Ce n’est pas un fleuve, Selva Almada

Un court texte poétique et onirique qui nous plonge entre deux eaux

Quelle étrange sensation cette lecture. Trois hommes, un bateau pour aller à la pêche, une île, des sœurs jumelles et leur mère qui est sans cesse attirée par les feux qu’elle allume, sont quelques uns des personnages que l’on rencontre au bord de ce fleuve qui n’en est peut-être pas un.

Trois hommes mènent un combat sans merci, une véritable bagarre pour sortir de l’eau une raie gigantesque qui ne leur avait rien fait et dont ils ne vont rien faire. Puis vient la nuit, et l’un d’entre eux disparaît…
Deux jeunes femmes rêvent de s’amuser comme les autres jeunes gens, aller au bal, de l’autre côté du fleuve, boire, danser, et revenir au petit matin, ou pas…
Sur l’île, les hommes décident de venger la mort de cette raie, cette bête magnifique que tous connaissaient mais qu’aucun n’aurait jamais sortie de l’eau. Une mort inutile et sauvage.

Avec des phrases et des chapitres courts, presque des paragraphes, l’auteur mène ses lecteurs au bord d’un rêve éveillé, au fil de l’eau, des rencontres. Au fil du temps qui passe dans tous les sens car les histoires se télescopent et se rejoignent quand on ne les attend pas. Et nous donne à entrevoir une partie du mystère qui règne là, au bord du fleuve. L’atmosphère du lieu est particulièrement bien rendue, à la fois moite, secrète, mystérieuse, sauvage. Elle nous laisse entrevoir une nature qui ne pardonne pas les erreurs des humains qui viennent la troubler sans la respecter. Mais la dureté et la violence des hommes n’est pas oubliée non plus, les temporalités se bousculent pour laisser deviner les liens entre les différents personnages, fils père, frère, amants, amis, parents ou ennemis.

Il y a tout dans ce court roman, vie, mort, violence, amitié virile ou douceur féminine, jeunesse et solitude, deuil et abandon, mystère et réalité s’opposent pour composer un texte à la fois onirique et poétique.

Catalogue éditeur : Métailié

Le soleil, l’effort tapent sur les corps fatigués de trois hommes sur un bateau. Ils tournent le moulinet, tirent sur le fil, se battent pendant des heures contre un animal plus fort, plus grand qu’eux, une raie géante qui vit dans le fleuve. Étourdis par le vin, par la chaleur, par la puissance de la nature tropicale, un, deux, trois coups de feu partent.
Dans l’île où ils campent, les habitants viennent les observer avec méfiance, des jeunes femmes curieuses s’approchent. Ils sont entourés par la broussaille, par les odeurs de fleurs et d’herbes, les craquements de bois qui soulèvent des nuées de moustiques près du fleuve où le père d’un des trois hommes s’est noyé. Ils se savent étrangers mais ils restent.

Titre original : No es un río Langue originale : Espagnol (Argentine) Traduit par : Laura Alcoba
Publication : 14/01/2022 / Pages : 128 / ISBN : 979-10-226-1171-8 / 16 €

Sel, Jussi Adler Olsen

Quand le présent et le passé se rejoignent au sein du département V

Comme à leur habitude, les équipiers du département V tentent d’élucider une affaire non résolue. Mais la police est sous l’eau, ils doivent aider leurs collègues sur une enquête actuelle.
Comment et pourquoi dans les années 80 tous les employés d’un garage ont disparu dans une dramatique explosion ?
Qui en veut aujourd’hui à cette jeune femme décédée dans la rue, et pourquoi ?

Ils sont loin d’imaginer alors que ces deux enquêtes ont un point commun, un insignifiant petit tas de sel que l’on retrouve près des victimes. En remontant loin dans le temps et en ratissant large dans le pays, ils finissent par découvrir que ce petit tas de sel se retrouve dans un certain nombre d’affaires pourtant éloignées, suicides, accidents, meurtres.

Commence alors une enquête minutieuse largement perturbée par la situation sanitaire du pays, et du monde d’ailleurs puisque nous sommes en pleine crise du covid. Aller enquêter tout en étant confiné n’est pas du tout évident on s’en doute. Chercher un dangereux criminel capable de maquiller ses meurtres en suicide ou accident, et assez intelligent pour les espacer de plusieurs années n’est pas non plus de tout repos. Surtout lorsqu’une enquête parallèle vient mettre à mal Carl Mørck qui se retrouve pointé du doigt dans une sombre affaire de trafic.

