Prix des cinq continents de la Francophonie, Organisation internationale de la francophonie

C’était aujourd’hui la remise des prix 2021 à Karim Kattan, lauréat du Prix des cinq continents de la francophonie pour Le Palais des deux collines (Elyzad, Tunisie) et la Mention spéciale à Miguel Bonnefoy pour Héritage (Rivages, France).

Ces prix sont de véritables étendards de la littérature francophone. Des témoins à la fois de la diversité des écrivains et de la place de leurs œuvres dans le monde. On souligne aussi la qualité des six comités de lecture (Congo, Canada, Sénégal, Belgique, France, Vietnam) qui présélectionnent 10 œuvres parmi les ouvrages concourant au Prix des cinq continents, ouvrages qui sont ensuite soumis au jury des écrivains.

Ce jury international qui est présidé par Paula Jacques (Égypte-France) et composé de Jean-Marie Gustave Le Clézio (Maurice), Lise Bissonnette (Canada-Québec), Vénus Khoury-Ghata (Liban), Liliana Lazar (Roumanie), Wilfried N’Sondé (Congo), Lyonel Trouillot (Haïti), Abdourahman Waberi (Djibouti), Jun Xu (Chine) et Karim Kattan (Palestine-France).

Créé par l’OIF en 2001, le Prix des cinq continents de la Francophonie met en lumière des talents littéraires reflétant l’expression de la diversité culturelle et éditoriale en langue française sur les cinq continents et permet de les promouvoir sur la scène littéraire internationale. Ce prix récompense des textes de fiction narratifs (roman, récit et recueil de nouvelles) mais également tout auteur d’expression française quelle que soit sa maturité littéraire.

En plus de la dotation de 15 000 euros, le lauréat est accompagnés tout au long de l’année pour assurer la promotion du roman. La dotation de la mention spéciale du jury est de 5.000 euros.

20 lauréats et 11 mentions spéciales

2021 : Karim Kattan, Le Palais des deux collines » (Elyzad, Tunisie)
Mention spéciale : Miguel Bonnefoy, « Héritage » (Rivages, France)

2020 : Béata Umubyeyi Mairesse, « Tous tes enfants dispersés » (Autrement, France)
Mention spéciale : Paul Kawczak, « Ténèbre » (La Peuplade, Canada Québec)

2019 : Gilles Jobidon, « Le tranquille affligé » (Leméac, Canada Québec)
Mention spéciale : Alexandre Feraga, « Après la mer » (Flammarion, France)

2018 : Jean Marc Turine, « La théo des fleuves » (Esperluète, Fédération Wallonie Bruxelles)
Mention spéciale : Stéfanie Clermont, « Le jeu de la musique » (Le Quartanier, Canada Québec)

2017 : Yamen Menai, « L’Amas ardent » (Elyzad, Tunisie)

2016 : Fawzia Zouari, « Le Corps de ma mère » (Joëlle Losfeld – France / Demeter – Tunisie)

2015 : In Koli Jean Bofane, « Congo Inc. le testament de Bismarck » (Actes Sud, France)
Mention spéciale : Miguel Bonnefoy, « Le Voyage d’Octavio » (Rivages, France)

2014 : Kamel Daoud, « Meursault, contre-enquête » (Barzakh, Algérie)

2013 : Amal Sewtohul, « Made in Mauritius » (Gallimard, France)

2012 : Geneviève Damas, « Si tu passes la rivière » (Luce Wilquin, Belgique)
Mention spéciale :  Naomi Fontaine, « Kuessipan » (Mémoire d’Encrier, Canada-Québec)

2011 : Jocelyne Saucier, « Il pleuvait des oiseaux » (XYZ, Québec)
Mention spéciale : Patrice Nganang, « Mont Plaisant » (Philippe Rey, France)

2010 : Liliana Lazar, « Terre des affranchis » (Gaia, France)
Distinction du jury à Naomi Fontaine (Canada-Québec) pour Kuessipan, Éditions Mémoire d’Encrier

2009 : Kossi Efoui, « Solo d’un revenant » (Le Seuil, France)

2008 : Hubert Haddad, « Palestine » (Zulma, France)

