L’ile du diable, Nicolas Beuglet

La vengeance est un plat qui se mange glacé

Troisième opus, après Le Cri et Le complot, qui met en scène Sarah Geringën, une inspectrice de la police norvégienne.

Et si vos  proches n’étaient pas du tout ceux que vous pensiez ?

Alors qu’elle sort enfin de prison où elle a passé de longs mois avant d’être disculpée, l’inspectrice Sarah Geringën est emmenée par son directeur Stefen Karlstrom, sur les lieux d’un meurtre peu ordinaire. Son père vient d’être assassiné chez lui, et la scène de crime est particulièrement éprouvante.

Comme Sarah n’est pas officiellement autorisée à enquêter, elle va être secondée par l’officier Koll, novice et ravi de travailler avec cette professionnelle aux compétences reconnues de tous. Pour trouver le coupable de ce meurtre sordide, Sarah va devoir élucider le mystère de la personnalité opaque de son propre père, cet homme secret et froid qu’au final elle connait si peu.

Peu concentré sur l’affaire, le commandant Stefen doit quant à lui élucider en parallèle l’enlèvement d’une femme dans la ville d’Oslo.

Enfin, Christopher, que Sarah ne veut toujours pas retrouver, doit de son côté mettre en œuvre toutes ses capacités de journaliste pour éclaircir un mystère qui pèse sur les épaules de sa compagne.

Et si la haine et le désir de vengeance  de nos aïeux influençait nos gènes ?

L’auteur évoque ici un fait historique méconnu, survenu dans les années 30 quelque part sur le continent européen. Et les recherches scientifiques récentes sur les mécanismes de l’épigénétique. Mais impossible d’en dire plus ici, c’est à votre tour de découvrir ce qu’il en est.

Un roman dont le suspense ne faibli jamais, visuel, dynamique, qui se lit page après page, car le lecteur n’a qu’un envie, aller plus loin et savoir, enfin. Si le roman a du rythme, le fait divers historique de départ nous mène vers une intrigue à la crédibilité un peu tirée par les cheveux, mais qu’importe, on se prend vraiment au jeu.

Catalogue éditeur : Pocket et XO éditions

La vengeance est affaire de mémoire…

Le corps recouvert d’une étrange poudre blanche, des extrémités gangrenées et un visage figé dans un rictus de douleur… En observant le cadavre de son père, Sarah Geringën est saisie d’épouvante. Et quand le médecin légiste lui tend la clé retrouvée au fond de son estomac, l’effroi la paralyse. Et si son père n’était pas l’homme qu’il prétendait être ?
Des forêts obscures de Norvège aux plaines glaciales de Sibérie, l’ex-inspectrice des forces spéciales s’apprête à affronter un secret de famille terrifiant. Que découvrira-t-elle dans ce vieux manoir perdu dans les bois ? Osera-t-elle se rendre jusqu’à l’île du Diable ?

Après quinze années passées chez M6, Nicolas Beuglet a choisi de se consacrer à l’écriture de scénarios et de romans. Le Cri (2016), Complot (2018), et L’Île du diable (2019), ont paru aux Éditions XO. Il vit à Boulogne-Billancourt avec sa famille.

XO : Parution : 19 septembre 2019 / 320 pages / Prix : 19.90 euros / ISBN : 9782374481340

Pocket : Date de parution : 03/09/2020 / EAN : 9782266307598 / POCHE / Nombre de pages : 312 / 6.95 €

Du miel sous les galettes, Roukiata Ouedraogo

Une belle surprise, un roman qui fait du bien !

Il n’a rien du conte de fée et pourtant il est émouvant, attendrissant, révoltant, et terriblement positif. Roukiata Ouedraogo y raconte son enfance à Fada N’Gourma au Burkina Faso.

Du miel sous les galettes commence alors qu’elle est encore un bébé porté sur le dos de sa mère, dans ce pagne qui offre cette belle communion entre la mère et l’enfant, et permet à l’enfant de voir le monde au niveau de sa mère. Un jour, le père est arrêté pour un cambriolage qu’il n’a certainement pas commis. L’affaire devrait être vite réglée, et le père de famille pourra rejoindre sa femme et ses sept enfants. Mais non, c’est sans compter sur la justice locale à la pire mode africaine, celle des petits juges qui veulent assoir leur autorité, qui n’écoutent que leur propre conscience (ou qui sait qui d’autre) et voilà le père en prison pour de nombreuses années.

Sans le salaire du père, la mère va devoir s’occuper seule de sa famille, et subvenir aux besoins élémentaires de chacun en vendant quelques objets et surtout les galettes qu’elle cuisine si bien. Tout en aidant son mari, elle donne la priorité aux enfants, leurs études, la nourriture. C’est un travail de chaque jour, il ne faut pas sombrer. Face à l’immobilisme de la justice locale, cette combattante de l’ombre part chercher de l’aide à Ouagadougou. Pendant cinq ans, celle que l’on surnomme la Baronne va se battre, remuer ciel et terre pour faire sortir le dossier de son époux des limbes dans lesquelles il avait été enfoui et oublié.

J’ai aimé ce roman qui est une véritable ode à la mère. Il reflète l’amour d’une fille pour celle qui a tout donné pour les siens, envers et contre tous, y compris parfois contre son mari. Cette femme forte et déterminée est un exemple pour ses enfants, malgré certaines douleurs dont parle l’auteur en particulier quand elle évoque l’excision qu’elle a subie lorsqu’elle avait trois ans.

S’il parle de la mère et de l’amour filial, il évoque aussi l’importance de la famille, le rôle de la femme africaine, les lenteurs et les extravagances de la justice et le poids traditions, sans oublier le climat difficile et les paysages qui sont particulièrement bien décrits.

