La promesse de l’océan. Françoise Bourdin

« La promesse de l’océan », un roman aux saveurs d’embruns et de feu de cheminée, avec en fond le quotidien des marins-pêcheurs en Bretagne.

Domi_C_Lire_la_promesse_de_l_océan_francoise_bourdinEn passant devant le stand Belfond du salon du livre de paris il y a deux ans, j’avais été impressionnée par le rayon de romans de Françoise Bourdin, aussi n’ai-je pas hésité lorsque Babelio a proposé de découvrir ce livre.

Lorsque je vais en Bretagne, j’aime assister à l’arrivée des bateaux de pêche et faire un tour au marché aux poissons quand c’est possible. Mahé, l’héroïne de « la promesse de l’océan » m’a emmenée y faire un tour. Patron pécheur, elle a repris l’entreprise familiale lorsque son père s’est retrouvé diminué par une attaque cérébrale. On découvre au fil du récit un monde bien décrit par l’auteur, la dure vie des marins, la difficulté pour les professionnels de la pêche d’entretenir une flotte de petits bateaux, la mécanique des bateaux qui vieillit, les contraintes liées aux horaires, aux quotas, aux réglementations, etc. Le roman est bien documenté sans être rébarbatif.

En parallèle à cette vie, Mahé est une belle jeune femme de trente ans qui, comme sa meilleure amie, est encore célibataire. Son fiancé a « disparu » en mer et elle a du mal à s’en remettre. Même si celui-ci n’était peut-être pas l’homme honnête et aimant qu’elle imaginait. Jean-Marie, son plus fiable pêcheur est aussi amoureux d’elle, mais elle ne voit en lui qu’un ami et soutien fidèle. Elle va croiser la route d’un beau dentiste, revenu lui aussi des amours malheureuses et qui ne souhaite pas se fixer de nouveau. De malentendus en rencontres, ils se cherchent et se fuient, pour le plaisir du lecteur qui devine forcément un peu la fin de l’histoire mais qui se laisse emporter.

C’est un roman agréable à lire, plutôt bien écrit et bien documenté, malgré un côté parfois un peu fleur bleue il fait passer un excellent moment entre deux lectures peut être plus ardues. C’est comme une promesse de plaisir à tourner les pages, pour entrer dans l’univers de Mahé et la vie de son petit port de pêche. On s’y laisse prendre et on savoure cette gourmandise aux saveurs d’embruns et de feu de cheminée.

💙💙💙


Catalogue éditeur : Pocket

Trentenaire belle et dynamique, Mahé est patron pêcheur à Erquy, dans la magnifique baie de Saint-Brieuc. Depuis la mort tragique de son père, elle ne vit que pour son travail, ses bateaux et ses marins et a mis de côté son existence personnelle après la brutale disparition en mer de son fiancé.
Armelle, son amie et confidente, fait tout pour l’encourager à profiter de la vie et à y reprendre goût. En vain. Certaines blessures sont si difficiles à refermer. Cependant, la chance pourrait enfin lui sourire…
« Françoise Bourdin dépeint les beaux paysages bretons et livre un joli tableau des Côtes d’Armor. » L’Hebdomadaire d’Armor

Date de parution : 17 Septembre 2015  / Nombre de pages  : 320 p. / Format : 108 x 177 mm / EAN : 9782266255486

Dandy. Richard Krawiec

Découvert dans le cadre du Prix du Meilleur Polar des Lecteurs de Points, Dandy est un roman noir sur les dérives d’une société qui oublie certains des siens sur le bas-côté de la route.

Richard Krawiec situe son roman, « Dandy » dans l’Amérique des laissés pour compte, celle où l’opulence, la richesse et l’espoir existent, mais manifestement pas pour tout le monde. L’autre face du rêve américain en somme. Le décor est planté, et les deux acteurs principaux sont désarmants de sincérité et sans doute de naïveté, mais ils voudraient tant s’en sortir malgré tout. Artie, est un quasi SDF qui traine dans les bars les soirs de grand froid, voleur à la tire à ses heures, il cherche des combines ou des cambriolages faciles pour subsister. Jolene ne sait plus comment faire pour nourrir Dandy, son bébé de deux ans, elle n’a jamais travaillé et vivote comme elle peut. Chacun pense que sa vie est plutôt ratée, mais ne sait pas comment faire pour que ça s’arrange.

