L’amour de ma vie, Rosie Walsh

Léo et Emma connaissent tout l’un de l’autre. Entre eux depuis le début c’est l’amour fou, la complicité, le soutien jusque dans la maladie pour affronter et vaincre le cancer qui a frappé Emma.
Mais aujourd’hui tout va bien, et ils peuvent profiter à la fois de cette rémission et de leur vie de parents heureux avec leur petite Ruby.

Emma est océanographe, à la fois reconnue par la profession, et par les grand public grâce à une émission qu’elle a dirigé quelques temps.
Leo est journaliste. Sa spécialité ? Écrire des nécrologies. Car comme chacun le sait, les principaux média ne veulent surtout pas être pris au dépourvu le jour où une célébrité va décéder, tout doit être prêt à l’avance, enfin, le plus possible.

Aussi c’est naturellement vers lui que son journal s’est tourné lorsque tous ont appris la maladie d’Emma. S’il refuse en apparence de se plier à l’exercice, qu’il vit comme une trop grande trahison vis-à-vis de son épouse, il fait malgré tout quelques recherches sur sa vie, sur sa jeunesse. Et découvre bien malgré lui quelques incohérences.

Comment doit-on réagir lorsque le doute s’installe et que celle que l’on croyait connaître mieux que quiconque semble avoir gardé quelques parts d’ombre ? Faut-il creuser et s’enfoncer avec les découvertes possible, garder sa confiance, tromper l’autre pour mieux savoir, la croire ou s’en méfier. Cruel dilemme qui s’offre à Leo, aussi tenté par la découverte de la vérité que par le confort de cette vie à deux, enfin, à trois, qui lui convient parfaitement.

Voilà un roman qui s’annonçait plutôt banal, et qui finalement m’a surprise par son rythme, ses personnages bien plus profonds que ce que j’imaginais à la lecture des premières pages. Leurs profils sont travaillés, réalistes, attachants. Leur histoire n’est pas banale, mais elle pourrait pourtant être celle de tant d’autres, ce qui fait qu’ils nous intéressent immédiatement, nous poussant à nous demander comment nous aurions réagit à la place d’un tel ou d’une telle.

En alternant les points de vue entre Leo et Emma, l’autrice nous fait entrer dans leur vie intime et nous donne plus de billes à leur sujet qu’ils n’en ont eux même, nous rendant tour à tour complices ou confident de l’un ou de l’autre.

Un roman de la sélection 2024 du Grand Prix des Lecteurs Pocket

Catalogue éditeur : Pocket, Les Escales

Pour un journaliste spécialiste des nécrologies, rien n’est plus simple que de rédiger celle de sa femme. D’autant qu’Emma n’est pas morte. Le cancer dont elle vient de réchapper, il en connaît chaque détail. La biologie marine, qui lui vaut sa célébrité de scientifique médiatique, idem… Mais alors que Leo creuse plus avant dans le passé d’Emma, certaines incohérences se font jour, des petits mensonges et des gros trous noirs… Qui est donc cette femme qui partage sa vie ? Que fait-elle quand elle s’absente dans le nord du pays ? Et jusqu’où peut-on mentir à l’amour de sa vie ?

Rosie Walsh vit à Bristol, en Angleterre. Après Les Jours de ton absence (Les Escales, 2018 ; Pocket, 2019), L’Amour de ma vie, best-seller du New York Times, est son second roman publié aux Escales.

Les Escales parution : 06/10/2022
Pocket parution : 12/10/2023 / EAN : 9782266333016 / pages : 512 / 9.20 €

La vie en fuite, John Boyne

Les accommodements, raisonnables ou culpabilisants, avec le passé et avec l’Histoire

1946, Paris. Elles sont deux, et l’on comprend vite que la fille, Gretel, et sa mère ont fuit loin de l’Allemagne et de cet autre endroit que la narratrice évoque avec effroi. Changer de nom et de vie ne s’avère pas aussi évident que prévu. Et il est très lourd le poids à porter pour ces deux femmes dont le mari et père était un commandant de l’Allemagne nazie et surtout un homme directement impliquée dans la Shoah.

