Le courage des autres, Hugo Boris

Un regard lucide sur les transports en commun, ce lieu où s’expriment courage ou lâcheté

Un dossier qui déborde, empli de petits bouts de papiers, tous griffonnés par l’auteur lors de trajets en transport en commun. Puis un jour vient l’envie d’en faire quelque chose. De dire la foule et la solitude, les moments d’angoisse ou de silence, de grâce ou de violence, de tendresse ou d’étonnement, la vie de tous ces inconnus que l’on croise le temps d’un trajet sans jamais revoir.

Alors qu’il venait de passer sa ceinture noire de judo et se sentait capable de répondre à toutes les agressions, Hugo Boris assisté à une agression dans un train de banlieue. Comme tant d’autres, il est quasi paralysé face à ça. Son seul réflexe est de tirer la sonnette d’alarme, c’est déjà pas si mal.
À partir de là, régulièrement il pose sur le papier ses impressions lors de ses voyages dans les transports en commun. Petits instants de vie, petits bouts de papier qui s’empilent pour ne pas oublier.

Car on se retrouve dans ces moments, peur, sourire, crainte, lâcheté, tête baissée pour ne rien voir, oreilles bouchées pour ne rien entendre, changement de wagon, mais aussi sourires, tendresse, émotion, humour, crainte, violence, silence, absence, curiosité, étonnement, sidération, tout est là, chaque jour, devant chacun de nous, voyageur occasionnel ou habituel. Elle court elle court la banlieue dans le train, métro, RER, témoins de moment de vies qui passent et que l’on ne remarque même plus. Tout cela nous rappelle un quotidien qui parfois inquiète mais que nous aimerions tant retrouver en ces temps confinés.

Du même auteur, retrouvez les avis de Alex Mot-à-Mots et Les Miscellanées de Cookie. Lire également ma chronique de Police, un roman disponible chez Pocket.

Catalogue éditeur : Grasset

Hugo Boris vient de passer sa ceinture noire de karaté lorsqu’il fait face à une altercation dans le RER. Sidéré, incapable d’intervenir, il se contente de tirer la sonnette d’alarme. L’épisode révèle une peur profonde, mélange d’impuissance et de timidité au quotidien. Trait de caractère personnel ou difficulté universelle à affronter l’autre en société ? Ce manque de courage l’obsède. Sa femme lui suggère de «  se faire casser la gueule une bonne fois pour toutes  » pour l’exorciser.
Mais Hugo Boris est écrivain, alors, pendant quinze ans, il consigne sur le vif ces situations d’effroi dans les transports en commun. Il peint aussi le ravissement d’une rencontre, l’humanité d’un dialogue, l’humour d’un échange imprévu. À travers ces miscellanées heureuses ou tragiques, il décrypte une mythologie contemporaine, celle du métro et du RER, et cherche à appréhender ses craintes, à la maîtriser par la distance, la littérature ou… la lecture de Dragon Magazine !
Il tente aussi de conjurer sa peur en guettant le courage des autres sous toutes ses formes, profondément admiratif de tous ceux qui parviennent à intervenir lorsqu’une situation les interpelle, les sollicite, exige une prise de parole, un geste. Il dessine un hommage à tous ceux qu’il a vu avoir, sous ses yeux, le cran qui lui manquait. Et se demande si le courage est contagieux.
Totalement original, sincère, d’une actualité, d’une précision d’écriture et d’observation remarquables, ce recueil de textes brefs touche au plus juste. En se mettant à nu, Hugo Boris parle de chacun de nous, de nos lâchetés et de nos malaises quotidiens, de nos éblouissements et, parfois, de nos héroïsmes.

Ancien assistant réalisateur, Hugo Boris travaille dans une école de cinéma. Il est l’auteur de cinq romans très remarqués et a reçu de nombreux prix littéraires. Aux éditions Belfond : Le Baiser dans la nuque, La Délégation norvégienneJe n’ai pas dansé depuis longtemps et Trois grands fauves. Il a publié POLICE chez Grasset en 2016 : prix Eugène Dabit, prix des lycéens PACA, traduit en trois langues, sortie prévue au cinéma en mars 2020 (réalisation Anne Fontaine, avec Omar Sy et Virginie Efira). Tous ses livres sont disponibles chez Pocket.

Parution : 8 Janvier 2020 : Format : 130 x 209 mm / Pages : 180 / EAN : 9782246820598 / Prix : 17.00€ / EAN numérique: 9782246820604 Prix : 11.99€

Le jardin des désespérés, Mano

Un thriller caustique, non dénué d’humour, une maison d’éditions à découvrir

Anatole Steinbach se morfond dans la maison de retraite où il vit depuis qu’il a cédé aux injonctions d’un neveu apparu comme par miracle. Neveu inquiet de la santé de son oncle, mais surtout neveu en mal d’argent. Car ce fils d’une sœur disparue de la circulation depuis des années n’aimait pas voir Anatole seul en ville, surtout depuis le décès de sa femme. Il lui a donc conseillé d’acheter au jardin des Hespérides. Jardin des désespérés pour Anatole, cinq hommes pour cinquante-cinq femmes, difficile de communiquer, il s’y ennuie. Ses semaines ne sont rythmées que par l’insipide repas dominical chez son neveu, c’est triste à mourir.