2007 : Wilfried N’Sondé, « Le Coeur des enfants Léopards » (Actes Sud, France)

2006 : Ananda Devi, « Eve de ses décombres » (Gallimard, France).
Mention spéciale : Pierre Yergeau, « La cité des Vents » (L’instant même, Québec)

2005 : Alain Mabanckou, « Verre Cassé » (Seuil, France)

2004 : Mathias Enard, « La Perfection du tir » (Actes Sud, France).
Mention spéciale : Seyhmus Dagtekin, « À la source, la nuit » (Robert Laffont, France)

2003 : Marc Durin-Valois, « Chamelle » (Jean-Claude Lattès, France).
Mention spéciale : Fawzia Zouari, « La Retournée » (Ramsay, France)

2001 : Yasmine Khlat, « Le désespoir est un péché » (Le Seuil, France)
Mention spéciale : Ahmed Abodehmane, « La ceinture » (Gallimard, France)

Je suis la maman du bourreau, David Lelait-Helo

Peut-on aimer ses enfants quel qu’en soit le prix ?

Rien ne peut atteindre Gabrielle de Miremont. Un mariage, trois enfants, et surtout un fils adoré qu’elle a façonné à son image, et qui est devenu le merveilleux prêtre Pierre-Marie. Gabrielle est une femme hautaine, impressionnante de volonté, au charisme affirmé, une figure emblématique du village. Ce n’est pas une femme à qui l’on s’adresse facilement, il a pourtant bien fallu le faire pour lui annoncer cette terrible nouvelle qui va bouleverser sa vie, la mort violente de son fils.

Gabrielle veut comprendre ce qui est arrivé à cet enfant, ce fils tant attendu qu’elle a aimé plus que tout, qui lui a fait oublier ses filles et son époux, qu’elle a élevé dans le respect de Dieu et de la religion, ce fils qui était toute sa vie, son âme, son amour, son dieu. Elle veut surtout comprendre et savoir si ce qui se dit dans les journaux, si ces témoignages qui l’accablent, disent la vérité.

Car le scandale vient d’éclater, un prêtre pédophile abuse depuis des années des petits garçons qui lui sont confiés, au catéchisme, en colonie, après la messe. Mais non, pas ici, pas dans ce village, pas dans la paroisse et sous les yeux de son fils chéri.

Tout d’abord, c’est la révolte, l’envie de lutter pour redonner son lustre à cette paroisse accusée du pire. Puis peu à peu, les mots sont dits, les témoins se dévoilent, trouvent le courage de dire, d’accepter de ne plus être la victime coupable mais bien la victime meurtrie et blessée à vie.

Gabrielle les écoute, les rencontre, les entend. Et son monde s’effondre avec toutes ses certitudes. Quel est ce Dieu qui accepte, qui se tait, qui laisse faire, quel est ce bourreau qui ose, qui ne se sent pas coupable, qui nie l’abjection de ses actes.

Un roman émouvant, un thème difficile dont on entend beaucoup parler depuis quelques temps. En particulier depuis la parution du rapport Sauvé. Depuis que l’église a enfin accepté d’ouvrir les yeux, d’entendre les victimes, et plus seulement de déplacer les coupables pour qu’ils aillent perpétrer leurs crimes un peu plus loin.

On se souvient que La Ciase, Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, a rendu le 5 octobre 2021 son rapport sur les violences sexuelles commises par des membres du clergé sur des enfants et des adultes vulnérables. 330 000 victimes dans l’Église, dont 216 000 personnes abusées par des prêtres, diacres, religieux et religieuses (La Croix, le 04/10/2021)

Catalogue éditeur : Héloïse d’Ormesson

Prier Dieu, se vouer au Diable

Du haut de ses quatre-vingt-dix ans, Gabrielle de Miremont semblait inatteignable. Figée dans l’austérité de la vieille aristocratie catholique dont elle est l’incarnation. Sa devise : « Ne jamais rien montrer, taire ses émotions ». Jusqu’à ce matin-là, où un gendarme vient lui annoncer la mort de son fils. Son fils cadet, son enfant préféré, le père Pierre-Marie, sa plus grande fierté. Gabrielle ne vacille pas, mais une fois la porte refermée, le monde s’écroule. Cet effondrement, pourtant, prend racine quelques semaines plus tôt, à la suite d’un article de presse révélant une affaire de prêtres pédophiles dans sa paroisse. Révoltée par cette calomnie, Gabrielle entreprend des recherches. Des recherches qui signeront sa perte. Ou sa résurrection.