2022, Londres. Gretel Fernsby a aujourd’hui plus de quatre-vingt dix ans, et vit solitaire dans son magnifique appartement londonien, celui-là même que son fils voudrait vendre pour profiter un peu de l’héritage du père. Elle se souvient de sa vie, dans l’autre endroit, de sa famille, son père, sa mère, son frère, cet enfant au pyjama rayé. Mais aussi des années à Paris, Rouen, en Australie, puis de son arrivé et de sa longue vie à Londres.
Et de sa rencontre avec ses voisins, une jeune femme adorable et son époux étrange et autoritaire, et leur fils. Rencontre avec le mal une fois de plus, et les atermoiements, les interrogations, les décisions justes ou pas qu’elle doit prendre alors qu’elle est arrivée au terme de sa longue vie.

Un livre controversé pour ces inexactitudes, en particulier historiques sur la vie dans le camp d’Auschwitz ou d’autres camps, mais qu’il m’a semblé intéressant de lire pour la façon dont l’auteur aborde la culpabilité des anciens participants actifs ou passifs à la Shoah. Gretel passe une vie entière dans la culpabilité, alors qu’elle n’était qu’une enfant à l’époque, et malgré tout elle s’enferme dans le silence. Les réactions de sa mère sont tout aussi intéressantes, et choquantes, dans ce qu’elle ne renie jamais l’action des nazis.

J’ai aimé écouter ce roman qui aborde des sujets difficiles, le passé, le deuil, la culpabilité, le pardon, la façon dont chacun aborde le passé et ce qu’il en retient. Parfois, Gretel nous semble bien plus atteinte tout au long de sa vie par le décès de son petit frère que par l’action de son père et par les innombrables morts de la Shoah. Mais sans doute est-ce aussi en cela qu’elle nous intéresse, elle n’en est que plus dramatiquement humaine.

La vie en fuite est un roman, bien sûr, avec ses défauts et ses qualités, avec sa part d’invraisemblances et ses accommodements avec la réalité, mais qui interroge chacun de ses lecteurs sur la culpabilité et le mal, sur notre façon de les appréhender, et de vivre avec ou pas.

J’ai découvert la voix de Rafaèle Moutier, je crois que c’est le premier livre audio que j’écoute lu par cette lectrice. Elle a su impulser à son personnage les tonalités qui allaient avec l’âge, les événements, chacune des différentes étapes de sa longue vie. Crainte, fierté, souffrance, culpabilité, silence, jeunesse ou vieillesse, différents accents ou différentes tonalités en fonction de ceux qu’elle rencontre ou des souvenirs qui l’obsèdent, tout est là pour faire vivre Gretel à nos cotés.

Catalogue éditeur : Audiolib, JC Lattès, Le Livre de Poche

1946. Trois ans après un événement tragique qui a fait voler leur vie en éclats, une mère et sa fille quittent la Pologne pour Paris. Honte et peur chevillées au corps, elles ne savent pas encore combien il est dur d’échapper au passé.
2022. Presque quatre-vingts années plus tard à Londres, Gretel Fernsby mène une vie bien éloignée de son enfance traumatique. Lorsqu’elle est dérangée par un couple qui emménage dans son immeuble, elle espère que la gêne ne sera que passagère. Cependant, l’attitude de Henry, leur fils de neuf ans, fait resurgir des souvenirs que Gretel pensait enfouis à jamais. Confrontée au choix cornélien de sauver sa peau ou celle de l’enfant, Gretel replonge dans son histoire quitte à faire éclore des secrets qu’elle a mis toute une vie à dissimuler.

Lu par Rafaèle Moutier
Traduit par Sophie Aslanides
Éditeur d’origine JC Lattès / Durée 11h31/ EAN 9791035414290 Prix du format CD 26,50 € / EAN numérique 9791035414795 Prix du format Numérique 23,95 €/ Date de parution 06/12/2023

Miss Eliza, Annabel Abbs

Miss Eliza Acton se rêve poétesse, ce qui lui paraît possible puisqu’elle a déjà publié un opus qui a eu un succès d’estime et qu’elle vient d’envoyer le second à un nouvel éditeur. Pourtant le verdict est sans appel, écrivez de préférence des roman à l’eau de rose, ou lieu, encore, un bon livre de recettes culinaires.