Anatole écrit des romans policiers, et c’est ce métier d’écrivain qu’il a mentionné auprès de  la maison de retraite en omettant à dessein de leur avouer qu’il était aussi procureur. Un incendie a ravagé l’annexe du jardin des Hespérides qui abritait sa voiture. Or ce soir-là, Anatole, imbibé au Whisky irlandais, a par jeu et par ennui tenté d’y mettre le feu. Un acte irraisonné qui aurait pu être sans conséquence si le vieux monsieur Arnaud n’avait pas succombé dans l’incendie.  

Meurtre, assassinat, l’enquête avance à grands pas et tout concours à désigner Anatole, coupable idéal. Il va devoir faire appel à son savoir-faire et à son réseau pour tenter de se disculper. Pourtant, l’esprit délétère de cette maison de retraite tenue par une directrice bien peu avenante et prompte à communiquer ses soupçons aux médias, l’ambiance maussade, les repas déprimants, tout est fait pour donner envie de disparaitre dans ce mouroir pour séniors.

Critique édifiante de ces maisons de retraites de luxe dont on parle tant ces dernières semaines. Mano propose ici un thriller caustique, non dénué d’un certain humour, et cependant assez sarcastique. Il interroge ses lecteurs sur les conséquences de l’âge, la perte ou la dissolution de la famille, les effets du temps qui passe et l’image que l’on a de la vieillesse et des personnes âgées en leur déniant leur personnalité et leur passé, et le côté parfois bien expéditif et inhumain de la justice.

Catalogue édition : Vibration

Un meurtre s’est produit dans la remise du Jardin des Hespérides, maison de retraite managée de main de maître par la « cheffe ». Les soupçons se portent inexorablement sur Anatole Steinbach, romancier policier et procureur à la retraite. Ce poids moral ajouté à sa solitude aura-t-il raison de ce jeune veuf fraîchement promu au rang d’enquêteur ? Parfois le crime est dans les gènes.

Mano est médecin et réside à Strasbourg. Il est également l’auteur de Alphonse ou Grandeur et vicissitudes d’un Alsacien errant ainsi que de plusieurs livrets d’opéra représentés à Amiens et Strasbourg. Il livre dans Une impression macabre, publié chez VIBRATION éditions un polar acerbe et haletant.

Prix TTC : 17€ / 140 pages / ISBN : 978-2-490091-05-8 / Octobre 2018

Acide Sulfurique, Amélie Nothomb

Quand la téléréalité dépasse la fiction, jusqu’où l’homme peut-il aller…

Quand j’ai découvert Un samedi soir entre amis cela m’a fait penser à ce roman d’Amélie Nothomb dont j’avais posté la chronique sur lecteurs.com et Babelio en 2014. J’ai eu envie d’en parler à nouveau ici.

Amélie Nothomb fait une fois de plus très fort. Dans ce roman qui se lit d’une traite tant il est court, mais qui laisse un sentiment de malaise tant il est intense, elle nous raconte l’histoire poussé à l’extrême d’une émission de téléréalité.

Mais pas n’importe laquelle bien-sûr. Là les participants sont tout simplement enlevés dans les villes, et conduits dans un camp de concentration. Surveillés par des kapos à qui tout est permis surtout la plus grande violence, et sous l’œil de caméras postées partout dans le camp et qui filment tout et tout le monde 24h sur 24. L’horreur absolue des camps de concentration de la dernière guerre, pour le plaisir des téléspectateurs d’aujourd’hui ?

Les prisonniers sont des hommes et des femmes totalement déshumanisés. Comme dans les camps nazis on leur a simplement tatoué un chiffre sur le bras pour annihiler, en effaçant leur nom, jusqu’à leur personne. Et après tout, ignorer le nom de celui ou celle qui est face à soi permet d’agir avec plus de violence et sans aucune compassion, enlève toute proximité et réalité « humaine » à la personne car « le prénom est la clé de la personne. »

Ils sont prisonniers, ils vont subir l’arbitraire des gardiens, la faim, la soif, l’épuisement provoqué par des tâches difficiles, répétitives et parfaitement inutiles. Ils sont soumis au bon vouloir des kapos qui décident chaque matin qui doit mourir. Car de ce camp nul ne s’échappe et la seule issue est la mort. Horrible, filmée elle aussi, pour le plus grand plaisir des téléspectateurs toujours plus nombreux à faire de l’audience.

Nous suivons trois personnages en particulier : la kapo Zedna, une jeune femme de 20 qui avant d’être embauchée pour ce rôle n’avait rien réussi dans sa vie ; Pannonique, étudiante en paléontologie, jeune femme de 20 ans , si belle et lumineuse qu’elle attire le regard de tous et en particulier celui des caméras et des réalisateurs de l’émission, mais qui n’est plus que CKZ114 dans le camps ; EPJ327, professeur d’histoire dans la vraie vie, est très attiré par CKZ114.

CKZ114 fait figure de résistante, car elle comprend immédiatement qu’il faut être différente et ne pas flancher devant les caméras (même si celles-ci sont vite oubliées). Elle ne pleure pas, ne se désespère pas, en tout cas pas face aux caméras, et va au contraire les utiliser pour essayer de faire bouger les téléspectateurs, les faire réagir et leur demander d’arrêter d’être complices d’une telle horreur.

