Ce qu’il faut de haine, Jacques Saussey

Comme chaque semaine, Alice court avec son chien, sans imaginer ce qui l’attend au bord de la rivière. Sur les berges de La Cure, elle découvre un cadavre horriblement torturé, image glaçante qui la laisse pantelante.

Après avoir contacté son père, qui la rejoint et prévient et attend les autorités, elle peut enfin rentrer chez elle. Mais elle reste hantée par la scène macabre à laquelle elle a été confrontée un temps assez long finalement. La gendarmerie mène l’enquête, secondée par la capitaine Marianne Ferrand, de la Police Judiciaire parisienne une fois qu’il est avéré que la victime vivait en région parisienne.

La victime avait une réputation terrible, habituée à travailler dans des entreprises pour lesquelles elle devait licencier à tour de bras, la DRH n’avait aucun état d’âme et aucune compassion pour quiconque. Pas étonnant dès lors qu’aucune des personnes interrogées à son sujet ne la regrette. Mais est-ce suffisant pour tuer d’aussi sordide façon, et en faisant preuve d’autant de haine. Telle est la question à laquelle la capitaine et le commandant de gendarmerie vont devoir répondre.

Alice est profondément troublée par cette confrontation avec la mort. Cela l’obsède tellement qu’elle veut résoudre elle aussi cette enquête qui s’avère déjà bien complexe pour les enquêteurs. Il faut dire que le nombre de personnes qui pourraient en vouloir à la victime est impressionnant.

Difficile de lâcher ce roman, tant l’auteur sait nous piéger et nous donner envie d’aller plus loin pour comprendre et savoir. Semant quelques indices, il intercale au temps présent des chapitres qui sont le récit d’un narrateur que l’on imagine être le coupable, qui raconte peu à peu mais ne se dévoile jamais réellement.

Au fil de l’enquête, nous plongeons dans les stratégies des grandes entreprises, où le chiffre et les actionnaires sont plus importants que le bien-être des salariées, où une vie ne vaut pas bien cher pour quelques cost-killers sûrs de leur droit.
Difficile également de faire parler un village quand chacun sait, mais personne ne dit rien. Un secret bien gardé étant souvent synonyme de tranquillité.

Voilà donc un thriller qui se dévore d’une traite, dont le rythme ne faiblit pas. Dans lequel nous pouvons ressentir de l’empathie pour certains personnages et les suivre avec plaisir. En détester d’autres mais avoir envie de savoir pourquoi ils sont ainsi. Une intrigue bien ficelée, un sujet qui parait évident mais qui a de multiples ramifications, bref, un bon polar  qui nous tient en haleine pendant près de 400 pages.

Catalogue éditeur : Fleuve

La mort ne frappe pas toujours au hasard…
Ce matin-là, comme tous les dimanches, Alice Pernelle s’éclipse de la maison de ses parents pour aller courir avec son chien. Mais en arrivant au bord de la Cure, cette rivière qui traverse son village natal, un tableau macabre lui coupe les jambes et lui soulève l’estomac. Un corps écartelé et grouillant de vers gît sur la rive.
Alors que les enquêteurs en charge de l’affaire font de glaçantes découvertes et se confrontent à des témoignages décrivant la victime comme une femme impitoyable, les habitants de Pierre-Perthuis, petit hameau du Morvan, sont ébranlés. Les visages se ferment. Les confidences se tarissent. Hantée par les images de ce cadavre, Alice a pourtant besoin de réponses pour renouer avec l’insouciance de sa vie d’étudiante. Au risque d’attirer l’attention de l’assassin sur elle…

Collection : Fleuve noir / parution : 12/10/2023 / 21.90 € / EAN : 9782265156852 / pages : 400

