Les douleurs fantômes, Melissa Da Costa

L’amour, l’amitié, la vie

Rosalie et Gabriel, Tim et Anton, et Ambre reviennent à Arvieux, ce village de montagne qui les avait réunis dans un précédent roman, Je revenais des autres.

Ils ont passé des années séparés. Depuis l’accident d’Anton, Ambre n’avait plus jamais pris de leurs nouvelles. Mais aujourd’hui, Rosalie l’appelle à l’aide, Gabriel a disparu. Ambre n’hésite pas une seconde et quitte quelques jours Marc son compagnon, sa vie rangée à Lyon, son travail à la boutique, pour lui porter secours.

Cinq ans ont passé, cinq ans qu’elle n’a pas revu Tim depuis son départ de Frontignan, qu’elle n’a pas revu Anton depuis l’accident qui l’a cloué sur un fauteuil roulant, qu’elle n’est allée voir ni Rosalie, ni Gabriel ni la petite Sophinette.

Pour qui n’a pas lu le roman précédent, pas de problème, car les griefs se dévoilent peu à peu, le passé se dessine, les relations parfois compliquées se révèlent. Et l’on comprend vite que la relation entre Anton et Tim est sans doute forte, mais qu’elle est plombée par la culpabilité de Tim et son besoin d’être présent pour Anton. Qu’Ambre est heureuse avec Marc, mais qu’elle l’était tellement plus avec Tim. Replonger dans le passé ouvre les anciennes blessures, exacerbe les regrets, attise les rivalités.

Alors le lecteur suit avec attention et empathie ces jeunes gens et leur questionnements, leurs attentes, leurs espoirs, leurs certitudes pas si évidentes que ça.

Melissa Da Costa a vraiment l’art de décrire les sentiments, les situations banales qu’elle sait nous rendre vivantes, et qui du coup ne sont plus du tout si ordinaires que ça. Chaque sentiment est posé, décortiqué, pour que ses personnages avancent peu à peu dans leur histoire. Émotions, regrets, espoirs, attentes, amours déçues, révélations aux autres ou à soi-même, tout y est pour nous embarquer dans ces quelques jours d’angoisse qui se transforment en jours d’avant fêtes et de fêtes. Puisque Noël est là, et que c’est une occasion de réunir les amis, et la fin d’année est là, ce moment idéal pour faire des projets de vie. Il y a un peu de longueur à mon goût tant il se passe peu de chose et que finalement tout est terriblement prévisible. Malgré tout je dois dire que j’ai apprécié cette lecture.

La lecture par Aaricia Dubois était un vrai bonheur. Grâce à une voix douce, une aptitude à prendre toutes les intonations, j’étais sûre que Sophinette était là devant moi ! Mais aussi par sa capacité à rendre vivants chacun des personnages par son interprétation des dialogues en particulier. Une réussite et un excellent moment d’écoute.

Catalogue éditeur : Audiolib, AlbinMichel

Rosalie, Gabriel, Tim, Anton et Ambre formaient un groupe d’amis soudé jusqu’à ce qu’un drame les éloigne les uns des autres. C’est pourtant un appel au secours qui, cinq ans après, va à nouveau les réunir. Entre silences amers et regrets, ces retrouvailles vont raviver leurs douleurs fantômes et bousculer leurs certitudes : mènent-ils vraiment la vie dont ils rêvaient ?

Un rendez-vous à la croisée des chemins qui leur prouvera qu’on peut se perdre de vue, mais pas de cœur… Et qu’il n’est jamais trop tard pour changer de vie et être heureux.

Date de parution 11/05/2022 / Durée 12h10 / EAN 9791035409616 Prix du format cd 24,90 € / EAN numérique 9791035408985 Prix du format numérique 22,45 €

Elle voulait juste être heureuse, Géraldine Dalban-Moreynas

Tomber, se relever, avancer…

Elle est seule, une fois de plus. Il l’a quittée comme ils le font tous, la quitter sans raison, juste le désamour, ou le je ne t’aime plus, totalement incompréhensible.
Ils s’entendaient si bien, lui et elle, sa fille et son fils ; elle y croyait à ce futur à quatre et qui sait plus tard à deux, elle l’imaginait déjà. Mais elle se retrouve seule une fois de plus.

Elle rêve toujours d’un homme qui pourra l’accompagner, l’épauler, la comprendre. Mais c’est comme ça, c’est sa croix sans doute ces hommes qui passent et qu’elle ne retient pas, qui la quittent sans qu’elle sache comment les retenir.