Des téléspectateurs justement, par leur simple présence devant les écrans font que cette horreur existe. Ils sont passifs, mais du coup terriblement acteurs, et pourtant noyés dans la masse des « transparents », des anonymes. Ils n’ont pas l’impression d’avoir une énorme part de responsabilité dans la vie et la mort des prisonniers. La puissance de la masse anonyme, cela fait peur ! La presse joue également un rôle, et quel rôle ! Des interventions inutiles, des condamnations timides et peu efficaces qui ont un effet contraire à celui souhaité et font monter l’audimat.

Mais comme toujours, les vraies personnalités, les sentiments nobles et courageux, émergent de toute cette horreur, et l’humanité qui est en chacun s’exprime là où on ne l’attend plus.

Bien sûr il y a là une satire des extrêmes de la téléréalité, mais se pose aussi la question de savoir comment on peut facilement retourner vers l’horreur avec tellement de laisser-faire, sans se sentir ni coupable ni acteur ! Comme une alerte, d’ailleurs mise en exergue du roman : « Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallu le spectacle ». Faisons tout pour ne jamais en arriver là !

Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle. »

Édition brochée : 16.00 € / 24 Août 2005 / 130mm x 200mm / 198 pages / EAN13 : 9782226167224
EPub : 6.99 € / 14 Janvier 2009 / 198 pages / EAN13 : 9782226197535

Best Love Rosie, Nuala O’Faolain

Sous le ciel irlandais, portraits croisés sensibles et attachants de deux femmes à un tournant de leurs vies

Après avoir bourlingué de par le monde, Rosie revient à Dublin pour veiller sur sa tante Nin, la sœur de sa mère décédée quand elle était bébé et qui l’a élevée. Rosie a toujours été indépendante, a beaucoup voyagé sans trop se soucier du bien être de Nin ni de savoir si elle pouvait lui manquer. Nin n’a jamais quitté le village, aujourd’hui elle ne quitte même plus sa maison ou son lit sauf pour aller s’enivrer au pub.

Mais Rosie s’ennuie auprès de cette tante alcoolique et dépressive qui n’est pas une compagnie très plaisante.  Et la cinquantaine arrivant, elle s’interroge sur sa vie, elle n’a ni mari ni compagnon, pas d’enfants, et se retrouve seule avec ses souvenirs. Pour occuper intelligemment son temps libre, elle décide d’écrire un manuel pour les cinquantenaires, un de ces manuels qui aident à mieux vivre avec ses interrogations et ses névroses.
Pour le diffuser, elle fait appel à Mark, un vieil ami devenu vendeur de livres anciens aux USA. Mark si proche et si lointain, dont elle rêvait jeune sans jamais oser le lui avouer.
Elle va le rencontrer à New-York lors d’une foire aux livres rares. Elle part seule, mais Nin la rejoint là-bas. Et miracle, la ville ressuscite la vieille tante maussade et acariâtre, Nin revit, ou plutôt vit enfin. Et retrouve l’envie de se lever le matin et décide d’y rester quelques mois. Elle apprécie et trouve facile  à présent de se lever, d’aller travailler, de rencontrer des femmes comme elle. Être devenue utile, faire partie d’une équipe, lui redonne goût à la vie, inimaginable alors de rentrer en Irlande, Rosie devra repartir seule.

A son retour, Rosie découvre la maison de famille à l’abandon. Sous le charme, elle tente d’apprivoiser cette maison dépourvue de confort et rêve d’en faire son foyer.

Best Love Rosie est un roman émouvant et bouleversant. Tout d’abord parce que l’auteur nous fait pénétrer dans l’intimité de Rosie et Nin, dans cette relation mère fille qui n’ose pas se dévoiler, qui hésite, se cherche, faite de silences, de gestes esquissés, d’émotions cachées. Il y a ces sentiments jamais avoués qui les relient et les rapprochent, une relation mère fille sans l’être vraiment. Il y a au milieu de tous ces non-dits, une belle dose de tendresse et d’amour.
Mais aussi par ces deux femmes, l’une, la cinquantaine arrivant, cherche à se poser et fait le bilan du passé en se demandant comment elle va affronter l’avenir. L’autre, que d’aucuns croiraient à la fin de sa vie, retrouve une jeunesse, une énergie, un goût de vivre et d’oser qui l’étonnent elle-même, mais qui lui font savourer à leur juste valeur toutes les opportunités qui s’offrent désormais à elle.

J’ai aimé retrouver ces deux femmes, leurs interrogations, leur regard sur le passé et surtout leur façon de ré enchanter leur avenir, même si à priori la meilleure partie de leur vie est derrière elles. Et s’il y a parfois quelques longueurs, il y a pourtant énormément de sujets évoqués, la vieillesse bien sûr, la façon de s’y préparer ou pas, l’homosexualité, l’alcoolisme des femmes, la solitude, la pauvreté de l’Irlande qui pendant des années a entrainé l’émigration, en particulier vers le nouveau monde, et bien sûr, aux USA, le sort réservé aux clandestins, travail illégal, maladie et système de santé, entre autre.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2020

Si dans ce roman Mark, l’ami de Rosie, vend des livres rares, connaissez vous également L’homme qui aimait trop les livres ? Une enquête passionnante dans le milieu des livres rares et anciens par Allison Hoover Barlett.

