L’enfant du volcan, Léo et Ghyslène Marin

Revenir aux sources de la déchirure, pour ne pas oublier les drames du passé

Le volcan, celui de La Réunion, l’île intense, mais aussi cette île d’où sont partis plus de deux mille d’enfants ente 1964 et 1984, hier autrement dit, vers la métropole pour peupler les régions appauvries par l’exode rural massif. Plus de jeunes, plus de bras, vite, pourquoi ne pas mettre en place un vaste plan pour faire venir des orphelins de cette terre qui soit disant ne pourrait pas nourrir autant de monde. L’île était trop peuplée, suite à une trop forte natalité et à une faible mortalité. Ils allaient repeupler à peu de frais les familles, villages, fermes, de la Creuse et de quelques autres départements, Tarn, Gers, Lozère, Pyrénées-orientales.

Au départ pensé pour des orphelins, l’opération s’est avérée être un vaste mensonge orchestré par le BUMIDOM et la DDASS, sous l’égide de Michel Debré, alors préfet de La Réunion. Ce déplacement d’enfants n’a pas toujours été souhaité par des parents à qui on a largement menti. On leur a fait signer des papiers d’abandon alors qu’ils savaient à peine lire, et de fait, une faible minorité seulement de ces enfants étaient réellement orphelins.

Dans le village de Sainte-Avre, le château est devenu l’un de ces orphelinats qui accueillent les enfants de là-bas. Il est dirigé d’une main de fer par madame et mademoiselle, deux sœurs portées sur la religion et le méthodes radicales pour faire passer le message, autorité, respect, silence.

Là, certains enfants ont beaucoup de mal à s’habituer. Cauchemars, angoisses, nuits sans sommeil, terreurs enfantines, rien ne leur est épargné dans cet environnement austère et déshumanisé. Bien sûr il y a le jour des familles pour tester lesquels pourraient être adoptables, ou pourraient bien servir à la ferme, pourquoi pas. Et puis il y a ceux qui restent un peu plus longtemps.

Mila est de ceux là.

Mila aime aller au village, et s’asseoir dans l’épicerie d’Ernestine la silencieuse et d’Hector son époux que certains jugent pas fini. Au fil des ans, une forme d’amitié se noue entre la petite fille venue de loin et ce couple bizarre. Mila est une des rares à vouloir savoir d’où elle vient, qui étaient ses parents, comment ils sont morts, et cherche à comprendre pourquoi elle et tant d’autres se sont retrouvés là. Elle bouscule les certitudes ou les silences acceptés par d’autres, rejette obstinément cette facilité d’oubli qui permet de mieux vivre le présent.

Lorsque l’amitié entre ce couple vivant déjà presque en marge du village et l’enfant du volcan devient trop grande, tout sera mis en œuvre par l’administration pour les séparer. La méchanceté des villageois aidant fortement à faire le mal là où un bonheur simple aurait pu leur être offert.

Des années plus tard, c’est Ernestine qui nous raconte leur histoire.

J’ai aimé cette façon toute en émotion de nous présenter cette période souvent méconnue de notre histoire récente. Toujours passionnée par cette île, La réunion, j’ai lu pas mal de choses à ce sujet, et quelques romans dont Les enfants du secret, de Marina Carrère d’Encausse. Le sujet n’est pas facile à traiter, il l’est ici avec une pudeur qui laisse transparaître l’émotion et la douleur, les questionnement et les attentes.

Malgré quelques longueurs, on se laisse surprendre par le récit d’Ernestine. Les trois personnages principaux sont attachants chacun à sa manière. Totalement décalés dans le monde qui les entoure, ce sont pourtant eux qui démontrent les plus beaux sentiments, sensibilité et amour, soucis de l’autre, intérêt pour leur prochain. Ils ne nous laissent jamais indifférents. J’aurais aimé en fin du roman un peu plus d’explications sur le sort de ces enfants, mais heureusement pour ceux qui veulent faire la démarche, internet est aussi là pour ça.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Saint-Avre, village de la Creuse vidé par l’exode rural. Le château, devenu un orphelinat, vient d’accueillir des enfants d’ailleurs, dont Mila, une petite Réunionnaise, arrachée à son île et à sa famille. La fillette trouve auprès d’Ernestine et d’Hector, les épiciers du village, un peu de réconfort. Or, l’attachement profond qui se crée entre ce couple sans enfant mais débordant d’amour et cette gamine livrée à la solitude et au racisme semble contrarier les autorités administratives…

Parution 01 février 2023 / Prix édition Brochée 20,90 € / 320 pages / EAN : 9782226476746

Nom, Constance Debré

Elle n’écrit pas, elle boxe

Nom, ce sont des mots balancés comme des coups de poings pour dire non. Non à la vie, à l’enfance obéissante, à la bourgeoisie, à la famille. À tout ce qu’elle a été pour se conformer aux règles mais qu’elle a rejeté en bloc et qu’elle ne veut plus jamais être.

Renier sa famille, sachant que ses propres parents sont décédés c’est enfin possible peut être, il faut dire qu’il sont vraiment singuliers, opium, alcool, drogue, violence, une forme de déchéance, pas facile de grandir dans cette famille là.

Renier aussi une sœur des oncles des cousins un mari un fils des amantes des femmes qui passent que l’on aime et puis que l’on n’aime plus.