Je suis la maman du bourreau raconte avec une subtilité et une justesse époustouflantes le calvaire d’une mère murée dans son chagrin. Un portrait dérangeant, qui touche au cœur, et rend un hommage vibrant à ceux qui osent dénoncer l’innommable.

Né en 1971 à Orléans, David Lelait-Helo est biographe de Dalida, Eva Perón, Maria Callas, Barbara et Romy Schneider. Il est aussi l’auteur de nombreux romans dont Poussière d’homme. Il vit à Paris.

EAN : 9782350877594 / Nombre de pages : 208 / 17.50 € / Date de parution : 13/01/2022

Revenir fils, Christophe Perruchas

Peut-on revenir fils lorsque l’on est devenu père, un roman qui déborde d’émotion et d’amour

1987. Le fils a quinze ans, ses belles années sont devant lui quand survient le deuil qui va tout changer. L’accident du père au volant de sa 504 entraîne peu à peu la folie de la mère. Elle sombre dans une mélancolie que rien ne pourra arrêter. Le choc est si intense que même la vie de son fils va s’estomper de sa mémoire. Remplacé bien étrangement par un autre fils, disparu lui aussi. Il faudra confier le fils à la famille, oncle et tante feront ce qu’ils peuvent pour l’élever.

2007. Le fils devenu père éprouve le besoin de revenir fils. De retrouver cette mère qui l’a effacé de sa vie des années auparavant pour sombrer dans la folie. Atteinte de la maladie de Diogène, elle vit toujours dans la même maison, désormais envahie de toute part par les accumulations de toute sorte qui la rassurent, la confortent, l’aident à survivre. Des boites de Nesquick aux aliments frelatés, des verres inutiles aux revues qui s’amoncellent, sa vie est un équilibre instable fait d’accumulation, de saleté, de solitude.

Peu à peu, alternant ces deux époques, l’auteur nous fait pénétrer dans le monde intérieur d’une mère perdue, d’un fils orphelin, d’un homme qui se cherche et veut donner ce qu’il n’a plus jamais reçu depuis l’accident qui a transformé leurs vies.

L’auteur a su aborder des thèmes difficiles et délicats avec beaucoup de tendresse, d’émotion, de véracité. La maternité, le deuil, la famille, la maladie, celle de Diogène évoquée ici est envahissante et traumatisante autant pour ceux qui la vivent que pour ceux qui la subissent.

Difficile chemin de ce fils devenu homme, mari, père et qui devra tout oublier pour enfin devenir fils. Ce roman est dense, fort, percutant et marquant. L’alternance des époques donne du rythme et du souffle face à la difficulté d’être, de vivre, d’accepter, de comprendre, et enfin d’aimer, en étant le fils de cette mère si singulière. Car il doit en affronter des murailles, au propre comme au figuré, dans cette maison devenue une véritable décharge et le creuset des immondices récoltées avec tant d’énergie par cette mère devenue souillon. Mais aussi des silences, des frustrations, pour tenter de percer la carapace et faire émerger l’amour. Quelle énergie, quel amour, quelle tendresse dans ces gestes, ces mots, ces sentiments du fils orphelin envers celle qui lui a donné la vie.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Rouergue

Depuis la mort de son père, le narrateur, un collégien de quatorze ans, vit seul avec sa mère, qui montre les signes grandissants d’un syndrome de Diogène : elle accumule les objets qui envahissent peu à peu la maison. Tandis que le fils adolescent continue de grandir et d’explorer, la mère se replie jour après jour dans un monde où un premier enfant, Jean, touché par la mort subite du nourrisson, reprend vie. Lire la suite…
Parution août 2021 / 288 pages / 20,00 € / ISBN  978-2-8126-2211-3

À la rencontre du petit prince, Musée des Arts Décoratif

Dessiner, le dernier lien avec l’enfance « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! »

C’est au Musée des Arts Décoratifs que l’on peut voir la première exposition muséale consacrée au Petit Prince, chef-d’œuvre intemporel de la littérature.