Le manoir des glaces, Camilla Sten

Eleanor a une relation étrange avec Viviane sa grand-mère, un peu à la je t’aime moi non plus. Mais lorsqu’elle vient la retrouver ce vendredi pour le dîner, elle tombe sur une personne qui s’échappe sans un mot de son domicile, capuche sur la tête, et immédiatement après, elle découvre sa grand mère qui gît dans une mare de sang.
Qui pouvait bien vouloir du mal à cette honorable dame de 80 ans. Les enquêteurs penchent pour un cambriolage qui aurait mal tourné. Peut-elle aider à résoudre ce meurtre ? Sans doute pas, car elle est incapable de décrire la personne qu’elle a vu chez sa grand-mère ce jour-là. Il faut dire que Eleanor souffre de prosopagnosie. Elle est d’ailleurs aidée par une psychiatre, ancienne amie de sa grand-mère, pour apprendre à mieux vivre avec cette maladie.
Elle ne reconnaît pas les visages et les gens qui l’entourent, à moins de graver dans sa mémoire des éléments caractéristiques qui l’aident à les reconnaître. Alors comment pourrait-elle reconnaître l’assassin de Viviane. Eleanor doit désormais faire son deuil.

Quelques mois plus tard, un avocat lui demande d’accéder au domaine de sa grand mère, le domaine du Haut Soleil. Elle décide de s’y rendre avec son amoureux et sa tante. Il est temps de réaliser un inventaire des biens et immeubles dont elles ont hérité.
Une fois arrivés sur place, la tempête de neige et le froid les bloquent dans un manoir qui semble vouloir leur cacher bien des secrets inavouables.

Des ombres semblent la suivent, un étrange carnet dévoile un passé très mystérieux, des événements incompréhensibles s’enchaînent et perturbent le fragile équilibre de ce groupe hétérogène qui se trouve coincé là contre sa volonté. Et surtout, de lourds secrets semblent avoir été enterrés là par les membres de la famille aujourd’hui disparus.

Un thriller haletant, une intrigue familiale sombre et désespérée que l’on a envie de comprendre à mesure que les chapitres s’enchaînent sans avoir un seul moment envie de poser ce livre. Je ne connaissais pas encore l’autrice mais elle a su m’entraîner au bord du lac et dans les souvenirs qui hantent le manoir des glaces.

Catalogue éditeur : Seuil, Cadre noir

Traduit du suédois par Anna Postel

Eleanor n’aurait jamais imaginé assister au meurtre de sa cruelle mais bien-aimée grand-mère Vivianne. Sur le seuil de l’appartement, elle croise le tueur. Mais atteinte d’une maladie rare, la prosopagnosie, elle ne peut reconnaître les visages.
En état de choc, elle apprend de surcroît que Vivianne lui a légué un manoir isolé dans la forêt suédoise dont elle n’avait jamais entendu parler.
Accompagnée de sa tante Veronika, de son compagnon Sebastian et d’un avocat un peu étrange, Eleanor se rend, angoissée, dans ce lieu inconnu. Le manoir dévoile peu à peu ses secrets et semble avoir été le témoin d’un passé terrible. Que cachait Vivianne ? Pourquoi n’avoir jamais mentionné l’existence de cette bâtisse ?
Beaucoup d’interrogations et si peu de temps, car le blizzard se lève et l’ombre des bois pénètre dans le domaine de Haut Soleil. Commence alors un huis clos pour le moins glaçant…

Date de parution 13/10/2023 / 21.90 € TTC / 416 pages / EAN 9782021515367

Le magasin des jouets cassés, Julien Rampin

Depuis toujours dans cet immeuble du XVe arrondissement de Paris les vies se croisent, s’évitent ou se rencontrent, les habitants se parlent ou s’ignorent.
Un immeuble assez banal en somme.

C’est là que s’installe Lola pour élever seule Léon, après la trahison de son mari et son divorce
Là que Martine épie tous ceux qui passent devant sa porte, et là aussi qu’elle consigne leurs moindres faits et gestes depuis plusieurs décennies dans le silence lugubre de son appartement.
Là que Paul Henry vit pour ses livres et dans ses souvenirs. Il partage chaque semaine l’amour de la littérature, mais vit pourtant en solitaire dans son grand appartement.

Chaque jour Martine ouvre un magasin qui n’attire plus personne où elle n’a plus rien à vendre depuis longtemps, comme si cela repoussait l’instant fatidique où tout doit s’arrêter.
Au fils des jours, au fil des pages, julien Ramplin ravive leurs souvenirs, les bons et les mauvais moments vécus ensemble ou seuls. Tissant une toile entre les différents personnages qui imperceptiblement se rapprochent, se dévoilent, se révèlent les uns aux autres.