De combines en espoirs inutiles, ils vont finir par se rencontrer et tenter de vivre ensemble. Et après tout si c’était la solution, ne pas être seul ou mal accompagné, mais trouver dans celui qui vous ressemble un espoir de vie meilleure, à partager les galères, se tenir chaud et se comprendre, se parler, se réchauffer avec quelques verres de whisky qui rendent parfois la vie meilleure. C’est ce qu’ils essayent de faire, mais après des enfances difficiles et des débuts dans la vie complétement ratés, ils sont totalement inadaptés face aux bases même d’une vie de famille : avoir un travail, élever un enfant, entretenir une maison. Jusqu’au jour où dans la boite à lettre arrive une proposition de vente en time-sharing, et avec ce courrier l’espoir suscité par les cadeaux donnés à chaque visiteur. Dans leur grande naïveté, Jolene et Artie vont rêver l’impossible. Mais tout ne va pas se passer comme ils rêvaient et les évènements vont s’enchainer pour le pire plus que pour le meilleur.

Écrit dans les années 80, « Dandy » aborde de nombreux thèmes toujours d’actualité : l’inceste, l’abandon par le père, la prostitution, le manque d’éducation, l’alcool comme seul soutient, la rue pour seul repère, l’assurance maladie qui ne prend pas en charge les soins des plus pauvres, enfin, le sort qui s’acharne parfois sur ceux qui démarrent aussi mal dans la vie. De magouilles en défaites, il y a bien peu d’espoir pour Artie et Jolene. C’est noir et sombre. Les scènes sont parfois très visuelles, décrites dans leur moindre détail, comme un film que l’on verrait se dérouler sous nos yeux. Le lecteur assiste impuissant à l’inexorable descente vers le néant.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Prix du meilleur polar des lecteurs de Points 2015

Catalogue éditeur : Points

Artie, voleur à la tire, sans toit ni loi, est un invisible, un laissé-pour-compte dont la vie tourne à vide. Un jour, il croise le chemin de Jolene, mère d’un petit Dandy de deux ans, bientôt aveugle et qui ne tient pas sur ses jambes. Pour son fils, elle s’efforce de gagner sa vie dignement, tout en le nourrissant de beurre de cacahuètes. Ensemble, Artie et Jolene vont s’unir et tenter de s’en sortir.

Né en 1952 à Brockton, Massachusetts, Richard Krawiec se fait connaître en 1986 avec Dandy (Time Sharing en anglais), salué par la critique. Il se consacre depuis à la poesie, au théâtre, et donne des cours d’écriture dans des centres d’accueil de SDF, des prisons ou des cités défavorisées.

« Une énergie vitale magistrale, une combativité hors du commun. Un couple quasi mythique… » Mediapart

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé
Préface de Larry Fondation

Prix : 6,7€ / 240 pages / Paru le 17/09/2015 / EAN : 9782757843369

Les échoués, Pascal Manoukian

Un premier roman d’une grande sensibilité sur un sujet criant d’actualité, l’immigration vue par Pascal Manoukian dans « Les échoués »


Pascal Manoukian est journaliste et connaît bien les zones de conflits, pourvoyeuses de nombreux candidats à l’émigration.  Il en parle magnifiquement bien dans son premier roman « Les échoués ».

Au fil des pages, le lecteur suit les pérégrinations de quatre personnages, Virgil le moldave, Assan le somalien qui fuit son pays avec Iman, sa fille de 17 ans, et Chanchal le bengalais. L’auteur décrit avec sans doute beaucoup de justesse et de réalisme le long chemin parfois mortel vers la liberté, celle pour laquelle on devient clandestin, et cette envie inextinguible qui fait que l‘on quitte son pays à jamais pour se presser  aux portes de l’Europe, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Pourtant l’auteur situe son roman au début de 1992. Chacun a déjà à cette époque une excellente raison de quitter son pays, ruiné, meurtri, en guerre, de fuir la misère, la barbarie pour arriver dans ce pays de rêve qui, même s’il ne souhaite pas vraiment les accueillir les attire et leur fait espérer une vie meilleure, loin des souffrances qu’ils ont fui.