Alors elle rêve d’ailleurs, même si elle a un métier qui lui plaît, une agence qui fonctionne bien.
Elle part à Marrakech se ressourcer, faire le point sur sa vie en miettes. Et se demande alors si elle ne devrait pas tout changer. Et si elle ouvrait une boutique de produits différents, du vrai beau travail traditionnel mais au style modernisé, venu du Maroc par exemple.

Et le lecteur la suit dans ses pérégrinations, ses amours déçues, sa recherche d’un nouveau métier, sa vie de femme et de mère.

L’autrice est cash, directe, spontanée, comme son héroïne souvent déboussolée par ses amours désastreuses, mais capable de réagir et d’avancer sans se laisser abattre. Car il n’est pas toujours facile dans un monde d’hommes tous puissants de s’affirmer, se reconstruire, créer son entreprise et avancer face aux aléas et aux obstacles.

Un roman qui a des airs d’autofiction, quand on sait que Géraldine Dalban-Moreynas tient une boutique en ligne d’artisanat marocain dont elle parle sur les réseaux sociaux. Une lecture pas désagréable mais qui ne me laissera pas de grands souvenirs.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Il l’a quittée la semaine dernière. Plus exactement le mardi soir de la semaine dernière à vingt et une heure quinze. La nuit d’avant, ils ont fait l’amour trois fois. Elle ne sait plus très bien quand exactement. Ce n’est pas très important.
Dans les mois noirs et les nuits blanches qui suivirent, elle se demandera longtemps comment un homme peut faire l’amour trois fois dans la nuit à une femme qu’il va quitter le lendemain. Peut-être justement parce qu’il sait qu’il va la quitter. Lui jurera que non, la veille, il ne savait pas.
On se souvient toujours des jours qui bouleversent nos vies parce que, sur le moment, on pense souvent que tout est terminé ; alors que finalement, c’est ici que tout commence…

17,90 € / Date de parution 01 octobre 2021 / 224 pages / EAN : 9782226452436

La nuit introuvable, Gabrielle Tuloup

Un roman qui se lit d’un souffle


Nathan Weiss a toujours été davantage le fils de son père que celui de sa mère
Aussi depuis le décès de Jean, il a délaissé Marthe sans aucun scrupule d’autant que ce nouveau poste en Slovénie évite bien des discussions.
Mais aujourd’hui c’est une voisine inconnue qui l’appelle pour lui parler de Marthe. Sa mère va mal, il doit venir la voir.
Il est à Paris tous les deux mois, il ira donc retrouver sa mère rue du cherche midi, dans l’appartement qui a abrité les amours fusionnels de ses parents.
Le choc est intense lorsqu’il comprend que la maladie est là. Alzheimer a pris possession de la mémoire et du passé de Marthe, de son présent et lui a volé son futur.

Pourtant celle qui fut une épouse avant d’être une mère a laissé des lettres pour son fils unique. Huit lettres qui lui seront remises au fils du temps, afin qu’il sache et comprenne, qu’il envisage le présent à la lumière du passé.
Et le lecteur ému et attentif va suivre les interrogations de Nathan et les révélations de Marthe à mesure de leur lecture et du temps qui passe, ces découvertes qui vont bouleverser ses sentiments.

Gabrielle Tuloup dit sans dire l’enfance, la douleur, la peur d’une mère d’être un jour séparée de son enfant, l’amour entre deux êtres absolu et éternel, les regrets et les silences, la vie qui vient et qui s’en va. L’amour d’un fils pour son père, celui qu’on attend en vain d’une mère qui n’ose pas embrasser et aimer. Elle dit les pourquoi et les comment, les silences et les absences, l’amour que l’on n’ose pas dire et celui que l’on cache pour se protéger.
Un roman qui se lit d’un souffle et que j’ai aimé.

Catalogue éditeur : Philippe Rey, Le Livre de Poche

Nathan Weiss vient d’avoir quarante ans lorsqu’il apprend que sa mère, malade, souhaite le voir en urgence – cette mère qu’il s’efforce d’oublier depuis le décès de son père, il y a quatre ans… Expatrié en Slovénie, il revient néanmoins à Paris.
Marthe a changé : elle est atteinte d’Alzheimer et ne le reconnaît presque plus. Nathan apprend alors qu’elle a confié huit lettres à sa voisine, avec pour instruction de les lui remettre selon un calendrier précis. Il se sent manipulé par ce jeu, qui va toutefois l’intriguer dès l’ouverture de la première enveloppe.
Ces textes d’une mère à son fils, d’une poignante sincérité, vont éclairer Nathan sur le vécu de Marthe. Et si la résolution de ses propres empêchements de vivre se trouvait dans ces lettres qui tentent de réparer le passé ?