J’ai trouvé que cette dernière enquête était parfois tirée par les cheveux, mais elle apporte une réelle interrogation sur les notions de bien et de mal, de justice, de vengeance au nom d’un Dieu tout puissant et rédempteur. À quel moment un meurtre est « acceptable » s’il est perpétré sur celui ou celle qui répand le mal ? Qui va-t-on plaindre, le bourreau ou la victime ?

La période du covid et ses aléas, le confinement en particulier, est tellement omniprésente que la vie en dehors de l’enquête des différents protagonistes est légèrement moins prégnante que dans les autres opus que j’avais pu lire, et c’est parfois dommage. Même si Assad a toujours l’art de lancer quelques expressions arrangées à sa propose sauce, à moins que ce ne soit un parti pris, en faire des jeux de mots à sa façon.

J’ai aimé écouter ce roman dans cette version proposée par Audiolib. Le rythme, les voix, les expressions sont rendus vivants par Julien Chatelet. Et une fois de plus, ce qui n’est pas anodin, je n’ai pas eu à me poser de question sur la façon de prononcer certains noms.

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

En replongeant dans une affaire non résolue datant des années 1980, Carl Mørk et l’équipe du Département V découvrent avec stupeur que depuis trente ans, un tueur particulièrement rusé choisit avec une régularité effrayante une victime et l’élimine en déguisant ce meurtre en accident ou en suicide.
À chaque fois, sur le lieu du crime, un petit tas de sel.
Sur fond de restrictions sanitaires dues au Covid-19, Mørk et ses acolytes se lancent dans une enquête dont ils n’imaginent pas l’ampleur.

Lu par Julien Chatelet
Traduit par Caroline Berg
Durée 14h09 / EAN 9791035409524 Prix du format cd 25,90 € / EAN numérique 9791035408893 Prix du format numérique 23,45 € / Date de parution 06/07/2022

Le bal des cendres, Gilles Paris

Quand passé et présent se rencontrent au pied d’un volcan

Guillaume de la Salle est le directeur d’un hôtel au pied du volcan Stromboli, sur l’île éolienne homonyme à quelques encablures de la Sicile.
Dans cet hôtel vont se côtoyer Mathéo, son ami de toujours, ancien militaire comme lui, confident, chaperon, protecteur ;
Giulia, sa femme disparue à la naissance de Giulia sa fille désormais adolescente un peu rebelle qui voudrait en savoir plus sur cette mère qu’elle n’a pas connue ;
Thomas, qui pleure Emilio son amour disparu en mer, et Lior, sa nouvelle conquête ;
Anton le séducteur médecin turc et Sevda, l’épouse trompée mais toujours amoureuse et résignée ;
L’américaine Abigale et son amant Eytan, qui chaque jour fidèlement téléphone à l’épouse restée au foyer ;
Sebastian et Ethel, un frère et une sœur qui se sont perdus de vue pendant des années et se sont enfin retrouvés ;
Cécile, la mère de Tom, Louise et Corentin, et Gris le grand frère disparu que ne voient que ceux qui savent ;
Elena, la comtesse italienne et sa discrète infirmière dame de compagnie, qui l’accompagne partout depuis l’accident qui l’a contrainte à vivre dans un fauteuil roulant et le décès de son époux ;

et tant d’autres qui comme eux se retrouvent à l’hôtel Strongyle pour quelques jours de vacances, d’amour, de rencontres, de bonheur, de repos.

Ces hommes et ces femmes nous racontent tour à tour une partie de leur histoire. En chapitres courts et rythmés, parfois déroutants, surtout au début quand la multiplicité des personnages m’a parfois légèrement perdue. Mais je me suis très vite familiarisée avec chacune de ces tranches de vies venues s’échouer dans le lobby de l’hôtel, sur la plage, dans les ruelles du village, sur les pentes abruptes et parfois si dangereuses du volcan.

Au fil des pages, des rencontres, des situations plus ou moins dramatiques, se dessinent un passé, des secrets, des espoirs et des attentes, des déceptions plus ou moins acceptées, des interactions entre ces protagonistes que pourtant rien ne semblait rapprocher au départ.