Renier pour enfin vivre être aimer crier dire exploser se battre rejeter abandonner prendre, parce que c’est ça ou P. L. U. T. Ô. T  C. R. E. V. E. R

Rejeter tout héritage matériel ou immatériel, y compris filial, moral, mais pas que. Vivre dans une chambre de bonne ou squatter chez les amis ou chez les rencontres d’un jour. Quitter son métier, sa famille, sa vie. Même son nom, le refuser de toute son âme de tout son corps androgyne fluet mais solide comme un roc. Elle nage vers sa vie, solitaire et forte, après avoir accompagné le père vers sa mort, dans le silence et la communion, enfin. Celui à qui elle ressemble le plus sans doute. Celui qui dénote dans cette famille bourgeoise obéissant aux règles et patriote, qui a fourni ministres et députés, rabbins et médecins, savants et artistes, à la République qu’elle respecte et dont la constitution fut écrite par le grand-père.

C’est une drôle d’expérience de lire un roman de Constance Debré. Explosent à chaque page la négation et le rejet de tout ce qu’elle a été, le désir de ne plus rien posséder, l’envie de tout jeter… même les livres. Et pourtant désormais sa vie ce n’est plus d’être avocate pour défendre les pauvres et les bandits mais écrivain pour publier les livres qui vont réveiller tous ces lecteurs abrutis par la vie confortable ou désespérée qu’ils vivent sans même avoir l’idée de chercher à en sortir. Vous et moi en quelque sorte. Des livres signés Debré quand même. Rejet du nom mais seulement jusqu’à un certain point ?

Ça cogne et ça bouscule dans ces pages, je ne sais pas si l’idée est de choquer le lecteur pour lui donner envie de se réveiller, ou au contraire l’envie de refermer le livre en se contentant de continuer à vivre comme avant. Mais il me semble que ça doit changer bousculer éveiller quelque chose chez chaque lecteur, d’une façon ou d’une autre. A moins que ce ne soit pour se convaincre elle-même du bien fondé de tous ces rejets. Le livre d’une écorché vive peut-être. Si j’ai ressenti une profonde violence dans les mots, la façon de vivre, les actes, la solitude et le dénuement assumés, il m’a semblé aussi percevoir une douleur en trame de fond. Alors bien que l’on soit parfois mal à l’aise ou un peu dubitatif à cette lecture, elle est vraiment intense et j’avoue qu’elle ne m’a pas laissé indifférente.

Catalogue éditeur : J’ai lu, Flammarion

« J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut. »

Paru le 01/02/2023 / 7,00€ / 160 pages / EAN : 9782290380321

Les aiguilles de l’oubli, Alizée Ambroise

Un témoignage fort, émouvant, une écriture salvatrice

Elle a quelques semaines lorsque ses parents la déposent dans un orphelinat, et deux ans lorsqu’elle est prise en charge dans la famille de Nanou. Mais Nanou a déjà une fille, Nelly, pourtant, elle souhaite s’occuper aussi d’une autre enfant placée par la DDAS.
Alizée devait y rester deux ans, elle y passera son enfance avec toujours dans son cœur la crainte d’être à nouveau abandonnée, rendue à la DDAS, oubliée comme un vulgaire paquet dont on se débarrasse.

Pourtant jamais sa mère biologique ne l’abandonne, lui interdisant tout espoir d’être adoptée et de vivre heureuse dans une autre famille. Alors elle devra toute sa vie composer avec une Nanou qui l’élève tant bien que mal, mais sans vraiment l’aimer, avec une presque sœur Nelly, jalouse, qui ne l’a jamais adoptée ni acceptée, avec les questions qui forcément se posent un jour, d’où vient-elle, pourquoi a-t-elle été abandonnée et pas son frère, pourquoi n’a-t-elle jamais été aimée.
Elle grandi pourtant, se marie, étudie et devient professeur de français, mais toujours avec cette blessure à vif impossible à refermer.

Un cancer et de nombreuses séances de psy plus tard, Alizée décide d’écrire son histoire. Catharsis sur plaie ouverte, remède à l’abandon, tentative d’explication, mais c’est tellement difficile pour cette mère de trois enfants de se mettre dans la peau de celle qui l’a abandonnée.

Un témoignage fort, qui montre à quel point les blessures de l’enfance façonnent notre vie entière, qui montre aussi l’égoïsme de certains parents qui jamais ne font le bien de ces enfants qu’ils ont pourtant mis au monde.
Une lecture rapide, des moments forts et émouvants, un témoignage intéressant.

Catalogue éditeur : éditions LC

Tout à la fois abandonnée et non adoptable, Alizée n’est pas la bienvenue dans ce monde. Elle grandit avec peu d’illusions et peu de rêves, presque invisible, mais cible facile. Plus cruels que des cris ou des coups, les silences de son entourage passé l’enferment davantage et alimentent les questions toujours plus nombreuses : quelles raisons à son abandon initial ? Quelle force lui a permis de s’accrocher à la vie ? Où puise-t-elle l’énergie qui la rend si résistante aux combats ? Comment n’a-t-elle pas renoncé à aimer ? En se saisissant des mots, Alizée affronte ses démons d’hier et se réconcilie peu à peu avec elle-même. Un beau récit de vie et de résilience pour se rappeler que la vie est parfois cruellement belle.