Mais ce n’est pas parce que sa famille est ruinée, son père exilé à Calais, et qu’elle est contrainte de tenir une pension de famille avec sa mère qu’elle va se plier à cette injonction.

Pourtant, à force de lire de très mauvais livres de cuisine, elle se rend compte qu’elle va pouvoir proposer quelque chose de mieux. Elle est secondée dans sa tâche par Ann, jeune fille pauvre mais douée, discrète, attentive et travailleuse qui a tout pour devenir une excellente aide cuisinière.

J’étais à peine réticente pour découvrir ce roman, comme de plus je ne lis pas les 4e de couverture quand il s’agit de lire les titres de la sélection d’un prix, et j’ai été plus qu’agréablement surprise. Deux soirées à peine pour dévorer, savourer, goûter, tester, ce roman assaisonné d’épices, de parfums doux et sucrés, de recettes savamment mijotées dans la cuisine claire et propre d’une maison de Londres en 1835.

Le roman évoque la vie de la véritable Eliza Acton. Elle a écrit en 1845 le livre de cuisine qui a révolutionné les foyers britanniques. Dix ans d’essais, de soins, d’écriture à Bordyke House pour le finaliser en testant, approuvant et validant chaque recette. Une femme seule, pugnace, inventive, en avance sur son époque en particulier dans le soin qu’elle porte à composer et expliciter ses recettes pour le bien être de tous. Produits sains, de saison, pas de gaspillage, faire tout soi-même, elle était un incroyable précurseur, totalement en accord avec les problématiques évoquées aujourd’hui.

Un livre agréable à lire en particulier grâce à l’alternance de chapitres assez courts donnant deux points de vue, tantôt Eliza, tantôt Ann, et qui portent toujours le nom d’une recette qui donne envie.

C’est simple, poétique, inspiré, étayé par les recherches approfondies faites par l’autrice et qu’elle expose à la fin du roman. Un bel exemple de fraternité entre femme, un sujet passionnant sur la difficulté d’être une femme et qui plus est une femme célibataire dans l’Angleterre du 19e siècle.

Un savant mélange entre romanesque et histoire avec des personnages attachants et singuliers. Autant vous l’avouer tout de suite, j’ai aimé !

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

Catalogue éditeur : Éditions Pocket, Hervé Chopin

Traduit par Anne-Carole Grillot

Londres, 1835. Derrière le long bureau, le verdict tombe : « Une dame n’a pas à se mêler de poésie. » Qu’à cela ne tienne ! Acculée par la ruine familiale, l’élégante Miss Eliza Acton troquera les sonnets pour les fourneaux… À sa grande surprise, elle se découvre un talent – et une passion – pour les arts culinaires.
De son côté, la jeune Ann Kirby peine à sortir de la misère : sa rencontre avec la poétesse, leur complicité insolite, l’en sortira par miracle. Bientôt, un livre de recettes conçu à quatre mains prend forme, qui révolutionnera à jamais la gastronomie britannique…

Date de parution : 07/09/2023 / EAN : 9782266333054 / Nombre de pages : 416 / 9.00 €

Adieu mes frères, Peter Blauner

À New-York, en 2014. Ali découvre que son petit fils Alex vient de partir pour faire le djihad. Désespéré et dans le but de lui faire rendre raison, il décide de lui écrire et de lui raconter sa propre histoire, celle qu’il n’a jamais avouée à personne. C’est donc par mail qu’il compte échanger avec Alex. En lui envoyant son histoire, le livre de sa vie, et en lui écrivant des messages auxquels il espère que ce dernier pourra répondre.

C’est bien ambitieux quand on connaît l’embrigadement et l’isolement imposé aux futurs djihadistes par ceux qui les ont enrôlés. Si on s’arrête à cette distorsion de la réalité, la suite du roman ne tient plus et ce serait dommage.