Il faut prendre son temps pour profiter des quelques 600 pièces qui célèbrent les multiples talents d’Antoine de Saint-Exupéry : écrivain, poète, aviateur, explorateur, journaliste, inventeur, philosophe. Il a toute sa vie été animé par un idéal humaniste que l’on retrouve dans toute son œuvre.

L’exposition aborde sa vie -son épouse Consuelo, ses amours, sa famille, ses amis – et sa carrière. Né à Lyon le 29 juin 1900, il entre dans l’aviation en 1921 puis rejoint l’Aéropostale, Il disparaît le 31 juillet 1944 au retour d’une dernière mission.

Et présente surtout le manuscrit du Le Petit Prince, dernier ouvrage édité du vivant de Saint-Exupéry. Il l’avait écrit et publié aux États-Unis en 1943. Il paraît en France pour la première fois en 1946. J’ai aimé prendre le temps de découvrir chaque dessin, les phrases écrites par Saint EX, les motifs, enfant, étoiles, terre, répétés à l’infini.

Le manuscrit original est conservé à la Morgan Library & Museum à New York. Il n’avait jamais été présenté au public français. Il est placé auprès de nombreuses aquarelles, esquisses et dessins de la main d’Antoine de Saint-Exupéry. Le spectateur découvre aussi de nombreuses photographies, coupures de journaux, ainsi que des poèmes, extraits de correspondances avec ses amis, sa mère, son épouse par exemple. Un vrai bonheur de découvrir également tous ces courriers à ses proches souvent illustrés de nombreux dessins.

Le petit prince, c’est une bibliothèque universelle de 120 éditions étrangères en plus de 500 langues et dialectes.

Où : Musée des Arts Décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris
Quand : jusqu’au 26 juin 2022

Les représentants, Virages Graphiques

Elle est de saison cette BD de la nouvelle collection Virages Graphiques des éditions Rivages

1995, 2002, 2007, 2012, 2017…
Où étions-nous les soirs d’élections de ces années là ? Je pense que certaines de ces dates vous ont marqué, vous aussi ?
Chacune de ces années est présentée avec des personnages et des situations différentes, mis en couleurs et en mots.

Avec les instants de l’intimité de citoyens qui auraient pu être vous et moi surgissent les souvenirs, les regrets, les espoirs, les attentes, les déceptions, et la vie qui continue, immuable.
Tout est dit dans ces instantanés que nous proposent Vincent Farasse, David Prudhomme, Alfred, Anne Simon et Sébastien Vassant. Un régal de lecture à découvrir dans toutes les librairies depuis le 2 mars.

Catalogue éditeur : Virages Graphiques par Rivages

Cinq tableaux, se déroulant tous un soir d’élection présidentielle. Vincent Farasse entrelace l’intime et le politique avec beaucoup de finesse et d’humour. Deux couples qui s’affrontent au sujet de leurs enfants, amoureux, fugueurs (1995) ; un homme et une femme décidés à profiter d’un week-end à deux à la campagne, qu’un voisin bien curieux vient bousculer (2002) ; une fratrie qui se réunit (et se déchire) autour d’un père tout juste décédé (2007) ; un homme qui cherche, au bord de la mer, à faire revivre un amour disparu (2012) ; une femme qui attend dans une chambre d’hôtel qu’un futur ministre la rejoigne (2017)… A travers chaque élection, et à chaque fois par le biais d’une histoire intime, fictionnelle, les auteurs nous offrent une photographie de l’époque, de son arrière-plan.

Date de parution : 02/03/2022 / EAN : 9782743655716 / Nombre de pages : 160

Saint Jacques, Bénédicte Belpois

Croire que l’amour existe, même dans un village perdu des Cévennes…

Paloma apprend au décès de sa mère qu’elle hérite d’une maison dans un petit village des Cévennes. Pourquoi, d’où lui vient cette maison, elle ne le saura que si elle accepte de lire ce cahier que lui remet le notaire en même temps que l’annonce de cet héritage pour le moins singulier.