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche

Après avoir vécu et travaillé dans le monde entier, Rosie décide de rentrer à Dublin pour s’occuper de la vieille tante qui l’a élevée. La cohabitation avec Min, dépressive et alcoolique, n’a rien d’exaltant. L’idée vient à Rosie de s’occuper utilement en rédigeant un manuel pour les plus de cinquante ans. Un éditeur américain accepte de la publier… Tandis que la vieille dame, qui a rejoint sa nièce à New York, est galvanisée par sa découverte de l’Amérique et pour rien au monde ne voudrait renouer avec son ancienne vie, Rosie, elle, tombe amoureuse d’une maison de la côte irlandaise, et va, dans une osmose avec la nature enchanteresse et les animaux qu’elle adopte, s’y laisser pousser des racines.
La lucidité de Nuala O’Faolain, sa tendresse pour ses personnages, font merveille une fois de plus dans ce livre où l’on suit les tribulations de ces deux femmes que lie toute la complexité d’un amour maternel qui ne dit pas son nom.

528 pages / Date de parution : 26/02/2020 / EAN : 9782253934349 / Prix : 8,70€ / Éditeur d’origine : Sabine Wespieser

Un samedi soir entre amis, Anthony Bussonnais

Une ambiance surréaliste pour un roman noir efficace et addictif

Dans une petite ville en apparence bien tranquille de province, François organise un nouveau samedi soir extra-ordinaire pour ses amis et voisins. La soirée sera belle, chacun pourra se donner à fond, se détendre et décompresser. Méticuleux, il a tout organisé, réglé, préparé minutieusement, rien de doit entraver le cours bien huilé de cet événement.

Ce soir, c’est donc la fête pour certains, mais pour Medhi, nu et grelottant dans la forêt et la nuit noire, c’est l’angoisse à l’état pur. Il a beau s’interroger, il n’arrive pas à imaginer le sort qui va lui être réservé.

Pour Claire, c’est l’inquiétude, son petit ami est toujours tellement ponctuel mais ce soir il n’est pas là. Jamais il n’a manqué de rendez-vous, encore moins lorsqu’il vient la chercher pour aller chez ses parents où ils vont rompre ensemble le jeûne du Ramadan.

Le roman prenant et haletant alterne entre le récit de François, celui de Medhi et celui de Claire, passant du vendredi au samedi en particulier. Nous suivons cette chasse à l’homme inhumaine et glaçante avec circonspection et une bonne dose d’angoisse. Si certains personnages sont trop caricaturalement marqués, trop noir ou trop blanc, trop méchant ou trop gentil, très humain ou très raciste, cependant je dois avouer que le rythme est là, l’intrigue est prenante et l’auteur réussi à m’embarquer dans cette nuit aussi sombre que désespérante.

Ici point de Ku Klux Klan, mais on n’en est pas loin avec ce groupe de racistes bien résolus à se faire un bougnoule, horreur absolue s’il en est. Dans ce groupe disparate de grands malades où les caractères sont poussés à l’extrême, il y a de tout, attardé mental ou notable du coin, couple en mal d’action. Mais au final, l’effet de groupe est tel qu’aucun ne va reprendre son libre arbitre ni se poser la question de la justesse de ses actes. C’est d’ailleurs totalement angoissant cette idée du groupe dans lequel chacun va agir à l’encontre de sa propre volonté, pour rentrer dans un moule sans se faire remarquer.

Voilà un thriller bien ficelé, à l’écriture efficace, qui malgré quelques défauts embarque ses lecteurs dans une course poursuite sans merci.

Il y a quelques mois, j’assistais à la remise du prix à Anthony Bussonnais, Lauréat 2019 du prix Kobo Fnac Les talents de demain, édité par Préludes avec le soutien de Babelio, une édition parrainée par Sophie Tal Men.

Catalogue éditeur : Préludes

Claire, inquiète, consulte à nouveau son portable. Il est vingt heures passées et son petit-ami, qui était censé venir la chercher, est introuvable. Cela fait bientôt six mois qu’ils sont ensemble, Claire le connaît bien. Medhi est toujours à l’heure.
François est extrêmement organisé. Grâce à lui, la soirée du samedi est devenue un évènement incontournable que ses voisins, choisis avec le plus grand soin, ne rateraient pour rien au monde. C’est le moment idéal pour décompresser et se relâcher.
En plein cœur de la forêt, Medhi est nu. Il tremble. Malgré l’obscurité, il parvient à repérer plusieurs personnes autour de lui, les rires vont bon train, tout le monde semble à la fête… Mais qu’attend-on vraiment de lui ?

Anthony Bussonnais est né dans le Maine-et-Loire et travaille dans une coopérative. En 2015, il se lance dans l’écriture de son premier thriller qu’il auto-publie l’année suivante. 

Retrouvez le blog d’Anthony Bussonnais ici

Parution : 21/09/2019 / EAN : 9782253040477 / Nombre de pages : 352 / Prix e.book 12.99 € / Paru le 5 février pour la version papier

La Dame au petit chien arabe, Dana Grigorcea

Un court roman pour dire avec talent et poésie la difficulté d’aimer et de changer de milieu social

C’est l’histoire d’une belle femme qui promène son chien sur les bords du lac à Zurich et croise Gurkan, un beau jardinier. C’est aussi le début d’une histoire d’amour, de leur aventure. Mais comment fait-on pour aimer lorsque l’on est une ballerine mariée, connue, et que l’on croise le chemin d’un jeune jardinier kurde ?