Au Caire, en 1954. Ali, critique cinéma, réalise son rêve. Il espère enfin pouvoir embrasser une carrière cinématographique et partir à Hollywood. Car il est le chauffeur de Cécil B de Mille, venu en Égypte tourner son immense film, les dix commandements. Manque de chance, un fâcheux accident au tout début de sa mission semble compromettre ses projets.

C’est toute une aventure qui se déroule sous nos yeux, dans les ruelles du vieux Caire, ses Palaces, son souk, dans le désert, à travers l’histoire récente de ce pays, au moment du départ des britanniques et l’arrivée de Gamal Abdul Nasser, et de son conflit avec les frères musulmans. C’est passionnant de se trouver pendant le tournage du film, au milieu des acteurs, machinistes, figurants, et se souvenir de l’avoir vu tant de fois, en particulier pendant mon enfance avec ma grand mère dans un cinéma de quartier.

J’ai adoré retrouver la ville du Caire telle que je l’avais connue lorsque j’y ai travaillé quelques mois à la fin des années 90 tant l’ambiance dans certains quartiers semble immuable.

J’ai aimé le côté historique de ce roman, y retrouver l’évolution politique du pays, la place de la religion, l’importance des geôles et le rôle de la police, il ne fait pas bon parfois se situer du mauvais côté de la force.

Enfin, j’ai aimé la façon dont l’auteur traite les sentiments, l’amitié, l’influence malheureuse ou heureuse de certains, l’amour et la fidélité par delà les années. Avec la bonne dose de suspense, de violence et de tragique parfois, mais aussi de romanesque, porté par une histoire d’amour tout à fait crédible. Un agréable moment de lecture qui nous remémore de nombreux événements de l’histoire récente de l’Égypte. C’est ce qui m’avait attirée dans le pitch de ce livre et je n’ai pas été déçue.

Catalogue éditeur : Harper Collins

New York, 2014. Alex a tout quitté pour faire le djihad. Ce départ brutal, son grand-père Ali ne l’accepte pas. Alors, pour le ramener à lui, il est prêt à lui livrer son histoire – et son plus terrible secret.
Le Caire, 1954. Engagé sur le tournage du film Les Dix Commandements  du légendaire Cecil B. DeMille, le jeune Ali s’imagine déjà un avenir radieux à Hollywood. Mais, lorsqu’il renverse contre son gré un cheikh très respecté, le climat déjà tendu du pays devient explosif, et Ali se retrouve au centre d’une crise politique sans précédent.

Peter Blauner est un auteur et scénariste américain. Il a écrit de nombreux romans policiers traduits dans une vingtaine de pays, dont L’Irréductible  récompensé par le prix Edgar-Allan-Poe, mais aussi produit des séries comme New York, unité spéciale. Il fait son grand retour littéraire avec Adieu mes frères, sur lequel il travaille depuis vingt ans.

Date de publication: 1/3/2024 / ISBN: 9791033916826 / 14,99 €

Omero le fils caché, Christos Markogiannakis

Omero, fils de papa et mama vit une enfance heureuse et solitaire loin du mode qui l’entoure. Dans cet isolement assumé par le couple que forment ces parents étranges, aimants mais qui ne montrent aucun sentiment maternel ou paternel classique, il est semble-t-il protégé par un parrain qui offre, donne, finance, mais n’apparaît jamais.

Mais qui est Omero. Là est toute la question du roman.

Dans la vie de Maria Callas, il semble qu’il y eu à un moment donné l’existence d’un enfant prématuré décédé quelques heures après sa naissance, cela se serait passé le 30 mars 1960. Maria Callas l’amoureuse d’Aristote Onassis, riche armateur grec marié et déjà père de deux enfants, célèbre et puissant, amoureux de la divine cantatrice. Une relation dense et déchirante, où l’amour le disputait au tragique. Où il n’y avait de place ni pour le couple qu’ils formaient pourtant de manière sporadique mais portés par une attraction irrésistible, ni pour un enfant issu de cet amour fou.