Au crépuscule de sa vie, Camille a décidé de lui apprendre d’où elle vient, de lui révéler ses failles et ses blessures, de dire enfin la vérité. C’est une révélation bouleversante qui change la vie de Paloma et de sa fille. Partie s’installer dans ce village perdu elle va rapidement nouer des liens, se plaire au plus près de la nature, remettre en état sa maison, et rencontrer Jacques, un artisan d’un village voisin.

Déjà séduite par le précédent roman de Bénédicte Belpois, j’ai retrouvé ici ce que j’avais aimé. Cette écriture au plus près de l’humain, des sentiments, des émotions, qui bouleverse par sa justesse. De nombreux thèmes sont abordés, l’amour maternel qui n’est pas quelque chose d’inné et de systématique, qu’on se le dise haut et fort, la famille et les secrets de famille qui ont parfois des répercussions sur plusieurs générations, le poids de la solitude et l’élan de solidarité qui se crée parfois entre femmes, enfin ce sentiment si fort qu’est l’amitié.

J’ai aimé la tendresse et la douceur qui émanent de ces pages, de ces personnages, l’entraide et la solidarité qui se tissent dans les villages isolés, l’amour de Paloma pour sa fille et le bilan que sa mère fait de sa propre vie avec ces vérités que l’on n’ose pas toujours dire. Un roman court, un peu trop parfois, car j’aurais aimé un peu plus de profondeur dans la présentation de certains personnages tant j’avais envie de les connaître un peu plus. Mais même s’ils sont souvent stéréotypés, la bonne copine qui déménage au bout du monde, la sœur un peu jalouse, le médecin et la voisine (mais non, là je ne vous en dis pas plus !) ils sont attachants. Enfin, bien qu’une profonde tristesse se dégage de certaines situations, l’autrice a réussi à mettre une pointe d’humour et beaucoup de joie dans son texte pour le plus grand plaisir du lecteur.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

À la mort de sa mère, Paloma hérite d’une maison abandonnée, chargée de secrets au pied des montagnes cévenoles. Tout d’abord décidée à s’en débarrasser, elle choisit sur un coup de tête de s’installer dans la vieille demeure et de la restaurer. La rencontre de Jacques, un entrepreneur de la région, son attachement naissant pour lui, réveillent chez cette femme qui n’attendait pourtant plus rien de l’existence bien des fragilités et des espoirs.
Ode à la nature et à l’amour, Saint Jacques s’inscrit dans la lignée de Suiza, le premier roman de Bénédicte Belpois, paru en 2019 aux Éditions Gallimard. Avec une simplicité et une sincérité à nulles autres pareilles, l’auteure nous offre une galerie de personnages abîmés par la vie mais terriblement touchants.

Parution : 08-04-2021 / 160 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072932304 / 14,00 €

Ce que nous confions au vent, Laura Imai Messina

Quand le malheur frappe, vivre intensément le temps présent

Dans un Japon à la fois moderne et traditionnel, il existe un lieu magique où les vivants communiquent avec les morts, un lieu extraordinaire capable de suturer les âmes les plus meurtries.

À Otsushi, sur les pentes du Mont Kujira-yama au Nord du pays, une cabine téléphonique avec un vieux combiné noir est plantée dans un immense jardin. Les japonais l’ont nommée La cabine du vent, elle permet de téléphoner aux morts, et en particulier aux disparus de la catastrophe de 2011. Le vieux téléphone installé par Itaru Sasaki n’est reliée à rien sinon à la mémoire de ceux qui ne sont plus, et au chagrin lié au souvenir des jours heureux.

Yui a perdu sa mère et sa fille dans la catastrophe du tsunami. Elle n’arrive pas à atténuer la douleur que lui provoque cette double perte. Animatrice d’une émission de radio, lorsqu’un de ses auditeurs évoque le téléphone du vent, elle comprend qu’il faut absolument qu’elle s’y rende.

En chemin, elle rencontre Takeshi qui est aussi perdu qu’elle. C’est son épouse qui a disparu, et depuis sa petite fille de six ans ne parle plus,. Il ne sait plus comment agir avec elle.