Enfin, tout au long du roman, l’artiste d’aujourd’hui, écrivaine mais surtout une actrice, humoriste et chroniqueuse radio qui œuvre à la défense de la francophonie, et ses projets de vie viennent ponctuer les événements vécus par la petite fille du Burkina Faso.

Catalogue éditeur : Slatkine et Cie

Roukiata est née au Burkina-Faso. De sa plume, légère et nostalgique, elle raconte avec tendresse et humour ses années d’enfance, son pays, ses écrasantes sécheresses et ses pluies diluviennes, la chaleur de ses habitants, la corruption et la misère. Elle raconte sa famille, sa fratrie, ses parents, l’injustice qui les frappe avec l’arrestation de son père. Mais, surtout, elle raconte sa mère. Cette femme, grande et belle, un « roc » restée seule pour élever ses sept enfants, bataillant pour joindre les deux bouts, en vendant sur le pas de sa porte ses délicieuses galettes.

Paru le 10 septembre 2020 / 190 pages / Prix : 17€ / ISBN : 978-2-88944-139-6

A la rencontre d’Angélique Villeneuve

« J’écris toujours sur elles. Ces femmes à la lisière »

crédit photo F. Blitz

La belle lumière, le dernier roman d’Angélique Villeneuve vient de paraitre en cette rentrée littéraire, et je l’ai particulièrement aimé, je vous en parle ici.

L‘auteur nous parle d’Helen Keller, cette américaine devenue sourde et aveugle à la suite d’une forte fièvre alors qu’elle n’avait que dix-neuf mois, et de sa mère Kate. Helen est née en 1880, en Alabama.

Le thème et les personnages

  • Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur Helen Keller, ou je devrais peut-être dire sur  Kate, sa mère, dont on sait si peu de choses, plutôt que de créer un personnage de fiction ?

Cette histoire, celle d’Helen, se tortille en moi depuis l’âge de huit ans. À l’époque, j’ai vu à la télévision le film d’Arthur Penn, Miracle en Alabama, qui donne un aperçu d’un fameux épisode de sa vie. L’histoire de cette petite fille aveugle et sourde, presque sauvage, qui entre dans la lumière du langage m’avait frappée à l’époque avec une très grande force. J’ai peu de souvenirs d’enfance mais de ça, je me souviens. Ensuite, il a fallu un déclic. Il y a quelques années, alors que je tournais autour du sujet de mon prochain roman, une de mes amies s’est mise à lire devant moi le livre qu’Helen Keller a écrit lorsqu’elle avait une vingtaine d’années. Ça m’a bondi à la figure. J’avais mon sujet. Et bien sûr, j’ai su aussitôt que mon héroïne ne serait pas Helen, sur laquelle beaucoup (mais vraiment beaucoup !) a déjà été dit, mais sur une femme de l’ombre. La mère.

  • Pour écrire un tel roman, j’imagine qu’il faut emmagasiner un grand nombre d’informations, sélectionner, trier, traduire, combien de temps cela vous a-t-il demandé, est-ce quelque chose que vous aviez commencé depuis longtemps ?

Pendant une année entière, j’ai lu les biographies, les livres qu’Helen a écrits, des ouvrages et des articles de l’époque sur des sujets multiples : la culture des roses, l’entretien d’une maison, les recettes de cuisine du sud des États-Unis, la vie des Noirs après la guerre de Sécession. Lors de ces recherches, de cette enquête, devrais-je dire, j’ai trouvé ou déduit des points que je n’ai lus nulle part ailleurs. Je me suis promenée des heures sur google earth, j’ai regardé des vidéos, épluché des recensements, cherché des tombes, reconstitué des arbres généalogiques, dessiné des plans de maison, et collé des petits papiers partout sur mon mur… Et surtout, je me suis plongée, certaines heures avec effroi, dans d’insondables archives numérisées. Ces archives de l’Institution Perkins, d’ailleurs, sont ouvertes à tous, vous pouvez y jeter un œil ! https://www.perkins.org/history/archives/helen-keller-and-anne-sullivan-collections

De mémoire, il me semble que le fonds Helen Keller compte 176 000 pièces et il évolue sans cesse. Il recense des correspondances, des photos, des articles, des bulletins…C’était sans fin. La gageure était de ne pas m’y noyer ! J’ai pris mon temps, notamment parce qu’il fallait tout traduire de l’anglais. Ce temps-là, je crois, m’a été utile pour, peu à peu, habiter la même maison que la famille Keller. On me pose souvent la question, mais je n’ai jamais souhaité me rendre sur place. C’était un sacré budget et puis, pendant deux ans et demi, dès que j’en refermais la porte, mon bureau se trouvait en Alabama.

  • L’idée de nous parler de Kate est forcément novatrice, puisque très peu de choses existent sur elle, à quoi correspondait selon vous cette envie d’écrire sur ce personnage de l’ombre ? Pour lui restituer quelle place ?

J’écris toujours sur elles. Ces femmes à la lisière. Le fait que rien n’ait été écrit sur Kate me la désignait, en quelque sorte. Helen était aveugle et sourde, mais celle qu’on a ni regardée ni entendue dans l’histoire, c’était Kate. Nous nous sommes tendu les bras.

J’ai aimé cette approche des sentiments de Kate à ce sujet, la façon dont vous vous posez la question de savoir comment une mère aurait pu rester de marbre quand une jeune femme vient dompter et lui voler quelque part l’amour de son enfant, et qu’elle comprend qu’elle est peut-être en train de la perdre.

  • Avez-vous trouvé des documents, ou au contraire sommes-nous là justement dans la fiction et le romanesque qui est toute la latitude de l’écrivain ?