En dépit d’une enfance chaotique et mal engagée dans l’existence, Alizée Amboise trouve, par une détermination sans faille, une forme de stabilité. Mariée et mère de trois enfants, elle exerce pendant plus de vingt-cinq ans le métier d’enseignante. A la cinquantaine, une avalanche de coups l’assaille. A bout de souffle, elle entame une thérapie au cours de laquelle ressurgissent ses traumatismes enfouis. En chemin vers sa libération, elle ose, pour la première fois, prendre la plume et s’exprimer au grand jour.

ISBN : 9782376961475 / 187 pages / 17,00€

A la rencontre de Clarisse Serre

« On ne peut pas être Avocate ou être Pénaliste seulement la semaine, on l’est tout le temps, on y pense tout le temps »

Bonjour Clarisse, j’ai eu le plaisir de lire ton livre, La lionne du barreau, et d’y découvrir une femme forte, pugnace, droite. J’ai aimé cette lecture qui m’a vraiment embarquée dans les coulisses de ton métier.

Acceptes-tu de répondre à quelques questions à propos de ce livre ?

Qu’est ce qui a motivé l’envie d’écrire ce livre ? Le partage d’expérience, l’envie de montrer l’exemple, ou toute autre raison ?

En 2019 Arnaud Hofmarcher et François Verdoux m’ont contactée pour donner suite à un article de presse dans lequel j’aurais dit que j’avais envie d’écrire (à vrai dire j’ai souvent beaucoup d’idées). Rendez-vous est pris dans un restaurant.

Au début j’ai cru qu’il s’agissait d’une blague. Arrivée au rendez-vous j’ai bien vu que non, je leur ai dit que je ne savais pas écrire. Ils m’ont dit nous ferons des réunions, vous nous raconterez et on écrira. Me voilà rassurée et puis, en fait, la Covid est arrivée et j’ai donc décidé de m’y mettre. J’ai dis à Arnaud que je ne voulais pas d’une autobiographie car cela n’avait aucun intérêt mais qu’en revanche j’avais envie d’écrire des petits chapitres sur différents thèmes (j’ai d’autres thèmes en tête mais qui n’ont pas été écrit, il a bien fallu s’arrêter à un moment).

Je crois que j’avais vraiment envie d’écrire mais que je ne me sentais pas légitime car je ne suis pas écrivaine. Trop de professeurs de français m’avaient dit que j’avais des idées (ça a toujours été le cas) mais que je n’avais aucun style, que c’était lourd (et j’ai parfois un complexe par rapport à l’écrit car il me semble que celui qui sait véritablement écrire c’est mon conjoint).

Mais il y a eu un autre moteur, celui d’écrire en mon nom. Des avocats avaient écrit avec des journalistes mais je me suis dis que ce n’était pas moi, que si je devais parler du livre il fallait qu’il soit moi à 100% et j’ai donc pris la plume non le clavier. Et j’ai eu carte blanche !

Comment trouve-t-on le temps (et l’envie) d’écrire avec d’un côté un métier aussi prenant, et de l’autre une vie de famille, une vie sociale ? Et combien de temps cela t’a pris, serais tu prête à recommencer ?

Le début de l’aventure a commencé en été 2019 je crois, j’ai écrit pendant la covid puis quand l’activité a repris pour nous c’était véritablement en juin 2020 et ensuite il n’y plus eu de rupture, plus eu d’arrêt, j’écrivais quand je pouvais en particulier le soir tard et le dimanche

En fait j’écrivais dans ma tête et quand je me mettais devant l’ordinateur j’ai découvert le syndrome de la page blanche ou de l’écriture qui ne vient pas ! avec les audiences le temps a manqué car en même temps j’étais sur la série pour laquelle je suis auteur.

Le coup d’accélérateur a été janvier de cette année. La couverture du livre avait été validée mais le livre n’était pas fini. Là je vais dans ma librairie habituelle Fontaine à Duroc. Ils me connaissent très bien, au bout de 10 ans  j’ai noué des liens forts avec la propriétaire Marie DO qui est citée à la fin du livre(c’est une sacrée bonne femme que j’adore, une vraie librairie, des goûts tranchés, une grande gueule j’ai beaucoup appréhendé sa lecture du livre. Il y a même eu un quiproquo ; elle a lu le livre en août et je n’avais aucun retour ; je me suis dit elle n’a pas aimé et elle ne veut pas me le dire. En fait, elle a adoré, elle a même été touchée à être émue par certains passages dont celui sur la prison). Ce samedi de janvier au moment de payer, Olivier un des libraires plutôt réservé me dit Mme serre: Sonatine et il insiste ! Là je ne comprends pas du tout, je suis à 10 000 lieux de Sonatine et il insiste. Voyant ma tête, il me dit « on a reçu le catalogue Sonatine pour la rentrée de septembre et vous êtes dedans » je le regarde incrédule et lui réponds mais le livre n’est pas fini ! Et donc là il a fallu s’y remettre, le terminer.

En mars, phase de relecture, l’aventure a connu une nouvelle étape. J’ai demandé à ma marraine Monique Risser citée à la fin, bibliothécaire à la retraite de le lire. Depuis que je suis née, elle a toujours guidé mes choix de polar notamment. Elle était bibliothécaire dans un village alsacien Ebersheim. Sans hésiter elle a accepté. Elle avait un plan en 3 phases une lecture totale pour avoir une vue d’ensemble, une deuxième lecture pour les fautes puis une troisième lecture pour relecture finale.