Ce que nous confions au vent est l’histoire d’une rencontre. Entre un homme et une femme anéantis par le malheur, mais qui espèrent trouver un moyen de communiquer avec leurs défunts. Deux rescapés parmi les nombreux destins brisés lors de la catastrophe de Fukushima.

Dans ce lieu magique créé pour favoriser la résilience et l’oubli, au fil des mois il semble pourtant évident que toute l’énergie passée à se connecter au passé empêche d’envisager un avenir. Mais pour ces cerveaux torturés et ces cœurs brisés, le temps fait son œuvre réparatrice malgré un chemin difficile et aléatoire.

J’ai apprécié la façon dont la société Japonaise est décrite de l’intérieur, même si j’aurais aimé avoir quelques explications complémentaires sur les subtilités des relations entre homme et femme, pour mieux comprendre leurs hésitations et leur place dans cette autre culture si éloignée de notre monde occidental rationnel.

S’il n’y a rien de moins universel que le malheur, la façon dont les principaux protagonistes interagissent avec prudence, lenteur et pudeur peut parfois dérouter. Le déroulé de l’intrigue et son issue sont rapidement évidents, mais tout l’intérêt du roman réside dans l’analyse de l’évolution psychologique de Yui et sur la difficulté à recréer une relation après le traumatisme d’un deuil. Mais aussi sur la difficulté à être, mère, épouse, ami, les interrogations que cela implique et les bouleversements au présent et au futur dans la vie de chacun. Une leçon de vie aussi, vivre intensément le temps présent car tout peut s’arrêter si vite, vivre sans attendre, sans penser à tout ce que l’on pourra faire plus tard, faire, agir, vivre.

La lectrice Clara Brajman a une voix douce, délicate et posée, en symbiose avec les sentiments des protagonistes. Elle n’est jamais désespérée, comme si elle voulait leur insuffler son énergie pour les faire évoluer devant nous, prendre en main leurs vies, et avancer.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2022

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

Sur les pentes abruptes du mont Kujira-yama, au milieu d’un immense jardin, on aperçoit une cabine téléphonique : le Téléphone du vent. Chaque année, des milliers de personnes décrochent le combiné pour confier au vent des messages à destination de leurs proches disparus. En perdant sa mère et sa fille, emportées par le tsunami de 2011, Yui a perdu le sens de sa vie. C’est pour leur exprimer sa peine qu’elle se rend au mont Kujira-yama, où elle rencontre Takeshi et sa petite fille, également en deuil. Mais une fois sur place, Yui ne trouve plus ses mots…

Lu par Clara Brajtman / Traduit par Marianne Faurobert

EAN 9791035406967 Prix du format cd 21,90 € / EAN numérique 9791035407117 Prix du format numérique 19,95 € / Parution : 15/09/2021Durée : 5h01

Albin-Michel Date de parution 01 avril 2021

Debout dans l’eau, Zoé Derleyn

Un premier roman poétique et subtil sur l’enfance, la vie, la mort

La gamine a tout juste onze ans, et depuis l’âge de trois ans elle vit chez ses grands parents dans le Brabant flamand. Depuis que sa mère l’a posée là, comme une valise encombrante que l’on oublie vite.

Dans la ferme au bord de l’étang elle aime passer des heures les pieds dans l’eau, à nager, découvrir, tenter toutes les bêtises, toutes les expériences. c’est une enfant solitaire qui découvre la nature, le jardin, les animaux, les chiens, la vie auprès de la grand-mère si avare de mots, et du grand-père parfois dur avec la petite.

Mais les journées s’écoulent beaucoup plus lentement depuis que le grand-père est revenu de l’hôpital. Là haut dans son lit, il attend la mort. Regarde parfois par la fenêtre l’étang, les chiens, le verger, la vie.

Et elle de son côté continue ses découvertes, regrette tout ce que le grand père n’a pas encore eu le temps de lui apprendre, se remémore les souvenirs heureux, les peurs, la baleine, la pêche, les chiens, remonte le fil d’une courte vie déjà bien remplie au bord de l’étang. Une enfance solitaire, au plus près de la nature quelle explore sans relâche et sans contraintes et qui l’aide à grandir, faisant l’expérience de la mort, de l’abandon, de la peur. Dans ce monde où elle se crée des monstres et des rêves, des angoisses et des peurs, elle apprend la vie dans ce jardin empli de groseilles, cet étang empli de baleines et d’anguilles.