Dans les archives et dans les biographies, j’avais assez peu de matière, mais j’en avais, en tout cas bien assez pour raconter les faits et imaginer ce qui se trouvait autour. Si j’en avais su trop, je n’aurais pu qu’écrire une biographie, et ce n’était pas mon objet. Ce qui était dit d’elle était toujours, ou presque toujours, en regard de sa fille. J’ai tâché de déplacer le curseur. Dans les textes, elle n’est que la mère. Je suis allée chercher la femme.

Elle ne reste pas de marbre, c’est certain, Kate, elle lutte, elle freine même des quatre fers au début pour ne pas laisser cette étrangère mettre la main (et la lever, aussi, parfois, cette main) sur sa fille jusqu’alors toute puissante. C’est un nouveau combat qui s’ouvre pour elle, et c’était passionnant de l’y suivre.

Le rôle de Ann Sullivan, institutrice d’Helen Keller

Ann Sullivan est une jeune femme de vingt ans, elle va dresser Helen, lui apprendre  la dactylologie, cet alphabet manuel qui consiste à épeler les mots d’une main à l’autre.

  • Que pensez-vous du travail d’Ann Sullivan et de la place qu’elle a prise ensuite dans la vie d’Helen ?

Ann est une femme assez stupéfiante. Orpheline yankee issue d’une famille très pauvre, elle a vingt ans, ses yeux sont malades, elle n’a aucune expérience et là voilà jetée dans cette famille sudiste à la fois avide de la voir agir et de sauver l’enfant, mais, d’une certaine façon, hostile à tout changement. Et à tout ce qui vient du Nord. Les débuts seront plutôt rudes pour elle. Sa méthode, que je détaille dans le livre, est à la fois basée sur les recherches d’un grand médecin – autour d’un alphabet manuel bien particulier – et d’une justesse d’intuition étonnante, qui lui est propre. Elle est extrêmement moderne, en fait.

J’avoue qu’avant de lire la scène où Helen comprend que les mots ont une signification, où elle s’ouvre enfin aux autres, je ne pensais pas du tout à cette particularité, cet éveil à la conscience de ce qui est en dehors de soi-même. C’est une véritable révélation pour l’enfant sauvage qu’elle était alors.

  • Vous l’avez restitué de façon merveilleuse et terriblement émouvante, avez-vous trouvé des témoignages, travaillé également avec des personnes avec handicap pour cette scène en particulier ?

Non, j’ai simplement lu ce qu’Helen et Ann Sullivan en ont dit. J’avais besoin d’imaginer, à ce stade. Après tout, je ne parlais pas depuis le corps d’Helen, mais de celui de Kate. Qui n’était que témoin. C’est un rôle très intéressant, ça, témoin. Je voulais me tenir dans ce jardin avec elle, ressentir avec elle. Et j’y étais. Elle m’a laissée venir. Regarder. Écouter. Sentir les odeurs. Je suis persuadée que la fiction va fouiller le cœur de la réalité, et en délivre la vérité. Je ne voulais pas écrire le réel – à mon sens, c’est impossible, quel que soit le sujet – mais le vrai. Je me suis demandé ce que ça faisait à la mère de voir sa fille comprendre tout à coup qu’un mot existe, un mot et des milliers. Ces mots vont faire exploser la pensée de l’enfant dans toutes les directions. Ces mots, pour commencer, vont la nommer elle-même. Helen grandit d’un coup, avec une violence et un appétit saisissants. De ce bouleversement de la mère, bien sûr, on ne peut nier l’ambiguïté. La fille est sauvée, mais pas par elle. Qui demeure à la lisière. La force de Kate, selon moi, fut de s’attacher à trouver comment, de son côté, elle allait pouvoir mener sa fille une nouvelle fois à la vie.

Si elle vit dans l’ombre, Helen a trouvé la lumière des mots et du langage grâce à la pugnacité de sa mère ; mais maintenant elle va devoir laisser partir sa fille, moment difficile pour une mère.

  • Est-ce aussi cela que vous vouliez montrer ? Le rôle des parents qui élèvent leurs enfants pour qu’ils partent un jour ? Et ce difficile chemin que doit faire Kate ?

Oui, bien sûr, même si, lorsque j’ai commencé mes recherches et ma réflexion, je n’avais pas idée que ce point serait aussi important. On comprend souvent de quoi parlent nos livres après qu’on les a écrits. Et celui-ci dit l’importance de laisser-partir ceux qu’on aime pour qu’ils puissent vivre comme ils l’entendent. Ou essayent, tout au moins. Pour qu’Helen puisse grandir et accéder à la lumière, Kate doit lui lâcher la main et l’abandonner à une autre. C’est un amour immense qui est là révélé.

De mon côté, j’ai perdu un fils voici quelques années, et ma façon de continuer à l’aimer – et à vivre – est de respecter qu’il ait voulu partir. Sans nous. De l’aimer parti. Et je l’aime parti comme je l’aimais présent. C’est cette souffrance et cet amour qui me lient à l’histoire de Kate, et m’ont donné, peut-être, la légitimité et la force de me glisser en elle pour écrire ce livre.

Vous prenez un grand soin à restituer la situation géopolitique et sociale de l’époque, et de cette ville du sud des états Unis, après tout nous sommes peu de temps après la fin de la guerre de sécession et si les noirs ne sont plus esclaves leur situation ne semble pourtant pas très enviable.

  • Avez-vous trouvé des témoignages sur la vie dans la propriété des Keller ou sur les exactions qui ont sans doute eu lieu à l’époque dans la ville ?

