plage, les familles de blancs aisés, celles des Noirs pour partie à leur service, et les vétérans, crains et rejetés par tous. Ces derniers sont habituellement cantonnés dans les baraquements du chantier, mais ce soir ils vont se mêler à la population locale. Bières et alcool coulent, chacun pressent le drame, les esprits s’échauffent, les ressentiments, les haines raciales et les tensions exacerbées vont aboutir à une bagarre générale, puis à l’agression d’une femme blanche. Chercher le coupable devrait être facile dans cet univers où les noirs sont lynchés pour moins que ça. Le shérif mène son enquête dans cette ambiance où la tension est palpable, où les esprits échauffés sont prêts à en découdre, et alors que l’un des plus puissants ouragans menace de dévaster l’ile.

On se laisse emporter par l’enquête autour de l’agression, mais aussi par la romance dans les relations entre Henry et Missy, par la force des sentiments, les douleurs et les luttes, et par les difficultés qu’ont blancs et noirs à vivre ensemble. On est submergé par la force des éléments, par cet ouragan qui détruit tout sur son passage et ne laisse qu’un spectacle de mort et de désolation. On découvre le retour difficile des vétérans, rejetés dans tout le pays, spoliés de leurs droits, ils ont vécu le pire et ont toutes les difficultés à se réadapter à une vie « normale ». On est affligés par l’indigence, l’incompétence et la nonchalance des autorités. Voilà un premier roman très prometteur. Étayé par des éléments historiques qui permettent de mieux appréhender, en même temps qu’une période de l’Histoire méconnue, quelle pouvait être la difficulté de vivre ensemble à une époque où les lois raciales iniques étaient encore approuvées par tous.


Catalogue éditeur : Belfond

Inspiré de faits réels, et notamment de l’histoire de l’ouragan le plus puissant jamais recensé en Floride, un premier roman impressionnant. Portée par une tension permanente, une histoire de passion et de survie, dans un Sud rongé par le racisme.
Depuis le départ de Henry en 1917 pour les tranchées françaises, Missy Douglas n’a jamais cessé de penser à lui. Dix-huit ans plus tard, après avoir survécu à l’enfer et erré en Europe, Henry est de retour à Heron Key. Mais si l’homme n’a plus rien du garçon désinvolte de l’époque, la ville, elle, n’a pas changé : les Noirs subissent une ségrégation d’une violence inouïe. Parqués dans un camp insalubre, Henry et ses camarades vétérans cristallisent les plus grandes craintes et les plus folles rumeurs. Lire la suite

Traduit par Laurence VIDELOUP / Parution le 19 mai 2016 / 320 pages / 21.50 €