D’une écriture sensible et poétique, Gabrielle Tuloup décrit l’émouvant chassé-croisé de deux êtres qui tentent de se retrouver avant que la nuit ne recouvre leur mémoire.

144 pages / Date de parution: 14/09/2022 / EAN : 9782253242161 / 6,90€

Aquitania La vengeance d’Aliénor d’Aquitaine, Eva García Saenz de Urturi

Aliénor d’Aquitaine, ou la jeunesse d’une souveraine courageuse et volontaire

Aliénor d’Aquitaine, sans savoir qui elle était, chacun d’entre nous connaît pourtant au moins son nom. Ce roman au souffle picaresque retrace une partie de la jeunesse de l’héritière de la couronne de cette région tant convoitée qu’était l’Aquitaine au XIIe siècle.

Petite fille de Guillaume IX le Troubadour, Aliénor a treize ans lorsque son père Guillaume X décède mystérieusement à Compostelle le jour du Vendredi Saint en 1137. Sur son corps s’affichent les marques d’une horrible torture nommée l’aigle de sang. Aliénor n’accepte pas ce qui lui est rapporté comme étant les cause de cette mort étrange et décide de venger son père.

Pour arriver à ses fins, elle n’hésite pas à faire bouger les lignes en influençant le conseil elle obtient le droit d’épouser le futur Louis VII, fils de Louis Le Gros, le rival de son père. Ce digne descendant de la lignée des capétiens est aussi l’héritier du royaume de France.

Quand le jour de la noce Louis VI dit Le Gros décède à son tour, le mystère s’épaissit. Le couple commence à mieux se connaître, et les sentiments d’Aliénor pour son époux changent au fil des ans. C’est donc avec son époux qu’elle va tenter de faire la lumière sur ces deux morts suspectes. Pendant toutes ces années, rien ne lui sera épargné. La jeune femme n’arrive pas à donner un héritier aux capétiens, ni à se faire une place au Conseil, et ses manœuvres ne sont pas toujours de francs succès.

Tour à tour, Aliénor, Louis, et l’enfant vont exposer leur vision des faits tout au long de ces années. De 1137 à 1149, de Bordeaux à Poitiers, de Normandie à Paris, et jusqu’en terre sainte lors de la croisade menée par Louis VII, Aliénor sait tenir sa place et son rang. Issue de la région la plus prospère du territoire, sa richesse lui donne un pouvoir et un attrait irrésistibles. Le royaume de France cherche à faire les alliances et à gagner les guerres qui lui permettront de gouverner les Comté et Seigneuries dont il a besoin pour étendre son pouvoir. Douze années pendant lesquelles aquitains et capétiens luttent pour le pouvoir. Aux côtés d’Aliénor et de Louis, apparaissent tour à tour son oncle Raymond de Poitiers qui deviendra prince d’Antioche, puis l’abbé Suger en sa basilique Saint Denis, enfin Bernard de Clairvaux, ainsi que quelques chats aquitains qui rôdent dans les couloirs des sombres châteaux parisiens.

Je n’ai pas eu envie d’aller vérifier tous les détails historiques du roman, même si je suppose que l’autrice a su parfois laisser libre court à son imagination. J’ai eu envie de me laisser porter par l’énergie qui s’en dégage, par cette Aliénor que nous découvrons dans sa jeunesse auprès d’un époux sans doute mieux assorti que ce qu’elle avait pu imaginer de prime abord. Un roman comme on les aime, intelligent, vivant, rythmé, qui nous entraîne dans un souffle picaresque à travers batailles, jalousies, incestes, deuils, trahisons, amour, haine, regrets, sans que l’on ait envie de le refermer avant la fin.

Catalogue éditeur : Fleuve

Compostelle, 1137. Le duc d’Aquitaine – territoire convoité par la France pour ses richesses – est retrouvé mort, le corps bleu et portant la marque de l’« aigle de sang », une effroyable torture normande. La jeune Aliénor, portée par sa soif de vengeance, décide d’épouser le fils du roi Louis VI le Gros qu’elle croit être le meurtrier de son père. Son objectif : décimer la lignée des Capétiens et imposer le sang aquitain. Mais, le jour des noces, Louis VI est assassiné à son tour.
Les époux, Aliénor et Louis VII devront alors apprendre à se connaître afin d’infiltrer le royaume de France et démasquer l’instigateur de cette machination. Quel qu’en soit le prix à payer…

Traduit par Judith Vernant

21.90 € / EAN : 9782265155527 / Nombre de pages : 384 / Date de parution : 20/10/2022

L’homme qui arrêta le désert, Yacouba Sawadogo Damien Deville

Quand un homme seul donne de l’espoir à tous

Au Burkina Faso, Yacouba Sawadogo n’est pas un homme ordinaire, même s’il fut un enfant puis un adolescent comme les autres. Né dans les années 50 il a grandi au village et à suivi les conseils avisés de son père pour apprendre à cultiver la terre.