Oui, j’ai réussi à trouver pas mal de choses. Je parle du nombre d’esclaves que possédait le père de Kate, dans l’Arkansas, je parle d’un Noir appelé Jordan qui s’est fait lyncher après avoir été tiré de la prison de la ville par une foule acharnée – il y en a eu tant d’autres !  ça résonne avec la situation d’aujourd’hui, bien sûr – dans la ville de Tuscumbia, où vivait la famille Keller. Tout cela est vrai. Beaucoup, beaucoup de choses sont vraies, dans le livre. Et c’était très important de restituer ce contexte. Autour de la vie de Kate, le monde continue à tourner et il modèle ses perceptions. Le paysage, la situation sociale, sont des corps autour d’elle.

  • On dit souvent que les auteurs s’attachent énormément à leurs personnages, avez-vous eu du mal à laisser partir cette Kate que vous avez en partie imaginée ?

Ça oui, c’est vrai, je m’attache énormément à mes personnages. La photo de Kate est encore punaisée au mur à côté de mon bureau, et bien souvent je la regarde, je lui murmure des choses, et lui caresse le menton (elle n’aime pas ça, mais à force, je crois qu’elle s’habitue). Tous les personnages de mes livres habitent dans mon bureau. Parfois ils prennent le train avec moi lorsque je vais parler d’eux ici ou là en France. Ça commence à faire une jolie petite troupe.

Ils ont ceci de délicieux, les personnages de romans, qu’ils sont des enfants qui, jamais, ne devront partir.

Quel conseil de lecture aimeriez-vous nous donner ?

J’ai essayé, bien modestement, de trouver ma propre langue, une langue de Française, pour parler de l’Amérique de ces années et de ces terres-là. Mais lisez Faulkner, c’est quand même pas mal.

Merci Angélique pour vos réponses.

Héritage, Miguel Bonnefoy

Les rêves de quatre générations portés par la magie de l’écriture de Miguel Bonnefoy

En 1873, celui qui deviendra Lonsonier part de France où il était viticulteur dans le Jura, pour rejoindre la Californie après la grande épidémie de phylloxera du XIXe siècle. Le père de Lazare accoste finalement à Valparaíso au Chili avec trente Francs et un cep de vigne en poche.  C’est à Santiago du Chili qu’il va refaire sa vie, d’abord en épousant Delphine, puis en lui faisant trois fils et en reconstituant là-bas les vignes perdues de France.

Quatre générations plus tard, que sont devenus ces enfants d’émigrés ?
Lazare a connu la guerre, la moche, celle des tranchées qui le laisse à jamais exsangue et amputé à la fois d’un poumon et de sa jeunesse comme de son insouciance. Il a fait sa vie auprès de la belle et sauvage Thérèse qui aime les oiseaux autant sinon plus que les hommes.

La vie continue, arrive Margot. C’est une enfant passionnée qui rêve de devenir pilote. Pas facile quand on est une femme dans un univers d’hommes et en plus dans une discipline balbutiante. Il faut de la pugnacité pour assouvir sa passion.
Mais à son tour, portée par l’amour d’un pays qui pourtant n’est pas le sien, elle part faire la guerre en Europe, la grande cette fois. Là, elle sera une combattante de l‘ombre et c’est une femme différente, bien que saine et sauve, qui revient au pays. Un fils, Ilario Da, et une révolution plus tard, le pays sombre dans la dictature. Il faut alors essayer de vivre ou de mourir, avec ou sans gloire. Ilario est arrêté, torturé, forcé à son tour à l’exil.

L’écriture est belle, puissante et simple à la fois, les caractères sont bien trempés, le surnaturel occupe sa juste place et le rythme ne faiblit jamais. L’auteur une fois de plus nous transporte dans une saga qui, à travers plusieurs générations, mêle les traditions de deux pays, dans cette époque difficile de deux grandes guerres, aborde les affres de la dictature et ses conséquences sur tout un pays, et y pose un brin de surnaturel comme il sait si bien le faire. Une histoire qu’il connait bien et qui est aussi son propre héritage.

Les personnages hauts en couleurs nous font vivre à travers leurs familles l’histoire du Chili, ses liens avec la France et la difficile adaptation des migrants qui jamais ne renient leur pays d’origine. Il est important aussi de se souvenir que si les français accueillent sur leur sol les migrants d’aujourd’hui, de nombreuses générations ont eu par le passé à migrer à leur tour vers des terres plus ou moins hospitalières.


Catalogue éditeur : Rivages

La maison de la rue Santo Domingo à Santiago du Chili, cachée derrière ses trois citronniers, a accueilli plusieurs générations de la famille des Lonsonier. Arrivé des coteaux du Jura avec un pied de vigne dans une poche et quelques francs dans l’autre, le patriarche y a pris racine à la fin du XIXe siècle. Son fils Lazare, de retour de l’enfer des tranchées, l’habitera avec son épouse Thérèse, et construira dans leur jardin la plus belle des volières andines. C’est là que naîtront les rêves d’envol de leur fille Margot, pionnière de l’aviation, et qu’elle s’unira à un étrange soldat surgi du passé pour donner naissance à Ilario Da, le révolutionnaire.
Bien des années plus tard, un drame sanglant frappera les Lonsonier. Emportés dans l’oeil du cyclone, ils voleront ensemble vers leur destin avec, pour seul héritage, la légende mystérieuse d’un oncle disparu.

Dans cette fresque éblouissante qui se déploie des deux côtés de l’Atlantique, Miguel Bonnefoy brosse le portrait d’une lignée de déracinés, dont les terribles dilemmes, habités par les blessures de la grande Histoire, révèlent la profonde humanité.
Miguel Bonnefoy est l’auteur de deux romans très remarqués, Le Voyage d’Octavio (Rivages poche, 2016) et Sucre noir (Rivages poche, 2019). Ils ont tous deux reçu de nombreux prix et été traduits dans plusieurs langues.