Je dois dire qu’elle était la première lectrice en dehors de la maison d’édition et donc son avis était crucial.

Elle est très pudique, peu démonstrative, mon opposée en somme et là le verdict est tombé. Elle m’a dit j’ai découvert le monde judiciaire que je ne connaissais pas, et au-delà finalement je t’ai aussi découvert et ne m’imaginai pas du tout ce que tu vivais.

Qu’elles ont été les réactions de tes collègues avocats, comprennent-il cette démarche, et surtout ce que cela implique de ce que tu dévoies de ta personnalité et des difficultés d’être femme dans ce milieu ?

Le livre a été très bien accueilli par le milieu je n’ai que des compliments beaucoup me disent on aurait pu écrire ce livre car tout ce que tu écris est tellement juste.

Ceux qui ne sont pas du milieu me disent que le livre rend accessible la justice, que ce que je dis est clair. Je crois que je n’en reviens pas de tous ces compliments.

Il y a les collègues, mais il y a aussi, ou surtout, les clients. As-tu eu besoin, ou envie, d’en parler avant à certains clients que tu évoques, même si c’est sans les nommer ? Si oui, comment l’ont-ils pris ?

Mme H a été d’accord pour être enregistrée et a donné son accord une fois qu’elle a relu le livre, c’est une véritable preuve de confiance. Je pensais qu’en dévoilant les fragilités cela pourrait faire fuir les clients et en fait pas du tout, il faut dire que je ne mens pas et j’essaie de faire au mieux.

Penses-tu que ce livre sera utile à d’autres ? Et si oui, pour qui et comment. Je pense en particulier à de jeunes femmes avocates qui débutent dans le métier, mais ça peut-être aussi n’importe qui d’autre. As-tu des exemples ?

Quand j’ai écrit ce livre j’avais envie de parler de gens dont on parle peu les greffiers, de thèmes #metoo, de la relation avocat /magistrats, de dire ce que je pense mais je ne pensais pas à toutes les retombées.

Ce qui est certain c’est que depuis 10 ans beaucoup de jeunes veulent exercer au pénal mais je constate qu’ils ont une méconnaissance de la réalité et donc sans vouloir les décourager je voulais leur raconter mon vécu.

On ne peut pas être Avocate ou être Pénaliste seulement la semaine, on l’est tout le temps, on y pense tout le temps.

Je pense et je l’espère que ce livre sera utile pour donner l’envie de franchir les grilles des palais de justice.

J’aime quand je vais sur les plateaux télé et qu’on me dis grâce à vous on comprend mieux et on réfléchit autrement.

Quelles sont les réactions de tes lecteurs ? Penses-tu que tu pourrais susciter des vocations ?

Je reçois des messages tellement élogieux que j’en suis gênée, tant du milieu judiciaire que du non-judiciaire. On me dit souvent que je suis un modèle et franchement ça me met mal à l’aise je n’ai aucune prétention a être un modèle. C’est absolument nécessaire qu’il y ait toujours des Pénalistes, des avocats de la défense.

Je ne veux donc pas décourager les jeunes mais juste leur dire que Pénaliste c’est une vie consacrée à la Défense sans répit.

Ce n’est pas la branche du droit dans laquelle on fait fortune mais pour moi c’est certainement la plus exaltante

Je pense qu’il faudrait demander à mon conjoint, à mes enfants car vivre avec moi n’est pas une sinécure !!!!! je suis toujours en action c’est fatigant pour eux.

Maintenant par orgueil si à Noël mon livre se trouve sous le sapin, j’en serai très fière. Je ne rechigne pas mon plaisir mais je veux surtout dire qu’on n’a rien sans rien, que le travail est une valeur cardinale de mon éducation et que mon seul regret c’est l’absence de mes parents.

Tu parles de la difficulté de ce métier, qu’est-ce qui t’a paru le plus difficile au départ ? Est-ce toujours vrai aujourd’hui avec le recul et ton expérience ?

Le plus difficile c’est de s’imposer. Cela prend beaucoup de temps

Plus qu’un métier c’est une vocation pour moi ! C’est toujours aussi difficile et cela le sera toujours car il s’agit de situation de crise, de tristesse, de douleurs.

Mais alors, si c’était à refaire, referais-tu le même métier, et de la même façon ?

Je ne sais rien faire d’autre

Merci Clarisse d’avoir accepté de répondre à mes questions, et j’espère que de nombreux autres lecteurs vont apprécier ton témoignage autant que moi.

J’espère aussi que notre expérience de l’INHESJ et surtout de l’association Féminhes va pouvoir reprendre, en tout cas elle m’a permis cette belle rencontre avec toi !

Les choses que nous avons vues, Hannah Bervoets

Le quotidien des modérateurs de contenu internet, un roman à découvrir

Kailegh est une jeune femme de l’ombre, de celles qui visionnent à longueur de journée toutes les vidéos les plus malsaines qui sont postés sur ces réseaux sociaux qui ont envahi notre quotidien jusqu’à plus soif. Elle est modérateur de contenu, un métier qui n’est pas sans risque puisque c’est quasiment à la chaîne qu’il faut visionner les horreurs, morts, sexe, violence, rien ne lui est épargné, bien au contraire puisque là aussi il faut atteindre des objectifs.

Heureusement, dans ce quotidien difficile, les jeunes savent se retrouver pour boire un verre, et parfois plus si affinité, comme ce sera le cas pour Kailegh avec la belle et intrigante Sigrid.