Mais un jour, la terre s’est asséchée et les villageois sont partis à la ville, la faim et la misère étant la seule issue s’ils restaient dans leur village. Yacouba Sawadogo n’a pas fait comme eux.

Enfant, l’école coranique a été sa seule éducation, c’est dire s’il manquait d’outils pour s’engager dans la vie et tenir son échoppe. Il a bénéficié du soutien des cheikhs, qui donnent de sages conseils et aident à trouver la bonne ligne de conduite, œuvrent à perpétuer les tontines et sont garants de paix sociale. Si elle s’avère incomplète pour armer les élèves pour affronter les difficultés de leur vie future, c’est cependant son éducation Coranique et la force de la parole de l’islam qui l’ont aidé lorsque le temps est venu de prendre sa vie en main, et de creuser, de planter, encore et encore. À la richesse éventuelle il a choisi les arbres, réconciliant la nature et la culture pour sauver ses terres de la sécheresse et de la catastrophe annoncées.

C’est son histoire qui nous est racontée ici. Preuve s’il en est que l’œuvre d’un seul homme peut parfois compter bien plus que celle de toute une communauté quand sa finalité est la sauvegarde de la vie et que son action va dans cet unique but.

Usant de techniques ancestrales comme le zaï, qui consiste entre autre à creuser des trous à une certaine distance les uns des autres, trous que l’on arrose et que l’on nourrit régulièrement avant d’y mettre les jeunes plans, mais aussi former des murets de pierres, utiliser la nature dans sa diversité, ici même les termites ont leur place, autant d’éléments qui ont permis le succès de son action. En plantant les arbres, Yacouba a modifié le climat de son territoire.

Un livre intéressant car il nous permet de comprendre la difficulté de vivre lorsque l’ont est un paysan dans ces villages et la puissance de la volonté et du sens humain de certains hommes capables de relever de tels défis.. Il nous montre les changements dus tant au climat qu’à la mondialisation, achat de terre par l’Asie et monoculture étant parmi les effets le plus délétères. Mais aussi l’importance de la religion, Islam étant prépondérant mais subsiste toujours la religion Animiste.

Catalogue éditeur : Éditions Tana

Depuis le Burkina Faso, aux confins des dunes sahariennes, une voix inspirante s’élève : celle de Yacouba Sawadogo. Lauréat du Right Livelihood Award, prix Nobel alternatif, il consacre sa vie à planter des arbres aux portes du désert.
Alors que tout semblait perdu, qu’au début des années 1980, une grande sécheresse décimait les troupeaux et contraignait les familles à l’exil, Yacouba a fait le choix de retourner à la terre. En réinventant la méthode ancestrale du zaï, en renouant avec les héritages de sa propre lignée familiale, les « faiseurs de pluie », et en défrichant les chemins d’une quête spirituelle, il a ressuscité la vie. Les familles se sont réinstallées, les champs ont retrouvé leur fertilité, et l’antilope, le hérisson et l’oiseau ont repris leurs quartiers : le village de Yacouba est redevenu un monde de relations, une oasis verdoyante, une terre de poésie et de partage. …

Date de parution : 20/01/2022 / 15.90 € / EAN : 9791030103977 / Pages : 144

Le soldat désaccordé, Gilles Marchand

Un roman d’amour et de guerre

Merci mille fois Gilles Marchand de m’embarquer à chaque fois avec tes personnages singuliers, décalés, et tellement attachants. Merci pour ces oubliés de la grande Histoire qui font la beauté de tes histoires, celles que l’on aime tant découvrir et qui nous enchantent à chaque fois malgré les vies cassées et parfois difficiles que tu leur fait vivre. Le soldat désaccordé en est de nouveau la preuve, et comme à chaque nouveau roman il m’a été impossible de lâcher ce livre, avec une fois terminé un puissant sentiment de frustration d’avoir déjà terminé cette lecture émouvante et réjouissante à la fois.

Le narrateur a fait la guerre, la moche, enfin moche elles le sont toutes forcément. Mais la sienne devait durer le temps d’un été et de fait elle s’est embourbée pendant quatre ans dans les tranchées obscures et pouilleuses du Nord de la France. Retour plus vite que prévu avec une main en moins. Une chance là aussi, quand il regarde ces gueules cassées et tous ces soldats désespérés qui n’ont jamais retrouvé une vie normale, il se trouverait presque chanceux.