Car rien n’est simple et rien n’est rose en France, mais liberté et travail sont possibles. Au fil des pages, on découvre par les yeux de Virgil une population pas vraiment prête à accueillir ces immigrants, des patrons qui exploitent des ouvriers, des conditions de vie qui impliquent l’organisation d’un monde parallèle, en dehors de tout circuit normal, où les solidarités entre coreligionnaires, venus d’un même pays, s’affirment.

C’est un roman d’une grande sensibilité et très étonnant par son actualité, qui force le lecteur à penser autrement et à s’interroger : que ferais-je à leur place ? La question est posée, mais la réponse n’est pas donnée.

Catalogue éditeur : Don Quichotte et Points

« Le chien était revenu. De son trou, Virgil sentait son haleine humide. Une odeur de lait tourné, de poulet, d’épluchures de légumes et de restes de jambon. Un repas de poubelle comme il en disputait chaque jour à d’autres chiens depuis son arrivée en France. Ici, tout s’était inversé, il construisait des maisons et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour offrir des parfums à une femme dont il avait oublié jusqu’à l’odeur… »
1992. Lampedusa est encore une petite île tranquille et aucun mur de barbelés ne court le long des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien, sont des pionniers. Bientôt, des millions de désespérés prendront d’assaut les routes qu’ils sont en train d’ouvrir.
Arrivés en France, vivants mais endettés et sans papiers, les trois clandestins vont tout partager, les marchands de sommeil et les négriers, les drames et les petits bonheurs.

304 pages / Taille : 140*205 / Prix : 18,90 euros / ISBN : 978-2-35949-434-1

Kokoro. Delphine Roux.

Kokoro, de Delphine Roux un premier roman empreint d’une grande poésie, qui fait du bien à l’âme

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Si j’ai parfois senti ce roman « Kokoro » porteur d’une grande tristesse, il émane également de ces lignes beaucoup de joie et d’espoir. Koichi, le narrateur, décrit la vie en courts chapitres, certains font parfois simplement quelques lignes, tous sont ponctués de quelques mots mis en exergue, évoquant un mot du vocabulaire japonais, comme une invitation dans le monde de Koichi.

Koichi et sa sœur Seki ont perdu leurs parents quand ils étaient enfants. Si sa sœur à malgré tout continué à vivre, Koichi lui, a décidé de s’arrêter là, du moins, dans sa tête. Il a cependant des sentiments envers sa grand-mère, celle qui l’a élevé. Il va la voir régulièrement à la maison de retraite. Mais depuis la disparition de ses parents, la vie n’intéresse pas Koichi. Il n’est que le spectateur passif de sa propre existence et refuse d’en être acteur. Jusqu’au jour où sa sœur à des problèmes.  Elle ne va pas bien, il est impératif de l’aider, et personne dans son entourage ne peut rien pour elle. Ce jour-là, contre toute attente, koichi va rattraper le temps perdu pour tenter de la sauver.

Kokoro, c’est un étrange roman, fin et délicat comme les fleurs de cerisiers au printemps, travaillé comme un Ikebana, doux, subtil et amer comme un goût du japon que j’imagine tout en finesse et retenue. Il se lit très vite mais laisse une impression subtile et délicate qui trotte dans la tête longtemps après.

Catalogue éditeur : éditions Piquier

Dans ce roman se fait entendre une voix ténue et obstinée, attentive aux mouvements subtils de la nature et des âmes.
Koichi et sa sœur Seki n’avaient que douze et quinze ans lorsque leurs parents ont disparu dans un incendie.

128 pages / 12,50 € / ISBN : 2.8097.1111.0 / Sortie en août 2015

Djibouti. Pierre Deram.

Djibouti, le premier roman de Pierre Deram, nous fait sentir à chaque page la puissance du désert qui nous happe et nous transforme

Immédiatement, en lisant Djibouti, me voilà plongée dans l’enfer et la fournaise des territoires des Affars et des Issas, et donc dans les années 70. Quand des militaires peu aguerris aux conditions climatiques extrêmes de ces zones désertiques étaient confrontés à cet autre monde, celui des mendiants, des femmes qui se prostituent pour un peu de pain ou quelques gâteaux, de la chaleur extrême qui rend fou et qui brûle le corps et l’âme à jamais.