Nous la découvrons alors qu’elle explique à un avocat qui l’a contactée pour participer à une action collective, quel a été son quotidien dans la firme qui l’employait et contre laquelle certains de ses collègues portent plainte.

C’est un quotidien d’une telle noirceur, avec une telle charge mentale que l’on se demande comment ces jeunes vont pouvoir s’en sortir. Car bien sûr, n’imaginons pas que les robots sont capables de tout analyser. D’ailleurs nous sommes nous même parfois analyseurs de photos lorsque l’on nous demande si nous sommes des robots. Mais pour nous il s’agit tout simplement de feux tricolores ou de voitures, pas de tout ce qui détruit et fait mal.

Un roman étonnant par le sujet et la façon dont il est traité, qui nous fait nous poser des questions sur cet internet des écrans qui a depuis longtemps pris le pouvoir sur notre quotidien. J’ai apprécié de le découvrir en même temps que cette nouvelle maison d’éditions Le Bruit du Monde.

On ne manquera pas de lire également les chroniques de Nicole du blog motspourmots, et celle de lectures d’Antigone.

Catalogue éditeur : Le Bruit du Monde

Traduit du néerlandais par Noëlle Michel

Une plongée saisissante dans le quotidien des modérateurs de contenu, les nettoyeurs du web. Hanna Bervoets y analyse l’état de confusion entre réalité et virtuel dans lequel nous vivons.

EAN : 9782493206039 / Nombre de pages : 160 / 16.00 € / Date de parution : 03/03/2022

Le pain perdu, Édith Bruck

Trouver les mots pour dire l’innommable, écrire pour ne jamais oublier

Parce qu’elle a senti que sa mémoire allait être bientôt défaillante, à 90 ans Édith Bruck a décidé d’écrire, pas un simple texte à ajouter à ses déjà nombreux écrits, non, mais un récit unique. Le récit impossible d’une vie, celle d’une des dernières grande voix, d’un des derniers témoins de la Shoah. Édith Bruck est née en Hongrie, et a vécu en Italie la plus grande partie de sa vie.

Le pain perdu, c’est celui que la famille n’a jamais pu manger car les soldats sont arrivés pour leur faire prendre le train qui devait les emmener dans le camp de concentration.

Le pain perdu, c’est la famille disloquée, la mère qui part à gauche, là où est le feu, les filles à droite, et Édith qui s’accroche à sa mère mais que le soldat fait changer de file, Édith qui ne finira pas dans la fumée du camp comme tant d’autres femmes, enfants, vieillards, hommes, arrivés là en même temps, avant ou après elle.

C’est une enfant née le 3 mai 1931 dans une famille juive pauvre, l’enfance heureuse d’une fillette qui travaille bien à l’école ; ce sont les premières manifestations de racisme contre les juifs dans son petit village de Tiszabercel, près de la frontière ukrainienne, un village jusque là plutôt tranquille ; puis a 13 ans en avril 1944, c’est la déportation, le matricule 11152, Birkena, Auschwitz, Kaufering, Dachau, Bergen-Belsen, les camps d’extermination, les privations, la faim, l’épuisement, les morts, les longues marches dans le froid ; la libération en 1945 ; l’exil en Israël, et toujours, ensuite, tenter de vivre après ça.

C’est n’avoir aucun mot pour dire, pas d’échange possible avec ceux qui n’ont pas connu cette horreur, et tant de questions, tant de pourquoi, tant de douleur. C’est le rêve fou d’aller en Israël, la désillusion, puis la vie en Italie, et les mots, toujours, pour dire.

C’est un récit autobiographique à la lecture nécessaire, douloureuse, indispensable. Le témoignage des survivants, ceux qui bientôt ne seront plus là, ceux qui encore peuvent nous dire, à nous les générations suivantes ce que fut le mal absolu.

On ne peut que penser aux témoignages de Primo Levi, Marceline Loridan, Charlotte Delbo et tant d’autres en lisant ce livre qui se termine sur une lettre à Dieu, mais quel Dieu, celui qui a laissé faire tout cela ? Le pain perdu, à faire lire, encore et encore, pour ne jamais oublier.

« Je t’écris à Toi qui ne liras jamais mes gribouillis, ne répondras jamais à mes questions, à mes pensées ruminées pendant toute une vie. »

Édith Bruck a publié une trentaine d’ouvrages en six décennies d’écriture, mais Le pain perdu, publié aux Éditions du sous-sol, lui a valu, à 90 ans, une aussi soudaine que tardive notoriété en Italie. Le livre a remporté le prix Strega Giovani, équivalent du Goncourt des lycéens, le prix Viareggio.

Catalogue éditeur : éditions du Sous-Sol

Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle.”

En moins de deux cents pages vibrantes de vie, de lucidité implacable et d’amour, Edith Bruck revient sur son destin : de son enfance hongroise à son crépuscule. Tout commence dans un petit village où la communauté juive à laquelle sa famille nombreuse appartient est persécutée avant d’être fauchée par la déportation nazie. L’auteur raconte sa miraculeuse survie dans plusieurs camps de concentration et son difficile retour à la vie en Hongrie, en Tchécoslovaquie, puis en Israël. Elle n’a que seize ans quand elle retrouve le monde des vivants. Elle commence une existence aventureuse, traversée d’espoirs, de désillusions, d’éclairs sentimentaux, de débuts artistiques dans des cabarets à travers l’Europe et l’Orient, et enfin, à vingt-trois ans, trouve refuge en Italie, se sentant chargée du devoir de mémoire, à l’image de son ami Primo Levi.

