Florida, Olivier Bourdeaut

Un roman qui bouscule, émouvant et féroce

Devenir Miss, un rêve pour les jeunes femmes qui se présentent aux concours, mais parfois un cauchemar pour les petites filles que leurs mères inscrivent aux compétitions de mini Miss aux USA. Car de ce jour, pomponnées, apprêtées, vêtues de robes à dentelles, fanfreluches, paillettes et diadème sur la tête, leur vie de petite fille ne leur appartient plus.

Élisabeth Vern se souviendra toute sa vie de l’anniversaire de ses sept ans. Ce jour-là, il n’y avait pas eu d’amies à la maison pour partager jeux et gourmandises, ouvrir la paquet cadeau d’un blanc immaculé et en retirer une robe froufroutante. Seulement elle et sa mère pour partir, participer, et gagner son premier concours de Miss.

Cadeau maudit d’une mère qui vit par procuration la beauté insolente de sa blondinette, qui projette ses envies et ses rêves sur ceux d’une enfant qui ne lui a rien demandé. Un père absent comme en équilibre sur le pas de la porte, des parents qui se disputent sans cesse, et une mère ne trouve rien de mieux comme échappatoire. Pendant cinq ans, mère et fille passent leurs week-ends sur la route. Mais si elle est d’une beauté indiscutable, la fillette ne l’est cependant jamais assez pour gagner à nouveau. Rien n’est suffisant aux yeux de sa mère pour préparer cette éternelle deuxième à la compétition. Ce seront cinq années difficiles pendant lesquelles la violence et la perversion de cet amour maternel dévoyé vont la marquer à tout jamais.

Dès lors, elle fera tout pour s’en éloigner. Le psy, le pensionnat du collège, une fugue, puis la rencontre avec un artiste en devenir qui va la recueillir, sont autant de fuites en avant. Elle veut échapper à l’emprise maternelle et reprendre possession de son corps, de sa vie, quitte à se créer une image à l’opposé des rêves de beauté de sa mère. Élisabeth n’a qu’une envie, celle de maîtriser son corps, pour le rendre différent, aimable ou haïssable, et projeter une image vers l’autre.

Olivier Bourdeaut s’est donné un challenge risqué, se mettre dans la peau de cette enfant, puis de cette jeune femme et faire passer toute l’amplitude et la complexité des sentiments qui l’animent. Amour, haine, vengeance, violence, désespoir, tristesse, tout est là. Pari réussi, le lecteur suit son héroïne avec émotion, révolte, répugnance, un brin d’humour aussi parfois. L’auteur dresse un constat, le corps est soit un outil, soit une arme pour parvenir à un but fixé, quel qu’il soit. Il nous propose un étonnant plaidoyer sur la relation au corps, à l’apparence, à ce qu’il représente dans notre relation aux autres. Il aborde aussi bien sûr en parallèle au dictât de l’image et du culte du corps celui du harcèlement et de la manipulation envers les enfants, que ce soit par la violence ou par l’amour, mais aussi tous les questionnements qui touchent les adolescents d’aujourd’hui dans ce monde régit par l’image et les réseaux sociaux.

Catalogue éditeur : Finitude

« Ma mère s’emmerdait, elle m’a transformée en poupée. Elle a joué avec sa poupée pendant quelques années et la poupée en a eu assez. Elle s’est vengée. »

13,5 x 20 cm / 256 pages / isbn 978-2-36339-146-9 / 19 euros

5 réflexions sur “Florida, Olivier Bourdeaut

  1. Tchev avril 21, 2021 / 10:53

    est-ce qu’il est aussi bien que « en attendant Bojangles » ? 😀

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    • Domi avril 21, 2021 / 20:45

      il est vraiment différent, autre univers, autre style, mais j’ai aimé aussi. C’est sûr, on n’y retrouve pas la folie douce de Bojangles

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      • Tchev avril 22, 2021 / 07:51

        D’accord ! Alors je garde ce livre en mémoire, parce que j’avais tout de même bien aimé Bojangles 😀

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  2. Ingannmic avril 21, 2021 / 15:29

    Je suis intriguée… depuis « Bojangles » (que j’ai aimé) je n’ai pas relu cet auteur, les avis sur ses romans suivants (que 2 je crois ?) ayant été majoritairement mitigés. D’un autre côté, pour avoir lu, sur la même thématique; le génial « Petite sœur, mon amour », j’hésite, craignant que la comparaison soit au dépens de ce titre.. mais quand même, je reste tentée.. à voir !

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    • Domi avril 21, 2021 / 20:44

      Comme toi, j’avais beaucoup aimé Bojangles aussi. Là c’est très différent, un autre univers et un autre style. mais c’est aussi ce que j’ai aimé, que l’auteur soit capable d’autant se renouveler. Je n’ai pas lu son deuxiéme roman.

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