Anna promène son chien et peut-être son ennui, ses envies, ses rêves. Le petit chien arabe d’Anna, qu’elle qualifie de croisement de balade car c’est un gentil bâtard trouvé en se promenant sur une plage en Algérie, est le point de départ de ses échanges avec Gurkan. Anna aime plaire, séduire, aime l’amour aussi. La rencontre fortuite est plaisante. Cet homme est si séduisant, si différent de ceux qu’elle côtoie généralement.

Il refait les jardins autour du lac, chaque jour elle vient à sa rencontre. Leur relation prend forme peu à peu. Ils se rapprochent, deviennent amants malgré leurs grandes différences. Différences de culture en particulier. Anna aime l’art sous toutes ses formes. C’est une ballerine qui a dansée sur les plus grandes scènes, les plus grands airs, voyagé dans les plus belles capitales, et qui aime tant recevoir dans sa maison avec son époux médecin. Gurkan arrive de Turquie, marié à sa cousine, ils vivent à L. avec leurs enfants.

Leur rencontre est déterminante mais la vie d’Anna lui permet-elle de poursuive l’aventure, malgré les sentiments, les envies, malgré le fait qu’elle pense à lui chaque jour… Car si leur histoire est passionnée, la vraie question est de savoir si elle pourrait aimer assez pour tout quitter, si la beauté, les moments de bonheur volés et l’amour suffisent pour souhaiter changer de vie.

J’ai aimé suivre le cheminement qui se fait dans la tête d’Anna. Elle analyse et s’étonne de ses propres sentiments. Elle, l’artiste séductrice, est la première étonnée de son attachement à Gurkan. Et si finalement sa vie n’était qu’un grand vide ? Si le bonheur était ailleurs ? Faut-il détruire la vie de l’autre pour être heureuse ? Alors chacun va cheminer vers l’autre, comme dans un pas de deux qu’ils ne font pas forcément en même temps ni dans le même sens.

J’ai aimé l’écriture poétique, sensuelle et si joliment descriptive de l‘auteur, surtout lorsqu’elle évoque la danse, la nature, les bords du lac. Tout est si bien retranscrit grâce à la traduction de Dominique Autrand.

La dame au petit chien arabe est un hommage à la nouvelle « La dame au petit chien  » d’Anton Tchekhov

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Traducteur : Dominique Autrand

De nos jours, sur les bords du lac de Zurich, Anna, une danseuse mondaine et mariée, croise Gurkan, un jeune jardinier kurde. La conversation s’engage à propos du petit chien qui accompagne Anna et qu’elle a ramené d’Algérie. Les deux inconnus se plaisent, se revoient, deviennent amants, puis se quittent. Pour Anna, familière du jeu de la séduction, c’est une aventure comme tant d’autres qui s’achève, du moins le croit-elle. Car avec l’été s’installe une étrange sensation de vide sur laquelle il lui faudra bientôt mettre des mots : elle est amoureuse. Et rien n’est plus comme avant.
C’est cette métamorphose, où l’incertitude des sentiments défie la raison, que Dana Grigorcea explore avec une délicatesse extrême dans un récit tout en nuances. Hommage libre et fidèle à Tchekhov, La Dame au petit chien arabe évoque la question éternelle du désir, des conventions sociales et de la liberté intérieure.

Née à Bucarest en 1979, Dana Grigorcea est philologue et écrivain. Ses deux premiers romans, non traduits en français, ont été récompensés par de nombreux prix littéraires.

Prix : 15.00 € / Paru le 21 Août 2019 / 160 pages / EAN13 : 782226441010

Pourquoi les hommes fuient, Erwan Larher

Un roman dynamique et humain, parfois désespéré et corrosif, une jeunesse en mal de père, ou de repère…

Elle, c’est Jane, pas Jeanne, Jane, c’est pourtant facile. Jane, qui se demande depuis toujours pourquoi les hommes fuient, est une jeune femme à la recherche du père. Un père qu’elle a trop peu connu et dont sa mère lui a si peu parlé. Et justement sa mère vient de mourir. Alors, même si elle n’est pas plus attristée que ça, elle a beau fouiller dans ses affaires, elle voit bien qu’elle n’en saura pas plus son géniteur.

Jane est hôtesse, dans les soirées elle fait le service pour un traiteur. Par le plus grand des hasards, lors d’une de ces soirées, elle entend quelques notes de musique qui lui trottent dans la tête. Ritournelle entêtante qui lui rappelle un air lointain. Et qui va, de fil en aiguille, la mener jusqu’à Tours sur les traces de Jo, ou de Jo, c’est selon. A la recherche d’un père, d’un musicien punk ou rock mais forcément connu, et qui a disparu. Elle retrouve un groupe dans lequel deux des musiciens auraient pu être son père, mais lequel, et quand, et surtout pourquoi ce père a-t-il fui ? Elle met toute son énergie pour partir à la recherche du père perdu…

Ce roman comme son titre, est un questionnement sur la vie, sur le pourquoi les hommes fuient, et que fuient-ils finalement ? Un monde qui ne leur convient pas, une famille, une société dans laquelle ils ne se retrouvent plus, ou eux-mêmes ? Est-ce alors lâche ou courageux de fuir ainsi, de disparaitre, de changer totalement de vie ?