Dans cet étrange roman qui semble nous révéler tant de vérités et qui pourtant est tout sauf avéré, j’ai aimé suivre la vie de chacun des protagonistes. S’ils ne sont jamais nommés précisément, j’ai suivi Maria et Aristote, Christina et son frère, Jacqueline et junior, chacune de ces célébrités dont le moindre geste, le moindre acte ou faux pas, était épié par la planète entière pendant des décennies.

Si j’ai eu envie de lire ce roman, j’étais vraiment perplexe avant de le commencer et je me demandais comment l’auteur allait appréhender cette histoire de filiation sans tomber dans l’excès ou le ridicule. Et je me suis laissée happer par Omero le fils caché, mort à la naissance mais dont la vie a été largement prise en charge par son géniteur. Par cet enfant devenu adolescent puis cet homme à la recherche de ses racines, qui oublie dans sa quête l’essentiel, sa propre existence, l’amour qui lui a été réellement donné, pour courir toute une vie ou presque après les fantômes de ceux qui lui ont été refusés à la naissance.

C’est une véritable surprise, un livre dévoré en deux soirées. Une lecture qui me donne envie d’écouter les disques de La Callas, de retrouver les personnages qui ont fuit Omero mais l’ont entouré de leur ombre parfois menaçante, souvent protectrice, de la mère au père en passant par la veuve ou la fille, de savoir si c’était une chance ou une malédiction, ou pas finalement, car l’histoire est assez belle et se suffit à elle même ainsi.

Catalogue éditeur : Plon

Omero est mort deux fois.
Une première fois à sa naissance – un certificat de décès l’atteste –, une seconde fois ses soixante ans passés.
Quel est ce mystère ?
Le 30 mars 1960, une femme met au monde un enfant prématuré. Il s’agit de Maria Callas. Le père est Aristote Onassis. Le nouveau-né est déclaré mort dans les heures qui suivent.
Et s’il avait survécu ?
Commence ici l’incroyable histoire d’Omero Lengrini, leur fils caché. Sur les traces de ses illustres parents, d’Athènes à Rome, de Paris à New York, Omero va tirer au clair une saga familiale tissée de mensonges, de manipulations et de tromperies.
Une histoire jusqu’ici inconnue.

Traduit par Maxime DesGranges
Date de parution : 28/09/2023 / 21.90 € / EAN : 9782259316989 / pages : 448

Prix audiolib 2024

Cette année encore, je suis ravie de faire partie de ce jury ! C’est un bonheur de découvrir ou redécouvrir ces titres lu par des comédiens ou par leurs auteurs. La lecture à voix haute est une autre façon d’aborder la littérature que je trouve très complémentaire, et qui m’est devenue indispensable au fil du temps.

J’ai hâte de vous en parler, j’espère que je saurai vous donner envie de les découvrir à votre tour.

Les dix titres sélectionnés en 2024 :

  • Arpenter la nuit de Leila Mottley traduit par Pauline Loquin lu par Amélia Ewu
  • La dernière allumette de Marie Vareille lu par Caroline Tillette et Renaud Bertin
  • La Louisiane de Julia Malye lu par Valérie Muzzi
  • Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand lu par Laurent Natrella
  • Les Enfants endormis d’Anthony Passeron lu par Loïc Corbery
  • Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea lu par l’autrice
  • Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser lu par François Cognard
  • Peindre la pluie en couleurs d’Aurélie Tramier lu par Sophie Frison et Quentin Minon
  • Perspective(s) de Laurent Binet lu par Françoise Cadol, Nicolas Djermag, Emmanuel Lemire et Marion Trintignant
  • Traverser la nuit d’Hervé Le Corre lu par Ariane Brousse

Un challenge lecture en 2024 ?

Je vois passer sur quelques profils Instagram cette bonne idée #moins10dansmapalen2024

Que pensez-vous de ce challenge, vous avez envie de participer vous aussi ?