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Photo © DCL-DS2015

Il y a eu de pages dans ce roman, mais une telle intensité dans ces lignes. Nous suivons Markus, il vient de passer six mois dans ce qui deviendra la république de Djibouti. Tout proche se profile le désert de Somalie et l’Éthiopie. L’auteur utilise le paysage extrême de ce désert implacable, pour évoquer une situation qui a peu en commun avec la vie en métropole. Les conditions poussent ces hommes à un comportement souvent au-delà des limites acceptables, mais qui semblent pourtant acceptées. Pour  Markus, c’est la dernière nuit sur le territoire, sa dernière nuit africaine.  Les souvenirs remontent, souvent difficiles, des soldats confrontés à la violence, à la solitude entre hommes, aux filles à qui on ose tout demander, sans se préoccuper de leur humanité, même si au fond de soi on avoue avoir eu des sentiments pour elles, pour se déculpabiliser peut être ?

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© DCL-DS2015

Ici, le soleil brûle et détruit, plus qu’il n’est symbole de lumière et de vie. Les pages sont le  reflet de ces instants où l’on ose tout, même le pire. Court roman, intense et réaliste qui nous plonge dans un passé peu honorable où les soldats rentrent dans le confort de leur pays, mais y rentrent-ils intacts ? Rien n’est moins sûr.

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel collection Qui Vive

« C’est demain, se répète Markus, que je rentre à Paris… » Pour sa dernière nuit africaine, le jeune militaire se jette à corps perdu dans Djibouti, son implacable désert, son désordre étourdissant, ses putains redoutables, et sa faune de soldats fous d’ivresse et de solitude. Entre violence brute et errance onirique dans les bas-fonds de la ville, Pierre Deram met à nu la bouleversante férocité des rapports humains.
À Djibouti, berceau de l’humanité et barque de perdition, prostituées et légionnaires sont les mêmes enfants de la violence et de la beauté

Pierre Deram est né en 1989 dans le Pas-de-Calais. Diplômé de l’école Polytechnique, dans le cadre de laquelle il a séjourné en Afrique, il vit et travaille à Paris. Djibouti est son premier roman.

« Soudain ils ne furent plus rien, pas même un soldat et une putain, mais deux enfants perdus au milieu du monde, serrés l’un contre l’autre sur ce matelas sale, roulant à moitié inconscients, le sang rapide, les yeux brillants, roulant si loin de tout, roulant à n’en plus finir au fond de l’indicible comme deux bagnards sautant d’un train en marche.« 

Parution : 20/08/2015 / Format : 14 x 18 cm, 128 p., 11.00€  /ISBN 978-2-283-02844-5

Kuessipan, Naomi Fontaine

Kuessipan, un roman poème, un livre indispensable.

Que ce livre est étrange. Il ne ressemble pas tout à fait à un roman, dans le sens où il ne raconte pas une seule histoire, et pourtant il est comme une succession de poèmes qui viendraient nous parler de la vie. L’auteur évoque en quelques mots, quelques lignes, la vie de ces femmes ou ces hommes, ces enfants, ces jeunes et ces vieux de sa tribu indienne. Naomi Fontaine, jeune femme Innue, est  originaire de la communauté de Uashat parquée dans une réserve tout au nord-est  du Québec, près de Tadoussac, dans ces paysages qui malgré leur modernité gardent le côté sauvage des terres du nord, celles des tribus nomades d’autrefois.

J’ai trouvé à la fois une grande simplicité et beaucoup de poésie dans ces lignes. En quelques mots, un paragraphe parfois, l’auteur fait passer des instants de vie, de réussite, de tristesse, de déchirure, le mari mort dans un accident de voiture, la jeune fille de 15 ans enceinte et heureuse de porter son enfant, le vieux qui bientôt ne sera plus mais qui transmet encore aux plus jeunes son savoir, la grand-mère qui tient encore sa tribu à plus de cent ans, et ce jeune homme détruit par la drogue et mort bien trop tôt. Drogue, alcool, ennui, tout ce qui détruit la   vie et l’honneur des hommes est également abordé. Car comment se réaliser, devenir un homme quand on vit dans ces réserves qui annihilent votre volonté et votre existence.