Voilà assurément un roman que l’on n’a pas envie de poser avant la fin. J’ai aimé cette écriture rythmée, incisive, parfaitement adaptée aux différents personnages et qui change avec eux. Que ce soit celui de Jane, ou ceux d’un groupe de musicos punk, d’un écrivain attendrissant et un peu désespéré, d’une bande de copains plutôt paumés qui se déchirent et se séparent. Écriture adaptée également aux situations qui partent du passé vers une actualité plus contemporaine, des manifestations récurrentes et violentes par exemple, avec une héroïne bien ancrée dans le présent, active sur les réseaux sociaux, qui partage ses émotions via son mobile et ses stories.

J’ai aimé cette description d’une jeunesse parfois désabusée mais qui espère malgré tout réaliser quelques rêves. Et Bravo à l’auteur qui réussit la prouesse de se mettre dans la peau d’une Jane moderne et attachante, déroutante et bouleversante. Une Jane qui découvre un monde auquel elle ne voudrait certainement pas appartenir, une époque révolue qui l’interroge et un présent pas toujours réjouissant.

Du même auteur, découvrir le bouleversant Le livre que je ne voulais pas écrire.

Catalogue éditeur : Quidam

Jane a 21 ans. Hyper connectée, elle vit au présent entre jobs d’hôtesse et menus larcins, boîtes et soirées branchées, ses amants d’une nuit et ses deux colocataires. Rien n’existe que par sa volonté; ses actes tracent les contours du monde.
Un soir, le hasard la jette malgré elle sur les traces de son père, qu’elle n’a jamais connu. Est-il cette pop star dont on a perdu la trace ? Ce guitariste punk passé à côté de sa vie ? Ou ce solitaire retiré de la compagnie des hommes ?
Jane se prend au jeu des vérités parfois contradictoires tandis que son environnement se détraque. La violence du réel, son humanité aussi, s’engouffrent dans les brèches à mesure qu’elle perd le contrôle.
Après le succès du Livre que je ne voulais pas écrire, Erwan Larher revient, avec ce septième roman, à la pure fiction. Un texte up tempo, énergique et moderne, entre intime et sociétal. 

Erwan Larher est né à Clermont-Ferrand – hasard d’une affectation militaire paternelle. Un jour, suite à ce qui pourrait ressembler à une crise de la trentaine, il quitte l’industrie musicale dans laquelle il travaille pour se consacrer à l’écriture. Mais continue à écouter du rock avec plein de guitare dedans, écrire des paroles de chansons, des séries TV et jouer au squash. Récemment, il s’est aussi lancé dans la déraisonnable aventure de réhabiliter un ancien logis poitevin du XVe siècle pour en faire une résidence d’écriture. 
Après Qu’avez-vous fait de moi ? et Autogénèse (Michalon, 2011, 2012), il a publié L’Abandon du mâle en milieu hostile et Entre toutes les femmes (Plon, 2013 et 2015).  
L’Abandon du mâle en milieu hostile a reçu les prix Claude-Chabrol et Louis-Barthou (de l’Académie française) en 2013.

356 pages / Prix : 22 € / août 2019 / ISNB : 978-2-37491-107-6

A l’ombre des loups, Alvydas Slepikas

Découvrir les enfants-loups, un épisode peu glorieux de l’après seconde guerre mondiale

Après la débâcle de l’armée du Reich, l’armée Rouge investit la Prusse-Orientale. Elle est sans pitié pour les populations qu’elle chasse vers l’ouest. Le discours qui était tenu aux soldats soviétiques afin de les encourager était alors « Tuez tous les allemands. Et leurs enfants aussi. » (Ordre de l’état-major soviétique 1945-1946).

A la frontière avec la Lituanie à partir d’avril-mai 1945, femmes et enfants allemands souffrent de faim et de froid, ils risquent leur vie à chaque instant. Impossible pour les familles de rester ensemble, souvent les mères ont été réquisitionnées pour travailler, les pères ont disparu. Des milliers d’enfants, souvent orphelins, doivent trouver par eux-mêmes le moyen de survivre, malgré la grande famine qui sévi alors. Ils sont connus sous le nom de Wolfskinder ou enfants-loups. Ils n’ont qu’un espoir, atteindre en prenant le train ou en passant par les forêts la Lituanie tout proche, se proposer dans les fermes, travailler et quémander pour ne pas mourir de faim.

Heinz est un de ces enfants. Il a déjà franchi la forêt, il est de retour avec un peu de nourriture pour sa famille, ses sœurs, sa mère, et l’amie de celle-ci. Mais les soldats sans pitié rodent, il doit repartir. Tout comme ses sœurs qui tenteront à leur tour de survivre en s’enfuyant. Seuls le plus souvent, car impossible d’accueillir plusieurs enfants, ni de leur donner à manger. Les Lituaniens ne sont pas très accueillants, et lorsqu’ils le sont, ils craignent tant de déplaire au régime soviétique et d’être envoyés en Sibérie, que leur aide est parcimonieuse. Alors Heinz, comme Renate à son tour,  devra errer de maison en maison. Ils deviennent cette main d’œuvre corvéable à merci qu’ils offrent en échange d’un repas, d’un morceau de pain, d’un abri. Puis il faut reprendre la route et marcher de village en village, seul, loin des siens, sans espoir de les retrouver un jour.