Un roman polyphonique dans lequel les relations se nouent, les masques tombent, les secrets se dévoilent, sur cette île au paysage à la fois idyllique et sec. Mais si le passé est parfois bien sombre, l’espoir renaît au bout du chemin, toujours porteur de lumière et d’espérance. J’ai aimé les descriptions de l’île, son influence sur le caractère de ses habitants, la chaleur, l’âpreté des paysages avec ce volcan toujours en éruption, mais aussi l’attrait inégalé pour les nombreux touristes qui y viennent chaque année, et dont on sent que l’auteur y a séjourné et les a lui même vécues. Et qui m’a terriblement donné envie d’aller les découvrir à mon tour !

Catalogue éditeur : Plon

Sur l’île de Stromboli, des couples savourent leurs vacances. Ils sont sensibles, lâches, infidèles, égoïstes, enfantins. Elles sont fortes, résilientes, légères, amoureuses. Le réveil du volcan va bouleverser leurs vies. Cet été de tous les dangers sera-t-il le prix à payer pour se libérer enfin ?

L’action se déroule au Strongyle, un hôtel de Stromboli où séjournent plusieurs couples et familles. Il y a aussi un enfant de 10 ans, Tom, qui ne se sépare jamais de ce mystérieux Gris qu’il est seul à voir avec son frère et sa sœur. Il y a enfin une adolescente, Giulia, grandie trop vite après la mort de sa mère.
Tous vont apprendre à se connaître, à s’apprécier, à s’aimer même pour certains, jusqu’à l’éruption du volcan qui décidera du sort de chacun dans ce roman choral. Lire la suite

EAN : 9782259263740 / Nombre de pages : 312 / Date de parution : 07/04/2022 / 19.00 €

Bel abîme, Yamen Manai

Cent pages d’émotion pure

Un adolescent de quinze ans parle avec l’avocat commis d’office puis avec le psy auquel il a été confié.
Dans sa cellule, il revit ses dernières années jusqu’à cet événement qui l’a amené là, dans la prison, seul, plus victime que coupable peut être malgré la gravité de ses actes.

Son long monologue est avant tout un prétexte à décrire la société tunisienne depuis le printemps arabe. Pas de révolution si ce n’est dans les paroles et dans la violence, mais la vie de certains tunisiens loin d’être meilleure semble beaucoup plus compliquée et encore plus misérable qu’avant.
Pourtant dans cette société qui ne veut pas s’occuper des jeunes, lui avait trouvé le bonheur auprès de Bella la fidèle, l’aimante, la douce. Bella, cette petite chienne qu’il avait recueillie âgée de quelques jours à peine et élevée contre l’avis de sa famille. Car dans les sociétés musulmanes, les chiens n’ont pas bonne presse, rejetés par la religion, ils n’ont pas leur place au sein des familles.

Il y a de l’amour et de la rage, de l’espoir et de la colère, de la passion et du mépris dans ce roman à l’écriture incisive et violente, désespérée et percutante. Le lecteur s’attache à ce jeune homme d’aujourd’hui prisonnier d’une société tunisienne qui n’arrive pas à comprendre, à aider ou à donner le moindre espoir à sa jeunesse en mal d’avenir.

Je n’en dit pas plus, mais courrez lire ce court, très court, mais fort, vraiment très fort roman. Il interpelle, bouscule, bouleverse. C’est un roman à mettre entre toutes les mains, une excellente idée de cadeau pour ces fêtes de fin d’année.

Catalogue éditeur : éditions Elyzad

Un jeune homme s’adresse tour à tour à son avocat et à un psychiatre venus lui rendre visite en prison. Avec une ironie mordante, le narrateur prend à parti ses interlocuteurs. Les charges qui pèsent sur lui sont sérieuses, mais il affirme ne rien regretter. Se dévoilent les raisons qui l’ont poussé au crime : un père qui l’a toujours humilié ; une société gouvernée par les apparences ; la domination des plus forts sans partage.
La pauvreté, la saleté, le mépris des animaux et de l’environnement. Les seuls élans d’affection que le jeune homme a connus ont été ceux de Bella, le chiot qu’il a recueilli. Mais dans ce pays, on tue les chiens « pour que la rage ne se propage pas dans le peuple ». Pourtant la rage est déjà là. Alors quand Bella a été tuée, il a fallu la venger.
Date de parution : 02/09/2021 / EAN :9782492270444

Les orageuses, Marcia Burnier

Comment se reconstruire après les violences et malgré le silence de la justice ?