Nous sommes dans les années 20, il cherche pour sa mère éplorée un soldat qui a disparu. C’est devenu son activité à plein temps, rechercher les disparus, savoir où et quand ils sont tombés ou si finalement ils ne se seraient pas évaporés. Cela ferait tellement de bien à leurs proches de pouvoir mettre un nom dans la bonne colonne, celle des morts plutôt que celle des disparus, de savoir enfin. Et à la veuve qui pourra ainsi toucher sa pension, ou à la commune qui ajoutera un nom sur son monument aux morts. Mais aussi réhabiliter les fusillés pour l’exemple.

Alors il enquête, qu’est devenu Émile Joplain ?

De rencontre en investigation, le voilà sur la piste de Lucie, jeune alsacienne dont Émile se serait épris. Comment, une alsacienne, l’ennemie, l’allemande, et qui plus est une domestique ! Un amour prohibé et rejeté par sa mère. Il faut dire que Jeanne Joplain a des principes et dans ceux-là n’entre pas le bonheur de son fils. Pourtant dans les tranchées, sous les bombes et les coups de canons, malgré la pluie le froid les poux la faim, Émile écrit chaque jour à sa bien-aimée. Car l’amour est aussi ce qui permet à ces jeunes soldats de tenir le coup.

Il faut remonter l’histoire, mener l’enquête, sous les pluies obus, à Verdun, sur les champs de bataille, dans la boue des tranchées et suivre le fil des combats, des déplacements, des disparitions. Partir dans les hôpitaux à l’arrière, sur le front à Arras, à Vimy, rencontrer la Fille de la Lune, les amérindiens et leur langage codé, soutien des Canadiens venus renforcer les armées déjà bien malmenés par tant d’années de guerre. Mais aussi des morceaux de canassons, des moustaches, des corps sans tête, des bouches sans personne…

Et un jour, qui sait, écouter les paroles d’un accordéoniste aveugle…

Gilles marchand a les mots pour dire l’horreur, l’indicible, les souffrances et le silence de ceux qui sont revenus, les blessures, les ordres irresponsables qu’il faut exécuter au risque d’être fusillé, la folie qui guette ces hommes autant que la mort sous le feu ennemi. Et ces deux provinces, l’Alsace et la Lorraine restées allemandes depuis quarante ans et qu’il faut libérer. À tord ou à raison, étaient-ils français ou allemands, difficile de savoir. Pour dire la folie de la guerre qu’elle qu’elle soit. Il a aussi les mots pour dire l’amour, absolu, immortel, éternel, et rendre à la vie sa beauté.

Catalogue éditeur : Aux Forges de Vulcain

Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’Enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.

Prix 18.00 € / 208 pages / ISBN : 978-2-373-05648-8 / Date de parution : 19 Août 2022

Le café du temps retrouvé, Toshikazu Kawaguchi

Plonger dans une tasse de café aux vapeurs douces amères

L’an passé j’avais poussé la porte du Funiculi funicula pour y découvrir les aventures de Tant que le café est encore chaud, j’y reviens aujourd’hui avec plaisir.

Nagare est toujours derrière le comptoir, sa fille de sept ans rêve d’être en âge de verser le café qui aide à retourner dans le passé. Il est toujours secondé par Kazu, serveuse aussi discrète qu’efficace.

Au Funiculi funicula, certains clients entrent dans un seul et même but, faire un voyage dans le temps. Passé ou futur, chacun a le choix et doit simplement savoir que son voyage ne changera en rien le cours des événements passés ou futurs. Kazu connaît les règles et les édicte simplement pour qu’elles soient bien comprises, elle verse ensuite le café fumant dans la tasse d’une blancheur immaculée. Un breuvage fort et amer qui devra être terminé tant que le café est encore chaud.

Tour à tour viennent se confronter à leur passé Gôtaro, qui élève sa fille seul ; Yukio, pour enfin parler avec sa mère après toutes ces années d’absence ; Kurata cherche à revoir celle avec qui il aurait pu être heureux ; Kiyoshi, inspecteur de police, veut enfin offrir son cadeau d’anniversaire à son épouse.

Le ton est à la fois léger et sérieux, avec cette sobriété toute japonaise qui donne une impression de sérieux et de froideur. Pourtant la vie et l’espoir sont là, présents, confortés par les voyages d’où il faut revenir le cœur parfois brisé, mais souvent plus léger. Bien sûr, le lecteur connaît vite les conditions à respecter pour faire ce voyage, et les nombreuses répétitions sont parfois un peu lourdes. Mais il y a surtout de belles émotions, des conseils sur l’amitié, l’amour, la famille, les regrets, les désirs, une thérapie par l’expression d’un bonheur simple, sans essayer de changer ce qui a été ou ce qui sera.