L’écriture est sobre, délicate, il s’en dégage beaucoup de douceur et d’empathie pour cette enfant qui grandit, cette adolescente qui se dessine. Il y a une vraie tendresse à la fois triste et poétique dans ce premier roman à la fois court et puissant, qui nous prend et nous tient jusqu’au bout, jusqu’à cette mort qui pourrait aussi être une seconde naissance.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : La Brune au Rouergue

La narratrice, une enfant de onze ans, vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. Sa mère l’a abandonnée des années auparavant. C’est l’été dans cette vaste maison bordée d’un étang et d’un magnifique jardin. Le grand-père est en train de mourir dans une des chambres à l’étage, visité chaque jour par une infirmière. Cet homme autoritaire, distant, intimidant, est l’ombre manquante dans le jardin, espace de prédilection où sa petite-fille l’assistait dans ses occupations. Alors que la mort approche, autour de la fillette prennent place les différents protagonistes de ce lieu où la nature est souveraine : ses grands-parents bien sûr, les trois chiens, un jeune homme qui s’occupe des gros travaux, une baleine qui un jour a surgi dans l’étang. Elle rêve aussi d’un ailleurs qui pourrait être l’Alaska, la mer des Sargasses ou les Adirondacks.

Mai 2021 / 144 pages / 16,00 € / ISBN 978-2-8126-2196-3

Blizzard, Marie Vingtras

Au cœur des éléments déchaînés, dénouer les secrets

Blizzard est un roman choral dans lequel les personnages prennent la parole tour à tour.

Dans ce coin perdu de l’Alaska, il fait un froid à ne pas mettre le nez dehors. Pourtant Bess et l’enfant sont sortis dans le blizzard ; une minute d’inattention et Bess a lâché la main de l’enfant de Benedict. Elle part droit devant elle pour tenter de le retrouver avant le retour de Benedict. Bess est une jeune femme un peu paumée qui a débarqué dans ce coin d’hiver avec Benedict, le père de Thomas, un jeune homme taiseux, bourru, mais cependant très attachant.

Chacun des protagonistes révèle une partie de leur histoire commune. Cole et Clifford, les hommes du village qui ont connu Benedict enfant ; Benedict qui n’a jamais compris pourquoi son frère Thomas a quitté sa maison sans espoir de retour ; Bess et ses blessures d’enfance, ses échecs, ses doutes et ses regrets ; Freeman dont on se demande bien comment il est arrivé dans ce trou paumé.

Dans le froid et la neige, au cours de cette traque où tous espérent retrouver l’enfant vivant, et celle qui l’a laissé partir, la tension monte, des secrets se dévoilent, des liens se nouent, laissant la place à l’imagination, aux souvenirs, aux regrets, aux questionnements. Et les pièces d’un puzzle bien plus sordide qu’il ne paraissait de prime abord se mettent en place, les liens se créent, des secrets sont révélés. Dans ce huis-clos sous un ciel immense, les hommes pris dans le blizzard se retrouvent face à leurs révélations, à leurs pensées, à leurs actes.

Ce que j’ai aimé ?

La façon de présenter les personnages, de les isoler dans cette immensité blanche et glacée, comme s’ils étaient seuls face à eux même. L’écriture et le rythme, les chapitre courts qui donnent la cadence, font monter la tension, et attendre un dénouement digne d’un roman noir américain (après tout, nous sommes en Alaska!). Face au drame qui se noue, la disparition d’un enfant, les caractères, les émotions, les sentiments se dévoilent pour le pire comme pour le meilleur. J’ai lu ce roman quasi d’une traite, et je pense que c’est exactement ce qu’il fallait pour suivre le tempo voulu par l’autrice. Ce premier roman est une réussite, de nombreux thèmes sont abordés et parfois seulement suggérés par petites touches, mais toujours de façon à être compris par le lecteur en priorité, lui qui a toutes les versions et donc toutes les clés, pour dénouer l’intrigue.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : L’Olivier

Le blizzard fait rage en Alaska.