Elles sont jeunes, fragiles, solitaires, mais au fond ce sont des femmes fortes et déterminées. Elles se sont reconnues, car elles ont été victimes de harcèlement ou de viol. Pourtant aucune n’a osé déposer plainte. A quoi bon si c’est pour ne pas être écoutée, pour être moquée, soupçonnée, dénigrée. Cela, elles ne l’auraient pas supporté, pas après ce qu’elles ont subi. Mais c’est l’orage qui gronde dans leurs têtes et dans leurs corps. Car comment se remet-on d’une agression. Que peut-on faire si l’on est tiraillée entre honte et culpabilité, dégoût et colère, quand on ne sait même plus si l’on a envie de se terrer ou de répondre par la violence.

Un jour ces orageuses décident de se venger et de donner ensemble la réponse qu’elles attendaient d’une société qui s’avère aussi muette que transparente face aux violences faites aux femmes. Oh, leur violence n’est pas celle des hommes qui les ont blessées car elles ont intégré l’idée qu’il y a des limites à ne pas franchir. Le gang de filles décide de frapper ceux qui les ont blessées au plus profond d’elles-mêmes en exerçant cette vengeance qui permettra enfin de parvenir à une forme de résilience.

Est-ce seulement réalisable dans une société qui n’attend des femmes qu’une forme de soumission et d’effacement, qui leur demande de ne faire ni vague ni révolution, de rester avec leurs peurs et leurs angoisses, en espérant qu’à la longue tout rentrera dans l’ordre.

Les orageuses est un court roman aux personnages pas forcément crédibles, mais qui a l’avantage de démontrer la force de celles qui parce qu’elles sont soudées et ensemble, cherchent et trouvent une réponse. Mais si cette forme de vengeance est salvatrice, l’impossibilité de la voir appliquer aux autres victimes rend encore plus désespérant le manque de réaction de notre justice face aux violences faites aux femmes, sans parler du silence assourdissant face aux féminicides. Malgré certaines imperfections, ce premier roman résistant et vindicatif éveille nos consciences sur les dégâts qu’entraîne l’absence de réponse de la justice pour les victimes.

On ne manquera pas de lire sur le sujet Femmes en colère de Mathieu Ménégaux et De mon plein gré de Mathilde Forget.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : éditions Cambourakis

« Depuis qu’elle avait revu Mia, l’histoire de vengeance, non, de “rendre justice”, lui trottait dans la tête. On dit pas vengeance, lui avait dit Mia, c’est pas la même chose, là on se répare, on se rend justice parce que personne d’autre n’est disposé à le faire. Lucie n’avait pas été très convaincue par le choix de mot, mais ça ne changeait pas grand-chose. En écoutant ces récits dans son bureau, son cœur s’emballe, elle aurait envie de crier, de diffuser à toute heure dans le pays un message qui dirait On vous retrouvera. Chacun d’entre vous. On sonnera à vos portes, on viendra à votre travail, chez vos parents, même des années après, même lorsque vous nous aurez oubliées, on sera là et on vous détruira. »

Un premier roman qui dépeint un gang de filles décidant un jour de reprendre comme elles peuvent le contrôle de leur vie.

Marcia Burnier est une autrice franco-suisse. Elle a co-créé le zine littéraire féministe It’s Been Lovely but I have to Scream Now et a publié différents textes dans les revues Retard Magazine, Terrain vague et Art/iculation. Née à Genève, elle a grandi dans les montagnes de Haute-Savoie. Elle a notamment suivi des études de photographie et cinéma à Lyon 2. Les Orageuses est son premier roman, et le premier de la collection Sorcières.

illustration de couverture : Marianne Acqua
144 pages / 130 x 210 mm / parution : 2 septembre 2020 / 15€ / ISBN 9782366245189

Joueuse, Benoît Philippon

Et si la vie n’était qu’une partie de Poker, alors, partie gagnante, ou pas ?

Zack est joueur professionnel depuis l’enfance, il faut dire que son père ne lui a rien appris d’autre. Avec Baloo, son ami de toujours, ils écument les concours, les tripots, et se satisfont de ce qu’ils gagnent. Baloo qui malgré ses tentatives de suicides à répétition sait bien, lui qui a tout perdu, que dans la vie il en faut peu pour être heureux. Mais le jour où il croisent la route de Maxine, leur vie pourrait bien changer de cap.

Joueuse, elle l’est, et douée avec ça. Maxine fait le tour des circuits de jeu de poker clandestins, des bars de seconde zone, rien ne l’arrête et sa technique à fait ses preuves. Le jour où elle découvre le beau Zack, elle décide de l’utiliser pour enfin réaliser son rêve. Un pari à quelques centaines de milliers d’euros, mais un pari risqué, affronter un joueur redoutable qui ne s’en laisse pas compter et qui en a anéanti plus d’un.