« Pitié, oui, envers n’importe qui, haine jamais, c’est pour ça que je suis saine et sauve, orpheline, libre. »

Édith Bruck, née Steinschreiber, voit le jour le 3 mai 1931 à Tiszabercel en Hongrie. À sa déportation, elle consacre à partir de 1959 plusieurs récits et poèmes dans la langue italienne qu’elle a adoptée en choisissant de vivre à Rome, dès 1954. Épouse du poète et cinéaste Nelo Risi, elle évoque souvent cette passion dans ses romans. Journaliste, scénariste, documentariste, comédienne, cinéaste, dramaturge, elle a multiplié les activités, sans jamais renoncer à témoigner de son expérience et sans jamais recourir à la haine.

Traduit de l’italien par René de Ceccatty / 176 p. / 16,50 euros / paru le 7 janvier 2022 / ISBN : 9782364686090

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, Gilles Paris

Harcèlement à l’école, suicide adolescent, un sujet tristement d’actualité

Le roman débute par le témoignage d’Iris. L’adolescente parle de son beau-père, de ses petits copains et de tous ces garçons qui ont déjà défilé entre ses bras malgré sa courte vie, explique comment sa mère la considère, le peu d’intérêt que lui porte sa famille, mais aussi ses amis et camarades du lycée. Puis son suicide frappe le lecteur d’un grand coup de poing dans l’estomac.

Et pourtant, qui est coupable parmi les élèves, les amis, les camarades ? Sans doute chacun d’eux tour à tour, par leurs attitudes, leurs actions, leurs mots et leurs railleries. Tous par leurs silences, à l’ignorer, la décrier, l’insulter. Et les réseaux sociaux, complices de ceux qui ont agit, dit, filmé, montré.

Viennent ensuite les témoignages de la très sage Emma, de Sarah et Chloé ses meilleures copines, de Solal son amoureux, de Tom, le jumeau d’Emma, l’inséparable, puis Romane, Timothée, Aaron, Julian, Léon, Virgile, etc. Chacun à son tour se sent en partie coupable, raconte, essaie de comprendre, de s’excuser, de s’accuser, de remonter le temps pour que cela ne soit pas, mais aussi de continuer le fil de sa propre vie, au milieu de tant de questions, d’interrogations, d’incompréhension.

Ils sont jeunes, boivent beaucoup, fument de la beuh au lycée ou les soirs de fête et de beuverie. Ces soirs-là, comme l’argent ne semble pas un problème pour en trouver, l’alcool coule à flot, les filles saoules deviennent faciles et les garçons se croient beaux et forts. Les jalousies s’exacerbent pourtant lorsque les beaux gars du lycée s’intéressent à d’autres, y compris aux copines.

J’ai eu un peu de mal à les entendre ces lycéens, garçons ou filles, qui semblent trouver normal de boire autant, de fumer, se droguer, d’avoir des expériences sexuelles avec tous ceux qui le souhaitent, et de les enchaîner sans se poser de question. Pourtant, il est évident que cette façon de vivre cache aussi une profonde détresse, des doutes et des questions sur sa propre personnalité, ses désirs, ses envies. L’intérêt de ce roman, c’est aussi qu’il aborde les conséquences du harcèlement scolaire. Un sujet d’actualité dont on parle trop peu, à part sans doute lorsque des affaires éclatent au grand jour et qu’elles sont reprises un court moment par les médias. En parler, le faire lire, et sans doute ensuite l’évoquer avec ses ados est sans doute une excellente solution pour éviter le pire ou pour dédramatiser.

Ah, merci Gilles Paris pour le lexique en fin du livre, car même si j’en connaissais certains, les acronymes ou mots expliqués m’ont permis de suivre et qui sait d’avoir l’air moins bête lors de conversation future avec des jeunes.

Catalogue éditeur : Hors Série Giboulées, Gallimard Jeunesse

«Je me suis laissée prendre, comme une fille facile.» Ainsi parle Iris avant de se donner la mort. C’est un choc pour l’ensemble du lycée mais surtout pour Emma, Tom et leurs amis. Conscients d’avoir mal agi, ils tiennent à mieux comprendre ce qui s’est passé et à défendre la mémoire d’Iris.

À partir de 15 ans / 224 pages / 13,50 € / Parution : 09-09-2021 / ISBN : 9782075153034

Les oubliés, John Grisham

Plonger dans les méandres de la justice avec ce thriller efficace et parfaitement maîtrisé

Cullen Post est un avocat atypique. Pasteur de l’église épiscopale, il a exercé son métier d’avocat en cabinet avant de rejoindre Les Anges Gardiens. Cette association à but non lucratif a pour mission de faire sortir de prison, et parfois même du couloir de la mort, les condamnés innocents des crimes qui leur ont été reprochés. Avant de décider de s’occuper de ceux qui les appellent au secours, une enquête poussée est menée par les membres de l’association.

Le jour où Quincy Miller les sollicite alors qu’il est déjà dans le couloir de la mort et emprisonné depuis 22 ans, Cullen Post prend l’enquête en main.