J’ai donc sorti 10 titres de ma bibliothèque, oui, ma bibliothèque car depuis que je les ai sortis des cartons de déménagement, et surtout depuis que j’ai enfin une bibliothèque, je n’ai pas réussi à séparer les titres lus de ceux qu’il me reste à lire…

Dix, pourquoi pas douze, un par mois ? Bon, commençons par dix :

  • Peupler la colline, Cécila Castelli, éditions Le Passage
  • Mille ans après la guerre, Carine Fernandez, éditions les Escales
  • Ce que combattre veut dire, Miriam Toews, éditions Buchet-Chastel
  • Le bureau d’éclaircissement des destins, Gaëlle Nohant, éditions Grasset
  • L’autre moitié du monde, Laurie Roux, éditions du Sonneur
  • Le Mal-épris, Bénédicte Soymier éditions Calmann-Levy
  • Omero le fils caché, Christos Markogiannakis édition Plon
  • Roman Gary s’en va-t-en guerre, Laurent Seksik, éditions J’ai lu
  • Reviens, Samuel Benchetrit, éditions Pocket
  • J’irai tuer pour vous, Henri Loevenbruck

J’espère que je tiendrai le pari, et que je viendrai vous en parler ici !

L’instant, Amy Liptrot

Amy quitte son île, ses îles des Orcades en Écosse pour découvrir Berlin pendant un an.

Nomade et sans attaches, elle vit de l’air du temps, de ses réunions des AA, de petits boulots et de longues heures d’observation des oiseaux et de la nature.

Son temps, rythmé par la lune, est un long questionnement sur la vie, la jeunesse, la quête de l’amour, celui qui saura la satisfaire pleinement, contrairement à ces rencontres d’une soir qui laissent un goût de pas grand chose.

L’amour, elle le trouve, le vit, le perd.
La ville et les allemands, elle les découvre, les apprivoise, s’en lasse et les quitte.

Je ne sais pas dire si j’ai aimé ou pas.
Et pourtant je n’ai pas eu envie de poser ce livre.

Les descriptions de la lune, de la nature, des oiseaux ou des ratons laveurs y sont pour quelque chose sans doute.
Les interrogations, les doutes, les attentes, les peines et les échecs, la résilience d’Amy aussi j’imagine.
Enfin, une mention particulière pour la façon dont elle traite l’attachement des jeunes, et des moins jeunes, aux réseau sociaux et comment ces derniers ont changé notre perception du monde et des autres, nos attentes et nos déceptions, nos espoirs et nos joies.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

Catalogue éditeur : Pocket, Phébus

Traduit par Gaëlle Coghan

« Mon projet est de trouver un raton laveur et un amant. »
Trentenaire en quête d’amour, Amy quitte les sauvages îles Orcades en Écosse pour la cosmopolite Berlin. Digital nomade, précaire, célibataire, elle fait de cette ville qui ne dort jamais le terrain de sa quête du bonheur. De boîtes de nuit en observations passionnées de la lune et de la faune sauvage urbaine, elle apprend à vaincre la solitude. Pour que la passion tant attendue surgisse enfin.

Amy Liptrot a 36 ans. Elle est née en Écosse sur l’Archipel des îles Orcades. Journaliste et écrivaine, L’Instant est son deuxième livre après L’Écart, qui fut un succès commercial et critique dans plusieurs pays.

Date de parution : 04/01/2024 / EAN : 9782266336833 / Nombre de pages : 224 / 7.70 €

Peinture fraîche, Chloë Ashby

Le roman s’ouvre sur une scène étrange, une jeune femme évoque le moment où Une fois à la gare, quelque chose a lâché en moi… Je me revois faire un pas en avant vers les voies et regarder mes pieds.

C’est Eve qui parle. Dans sa vie, il y a Suzon, éternelle serveuse d’Un bar aux Folies Bergère peint par Manet en 1882. Suzon, du champagne, des fleurs, des spectateurs, et cet homme au second plan qui semble la regarder. Il y a surtout Eve qui part chaque mercredi à la rencontre de Suzon, dans la salle 6 de la galerie Courtauld à Londres.