EAN: 9782743650940 / Parution: août, 2020 / 256 pages / Prix: 19,50€

L’amour égorgé, Patrice Trigano

Une biographie complète et passionnante du poète René Crevel

René Crevel (1900-1935) est un poète surréaliste fort méconnu, en tout cas d’un lecteur lambda comme moi.

Commencer son adolescence avec la vision effroyable de son père pendu et de ses pieds au-dessus du sol juste à hauteur de votre regard a de quoi bouleverser toute une vie. Nous sommes en 1914, c’est une vision voulue par une mère maltraitante, agressive et tyrannique. Une seule issue possible, fuir le plus vite possible cette ambiance délétère de violence et de désamour pour enfin essayer de se construire.

C’est ce qu’il fait en quittant le foyer familial pour Paris, ses cafés, ses poètes, ses dadaïstes puis ses surréalistes, qu’il va très rapidement rencontrer et qui le passionnent. Il s’intègre dans la bande de Tzara, Breton, Aragon.

René est un beau jeune homme. Il plait aux femmes, aux hommes aussi, et n’arrive pas à définir ses attentes amoureuses. Il est attiré par l’humain plus que par l’homme ou la femme, mais il craint ses aspirations homosexuelles honnies tant par sa famille que par son époque. Les rencontres de Gide, Aragon ou encore Cocteau vont réussir à le libérer et à accepter sa bisexualité.

René souffre depuis l’enfance d’une tuberculose qui l’handicape presque à chaque instant de sa vie. Son jeune frère, jamais soigné par une mère qui refusait d’admettre cette faiblesse, décède très jeune de cette même maladie. De nombreux séjours en sanatorium, d’innombrables opérations, des soins réguliers aideront René à vivre quelques années de plus. Dès lors, il aura à cœur de profiter à fond de tout ce qui vient, la création bien sûr, mais aussi et surtout l’amour, hommes et femmes, les amis, l’alcool, les drogues, la fête et se fondre dans ce Paris des années folles partout et tout le temps.

René Crevel rencontre tous ceux qui ont fait son époque, André Gide et Jean Cocteau, on l’a dit, les surréalistes et les dadaïstes, avec Tristan Tzara ou André Breton, mais aussi Nancy Cunard, éternelle amoureuse, mécène des artistes, ardent défenseur de la cause des noirs. Salvador Dali, Gala, Paul Eluard, Jacques Prévert, Marc Allégret ou Alberto Giacometti croiseront son chemin. Avec eux tous il va vivre des moments intenses de création, d’exaltation, de liberté dans cet entre-deux guerre dans lequel commence à sourdre les relents d’un fascisme qui cache encore son nom. C’est encore l’époque du parti communiste et des espoirs de liberté et d’égalité pour tout le peuple, les intellectuels défendent la cause du prolétariat ouvrier, et y croient.

L’auteur Patrice Trigano nous offre là bien plus que le portrait d’un homme, c’est aussi le portrait d’une génération d’artistes qui ont marqué en profondeur la création française du XXe. Écrivains, poètes, peintres, sculpteurs, cinéastes, ils sont tous là, et leurs talents, leurs conflits, leurs faiblesses et leurs batailles d’égo se déroulent devant nous pour notre plus grand bonheur de lecteur.

Ne sachant pas trop à quoi m’en tenir en ouvrant ce livre, j’ai été absolument emballée par le rythme et par la puissance d’évocation de la personnalité de René Crevel et de son besoin de trouver une place au milieu de tous ceux qu’il a côtoyé à un moment ou un autre de sa courte vie.

Un roman publié à l’occasion du centenaire du surréalisme

Envie d’en savoir plus sur certains personnages de cette époque ?

Vous pouvez lire aussi Avec toute ma colère, un roman dans lequel Alexandra Lapierre dévoile la relation amour/ haine entre Nancy Cunard et sa mère. Pour mieux connaitre Robert Desnos, on ne manquera pas de lire Légende d’un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant.

Et pour aller un peu plus loin Les parapluies d’Erick Satie par Stéphanie Kalfon, ou encore 37, étoiles filantes par Jérôme Attal.

Catalogue éditeur : Maurice Nadeau

Un matin de juin 1914, à son réveil, René Crevel, âgé de quatorze ans découvre le corps pendu de son père à la poutre centrale du salon de l’appartement familial. Ce traumatisme alimentera un besoin de révolte qui ne quittera pas le poète qu’il devint. Tourmenté par sa bisexualité, tour à tour amoureux d’un peintre américain puis d’une jeune berlinoise adepte du triolisme, dégoûté par son corps atteint de tuberculose, René Crevel conjurait son mal de vivre en cherchant dans les abus de la drogue, du sexe, et des frivolités mondaines l’apaisement de ses maux.

Jusqu’à son suicide en 1935, il rêva à une version régénérée du monde en devenant tour à tour membre du mouvement Dada, du groupe surréaliste et enfin du Parti communiste. En une épopée passionnante, d’une plume alerte, Patrice Trigano fait revivre dans ce roman les moments d’exaltation, les sentiments de craintes, d’angoisses, les douleurs morales et physiques de René Crevel. Il dresse une peinture des milieux intellectuels des années vingt et trente, alors que le fascisme était en embuscade, à travers des portraits saisissants des amis du poète : Gide, Nancy Cunard, Breton, Éluard, Aragon, Tzara, Cocteau, Dali, Giacometti.

Passionné par les grandes figures de la révolte, Patrice Trigano a précédemment publié : La Canne de saint Patrick (2010, Prix Drouot) et Le miroir à sons (2011) aux Éditions Léo Scheer et aux Éditions de La Différence : Une vie pour l’art (2006), À l’ombre des flammes. Dialogues sur la révolte (avec Alain Jouffroy, 2009), Rendez-vous à Zanzibar (correspondance avec Fernando Arrabal, 2010), L’Oreille de Lacan (2015). Suivent aux Éditions Maurice Nadeau, Artaud-Passion (2016) et au Mercure de France, Ubu-roi, merdre ! (2018).