Au cœur de la tempête, un jeune garçon disparaît. Il n’aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l’enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s’engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.

Avec ce huis clos en pleine nature, Marie Vingtras, d’une écriture incisive, s’attache à l’intimité de ses personnages et, tout en finesse, révèle les tourments de leur âme.

Parution 26 août 2021 / 192 pages EAN : 9782823617054 17,00 €

Quand sonne l’heure, Kirby Williams

De l’Amérique ségrégationniste à la France occupée, suivre Urby, un talentueux jazzman

Alors que les Allemands entrent dans Paris, en ce mois de juin 1940, les habitants tentent par tous les moyens de quitter la ville. C’est aussi ce que veulent faire Urby Brown, un jazzman noir qui avait déjà quitté La Nouvelle-Orléans pour échapper à la ségrégation raciale quelques années auparavant, et Hannah Korngold, une pianiste juive, sa compagne. Ils n’ont qu’un seul et même but, échapper aux nazis. Musiciens en sursit, ils doivent trouver un moyen de quitter la capitale, et c’est Stanley, l’ami de toujours qui va pouvoir les aider.

Urby Brown a été abandonné à sa naissance dans un foyer pour jeune noirs à La Nouvelle-Orléans. Son parcours a été suivi en secret par les hommes de main de son père, un aristocrate français qui avait abandonné sa mère au moment de sa naissance. Urby l’a découvert lorsqu’il est arrivé en France, mais ce dernier est un activiste fasciste aux idéaux et aux actions bien éloignées de celles d’Urby et Hannah. La relation entre les deux hommes est complexe et malsaine. Pourtant, fort de sa puissance malfaisante, il tient sous sa coupe ce fils qui ne veut pas de lui, en le menaçant de faire disparaître Hannah.

Fort heureusement, le vieux Stanley, un musicien de jazz qui a prêté à Urby ses premiers instruments et lui a permis de faire ses premiers pas de jazzman à la nouvelle-Orléans est toujours là, à Paris, pour protéger le jeune couple. Ses nombreuses connections lui permettent de les aider de loin sur le chemin semé d’embûches et de trahisons pour rejoindre le sud de la France et échapper à la déportation.

Un roman qui promettait de beaux moments de lecture, suspense, amour, intrigue complexe à souhait dans la relation entre les différents personnages en ces périodes d’avant-guerre et de débâcle, et un rappel de ces périodes troubles de notre Histoire. Pourtant, sans doute du fait des invraisemblances un peu trop nombreuses, il m’a manqué un petit quelque chose en plus pour être totalement emballée. Peut être faut-il lire avant Les enragés de Paris ce roman précédent dans lequel l’auteur plante le décor et fait connaître à ses lecteurs son personnage principal.

Catalogue éditeur : Baker Street

Le 14 juin 1940, les Allemands entrent dans Paris. En quelques jours, ils posent leur empreinte sur une ville déjà désertée de près de deux tiers de ses habitants. Parmi ceux-ci, le jazzman noir Urby Brown, exilé quelques années plus tôt de La Nouvelle-Orléans, et sa compagne juive Hannah Korngold qui s’efforcent eux aussi par tous les moyens d’échapper à l’oppression nazie.
Confrontés à l’antisémitisme et au racisme, poursuivis par un groupe de néo-fascistes, ils se lancent dans un périple qui manque à plusieurs reprises de leur être fatal. Il leur réserve, de Paris à Bordeaux, d’étonnantes rencontres, jusqu’à un éphémère échange avec le général de Gaulle qui leur propose de les embarquer dans son avion pour Londres…
Thriller historique et politique haletant, aux multiples péripéties, ce roman inventif nous offre, à travers une chronique saisissante de la période précédant l’arrivée des Allemands dans Paris et de la panique qui s’ensuit, précipitant sur les routes des milliers de gens, l’occasion d’une réflexion sur l’intolérance et la haine raciales.

Traduction SOPHIE GUYON  / parution 18 Janvier 2022 / 21.00 €