Car le pari de Maxine vient de loin, du plus profond de l’adolescence, et il lui faudra beaucoup de courage pour s’y préparer et y arriver. Une fois que Baloo, le matraqueur de violeur de femmes, est convaincu, il lui reste à décider Zack. Les voilà embarqués dans une course semée d’embûches. D’autant que Maxine prend aussi sous son aile Jean, son petit voisin surdoué, qui s’avère un peu encombrant pour mener à bien son projet. Qu’importe, elle n’écoute que son cœur pour le protéger des violences de sa mère.

Sous des airs légers et avec de jolies pointes d’humour, l’auteur aborde ici des sujets graves tel que pédophilie, viol, violences faites aux femmes, et nous permet aussi de pénétrer dans le milieu des joueurs de poker, qui s’il semble parfois bon enfant est bien souvent régit par les mafias lorsqu’il touche aux salles de jeu clandestin.

Les dialogues, les caractères des principaux protagonistes et leurs aventures procurent un vrai plaisir de lecture. L’ensemble est aussi très cinématographique, on s’y croirait. J’ai eu parfois l’impression d’entrer avec Maxine, Zack et Baloo dans ces salles crasseuses et enfumées, dans le manoir majestueux, ou dans les ruelles sombres. Le rythme soutenu fait de Joueuse un polar tout à fait divertissant.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche, Les Arènes

Maxine est une de ces femmes à qui rien ne résiste. Elle tombe sous le charme de Zack, joueur de poker professionnel comme elle, mais elle n’en montre rien. Qui maîtrise à la perfection l’art de la manipulation ne dévoile jamais son jeu.
Maxine propose à Zack une alliance contre un concurrent redoutable. Piège ou vengeance… Zack n’en sait rien. Mais comment résister à la tentation du jeu ? Maxine est une tornade qui défie le monde si masculin des joueurs de poker. Elle est bien décidée à régler ses comptes, coûte que coûte.

Joueuse est une partie de poker virtuose où chacun mise sa vie. Un nouveau livre jubilatoire, teigneux, drôle et renversant de Benoît Philippon, qui décidément aime les héroïnes qui n’ont pas froid aux yeux.

Né en 1976, Benoît Philippon est scénariste et réalisateur pour le cinéma. Après Cabossé (la Série Noire, Gallimard) et Mamie Luger (EquinoX), Joueuse est son troisième roman. 

Pages : 352 / prix : 7,90€ / Date de parution : 10/03/2021 / EAN : 9782253241492

Instagrammable, Éliette Abecassis

Un roman léger qui aborde un sujet grave et contemporain

Les liaisons dangereuses des temps modernes. Quand les outils numériques ne servent plus seulement à communiquer mais aussi à paraître, être, vivre, regarder, sublimer, valoriser, vendre, promouvoir, jalouser, désirer, démolir, détruire, anéantir…

Dans la ronde des instagrammeuses, il y a Jade, et sa ribambelle de followers, Jade qui fait la pluie et le beau temps autour d’elle, que tous rêvent d’imiter, de rencontrer, qui fait votre réussite ou votre bannissement sur ces réseaux sociaux indispensables aux jeunes d’aujourd’hui.
Autour de Jade, on trouve Léo l’ami ex amoureux qui doit son succès aux stories et posts de Jade et lui est donc totalement redevable.
Sacha qui rêve d’être comme elle, ne plus être transparente, avoir autant de suiveurs, au risque d’en oublier sa vie.
Ariane, la mère de Sacha, qui malgré son métier dans la communication est vite dépassée par les événements.
Et quelques autres…

Une mise en situation extrême mais pourtant contemporaine, intéressante à la fois pour mieux envisager les jeunes d’aujourd’hui mais aussi le décalage et l’incompréhension de leurs parents.
Un roman qui se lit tout seul, qui est à la fois léger et grave. Un roman que j’aurais peut-être destiné à un lectorat de jeunes adultes ou d’adolescents, car il parle d’eux. Pour preuve tous les problèmes de harcèlement, destruction de certains jeunes à la suite de propos ou de photos diffusés sur les réseaux. Et pour rappeler à tous qu’il est important d’avoir toujours en tête que l’oubli numérique n’est absolument pas garanti.