Il y a tout un monde dans ce court roman. J’ai vraiment aimé, il va droit au cœur. On imagine tout à fait les paysages, les odeurs, les parfums qui changent avec les saisons, la glace sur le lac, le renouveau des prairies, les animaux, les plantes, tout y est en si peu de mots. J’ai le sentiment de l’avoir lu presque trop vite, il a un goût d’ailleurs, d’enfance et de vie.

Catalogue éditeur : Serpent a plumes

Kuessipan est le récit des femmes indiennes. Autant de femmes, autant de courages, de luttes, autant d’espoirs. Dans la réserve innue de Uashat, les femmes sont mères à quinze ans et veuves à trente. Des hommes, il ne reste que les nouveau-nés qu’elles portent et les vieux qui se réunissent pour évoquer le passé. Alors ce sont elles qui se battent pour bâtir l’avenir de leur peuple, pour forger jour après jour leur culture, leur identité propre, indienne.

EAN : 9791094680070 / 120 pages / Date de parution : 21/08/2015

La maladroite. Alexandre Seurat.

La maladroite d’Alexandre Seurat, un premier roman sur un sujet particulièrement difficile et sans doute nécessaire…


A l’heure où l’actualité évoque une affaire absolument sordide de maltraitance, j’ai beaucoup hésité à lire ce livre. Difficile d’évoquer la souffrance, la maltraitance des enfants, la disparition. Et pourtant Alexandre Seurat y réussit avec beaucoup de tact.

A tout de rôle, les intervenants de cette affaire ont la parole. Les institutrices qui se sont succédé, et qui ont tenté d’avertir leurs directions, les services sociaux, la justice, les enquêteurs, mais aussi la famille bien peu présente, la grand-mère, le frère. En fait tous ceux qui auraient pu observer et surtout agir, à un moment ou un autre de la courte vie de Diana.

Diana a bien mal débuté sa vie, une mère qui change de compagnon régulièrement, une grossesse non désirée, une enfant née sous X récupérée par sa mère le dernier jour possible avant l’abandon définitif. Puis une famille qui se recompose, le nouveau mari, le fils ainé, et les enfants qui viennent après. Une famille ordinaire en apparence. Mais tous les témoins un tant soit peu attentifs comprennent que la vie de Diana n’est pas un conte de fée. Mais est-ce si simple, quand le discours convenu des parents correspond au discours de Diana, quand à chaque bleu, à chaque coup, à chaque brulure, la gamine à une réponse à donner, expliquant à qui veut bien entendre qu’elle est si maladroite. A qui veut entendre, ou à qui ne veut pas comprendre ?

Si ce roman ne sert qu’à nous ouvrir les yeux, alors il est non seulement bien écrit, mais en plus utile. Avec une écriture assez sobre, chacun relate ce qu’il sait de l’histoire, ce qu’il a pensé ou essayé de faire, ses reniements aussi, ses abandons, par lâcheté, par fatigue, exaspération de voir que rien ne vient, ou en se retirant derrière la responsabilité de l’autre. Jusqu’au jour où…

Et là on s’interroge, qu’aurions nous fait ? Qu’auraient ils dû faire ? C’est terriblement triste mais nécessaire peut être ? Mais tant d’impuissance, tant d’injustice devant les souffrances de ces enfants que personne n’a pu sauver.

Catalogue éditeur : Le Rouergue

Inspiré par un fait divers récent, le meurtre d’une enfant de huit ans par ses parents, La maladroite recompose par la fiction les monologues des témoins impuissants de son martyre, membres de la famille, enseignants, médecins, services sociaux, gendarmes… Un premier roman d’une lecture bouleversante, interrogeant les responsabilités de chacun dans ces tragédies de la maltraitance.
Date de parution : 19/08/2015 / EAN : 9782812609251 / Nombre de page : 128 / Collection : La brune (Le Rouergue)

Un océan d’amour, Lupano, Panaccione

Une BD sans bulle mais sur un océan d’amour, il fallait oser !