J’ai aimé retrouver cette ambiance feutré et discrète, ces trois pendules, ces serveurs et leurs clients avec leurs chagrins et leurs questions. Et ce même si peu de choses ont changé depuis le premier roman. Finalement chacun vient chercher dans ce café le plaisir immuable et salvateur, celui de se retrouver face aux personnes qui les ont marqués dans leur passé.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

La légende raconte qu’un petit café tokyoïte propose une expérience unique à ses clients : voyager dans le passé… le temps d’une tasse de café.
Gôtarô voudrait revoir un ami décédé il y a plus de vingt ans; Yukio, dire à sa mère combien il s’en veut de n’avoir été plus près d’elle ; Katsuki, retrouver la jeune fille qu’il regrette de n’avoir épousé; Kiyoshi, un vieil enquêteur, offrir sa à femme le plus précieux des cadeaux…
Se réconcilieront-ils avec leur passé ?

Toshikazu Kawaguchi est né à Osaka en 1971. Il est dramaturge et a produit et dirigé le groupe théâtral Sonic Snail.

Date de parution 02 novembre 2022 / 18,90 € / 224 pages / EAN : 9782226475343

Comment font les gens, Olivia de Lamberterie

Une histoire de femmes, état des lieux de la vie d’une parisienne d’aujourd’hui

Peter a mis le cœur d’Anna en mille morceaux. Mais ce soir, sa fille Allegra vient dîner car elle a une importante nouvelle à annoncer. Anna sait déjà qu’il faudra composer pour que tout se passe au mieux. La journée qui s’annonce dense est propice aux souvenirs, aux questionnements, à analyser sa vie.

Anna a cinquante ans, trois filles. L’aînée Allegra, qu’elle voit trop peu pour bien la connaître, Félicité et Joy deux adolescentes qu’elle voit au quotidien mais qu’elle connaît de moins en moins bien. Ainsi va la vie, et à chaque âge ses décalages, sa façon d’être, ses convictions et ses combats.

Sa mère Nine, femme indépendante et féministe convaincue, ne la reconnaît pas toujours. Elle cherche encore à revenir dans son appartement de la rue de la glacière alors qu’elle a pris pension aux Acacias où elle perd la tête chaque jour un peu plus.

Anna doit tout gérer, Peter son époux volage, ses filles, sa mère, et son métier d’éditrice qu’elle adore et qui lui convient parfaitement. Elle a du métier et une certaine assurance mais aujourd’hui, les envies de sa nouvelle directrice d’éditer du feel-good à gogo ne la satisfont plus. Qu’importe il y a toujours ses fidèles et irréductibles copines, celles avec qui elle aime échanger quelques SMS ou un Gin tonic au café du coin et qui trouvent toujours du temps pour se soutenir et se réconforter.

L’histoire de cette famille, à travers vingt-quatre heures de la vie d’une parisienne ne semble avoir été écrite que pour balayer des sujets d’actualité et permettre à l’autrice d’exprimer des opinions au travers de ses personnages.

Le féminin-féministe y tient la première place et l’esprit bobo parisien la seconde.

Féminisme, éducation, publicité, place des femmes et des hommes, – les pauvres ont un bien mauvais rôle lorsqu’ils en ont un, Anna est une fille sans père, alors comment aimer les hommes ?- place de la lecture, amitié, famille, réseaux sociaux, végan, anti-vax, vie dans les EHPAD, tout y passe. Mais aussi Me-too, PPDA, inceste, harcèlement, révolution sexuelle de 68, droits des femmes, célibataires -vivent Bridget Jones et Friends- maternité et mariage, etc..

J’ai donc plongé dans le quotidien d’Anna, intello bobo parisienne, attentive au monde qui l’entoure et à l’actualité, n’ayant aucun soucis d’argent, aimant son métier et sa famille, qui s’interroge sur sa vie et sur ses choix. Mais en me demandant régulièrement si l’autrice avait hésité entre écrire un roman ou un essai, y transposant peut-être une expérience très personnelle en particulier dans le milieu de l’édition. Chaque situation est ponctuée d’exemples souvent tirés de médias qui finissent par énerver, un peu comme ces candidats de jeux télé qui ont réponse à tout.

Le roman est bien écrit, l’écriture semble facile, les dialogues sont pertinents, mais le style laisse une impression de too-much et je m’y suis souvent ennuyée. On comprend vite qu’il ne se passera rien dans cette journée somme toute assez banale et que l’autrice ne nous fera pas voyager bien loin.