Quincy Miller à été condamné pour le meurtre violent de Russo, un jeune avocat qui exerçait dans la petite ville de Seabroke. Tout le travail des Anges Gardiens est alors de remonter les étapes de l’accusation et de la condamnation, d’en prouver les incertitudes et de mettre la lumière sur toutes les incohérences et les mensonges qui ont permis cette condamnation inique. Et l’on se rend vite compte que dans cette petite ville, comme dans bien d’autres aux Usa, la culpabilité d’un homme noir arrangeait bien les affaires d’un shérif vénal aux manières fort contestables.

Tout au long de l’enquête qui s’avère longue et délicate, Cullen Post travaille sur d’autres missions en parallèle. Ces multiples intervenants m’ont parfois un peu perdue, mais au final j’ai apprécié ce thriller à l’écriture aussi efficace que sobre. Pas de circonvolutions littéraire ou de description inutile, des faits, des actions, des résultats émaillent cette intrigue réaliste et d’autant plus passionnante que l’auteur s’est inspiré de faits réels.

Il y a longtemps que je n’avais pas lu de thriller de John Grisham. J’ai trouvé que cette version audio met en valeur son écriture dynamique, factuelle, rythmée, et sa connaissance du milieu judiciaire américain.

Catalogue éditeur : Audiolib et JC Lattès

À Seabrook, petite ville de Floride, le jeune avocat Keith Russo est tué à coups de fusil alors qu’il travaille un soir dans son bureau. L’assassin n’a laissé aucun indice. Aucun témoin, aucun mobile. Mais la police trouve bientôt un suspect, Quincy Miller, un homme noir et ancien client de Russo. Quincy est jugé et condamné à une peine de réclusion à perpétuité. Pendant vingt-deux ans, il se morfond en prison et ne cesse de clamer son innocence. Il n’a pas d’avocat, personne pour le défendre. De désespoir, il écrit une lettre aux Anges Gardiens, une fondation où travaille Cullen Post, avocat et ancien pasteur de l’Église épiscopale. Les Anges Gardiens n’acceptent que très peu d’affaires. Post sillonne le pays pour tenter de réparer les erreurs judiciaires et sauver des innocents. Le cas de Quincy Miller, toutefois, représente un défi d’une tout autre nature. Des gens puissants, violents et sans pitié ont assassiné Keith Russo, et ils ne veulent pas voir Quincy Miller disculpé. Ils ont tué un avocat il y a vingt-deux ans, ils en tueront un deuxième sans hésitation.

Traduit par Dominique Defert / Lu par Nicolas Charbonneaux

Parution : 07/07/2021 Éditeur d’origine JC Lattès Durée 11h04 EAN 9791035406288 Prix du format physique 24,90 € EAN numérique 9791035406202 Prix du format numérique 22,45 € Date de parution 07/07/2021

La sacrifiée du Vercors, François Médéline

Un voyage dans le temps à la recherche des véritables héros de notre Histoire

En ce 10 septembre 1944, quand on découvre dans une forêt du Vercors le corps de Marie, tondue, violée, assassinée, l’ombre des règlements de comptes pèse sur la scène. Mais c’est vite oublier que la famille de Marie est une famille de résistants. Alors, que s’est-il passé ?
Georges Duroy, commissaire à l’épuration, et Judith, photographe américaine et correspondante de guerre pour le magazine Life, qui se trouvent sur les lieux au moment de la découverte vont mener une enquête dont ils se seraient bien passé.

Dans cette époque trouble le moindre jeune du coin est devenu FFI ou résistant de la dernière heure. Ces ardents défenseurs de la France sont prêts à liquider l’ennemi ou le traître sans sommation. Les jeunes FFI du village sont déjà prêts à en découdre avec Simone Fucilla, un marginal italien qui se présente comme le coupable idéal. Mais les raisons invoquées ne sont peut être pas aussi limpides qu’il y paraît. Et l’on découvre à l’occasion la place donnée à l’immigré italien, ce qui permet de réaliser que chaque époque à ses boucs émissaires, ses contradictions et ses peurs quand il s’agit d’immigration.

Le roman évoque le travail rarement abordé de la police de l’épuration et de la complexité de sa tâche. Mais aussi ces nombreuses questions qui se sont posées à la fin de la guerre. Ceux de l’intérieur sont ils amis ou ennemis, héros ou traîtres, valeureux ou lâches. Qui sont nos héros, et comment peut-on arriver à réconcilier la population pour relancer un pays meurtri, par le règlement de compte ou par l’absolution ? Mais si l’absolution ou du moins le silence a été un moyen de faire repartir le pays, cela ne s’est pas fait sans dégâts. Il n’y a qu’à voir ce qu’en disent les générations actuelles chez nos voisins espagnols par exemple. Enfin, cette période de la guerre a été propice à certains règlements de comptes. Un grand nombre de femmes ont eu à en souffrir, à tord ou à raison, puisqu’on parle de près de 20 000 femmes tondues en place publique.

Le sujet est complexe et l’auteur n’apporte pas de solutions péremptoire. Il revient en fait sur sa propre histoire à la suite de la découverte dans un coffre de documents de son grand-père se rapportant à cette période précise. Avec une construction sur le modèle de la tragédie, en une seule journée et un seul lieu, il réussit a retranscrire une ambiance, une époque, et nous fait nous poser de vraies questions. Et ce roman à la fois historique et roman noir, qui interroge sur la justice et bouscule le mythe du héros par ses ambivalences, est un réel plaisir de lecture.