De Lupano, j’ai particulièrement aimé les vieux fourneaux, et bien sûr  j’ai eu envie d’ouvrir la boite de sardines délicieuses de cet océan d’amour. Bien m’en a pris, car les aventures de notre marin breton et de sa chère et tendre bigoudène bien en chair et en coiffe sont un bon moment de lecture. Enfin de lecture pas vraiment  puisqu’il n’y a aucun texte.  Cela ne nous empêche pas de suivre les mésaventures de ce petit bateau pris dans les filets du tout puissant gold Fish qui ratisse les fonds des mers sans prendre garde à ce qu’il pêche. Les aventures s’enchaînent, tempêtes, pièges en mer, bandit, rien ne sera épargné à notre marin pécheur. Ne le voyant pas rentrer, sa tendre et néanmoins imposante épouse décide de partir à sa recherche, elle devra vaincre ses peurs et tout tenter pour  retrouver l’homme de sa vie.

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Filets de pêche, Cinque Terre, Italie © DCL-DS2015

Quelques allusions à la pêche aux filets dérivants,  aux gigantesques paquebots de croisière qui sillonnent les mers, au trafic en tous genres dans la mer des caraïbes, aux geôles de Cuba, aux dégazages sauvages des porte-conteneurs, de nombreux thèmes sont abordés avec bonheur et subtilité, pour un final à la hauteur de cet océan d’amour qui relie les deux protagonistes.

Catalogue éditeur : Delcourt

Date de parution : 29/10/2014 / ISBN : 978-2-7560-6210-5
Scénariste : LUPANO Wilfrid
Dessinateur : PANACCIONE Grégory
Coloriste : PANACCIONE Grégory

Cet instant-là. Douglas Kennedy.

Sur fond de romance et d’espionnage, il faut savoir saisir la chance de sa vie et ne pas laisser passer « Cet instant-là »

J’ai lu déjà pas mal de romans de Douglas Kennedy, et j’avais arrêté après « la femme de Ve », sans doute parce qu’à moment donné j’avais l’impression de connaître déjà ? Il n’empêche, c’est un auteur dont j’aime l’écriture et la vision anglo-saxonne de l’Europe, même si c’est également un auteur que l’on imagine presque français.

Ici, le narrateur Thomas Nesbitt, la cinquantaine, est écrivain. Après quelques années d’une vie de couple banale et sans passion, il décide de divorcer. Au même moment, il reçoit un paquet et un courrier venus d’Allemagne. Les souvenirs remontent, ceux d’une période de sa vie passée à Berlin au temps de la RDA et du mur.

Nous découvrons vingt-cinq ans plus tôt, Thomas, jeune auteur, parti à Berlin pour écrire un livre sur la vie de l’autre côté du mur. Il rencontre Alistair, peintre anglais homosexuel, drogué et particulièrement talentueux chez qui il va sous louer une chambre, et trouve un emploi dans une chaine de radio locale. Son ambition est d’écrire ses impressions de voyage sur Berlin Est. Là, il croise Petra, transfuge de la RDA, qui travaille comme traductrice. C’est le coup de foudre, la rencontre de sa vie. Mais dans l’Allemagne du mur, la cohabitation entre une allemande réfugiée de l’Est et un jeune américain est quasi impossible, même si l’amour fou est bien réel.

Sur fond de romance et d’espionnage, Douglas Kennedy aborde le dilemme de l’amour et de la confiance, de la capacité de chacun à savoir saisir sa chance et à ne pas laisser passer « Cet instant-là ». Le bonheur est parfois éphémère et savoir l’accepter quand il se présente n’est pas forcément donné à tout le monde. Le poids des regrets peut parfois compliquer toute une existence. Ah, savoir comprendre et choisir ce qui sera le mieux pour soi, est-ce vraiment si simple ? Ce n’est pas forcément mon roman préféré de cet auteur, mais cette plongée et ce regard vers une époque pas si lointaine mais déjà en partie oubliée est très intéressante. Et les descriptions de Berlin, replacée dans un contexte historique et géopolitique passionnant et bien décrit sont un des intérêts de ce roman.