Personnages inventés qui nous semblent plus que réels dans ce monde factice que pourtant nous suivons pour certains d’entre nous de près chaque jour. Qui ne passe pas du temps chaque jour sur ce téléphone qui nous relie au monde qui nous entoure ? En tout cas j’avoue y passer quelques heures par semaine… Mais le risque pour ces jeunes accros à Instagram, Facebook, Tiktok, Whatsapp et autres, est de passer plus d’heures sur leur téléphone que dans leur vraie vie.

Catalogue éditeur : Grasset

«  A la terrasse des cafés, seuls ou avec des amis, ils sont sur le qui-vive. À l’affût d’une nouvelle, dans une attente fébrile, constante, ils ont toujours leur téléphone à portée de main. Le soir, ils ne s’endorment pas sans l’avoir consulté, le matin le saisissent avant même d’avoir ouvert l’œil, pour savoir ce qui est arrivé. Mais quoi, au juste ?  » 
 
Dans ces  Liaisons dangereuses  à l’ère d’Instagram, Éliette Abécassis  décrit de façon inédite une génération née au début des années 2000,  en proie à la dépendance et la violence induites par les réseaux sociaux. 
Un roman incisif qui sonde notre époque, et tout ce qui, en elle, nous interroge et nous dépasse.

Format : 133 x 206 mm / Pages : 180 / Parution : 10 Mars 2021 / 17.00 €

Florida, Olivier Bourdeaut

Un roman qui bouscule, émouvant et féroce

Devenir Miss, un rêve pour les jeunes femmes qui se présentent aux concours, mais parfois un cauchemar pour les petites filles que leurs mères inscrivent aux compétitions de mini Miss aux USA. Car de ce jour, pomponnées, apprêtées, vêtues de robes à dentelles, fanfreluches, paillettes et diadème sur la tête, leur vie de petite fille ne leur appartient plus.

Élisabeth Vern se souviendra toute sa vie de l’anniversaire de ses sept ans. Ce jour-là, il n’y avait pas eu d’amies à la maison pour partager jeux et gourmandises, ouvrir la paquet cadeau d’un blanc immaculé et en retirer une robe froufroutante. Seulement elle et sa mère pour partir, participer, et gagner son premier concours de Miss.

Cadeau maudit d’une mère qui vit par procuration la beauté insolente de sa blondinette, qui projette ses envies et ses rêves sur ceux d’une enfant qui ne lui a rien demandé. Un père absent comme en équilibre sur le pas de la porte, des parents qui se disputent sans cesse, et une mère ne trouve rien de mieux comme échappatoire. Pendant cinq ans, mère et fille passent leurs week-ends sur la route. Mais si elle est d’une beauté indiscutable, la fillette ne l’est cependant jamais assez pour gagner à nouveau. Rien n’est suffisant aux yeux de sa mère pour préparer cette éternelle deuxième à la compétition. Ce seront cinq années difficiles pendant lesquelles la violence et la perversion de cet amour maternel dévoyé vont la marquer à tout jamais.

Dès lors, elle fera tout pour s’en éloigner. Le psy, le pensionnat du collège, une fugue, puis la rencontre avec un artiste en devenir qui va la recueillir, sont autant de fuites en avant. Elle veut échapper à l’emprise maternelle et reprendre possession de son corps, de sa vie, quitte à se créer une image à l’opposé des rêves de beauté de sa mère. Élisabeth n’a qu’une envie, celle de maîtriser son corps, pour le rendre différent, aimable ou haïssable, et projeter une image vers l’autre.

Olivier Bourdeaut s’est donné un challenge risqué, se mettre dans la peau de cette enfant, puis de cette jeune femme et faire passer toute l’amplitude et la complexité des sentiments qui l’animent. Amour, haine, vengeance, violence, désespoir, tristesse, tout est là. Pari réussi, le lecteur suit son héroïne avec émotion, révolte, répugnance, un brin d’humour aussi parfois. L’auteur dresse un constat, le corps est soit un outil, soit une arme pour parvenir à un but fixé, quel qu’il soit. Il nous propose un étonnant plaidoyer sur la relation au corps, à l’apparence, à ce qu’il représente dans notre relation aux autres. Il aborde aussi bien sûr en parallèle au dictât de l’image et du culte du corps celui du harcèlement et de la manipulation envers les enfants, que ce soit par la violence ou par l’amour, mais aussi tous les questionnements qui touchent les adolescents d’aujourd’hui dans ce monde régit par l’image et les réseaux sociaux.