Ce roman qui met en lumière cet épisode bien sombre de l’après-guerre tient presque du mauvais et dramatique conte de fées. De ceux auxquels on ne veut pas croire et qui font frissonner de terreur. Une fois de plus s’il était besoin de la démontrer, les enfants sont affamés, exploités, parfois violés ou assassinés, souffrant de froid, de manque d’éducation, les premières victimes de la guerre et de la folie des hommes.

Dans ces années 46/48, pas moins de 200 000 femmes et enfants ont été dépossédés de leurs fermes, de leurs biens, laissés dans un état de dénuement extrême. Une bonne moitié décédera de froid et de dénutrition. Près de 30 000 enfants ont vécu cette horreur, pris en étau entre l’armée soviétique et la famine.

Catalogue éditeur : Flammarion

Traduction (Lituanien) : Marija-Elena Baceviciute

Alors que la Seconde Guerre mondiale vient de s’achever, femmes et enfants allemands sont exposés à l’avancée de l’armée soviétique victorieuse en Prusse-Orientale. Dépossédés de leurs biens, craignant pour leur vie, ils endurent la faim et le froid, tandis qu’autour d’eux tout n’est plus que désolation. Leur unique espoir est de gagner la Lituanie voisine pour trouver à se nourrir : malgré la menace omniprésente des soldats russes, certains enfants décident d’entamer le périlleux voyage. La forêt sombre et inquiétante devient alors l’un des seuls refuges de ceux que l’Histoire appellera les « enfants-loups ».

Dans ce roman bouleversant, Alvydas Šlepikas fait revivre plusieurs de ces destinées en s’inspirant du témoignage de deux survivantes. À ce terrible hiver, dont on sent presque la morsure du froid, il prête une poésie et une beauté aussi inattendues que fascinantes, qui confèrent à ce livre une force irrésistible.

Alvydas Slepikas est dramaturge, scénariste et metteur en scène. Il a déjà publié plusieurs recueils de poésie et dirige la rubrique littéraire de l’hebdomadaire Literatura ir menas. À l’ombre des loups (Flammarion, 2020) est son premier roman.

Paru le 08/01/2020 / 240 pages / ISBN : 9782081458017 / Prix : 19,00€

Rendez-vous au 10 avril, Benoît Séverac

Enquête dans la ville rose, un roman social à découvrir absolument

1921, dans Toulouse qui se relève tout juste de la grande guerre, un inspecteur à la physionomie extravagante doit enquêter sur deux suicides. Le premier est d’une simplicité déconcertante, un notable s’est suicidé chez lui à la suite d’une dispute dont les cris ont interpellé les voisins ; le second est plus étonnant, un professeur s’est tiré une balle dans la tête dans son bureau de l’école vétérinaire.

Si les suicides sont évidents, l’inspecteur Puma n’en est pas aussi sûr que ça. Et bizarrement son enquête qui le ramène dans les murs de l’école vétérinaire en inquiète plus d’un. Car si pendant les années de guerre il est aisé de passer sous silence les malversations, les petits arrangements entre amis, les trahisons, il ne fait pas bon essayer de les déterrer quand vient la paix et la reconstruction du pays.

L’inspecteur est lui-même un ancien soldat revenu du front, perpétuellement hanté par les combats qu’il a mené, par la mort de ses compagnons d’arme, et par ses blessures. Seule la morphine et de fortes doses d’alcool l’aident à venir à bout de ses souffrances ; de quoi passer pour un marginal hurluberlu et peu fiable auprès de ses collègues et de l’état-major de la police. Aussi lorsqu’il décide de mener ces deux enquêtes, plus complexes qu’elles n’apparaissent de prime abord, sa hiérarchie lui met quelques bâtons dans les roues.

Au fil de son enquête, il va déterrer quelques secrets bien gardés, au risque de  faire éclater au grand jour quelques compromissions et accords passés sous silence tant par la police que par les notables de la ville rose. Éclate également une franche animosité envers ces gueules cassées, ces anciens poilus qui auraient peut-être mieux fait de disparaitre au front, histoire de ne pas trop indisposer les quelques planqués qui ont continué tranquillement leur carrière pendant que d’autres allaient se faire tuer.

L’auteur met en avant un inspecteur atypique, perclus de douleurs, au comportement autodestructeur, bourré de défauts et cependant très attachant. Il a un talent fou pour nous faire découvrir le côté sombre de l’histoire et des hommes. Difficile retour à la vie de ces hommes envoyés au combat, revenus de l’enfer, et dont on mesurait alors si mal l’impact psychologique et les conséquences sur leur avenir du mal profond qui leur avait été fait. Mais aussi consternante compromission de certains notables qui se sont bien arrangés des complications administratives souvent induites par la guerre.

Une belle découverte, ce thriller est plus qu’un simple polar, c’est aussi un roman social et historique sans concession sur une période méconnue de l’histoire. Je le conseille à tous les amateurs de polars qui aiment la réalité historique.