Catalogue éditeur : Belfond

À la fois drame psychologique, roman d’idées, roman d’espionnage mais surtout histoire d’amour aussi tragique que passionnée, une oeuvre ambitieuse portée par le talent exceptionnel de Douglas Kennedy.
Écrivain new-yorkais, la cinquantaine, Thomas Nesbitt reçoit à quelques jours d’intervalle deux missives qui vont ébranler sa vie : les papiers de son divorce et un paquet posté d’Allemagne par un certain Johannes Dussmann. Les souvenirs remontent…
Parti à Berlin en pleine guerre froide afin d’écrire un récit de voyage, Thomas arrondit ses fins de mois en travaillant pour une radio de propagande américaine. C’est là qu’il rencontre Petra. Entre l’Américain sans attaches et l’Allemande réfugiée à l’Ouest, c’est le coup de foudre.
Et Petra raconte son histoire, une histoire douloureuse et ordinaire dans une ville soumise à l’horreur totalitaire. Thomas est bouleversé. Pour la première fois, il envisage la possibilité d’un amour vrai, absolu.
Mais bientôt se produit l’impensable et Thomas va devoir choisir. Un choix impossible qui fera basculer à jamais le destin des amants.
Aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, Thomas est-il prêt à affronter toute la vérité ?

Traduit par Bernard COHEN / Octobre 2011 / 23,50 € – 506 p.

La déchirure de l’eau. John Lynch.

Dans une Irlande que l’on devine, entre rêve et réalité, La déchirure de l’eau est le parcours initiatique d’un enfant vers l’âge adulte. 

La déchirure de l’eau est une étrange évocation de l’Irlande de l’IRA et des bombes par le regard de James Lavery, un adolescent de dix-sept ans qui cherche son père dans le ciel, les étoiles et parfois même les lucioles. Qui cherche une lumière en somme. Pour le guider sur le chemin de la vie, parce que Conn, ce père tant aimé, a disparu  alors que James n’avait que huit ans.

Mais en Irlande la vie est dure, l’argent manque parfois. La mère de James travaille mais elle va noyer ses nuits solitaires dans l’alcool, sa tante essaie de l’aider, mais elle est rapidement dépassée. Et la présence de plus en plus régulière à la maison du nouveau compagnon de sa mère est bien difficile à accepter, car on ne remplace pas un héros. Heureusement, James va croiser la route de Shannon, un professeur atypique qui l’initie au théâtre, un moyen de se révéler, de s’extérioriser, de s’affirmer aussi peut être. Un moyen sans aucun doute de surmonter une étape de sa vie, celle du deuil de son père, rendu difficile par le poids du secret sur les circonstances de sa mort.

La structure du roman montre la vie de James par petites touches, chapitre après chapitre, tous se terminent par une lettre dans laquelle James s’évade dans son monde imaginaire, celui qui lui permet de vivre chaque jour qui vient. Jusqu’au jour peut-être où la vérité éclate, où la mère n’est plus seulement une alcoolique désespérée mais également une veuve inconsolable, où les amours adolescentes apparaissent, où la démarche du deuil s’enclenche, où la vraie vie devient possible.

C’est un roman étonnant, même si je reste un peu sur ma faim. Car si j’ai trouvé un intérêt à cette narration décalée d’une période importante dans l’histoire de l’Irlande, je crois que j’en aurai souhaité un peu plus. Mais un peu plus cela a certainement déjà  été écrit bien des fois !

Catalogue éditeur : Le Castor Astral

Le père de James Lavery est mort. Son fils est persuadé qu’il s’est sacrifié pour l’Irlande. Cherchant désespérément à échapper à sa pesante solitude, à sa pénible vie quotidienne et à l’alcoolisme envahissant de sa mère, James se crée son propre monde : il devient ainsi le héros d’une série d’aventures fantastiques qu’il rêve au fil des jours.
Mais les années passent et James entrevoit des étincelles de vérité à propos de son père. Alors qu’il embarque lui-même dans sa première histoire d’amour, il commence à comprendre les vraies complexités de la vie.
Dans cette histoire d’initiation, John Lynch révèle dans un style serré, la vulnérabilité et les incertitudes d’un garçon de dix-sept ans qui quitte l’enfance.

ISBN 9791027800421 / 17,00 EUR / 240 pages / août 2015