Paru le 10 septembre 2020 / 978-2-86231-292-7  Prix : 18 €

La petite sonneuse de cloche, Jérôme Attal

à la recherche de l’amour romantique dans les pas de Chateaubriand

A la mort de l’éminent professeur Joe J. Stockholm, son fils Joachim consulte le cahier qui permettait à son père de s’exprimer avec ses soignants. Là, il retrouve un projet de livre qui porterait sur les amours cachées -mais qui ont compté dans leur vie- des grands écrivains.

Fort de cette interrogation, en se basant sur une phrase extraite des mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, il tente de comprendre quelle aurait pu être la réalité d’une rencontre dans l’abbaye de Westminster : une petite sonneuse de cloche, un baiser.

Voilà le fils parti en lieu et place du père sur les traces de François-René de Chateaubriand lors de son premier séjour à Londres au printemps de 1793. L’écrivain voyageur a vingt-cinq ans et déjà un long parcourt qui l’a mené jusqu’en Amérique. Comme tant d’autres nobles, il a fui la France de la terreur qui fait tomber les têtes à tout va. C’est un jeune homme fiévreux, sans un sou en poche et mort de faim qui s’endort une nuit dans les allées ventées et glaciales de l’abbaye. Là, a-t-il vraiment rencontré Violet, la petite sonneuse de cloche ?

Parti à la rencontre des sonneurs de cloche, Joachim croise la route de la jeune Mirabel, bibliothécaire de son état.

Alternant ces deux époques et la quête des deux jeunes hommes, l’auteur nous fait faire un double voyage dans le temps aussi érudit que poétique. Avec d’une part Londres, sa saleté, son automne pluvieux, ses migrants arrivés de France, et d’autre part la situation politique française au 18e comme toile de fond à cette quête de l’amour rêvé. J’ai aimé parcourir les rues de Londres restituées avec un réalisme qui n’est jamais dénué d’humour, même dans les situations qui auraient pu être tragiques ou désespérées. L’écriture parfois légère, empreinte de fantaisie, et le sujet bien documenté, rendent aussi poétique qu’agréable ce conte d’un hypothétique et romantique amour.

Du même auteur, on ne manquera pas de lire 37, étoiles filantes, pour passer une nuit avec Alberto Giacometti  ou encore L’appel de Portobello Road, qui nous entraine également à Londres.

Catalogue éditeur : Pocket et Robert-Laffont

« J’entendis le bruit d’un baiser, et la cloche tinta le point du jour. »
Cette petite phrase des Mémoires d’Outre-Tombe est peut-être un détail, mais son écho hante encore le professeur Joe J. Stockholm. Qui est donc cette petite sonneuse de cloches de l’abbaye de Westminster qui, lors de l’exil de Chateaubriand à Londres, séduisit l’écrivain ? Existe-t-elle seulement ? Fauché par la canicule, le professeur ne le saura jamais. C’est son fils, Joachim, qui, reprenant le flambeau paternel, grimpera dans l’Eurostar à la poursuite du grand homme, sur les pas vagabonds d’un cœur amoureux…

Jérôme Attal est écrivain et auteur de chansons. Il a publié une dizaine de romans, parmi lesquels, chez Robert Laffont, Les Jonquilles de Green Park et 37, étoiles filantes (également disponibles chez Pocket).

Pocket : EAN : 9782266297721 / Pages : 256 / Parution : 13/08/2020 / 6,95€
Robert-Laffont : EAN : 9782221241660 / Pages : 270 / Parution : 22/08/2019/ 19€

La fièvre, Sébastien Spitzer

Quand un mal sournois et invisible révèle des destins hors du commun

En 1878 à Memphis, dans le sud des États-Unis, une région encore largement raciste, car si l’esclavage a été aboli en 1865, il faudra du temps encore pour changer les mentalités. Emmy Evans vit avec sa mère, une ancienne esclave qui travaille pour une riche famille de la ville. Emmy est une jeune métisse en quête d’identité dans cette Amérique d’après la guerre de sécession. Elle attend désespérément le retour du père, éternel absent. Mais il doit arriver aujourd’hui à bord du Natchez, le bateau qui fait escale à Memphis.

Anne Cook et une belle femme sûre d’elle. Elle dirige de main de maitre les filles de Mansion House, son lupanar qui fait le bonheur des notables de la ville. Mais le jour où Billy Evans meurt dans les bras d’une de ses filles, son monde, ses certitudes et son confort feutré s’effondrent.

Keating est le sémillant directeur du Memphis Daily. La fin de la guerre a bouleversé l’équilibre du Sud dans lequel selon lui chacun avait sa place, propriétaires terriens, planteurs de coton et esclaves noirs. Depuis, il soutient discrètement les actions de ses amis du Ku Klux Klan. Le lynchage d’un jeune homme ne mérite d’ailleurs qu’un entre filet dans son journal.

Mais Billy Evans n’est pas le seul décès à déplorer. Rapidement les corps s’amoncellent partout dans la ville et le fossoyeur fait tinter sa cloche chaque jour. Pourtant, tous ceux qui le peuvent ont déjà fui la ville et seules les sœurs de l’orphelinat sont encore là pour soigner les survivants à l’aide de quelques prières inutiles. Face aux morts que l’on cache et à l’inaction du maire, Anne comme Keating décident de réagir.