On ne manquera pas de lire également la chronique de Brice Homs du blog « Des livres aux lèvres »

Catalogue éditeur : éditions 10/18

Une robe bleu roi roulée sous des branchages. Plus loin, une jeune femme sauvagement tondue gît sous un arbre.
Dans cette forêt du Vercors, Marie Valette a été violée et assassinée. Elle avait 24 ans.
Ce 10 septembre 1944, Georges Duroy, commissaire de police près le délégué général à l’épuration, et Judith Ashton, jeune photographe de guerre américaine, se trouvent sur la scène de crime.
En cette journée caniculaire, tous deux s’interrogent. Qui a pu s’en prendre si violemment à la fille d’une famille de résistants ?
Jeunes héros sortis de l’ombre, coupable idéal et villageois endeuillés s’affrontent dans les cendres encore fumantes de la Libération. Car au sortir de cinq années de guerre, ce sont les silences et les règlements de comptes qui résonnent sur les flancs arides des montagnes.
Avec force et intensité, François Médéline interroge la complexité des hommes et de leurs combats.

EAN : 9782264077981 / Pages : 198 / Format : 128 x 197 mm / 14,90€ / Parution : 04/03/2021

Le passeur, Stéphanie Coste

Passeur de rêves, passeur de vie, un roman bouleversant et indispensable

Ce sera la dernière traversée de l’année, ensuite, il faudra attendre le printemps. Aussi les candidats au départ sont-ils particulièrement nombreux, cantonnés sous de fortes chaleurs dans les entrepôts de Seyoum, sur la côte libyenne. Car loin d’être un voyage d’agrément, cette traversée est le dernier espoir de ceux qui tentent d’atteindre les côtes de l’Europe, et tout d’abord Lampedusa, pour quitter cette terre d’Afrique trop inhospitalière.

Ils ont payé le prix fort aux hommes qui les ont conduit jusque ici depuis l’Éthiopie, le Soudan ou l’Érythrée. Et Seyoum est comme tant d’autres, un passeur de vies. De ces hommes qui font fortune sur la misère des autres. Sans hésiter, il sait user de violence pour se faire respecter. Est-il sans pitié, cet homme qui s’enrichit sur la peur et le désespoir de ses congénères ? D’où viennent ces angoisses qu’il calme avec des doses de Khat et de gin dans cette chambre où il traîne sa misère dans la profondeur et la noirceur de la nuit.

Peu à peu, alors que le dernier chargement d’érythréens vient d’arriver, le passé de Seyoum se dévoile, sombre et meurtri. Car lui aussi est arrivé de ce pays voilà déjà dix ans. La vie familiale heureuse à Asmara, son amour naissant pour Madiha, puis la révolution, la peur, les arrestations et les exécutions, l’embrigadement dans les camps de travail, les tortures, et la fuite, seul. Il se nourrit aujourd’hui de son propre passé, de ses peurs les plus profondes, de ses plaies à vif qui se réveillent en cette ultime nuit.

En deux époques pour conter la vie et la misère de ses différents protagonistes, Libye 2015, Érythrée, de 1993 à 2005, Stéphanie Coste déroule une partie infime de l’histoire politique de l’Afrique. Le désespoir de ceux qui donnent tout, en prenant le risque assumé de perdre leur vie en mer, pour quitter leurs terres et vivre leur rêve de l’autre côté de la méditerranée. Cette mer devenue le tombeau de trop nombreux candidats à l’exil.

Une lecture particulièrement intéressante qui nous donne une vision depuis l’intérieur du monde des passeurs, de ces guerres d’intérêts financiers qui règnent sur les rives libyennes, pour amener jusqu’à nos côtes les migrants qui tentent de réaliser leurs rêves de vie meilleure. Mais lecture émouvante et dérangeante aussi quand elle nous présente des hommes qui ne sont pas des héros, ni totalement bons ni totalement mauvais. La malchance, le sort, le passé, le destin, sont venus se mettre en travers de leur route pour contrecarrer leurs rêves d’avenir et les obliger à en avoir d’autres, plus loin, plus compliqués, plus aléatoires. La détresse, la violence, l’espoir, sont là pour nous dire les drames qui se nouent à quelques encablures de nos côtes, pas bien loin de notre confort quotidien, confinés mais en toute sécurité.

En lisant Le passeur on ne peut s’empêcher de penser au roman magistral d’Olivier Norek Entre deux mondes mais aussi au court recueil de Khaled Hosseini publié pour venir en aide aux migrants Une prière à la mer

Catalogue éditeur : Gallimard

Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, « de l’espoir son fonds de commerce », qu’on est devenu l’un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu’on a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool, est-on encore capable d’humanité ?
C’est toute la question qui se pose lorsque arrive un énième convoi rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi particulier remonte soudain tout son passé : sa famille détruite par la dictature en Érythrée, l’embrigadement forcé dans le camp de Sawa, les scènes de torture, la fuite, l’emprisonnement, son amour perdu…
À travers les destins croisés de ces migrants et de leur bourreau, Stéphanie Coste dresse une grande fresque de l’histoire d’un continent meurtri. Son écriture d’une force inouïe, taillée à la serpe, dans un rythme haletant nous entraîne au plus profond de la folie des hommes.

136 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072904240 / Parution : 07-01-2021 / prix 12,50 €