Il y a Karina et Bill, chez qui elle partage une chambre en échange de quelques heures de ménage et d’un loyer à prix modéré.
Il y a Max, l’ami d’avant, toujours présent, discret et tendre, attentionné et prévenant.
il y a surtout Grâce, qui aurait eu vingt-six ans cette année.
Eve abandonnée par sa mère alors qu’elle avait à peine cinq ans, délaissée par un père absent, perdu dans les vapeurs d’alcool, cet alcool qui pourtant ne fait rien oublier des aléas de la vie.
Et Grâce qui revient sans cesse dans sa tête, les souvenirs, les mots, les gestes de Grâce aujourd’hui disparue.

Eve est serveuse dans un restaurant, jusqu’au jour où elle rend son tablier à la suite des gestes d’un client indélicat.
Alors que tout va mal, elle n’a pas besoin de chercher loin un emploi, une affichette lui montre la voie : modèle vivant pour cours de dessins. Là elle rencontre Paul, et surtout Annie, la douce et blonde, belle et talentueuse Annie. Annie en cours de divorce, lui propose d’être la baby-sitter occasionnelle de sa fille Molly.
Max la sauve du pire, en lui trouvant un emploi, en l’accompagnant, en tentant de l’aider. Max le doux ami si attachant et si compréhensif. Une relation rare dan la vie de cette solitaire qui s’isole de plus en plus.

Car Eve transporte des tonnes de peine, de tristesse, de doutes et de culpabilité. À tel point que sa chute est lente mais implacable, il faut comprendre qu’elle refuse de se faire accompagner pour parler, dire, comprendre.

Peinture fraîche est un belle surprise, de ces romans que l’on a envie de lire et de faire lire. Émotion, introspection, dérision, mal de vivre, Eve passe par tous les stades et nous avons envie de la suivre. Cette jeune femme cleptomane invétérée et décomplexée, est aussi paumée, déprimée, rongée par la culpabilité. Elle n’arrive pas à se pardonner le décès de son amie.

La façon de nous la présenter est tout sauf ordinaire, jeune femme atypique, attachante, bouleversante et amusante, à laquelle on s’attache tant les casseroles qu’elle trimbale sont énormes et ne l’ont pas aidée à bien démarrer dans la vie. C’est à la fois triste et puissant tant la résilience est proche, possible, souhaitée, par tous ceux qui suivent Eve avec attention et empathie, autant que par nous lecteurs.

Pour aller plus loin, lire également les chroniques de Nicole du blog motspourmots et de La Viduité

Catalogue éditeur : La Table Ronde

Traduction (Anglais) : Anouk Neuhoff

Quelque chose dans le portrait de Suzon, peinte par Manet en 1882, fascine Eve, serveuse dans un restaurant de Londres, qui vient la retrouver chaque mercredi à la galerie Courtauld. Le jour où elle rend son tablier après s’être fait caresser la cuisse par un client, c’est à nouveau vers Suzon qu’elle se tourne, retardant le moment de rentrer dans l’appart un peu crade qu’elle partage avec un couple. Le moment de penser à son père et à sa canette de bière, à sa mère qui les a abandonnés. De refouler à coups de gin-tonic les souvenirs de Grace, son amie perdue… Alors qu’elle sort du musée, une annonce attire son attention : recherche modèle vivant pour cours de dessin. Eve a un loyer à payer et se lance. Les choses semblent s’améliorer – pourtant Eve continue de sombrer. Ce qui l’a menée sur un quai de gare, les pieds à quelques centimètres du drame, c’est à sa psy qu’elle le confiera.
Dans le chaos des pensées de cette narratrice à l’humour acéré, l’art, l’amour et l’amitié prennent peu à peu le dessus, conférant au premier roman de Chloë Ashby une note d’espoir et une profondeur inattendue.

Paru le 31/08/2023 / 368 pages / ISBN : 9791037109378 / 24€

Misericordia, Lidia Jorge

Celle qui nous parle est une vieille dame qui s’enregistre sur son Olumpus note Corder DP-20. Ce sont là douze mois de paroles, d’émotions, de pensées, de souvenirs, de questionnements, d’amitié ou d’inimitié, d’interrogations, de vie. Du 18 avril 2019 au 19 avril 2020. douze mois ponctués par une pandémie de COVID qui a séparé les familles et éloigné les proches de leurs parents âgés placés en maison de retraite, contre ou selon leur gré.