Catalogue éditeur : Pocket

Toulouse, 1920. La Grande Guerre est achevée depuis trois ans déjà et chacun reprend sa place comme il peut dans une société qui s’étourdit pour oublier. Pourtant, les douleurs et les blessures rejaillissent de façon bien étrange. Lorsque deux meurtres perturbent l’équilibre de la ville, un seul homme, un inspecteur rescapé de guerre qui n’est plus apte aux sentiments, ose affronter la situation. Un point commun relie les deux affaires, a priori sans aucun rapport : l’École vétérinaire de Toulouse. Seulement, la grande école connaît ses propres codes, ses propres règles. Parviendra-t-il à briser la chape de silence et à faire éclater la vérité ?

Benoît Séverac est auteur de littérature noire et policière, adulte et jeunesse. Ses enquêtes, dont la plupart ont lieu à Toulouse, où il réside, reposent sur un contexte social décortiqué. Certains de ses romans ont été traduits aux États-Unis ou adaptés au théâtre. Benoît Séverac collabore à divers projets mêlant littérature et arts plastiques, photographie… Il prend également part à des productions cinématographiques. Le Chien arabe, prix de l’embouchure 2016, a paru chez Pocket en 2017 sous le titre Trafics. En 2017, 115 a paru à La Manufacture de livres.

Prix : 7.30 € / EAN : 9782266256445 / Nombre de pages : 288 / Format : 108 x 177 mm / Date de parution : 16/05/2018

Elles venaient d’Orenbourg, Caroline Fabre-Rousseau

Fin du 19e siècle, le destin incroyable de deux femmes qui bravent les interdits

En 1894, deux jeunes femmes partent d’Orenbourg en Russie pour la Suisse puis la France. Parvenues jusqu’à Montpellier elles vont s’inscrire à la faculté de médecine. Elles vivent en Russie à une époque où la vie est déjà très difficile pour de femmes, mais aussi pour les juifs. Pogroms, assignation à résidence, privation de liberté, les empêchent de vivre normalement.

Ces deux femmes sont Raïssa Lesk qui épousera Samuel Kessel, deviendra la mère de Joseph Kessel et la grand-mère de Maurice Druon, et Glafira Ziegelmann qui sera la première femme admissible à l’agrégation de médecine. Il faut dire qu’en Russie, comme d’ailleurs dans de très nombreux pays à l’époque, les femmes ne pouvaient pas s’inscrire en faculté de médecine ni exercer certains métiers que les hommes réservaient aux hommes.

Toutes deux rêvent de faire médecine, c’est cette ambition commune qui les pousse à partir pour la Suisse. Elles s’y plaisent, y rencontrent des compatriotes, mais doivent finalement s’inscrire à Montpellier pour finir leurs études et espérer pouvoir exercer un jour dans leur pays. Là, elles bravent tous les interdits, étudiantes au même titre que les hommes, elles pratiquent même la dissection de cadavres, rien ne les rebute pour apprendre ce métier qui les passionne.

Pourtant, leurs destins prennent des chemins différents lorsque Raissa rencontre Samuel Kessel. Elle se marie rapidement, et abandonne ses études pour le suivre jusqu’en Argentine.

Glafira Ziegelmann rencontre Amans Gaussel, devient médecin puis se spécialise en obstétrique. Son mari, médecin également, et ses professeurs, la poussent à poursuivre ses études et à passer l’agrégation. Mais une femme étudiante, médecin, puis spécialiste, passe encore, mais ces messieurs de l’institut ne peuvent admettre qu’une femme, aussi brillante soit-elle, devienne leur égale ; elle ne pourra pas se présenter à l’oral malgré son éclatant succès à l’écrit. Le difficile chemin des femmes vers une forme d’égalité est particulièrement bien montré ici. Oui, une forme d’égalité, car en plus d’étudier et de travailler, Glafira doit aussi tenir son foyer, élever les enfants, être une femme et une épouse accomplie. 

Voilà deux héroïnes absolument passionnantes qui revivent dans ce roman qui tient de la biographie. Je découvre leurs parcours et j’admire leur volonté, elles qui ont eu le courage de quitter leurs familles, mais aussi un pays où la vie était déjà très difficile pour les juifs, pour poursuivre leur passion.

J’avais déjà apprécié l’écriture de Caroline Fabre-Rousseau en découvrant le roman La belle-sœur de Victor H. dont je vous avais parlé ici.

Catalogue éditeur : éditions Chèvre-feuille étoilée

Montpellier, 1894 : deux jeunes filles russes s’inscrivent à la faculté de médecine. Exactes contemporaines de Marie Curie, elles connaîtront elles aussi un destin exceptionnel. Raïssa Kessel et Glafira Ziegelmann.

Caroline Fabre-Rousseau, romancière a un penchant certain pour les oubliés de l’histoire. Mêlant recherches et fiction, elle exhume des époques et des personnages, réels ou imaginaires, pour mieux les arracher à l’oubli. Sa précédente biographie faisait revivre Julie Duvidal, artiste peintre reconnue en son temps, écrasée par l’ombre de son beau-frère Victor Hugo.
Biographie croisée, « Elles venaient d’Orenbourg » raconte avec sensibilité et érudition deux parcours contrastés et révélateurs de la condition féminine au tournant du 19e siècle.

17,00€ En librairie le 15 février 2020 / ISBN : 9782367951416