La lecture par Julia Piaton m’a parue assez froide au départ, puis je m’y suis habituée. Mais elle n’a pas su me faire adhérer au personnage d’Anna ni me la rendre sympathique. Cela n’est sans doute pas dû à la voix de la lectrice, mais il ne suffit pas d’avoir du talent encore faut-il avoir quelque chose à raconter pour que ce soit intéressant. Dommage, j’avais très envie de découvrir l’écriture d’Olivia de Lamberterie dont j’apprécie par ailleurs les chroniques littéraires.

Catalogue éditeur : Audiolib et Stock

Anna, la narratrice de ce roman à la mélancolie aigre-douce façon Sagan, se débrouille comme elle peut avec la vie. Plutôt mal. Elle encaisse. Elle en rit même. Elle se souvient, aussi. Coincée entre une mère féministe mais atteinte d’une forme de joyeuse démence, trois filles à l’adolescence woke, un mari au sourire fuyant et à la tenue fluo, un cordon sanitaire d’amies, Anna pourrait crier, comme on joue, comme on pleure, « Arrêtez tout ! », mais ça ne marche qu’au cinéma.

Lu par Julia Piaton

EAN 9791035411541 Prix du format cd 22,90 € / EAN numérique 9791035411718 Prix du format numérique 20,45 € / Date de parution 14/09/2022

Suivie, Ellery Lloyd

La vie traquée d’une influenceuse

Suivie par ses millions de followers, Emmy est une instamum, une influenceuse qui étale sa vie pas toujours rêvée sur le fil Instagram Mamapoil. Tout y passe, sa vie, mais aussi celle de sa fille Coco et du petit dernier Orson. Sans oublier Dan, la mari fidèle et suiveur, auteur d’un seul roman huit ans plus tôt et qui semble désespérément chercher l’inspiration pour le suivant. Qu’importe, avec ses contrats mirifiques Emmy fait bouillir la marmite et paye allègrement les factures, maison, famille, école pour Coco, vacances, tout est devenu possible.

Irène, son agente, prend soin de la carrière d’une de ses meilleure pouliches. Et de quasiment toutes les autres instamums de sa constellation. Mais pour gagner des followers, il ne faut pas raconter sa vraie vie, celle là personne n’en veut. Pas toujours montrer du rêve non plus. Il vaut mieux être à plaindre, affabuler autant que possible tant que ce sera crédible, la vie d’une instamum n’est pas un calvaire mais s’en approche. Un véritable travail de composition finalement. Pourtant, une personne rode dans l’ombre, et sa façon de suivre Emmy n’est pas vraiment celle dont rêve toute influenceuse... Que lui veut elle, et jusqu’où ira t elle…

Le roman, parfois poussif et avec quelques longueurs, évoque avec justesse le monde sans pitié des réseaux sociaux. Que peut-on y dire, jusqu’à quel point peut-on s’exposer sans se brûler les ailes, qui se cache derrière les followers. Car amour et haine, jalousie et empathie, tous les sentiments les plus contradictoires s’expriment sur la toile pour le pire comme pour le meilleur.

Trois voix pour une seule histoire. Trois points de vue pour éclairer le lecteur et lui dévoiler les sentiments et les volontés de chacun des principaux protagonistes.

En ces temps compliqués, il n’est pas rare de voir de nombreuses personnalités se retirer de ces réseaux sociaux qui ont pourtant contribué à établir leur célébrité. Personnalités de la culture, du show-biz, mais aussi blogueuses ou autrices, qui prennent sans doute conscience du besoin de se protéger. Car si l’on peut dire, raconter, s’exposer, il ne faut jamais s’oublier ni trop en dire. Sans parler du fait qu’il est bien difficile d’encaisser la méchanceté de certains commentaires. Toujours protéger ses enfants en particulier et savoir garder une part d’intimité et de secret. Peut-être avons-nous un peu trop oublié le vieil adage, pour vivre heureux, vivons cachés.

Catalogue éditeur : éditions Hugo poche

Suivie par des millions de personnes, poursuivie par une seule.

Les gens aiment Emmy Jackson, surtout sur Instagram où elle partage sa vie de famille et ses conseils de maman à son million de followers. Son crédo : la sincérité, mais Emmy n’est pas aussi honnête qu’elle aimerait le faire croire à ses fans. En réalité, elle ne raconte pas ce qu’elle vit mais vit pour mettre en lumière son rôle de mère faussement imparfaite.
Dans sa quête de popularité, Emmy est prête à tout ; et une personne, tapie dans l’ombre de l’anonymat des réseaux sociaux, entend lui faire payer… Car les gens comme elle méritent de savoir ce que cela fait de tout perdre.
Quand votre vie s’étale sur les réseaux sociaux, quoi de plus simple que de vous tendre un piège ?