Maria Alberta Nunes Amado, Dona Alberti a décidé de quitter sa grande maison, trop vieille, trop fragile, c’est devenu trop difficile. Il faut dire qu’elle a fait une mauvaise chute, s’est cassé les poignets, et ne peux plus vivre seule chez elle. Elle a choisi de se replier dans une maison de retraite, la solution la plus raisonnable pour ne pas dépendre de sa fille, l’autrice Lidia Jorge.

Là, des aides plus ou moins sympathiques, plus ou moins efficaces, s’occupent des pensionnaires.

Mais Dona Alberti a toute sa tête, et quelques obsessions, comme de connaître sur le bout des doigts les villes et capitales des pays qu’elle a parcouru inlassablement dans son atlas ou sur son globe terrestre. Et lorsqu’un manque à l’appel et que sa mémoire est défaillante, c’est la panique.

Dans cette maison de retraite, il est passionnant d’observer ses coreligionnaires. Femmes seules encore amoureuses à leur age, vieux monsieur encore fringuant, ceux qui rouspètent, ceux qui acquissent sans réfléchir, ceux qui décident de se révolter. Chaque jour apporte son lot d’étonnement, scénette drôle ou pathétique, dialogue ou dispute, éclat de voix ou sentiment caché, que la vieille dame décrit avec humour attention, subtilité, intérêt.

Les petits bonheurs simples, le repas qui est souvent mauvais mais parfois recèle quelque surprise, les relations entre les différents pensionnaires, les attitudes du personnel, parfois voleurs, souvent pressés, la maltraitance suggérée et parfois décrite, même s’ils sont aussi attentionnés, sympathiques, attachants.

La mort, omniprésente, la place vide dans le cercle restreint autour de la table dans la salle à manger, le nom d’un voisin que l’on efface vite de sa porte pour y mettre le suivant, celui qui s’écroule devant tout le monde, celle qui disparaît dans la nuit.

La nuit et ses ombres qui rôdent, qui annoncent la mort, cette ombre qui ne veut plus la quitter et dont elle sait qu’elle viendra la chercher, elle aussi, bientôt.

Enfin, en filigrane et cependant omniprésente ou largement décrite, la relation d’une mère et de sa fille, les questionnements, les reproches, les suggestions parfois cocasses, l’amour fou qui les unit, la douceur, leurs retrouvailles, leur entente malgré toutes leurs incompréhensions.

Quel roman, que d’émotions lors de cette lecture. C’est à la fois drôle, désespéré, humain, plein de malice et de compassion, de fatalisme et d’espoir, aussi lumineux que triste. Une lecture que je n’oublierai pas de sitôt tant ces réflexions sur la vie et la mort, sur l’amour d’une mère pour sa fille m’ont touchée.

Catalogue éditeur : Métailié

Vous n’avez jamais lu un texte comme celui-là !
Une vieille dame enregistre sur un petit magnétophone le journal d’une année de vie en maison de retraite. Sa fille, l’écrivaine Lídia Jorge, retranscrit les textes et leur rend leur force littéraire en suivant les pas de ce personnage extraordinaire qui a gardé une mémoire intacte, une imagination fertile, une curiosité pour les autres et une attention réelle à la beauté du monde, en dialoguant avec la mort comme avec un adversaire légitime.
Ce texte constitue un condensé incroyable de force vitale, de dérision, de révolte et de foi dans la vie. Avec des instants mémorables de la relation entre une mère et sa fille. Tout cela transforme ce récit en un témoignage admirable sur la condition humaine.

Titre original : Misericórdia / Langue originale : Portugais / Traduit par : Elisabeth Monteiro Rodrigues
Publication : 18/08/2023 / ISBN : 979-10-226-1292-0 / Pages : 416 / 22,50 €

  • Deuxième sélection Prix Femina étranger – 2023
  • Prix des lecteurs de la librairie Au bord du jour – 2023
  • Prix Médicis étranger – 2023
  • Prix Transfuge du meilleur roman lusophone – 2023