Enfant de salaud, Sorj Chalandon

Enfin, trouver le père

Depuis toujours Sorj Chalandon cherche son père, ses vérités, ce qu’il a été avant lui, et en parle dans ses romans. Cette image tutélaire qui permet en général de se construire a été totalement brouillée par la mythomanie du père.

L’auteur a été reporter de guerre, correspondant judiciaire et a en particulier suivi le procès de Klaus Barbie en 1987, reportage pour lequel il a reçu le prix Albert-Londres. Ces deux éléments étaient déjà en eux même assez forts pour donner un sens à l’écriture d’un roman.
Si Sorj Chalandon joue avec les dates pour construire son roman, la réalité du père qu’il évoque est bien celle qu’il a découvert en 2020. Un père qui n’était pas du bon côté, qui a porté l’uniforme allemand, mais pas seulement. Un homme qui a eu mille vies, porté cinq uniformes différents, s’est évadé, a risqué le peloton d’exécution, a terminé sa guerre en prison.

Celui qu’il avait déjà décrit comme fantasque dans Profession du père se révèle ici imprévisible, saltimbanque, manipulateur, affabulateur. Un véritable chat qui retombe sur les pattes quelle que soit l’aventure tordue dans laquelle il s’est embarqué.

Il y a de nombreuses questions dans cette quête du père, mais aussi beaucoup d’amour pour celui qui pourtant n’a jamais su parler à son fils, lui dire qui il était, l’aider à se construire, échanger, dialoguer, dire vrai.
Que d’émotion lors des chapitres qui évoquent le procès Barbie, les enfants d’Ysieux, les noms des disparus, la visite de l’auteur à la maison qui a abrité cette colonie d’enfants juifs avant la rafle. Une intensité douloureuse, un devoir de dire ce qui a été, ce que les derniers témoins ont exprimé lors du procès, dire encore une fois avant l’oubli, pour l’Histoire.

La voix de Féodor Atkine a une tonalité parfois dure, parfois douloureuse, une personnalité qui donne envie de faire silence pour écouter, pour entendre, pour participer plus intensément à cette quête et à ce devoir de mémoire.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2022

Catalogue éditeur : Grasset

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
– Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté  : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud !  »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un «  collabo  », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un «  Lacombe Lucien  » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.

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Format : 140 x 205 mm / Pages : 336 / EAN : 9782246828150 / Parution : 18 Août 2021

Le jour d’avant, Sorj Chalandon

Découvrir Sorj Chalandon et se dire qu’il est grand temps de lire ses autres romans

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Quarante ans après, Michel Flavent est toujours un homme en colère. Son frère est mort tué lors du coup de grisou au fond d’une galerie de la fosse 3, dite Saint-Amé du siège 19 du groupe de Lens-Liévin, il a trouvé la mort avec 42 autres mineurs. Ce 27 décembre 1974, à 6 h 30 du matin, un violent souffle a dévasté la mine, et les hommes qui se trouvaient là ont quasiment tous péri, âgés de vingt-cinq à cinquante-quatre, ils laissent une centaine d’orphelins et de nombreuses familles dévastées. Le jugement définitif a eu lieu  en janvier 1981 a conclu sans ambiguïté aucune, et pour la première fois dans l’histoire de la mine, à la condamnation d’une société exploitante pour faute inexcusable.

Le jour d’avant, les deux frères avaient passé la soirée ensemble, dans l’insouciance et la fraternité. Depuis le drame, le père s’est suicidé, la mère a sombré, et chaque jour Michel Flavent se remémore son malheur. Devenu veuf, celui qui n’a plus rien à perdre décide de se venger pour enfin effacer tous ces tourments ressassés et endurés depuis si longtemps. Il ira frapper au cœur même des responsables de l’accident mortel qui a couté la vie à son frère. Pourtant, il est bien étrange de constater que ce frère n’a jamais été nommé et que personne ne le considère comme l’une des victimes. Mais Michel Flavent est un homme obstiné, qui veut aller au bout, tous les stratagèmes sont bons, louer une maison, se faire passer pour un étranger à la région, entrer en contact avec le principal protagoniste, celui dont il considère qu’il est entièrement fautif, l’approcher, l’amadouer, pour mieux agir…

Ce roman est avant tout prétexte à nous montrer au plus près la vie de ces hommes, de ces familles, dans ces corons du nord exploités par des sociétés minières souvent sans scrupules. L’auteur montre bien la misère, le manque d’éducation, la vie toute tracée au fond du puits, dans les charbonnages qui détruisent la santé de générations d’hommes sans que personne ne s’en inquiète, les veuves et le orphelins à la rue du jour au lendemain, et toute une région qui a vécu longtemps sur des exploitations qui aujourd’hui ne sont plus. Il est porté par une écriture allant crescendo dans l’inquiétude, le désir et la réalisation de la vengeance mais également l’effet de surprise, ce qui en fait assurément un excellent roman.

Ce que j’ai aimé ? Le mensonge instillé peu à peu dans une vie comme un poison mortel, la soif de vengeance qui permet de vivre, de survivre même, jusqu’au moment où elle détruit tout. Mais également la part qui est donnée par l’auteur à toutes ces victimes dont on ne parle jamais, les autres, les perdants, ceux qui restent et doivent vivre avec le manque, le chagrin, la folie, le vide.

J’ai toujours dans ma PAL un roman de Sorj Chalandon qu’il m’avait dédicacé à la foire du livre de Brive… Et, ce n’est pas l’envie qui me manque de le lire, peut-être faut-il juste prendre le temps. Car j’ai aimé son écriture… même si d’aucuns pensent que Le jour d’avant n’est pas emblématique de son écriture, je me suis laissée prendre par cette vie dans les mines du nord de la France.

Lire aussi la chronique de Virginie du blog Les lectures du mouton et celle de Joëlle du blog Les livres de Joëlle.

Catalogue éditeur :  Grasset

«  Venge-nous de la mine  », avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui ai promis, poings levés au ciel après sa disparition brutale. J’allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, parti en paysan. Venger ma mère, esseulée à jamais. J’allais punir les Houillères, et tous ces salauds qui n’avaient jamais payé pour leurs crimes.

Parution : 16/08/2017 / Pages : 336 / Format : 145 x 205 mm / Prix : 20.90 € / EAN : 9782246813804