Catalogue éditeur : Finitude

« Ma mère s’emmerdait, elle m’a transformée en poupée. Elle a joué avec sa poupée pendant quelques années et la poupée en a eu assez. Elle s’est vengée. »

13,5 x 20 cm / 256 pages / isbn 978-2-36339-146-9 / 19 euros

Les mal-aimés, Jean-Christophe Tixier

Un roman noir qui nous entraîne aux confins des Cévennes au début du XXe siècle


En février 1884, le bagne pour enfants situé dans les hauteurs du village a enfin été fermé et vidé de ses occupants. Ces pauvres gamins coupables de bien dérisoires larcins ont subit pendant des années les violences répétées de leurs gardiens. Seuls les rescapés de ces terribles années de détention on pu en sortir.

Des années plus tard, de dramatiques incidents se produisent chez ceux qui furent un temps leurs geôliers. Incendie de meules et de récoltes, troupeau de chèvres décimé, accident, morts violente. Rien n’est épargné aux habitants de ce coin reculé de la montagne.

Et si les spectres des enfants étaient revenus pour les venger ? Et si le diable avait décidé de reprendre ce qui avait été donné ? Le lecteur va suivre au fil des chapitres Blanche et son oncle, Jeanne et Léon, Étienne, le Gerfaut, Ernest, la Cruère qui tente d’élever les gamins tout droit arrivés de l’hospice mais qui ont si peu de chances de s’en sortir, Morluc le médecin de retour au pays avec ses lourds secrets et ses regrets, chacun à sa façon évoque les sortilèges dans cette région oubliée du monde des vivants. Chacun porte en lui une partie du malheur de la vallée, les actes délictueux, la violence, la solitude, l’emprise ou la soumission. Certains savaient mais aucun n’a parlé, aucun n’a tenté d’arrêter la spirale de la violence et chacun se demande pourquoi on vient aujourd’hui leur demander justice.

Chaque chapitre s’ouvre sur des extraits véridiques et tous aussi dramatiques les uns que les autres, de registres d’écrou d’enfants incarcérés dans la maison d’éducation surveillée de Vailhauqués, à cette même période. Quelle triste constatation, lorsque l’on commence à regarder les faits jugés, puis les dates de naissance et de mort de ces gamins, décédés pour la plupart dans les deux ans après leur entrée au bagne et bien avant leur douze ou treize ans.

Une grande tristesse et beaucoup de noirceur se dégagent de ce roman au fil des pages. C’est pourtant une lecture addictive qui nous incite à sonder la noirceurs des âmes de ces paysans silencieux, reclus sur leurs terres que l’on imagine si loin du monde des vivants.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche, Albin-Michel

1884, aux confins des Cévennes. Une maison d’éducation surveillée ferme ses portes et des adolescents décharnés quittent le lieu sous le regard des paysans qui furent leurs geôliers. Quand, dix-sept ans plus tard, sur cette terre reculée et oubliée de tous, une succession d’événements étranges se produit, chacun se met d’abord à soupçonner son voisin. On s’accuse mutuellement du troupeau de chèvres décimé par la maladie,  des meules de foin en feu, des morts qui bientôt s’égrènent… Jusqu’à cette rumeur, qui se répand comme une traînée de poudre : « Ce sont les enfants qui reviennent. »

Porté par une écriture hypnotique, le roman  de Jean-Christophe Tixier, peinture implacable d’une communauté minée par les non-dits, donne à voir plus qu’il ne raconte l’horreur des bagnes  pour enfants qui furent autant de taches de honte dans l’histoire des XIXe et XXe siècles.

Jean–Christophe Tixier est né en 1967. Il vit actuellement entre Pau et Paris. Créateur du salon polar de Pau « Un Aller-Retour dans le Noir », il est également un auteur jeunesse reconnu (une vingtaine de titres salués par la critique). Son premier roman, Les mal-aimés, Prix Transfuge du meilleur polar français 2019, a été remarqué par la presse.