La fièvre, ce mal venu dont ne sait où, frappe d’abord les blancs, puis se propage à l’ensemble de la population, rapidement les morts se comptent par dizaines, centaines, milliers. On ne le sait pas encore à cette époque mais la fièvre jaune est propagée par les moustiques. Anne Cook transforme alors sa maison de passe en hôpital et se sacrifie pour tous ces malades dont on ne parle pas, quelle ne connaissait pas et qu’elle aurait sans doute ignorés sans cette épidémie meurtrière. Cette femme indépendante, belle et solitaire devient la plus active des infirmières, utilisant tous ses revenus pour panser, assister, nourrir, soigner. Y compris Keating, qui pourtant dédaignait tant sa maison.

Pendant que la ville se vide, les pillards s’installent, c’est bien connu le malheur des uns…  Seul Raphael T Brown, ancien esclave et vétéran, va prendre les armes et se battre sans relâche pour défendre cette ville qui ne voulait pourtant pas de lui.

Les héros de ce roman sont des hommes et des femmes ordinaires, égoïstes et fiers, indifférents au malheur des autres, mais qui vont profondément changer face à la crise. Anne Cook et Keating sont à la fois fascinants et inspirants, extrêmes dans leur comportement face à l’adversité, comme étonnés eux-mêmes de leurs réactions mais terriblement sincères et justes. J’ai aimé la façon dont peu à peu les masques tombent et comment chacun se révèle, se transforme, évolue et modifie sa façon de voir les autres. On dit souvent que les grandes crises peuvent faire émerger le plus vil ou le meilleur des êtres qui les traversent, c’est évident ici.

L’écriture est comme toujours incisive, intense, faite de phrases courtes qui évoluent au rythme de cette fièvre qui transforme les personnages, démontrant s’il était besoin soit leur capacité à réagir, soit leur lâcheté face au drame. J’ai aimé cette universalité que l’on retrouve partout et à toutes les époques face à ce type de situation. L’auteur a choisi de mettre en avant des personnages dont on parle peu ou pas, des évènements oubliés qui jalonnent certaines vies et sont caractéristiques de son écriture. Enfin, on retrouve la filiation, un thème qui semble récurent, avec la petite Emmy à la recherche du père pour tenter de comprendre qui elle est vraiment.

Bien qu’il ait été écrit avant la crise sanitaire récente et les dernières émeutes des USA, le roman aborde pourtant cette double actualité. Sans doute parce qu’hélas ces thématiques sont encore et toujours présentes partout dans le monde.

Du même auteur, on ne manquera pas de lire Le cœur battant du monde ou Ces rêves qu’on piétine, son premier roman.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Memphis, juillet 1878. En pleine rue, pris d’un mal fulgurant, un homme s’écroule et meurt. Il est la première victime d’une étrange maladie, qui va faire des milliers de morts en quelques jours.
Anne Cook tient la maison close la plus luxueuse de la ville et l’homme qui vient de mourir sortait de son établissement. Keathing dirige le journal local. Raciste, proche du Ku Klux Klan, il découvre la fièvre qui sème la terreur et le chaos dans Memphis. Raphael T. Brown est un ancien esclave, qui se bat depuis des années pour que ses habitants reconnaissent son statut d’homme libre. Quand les premiers pillards débarquent, c’est lui qui, le premier, va prendre les armes et défendre cette ville qui ne voulait pas de lui.

Trois personnages exceptionnels. Trois destins révélés par une même tragédie.

Dans ce roman inspiré d’une histoire vraie, Sébastien Spitzer, prix Stanislas pour Ces rêves qu’on piétine, sonde l’âme humaine aux prises avec des circonstances extraordinaires. Par-delà le bien et le mal, il interroge les fondements de la morale et du racisme, dévoilant de surprenants héros autant que d’insoupçonnables lâches.

EAN13 : 9782226441638  Édition brochée 19.90 € / 19 Août 2020 / 320 pages / EAN13 : 9782226455604 EPub 13.99 €

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon

Des personnages attachants à l’histoire dense et profonde traversent le siècle

Voici André, le fils de Gabrielle, élevé par Hélène la sœur de cette dernière et son époux, à la campagne du côté de Figeac, dans cette famille aimante, au milieu de ses cousines. Une vie heureuse, même si c’est aussi une vie de manque, celui cruel d’être né sans père, celui de l’absence de la mère, de son silence. André se construit sur ce silence pesant, ce gouffre qu’il porte à jamais en lui, en orphelin de père biologique, mais fort de tout l’amour de sa famille de cœur, lui le fils, le frère, qu’ils n’avaient pas eu. La nature, la force des relations, la joie de vivre dans cette province protégée et solidaire feront le reste.

A Paris, Gabrielle est infirmière. Elle vit de façon légère, heureuse, enfin, ça c’est du moins ce qu’elle montre à tous chaque fois qu’elle vient voir son fils lorsqu’elle passe noël ou les étés en famille, du côté du Lot.

Lorsque André se marie, une part du mystère s’effondre, mais que faire de cette révélation ? Est-ce le bon moment, et n’est-ce pas plutôt un cadeau empoisonné ? Comme ces paquets au joli ruban dont on craint de découvrir ce qu’ils cachent à l’intérieur. André époux comblé, père heureux, fils à jamais meurtri par l’absence.

Les chapitres courts alternent différentes époques sans aucune chronologie. Un léger doute prend le lecteur au début. Chanterelle, Figeac ? Qui ? Quand ? Deux lignées se mélangent, le fils ? Le père ? Puis les fils se délient, et peu à peu l’intrigue s’installe, les personnages prennent corps, les vies s’étoffent, les sentiments affleurent, bouleversants, émouvants, complexes.