Ellery Lloyd est le pseudonyme du couple formé par Collette Lyons (journaliste) et Paul Vl itos (écrivain). Ellery Lloyd est le pendant du couple qu’ils ont créé pour Suivie. Les droits cinéma et télé de Suivie, leur premier thriller, ont été optionnés par Parkes + Macdonald Film Image Nation (Men In Black).

ISBN: 9782755697766 / septembre 2022 / 506 Pages / 8,90€

Trois sœurs, Laura Poggioli

Passionnant, émouvant, et si tristement instructif

Elles sont trois, elles ont de 17 à 19 ans, elles sont sœurs, ce sont les filles de Mikhaïl Khatchatourian. Lorsque la police arrive, Krestina, Angelina et Maria se tiennent près du cadavre de leur père sur le palier qui mène à leur appartement. Accident ou assassinat, aucun doute n’est permis puisqu’elles expliquent rapidement les événements qui ont précédé le décès du bourreau.

Lorsque leur mère Aurelia rencontre Mikaël elle a 17 ans à peine. Plus âgé, plus affirmé, sûr de lui et de son pouvoir d’homme, mais déjà violent, celui qui la viole dans les toilettes du bar où ils se rencontrent sera le père de ses quatre enfants. Un fils et trois filles plus tard, celle qui subit quotidiennement des violences physiques et psychologiques de cet homme à qui personne ne résiste doit quitter le foyer. C’est une question de vie ou de mort.

A compter de ce jour, et même si c’était déjà le cas avant, Krestina, Angelina et Maria sont à la merci de Mikhaïl. Violence, tortures psychologiques, privations, viols, tout lui est permis, puisque ce sont ses filles, elles lui appartiennent. Et la famille paternelle entre dans le jeu pervers des violences et du silence. Et même si des déclarations ont été faites auprès des autorités ou de la police, en Russie ce qu’il se passe dans la famille doit rester secret et se régler en famille. Personne jamais ne prendra soin de ces trois jeunes femmes. Quand on sait qu’une loi a été promulguée qui permet d’arrêter et de punir toute femme qui se plaindrait de violence intra-familliale on peut s’interroger sur la valeur de la vie d’une femme ou d’une fille dans ce pays.

Laura Poggioli alterne le récit de ce drame familial avec sa propre expérience. Amoureuse de la Russie, elle y a passé de nombreuses années. Étudiante étrangère, elle y a rencontré Mitia. Amoureux prévenant et attentionné au début de leur relation, il est rapidement devenu violent, exerçant sur elle un harcèlement destructeur auquel elle s’est soumise pendant des années.

C’est cette réflexion sur sa propre soumission et l’acceptation de ces relations qui émaille le récit autour des trois sœurs. Un peu trop car on s’y perd parfois, mais le récit est passionnant en particulier en ce qu’il nous présente la condition des femmes en Russie et le plein pouvoir accordé aux hommes sans condition par l’état complice, en vertu sans doute du sacro-saint proverbe russe « S’il te bat c’est qu’il t’aime ».

J’ai lu ce roman d’une traite, impossible à lâcher malgré quelques défauts, cette introspection un peu trop prégnante parfois, comme si l’autrice avait hésité entre deux récits, le personnel et intime et le public avec les trois sœurs. Un formidable premier roman que je vous conseille sans hésiter.

Catalogue éditeur : L’Iconoclaste

Assises côte à côte dans l’entrée d’un appartement moscovite, trois jeunes filles, âgées de dix-sept, dix-huit et dix-neuf ans, attendent l’arrivée de la police, à quelques mètres du corps inerte de leur père, Mikhaïl Khatchatourian. Depuis des années, il s’en prenait à elles, les insultait, les frappait, nuit et jour. « S’il te bat, c’est qu’il t’aime », dit un proverbe russe. Alors, en juillet 2018, les trois sœurs l’ont tué. Une vague d’indignation inédite déferle, les médias s’enflamment.

Les visages insouciants des trois gamines, dissimulant les supplices endurés pendant des années, questionnent l’autrice. Elle se souvient de sa jeunesse moscovite où elle rencontra Marina, son amie la plus chère, et Mitia, son amour. Il lui donnait parfois des coups, mais elle pensait que c’était peut-être aussi de sa faute. Laura Poggioli reconstitue la vie de ces trois sœurs, et son histoire personnelle ressurgit.

320 pages / 20,00 € / EAN 9782378803018 / paru le 18/08/2022