312 pages prix 7,70€ / Date de parution : 02/09/2020 / EAN : 9782253241621

Albin Michel Prix 19.50 € / 27 Février 2019 / 140mm x 205mm / 336 pages / EAN13 : 9782226436726

Femmes en colère, Mathieu Menegaux

Suivre le procès d’une femme violée qui s’est fait justice elle-même, un sujet sensible et actuel

Alors qu’elle vient de passer trois ans en détention provisoire dans la prison des femmes de Rennes, Mathilde Collignon attend enfin les délibérations de son procès. Mais qui est victime dans ce fait divers violent et barbare, elle, Mathilde, forcée et violée par deux hommes qui n’ont a aucun moment voulu entendre ces « Non » qu’elle a crié, hurlé, murmuré, supplié ? Ou bien eux, ces hommes sur lesquels elle s’est vengée, pensant à tord ou à raison que la justice ne pourrait jamais entendre sa plainte.

Après la longue confrontation avec les parties civiles, la mise en cause, les juges, les jurés, et une fois le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats terminés, la parole est aux jurés. Ceux-ci se retirent pour voter en leur âme et conscience afin que soit appliqué le droit qui protège chaque citoyen. L’attente est stressante, douloureuse. Mathieu Menegaux transforme son lecteur en une petite souris qui se faufile à tour de rôle dans la salle où Mathilde Collignon attend qu’on l’appelle pour le verdict et où elle écrit sur un carnet ce qu’elle ressent, écrire pour survivre, transmettre, témoigner, dire. Puis dans la salle dans laquelle le jury s’est réuni pour délibérer à huis clos, trois professionnels de la Justice, et six français tirés au sort sur les listes électorales pour remplir leur devoir de citoyens. Ah, les délibérations du jury, qui n’a pas un jour craint ou espéré en faire partie.

Mais qui est cette femme qui a osé se venger, une barbare, une folle qui a perdu la raison, une femme qu’il faut interner pour protéger la société ? À mesure que le lecteur avance dans ces deux différentes salles du tribunal, le mystère se lève sur ce qu’il s’est passé trois ans auparavant.

Quand la victime se fait justice et devient à son tour coupable.

Sur les victimes, mais faut-il parler de victimes ou faut-il préférer à ce terme celui de parties civiles, d’agresseurs agressés. Il est difficile de mettre des mots sans prendre partie. Sur la coupable, barbare, agressée, violée, malmenée par deux hommes en toute impunité. Parce que les hommes se croient souvent tout permis. Parce que la voix des femmes est rarement entendue. Parce qu’elle a bien voulu aller les retrouver après tout, c’est bien de sa faute n’est-ce pas, elle qui avoue sans scrupule que oui, elle aime ça et oui, elle trouve quelques coups d’un soir sur Tinder ? Et pourquoi ce qui est accepté d’un homme ne l’est-il jamais quand c’est une femme qui l’exprime, pourquoi la liberté sexuelle ne pourrait-elle pas être assumée aussi par une femme ?

À l’heure des #metoo et autres révélations sur les réseaux sociaux, à l’heure où les violences faites aux femmes sont en augmentation, où le viol n’est toujours pas dénoncé par la majorité des femmes qui en sont victimes, le message de Mathieu Menegaux se veut clair. Entendons, écoutons la parole des femmes tant qu’il est encore temps et surtout avant que justice ne soit rendue par le citoyen lui-même.

Un roman sur un sujet sensible et actuel, peut-être pas assez fouillé à mon goût au niveau des personnages et de leur personnalité, et parfois un peu trop manichéen, mais qui cependant se lit d’une traite. J’ai aimé que l’auteur prenne pour victime cette femme atypique qui assume ses goûts, ses choix de vie, ses envies. Et surtout, l’auteur nous embarque au cœur des procédures parfois absconses de la justice, où il convient de juger le droit, la régularité des faits et non la personnalité des ceux qui en sont victimes ou coupables, sans affect ni sentiments, et cela paraît de fait bien difficile. Pour ceux qu’un procès intéresse, il faut savoir qu’il est possible d’assister aux audiences de ceux qui ne sont pas menés à huis-clos, et cela peut s’avérer terriblement instructif.

Du même auteur, on ne manquera pas de lire également Est-ce ainsi que les hommes jugent ou Disparaître.

Catalogue éditeur : Grasset

Cour d’assises de Rennes, juin 2020, fin des débats  : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Elle est accusée d’un crime barbare, qu’elle a avoué, et pourtant c’est elle qui réclame justice. Dans cette affaire de vengeance, médiatisée à outrance, trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher  : avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau  ?
Neuf hommes et femmes en colère doivent choisir entre punition et pardon.
Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel.

Parution : 3 Mars 2021 / Format : 133 x 205 mm / Pages : 198 / EAN : 9782246826866 prix : 18.00€ / EAN numérique: 9782246826873 Prix : 12.99€