Marie-Hélène Lafon sculpte avec la terre de ces régions qu’elle connait si bien des personnages attachants à l’histoire dense, profonde et les place dans des situations lourdes de conséquences sur leurs vies. Et pourtant le texte, le vocabulaire, le phrasé sont toujours légers, concis, précis. Par petites touches lumineuses et intenses, elle réussit l’exploit de créer une véritable saga familiale qui court sur un siècle, de 1908 à 2008, en un court roman d’à peine 170 pages, sans jamais perdre son lecteur. Tout est effleuré ou suggéré, tout est ressenti avec une intensité rare.

Pour aller plus loin, lire aussi la chronique de Léa Touchbook
Lire également ma chronique du précédent roman Nos vies

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

Le fils, c’est André. La mère, c’est Gabrielle. Le père est inconnu.
André est élevé par Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille.
Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le cœur d’une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences.

Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel. Avec ce nouveau roman, elle confirme la place si particulière qu’elle occupe aujourd’hui dans le paysage littéraire français.

Parution : 20/08/2020 / Format : 13 x 19 cm, 176 p., 15,00€ / ISBN 978-2-283-03280-0

Tu es vraiment si pressé ?

Une pièce de et avec Chantal Peninon et Denis Tison, au théâtre de la croisée des chemins

Un spectacle à découvrir masqué et à distance de ses voisins

Vous passerez un peu plus d’une heure en compagnie de madame Lefort qui, pour arrondir sa retraite et éviter les fins de mois un peu justes, loue une chambre dans son appartement.
Un de ses locataires, monsieur Robin, est là pour affaires. Mais il s’installe et prolonge son séjour… Les jours passent, une relation de plus en plus intime se forge au fil des soirées, des thés, des petits déjeuners pris de plus en plus souvent ensemble.

Chacun se dévoile peu à peu, son enfance, sa jeunesse, sa vie plus ou moins réussie. Je ne vous en dit pas plus, mais c’est émouvant, intime, parfois bouleversant, souvent réjouissant.

Dans cette petite salle, le public se sent vite proche de ces deux acteurs qui incarnent avec maitrise et émotion ces deux retraités aux existences bouleversées.

Où : Théâtre La Croisée des Chemins (Salle Belleville / métro Télégraphe) 120 bis rue Haxo Paris 19
Quand : Les mercredis et jeudis à 19h, du 9 septembre au 29 octobre Comment : Réservation (au 01 42 19 93 63) et masque 😷 obligatoires.

Noir Vézère, Gilles Vincent

Se laisser embarquer par ce thriller historico-paléontologique haletant

La Vézère traverse le Périgord Noir. C’est dans la vallée de la Vézère que l’on trouve à la fois Lascaux et Les Eyzies, et c’est là que Gilles Vincent nous entraîne à trois époques différentes.

D’abord, il y a 17 000 ans, au moment où des hommes ont commencé à peindre de merveilleuses fresques sur les murs de la Grotte de Lascaux. L’auteur pose la question et tente de comprendre pourquoi à un certain moment l’homme préhistorique a eu l’idée, tout à fait extravagante sans doute pour ses contemporains, d’une part d’offrir une sépulture à ses morts, et d’autre part de peindre sur les parois des grottes le panthéon d’animaux auxquels il devait se confronter. Comme une introduction à la fois au chagrin et à l’émotion que provoque la perte de son prochain. Mais aussi à la naissance d’une démarche créatrice et d’un sens artistique, eux aussi porteurs et traducteurs d’émotions.

Puis en 1919, à la fin de la guerre de 14/18. Deux hommes, un lieutenant et son acolyte de retour au pays découvrent incidemment la grotte de Lascaux. La beauté du lieu, la majesté des fresques vont les submerger et donner à l’un d’eux le désir fou de garder cette merveille secrète. Jusqu’au jour de l’invention officielle de la grotte en 1940 par Marcel Ravidat, Jean Clauzel, Maurice Queyroi et Louis Périer, quatre adolescents à Montignac en Dordogne.

Enfin, de nos jours, avec un paléontologue et une jeune gendarme, à Lascaux. Un violent orage va perturber les lieux, provoquant un accident géologique souterrain qui ne sera pas sans conséquences. Ensemble, ils pénètrent dans le saint des saints, la grotte originelle. Là, ils vont découvrir une scène qui va les bouleverser.

Un roman court, avec une intrigue évidente mais prenante, aux personnages bien campés, qui aborde ces trois époques avec une justesse de ton qui emporte immédiatement le lecteur.

Du même auteur, retrouver aussi ma chronique de Un, deux, trois, sommeil !

Catalogue éditeur : éditions Cairn

Gilles Vincent revient avec un polar qui va nous ramener au cœur de nos racines, au cœur de l’Histoire, là où tout a commencé, dans les cavernes et les grottes. Les murs et les peintures ont encore beaucoup à révéler. Lascaux n’a pas livré tous ses mystères. Préparez‐vous à un huis clos surprenant : un polar préhistorique jamais vu.

Après 33 ans dans le Nord et onze ans à Marseille, Gilles Vincent décide, en 2003, de poser valises et stylos dans le Béarn. Depuis quinze ans, il consacre le plus dense de sa vie à l’écriture. Il est aussi animateur d’ateliers d’écriture en milieu scolaire, en prison, à l’hôpital…Les pages lues, écrites sont ses poumons, les mots, tout le sang qui l’habite… Auteur de polars connu et reconnu, il a plusieurs fois été récompensé : prix Europolar 2014 pour Djebel, prix Cezam Inter-CE 2014 pour Beso de la Muerte et prix du Mauvais Genre 2015 du Val Vert duClain pour Trois heures avant l’aube. Dans la collection Du Noir au Sud il a déjà publié Un deux trois, sommeil ! en 2016 et Noir Vézère en 2018.
ISBN : 9782350685779 / 8,50 € TTC / Pages 168 / Date de parution mai 2018