C’est le deuxième roman, le troisième est déjà en librairie, de cet auteur que j’ai souvent rencontré dans le microcosme des blogueurs et je suis agréablement surprise par ma lecture. J’ai passé un bon moment avec tous ces personnages.

Alors bien sûr certaines scènes sont prévisibles, certaines blessures évidentes, certaines aspirations coulent de source, mais cela fait du bien aussi de verbaliser les évidences.
Il s’en dégage une jolie humanité, un soucis de dire la vie, l’amour, la solitude et le silence, l’attente et l’espoir, la déceptions et le chagrin, la singularité et l’empathie.

Catalogue éditeur : Le livre de Poche, Charleston

Paris, XVe arrondissement, un immeuble comme beaucoup d’autres, avec son ascenseur étroit, ses balcons minuscules et sa cour. Après son divorce, Lola a choisi cet endroit pour prendre un nouveau départ avec son fils de six ans, Léon. Ici vivent Martine, dont l’appartement en rez-de-chaussée lui permet d’assouvir sa curiosité en épiant les habitants, et aussi Paul-Henry, un vieux monsieur à l’éternel nœud papillon, qui partage sa passion pour la littérature avec ses voisins et ses abonnés sur les réseaux sociaux. En apprenant à les connaître, Lola fait malgré elle voler en éclats des décennies de secrets et de mensonges, qui pourraient bien changer sa propre vie…

264 pages / Date de parution: 29/03/2023 / EAN : 9782253244387 / 8,40€

La maison des solitudes, Constance Rivière

Construire une vie sur les silences et les secrets

Le jour où Anne, sa mère qui par ailleurs lui parle si peu, lui téléphone, c’est pour lui annoncer une très mauvaise nouvelle.
Sa mère vient d’être hospitalisée et c’est sans doute désespéré.
Elizabeth n’a alors qu’une obsession, se rendre au chevet de sa grand-mère à l’hôpital. Mais c’est la période dramatique où un certain virus a contaminé tout le pays, les malades et les morts doivent être isolés, aucune visite n’est possible.
Cependant, Elizabeth sait que seule sa voix et sa main dans la sienne pourrait garder grand-mère en vie, la retenir encore un peu auprès de sa petite-fille qui a tant besoin d’elle pour comprendre.

Comprendre quoi ? Les silences, la rupture, le manque d’amour, la fuite des parents à travers le monde, laissant Anne encore enfant au bon soin des autres, le retour à la maison familiale, le mur érigé entre une mère et sa fille pourtant toutes deux si semblables.
Comprendre pourquoi un jour elle a dû choisir, entre l’amour et les bras d’une mère et les vacances chez les grands-parents, braver les interdits et découvrir la chambre sous les toits, les cahiers et les crayons, les jouets et les livres, la vie qui s’est figée à tout jamais.

Seule dans les couloirs de l’hôpital elle attend.
Elle attend de pouvoir parler, comprendre, dire, entendre, pardonner, aimer, donner.

Étrange roman qui se lit avec impatience, le cœur lourd, le chagrin en filigrane et l’incompréhension tout au long de ces enfances amputées, de ces vies tronquées et trompées.

Une belle écriture, les mots et les silences sont posés, donnent le rythme de ces jours d’attente jusqu’au dernier, celui du pardon, des mots dits, des espoirs qui enfin se transforment en révélations. Transmission et secret de famille, déni et deuil, si les questions sont posées, certaines réponses seront enfin données.

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche

Une jeune femme veut rejoindre sa grand-mère, qui vit ses dernières heures à l’hôpital. Assise dans un couloir sans fin, elle remonte le fil de sa vie. Les souvenirs peuplent sa solitude : la maison familiale, les contes de l’enfance, le marronnier aux branches basses comme des caresses… Et les étreintes de sa grand-mère, qui rayonne comme un soleil. Pourtant une ombre recouvre le tableau. Sa mère a décidé de ne plus jamais franchir le seuil de la Maison, se réfugiant peu à peu dans le mutisme.
Aujourd’hui, les heures sont comptées, et la jeune femme ressent l’urgence de comprendre. Que s’est-il passé dans la Maison ? Un roman qui se lit d’une traite, portant la question de la transmission et de la réconciliation avec une fascinante maturité.

216 pages / Date de parution: 01/03/2023 / EAN : 9782253936725 Éditeur d’origine: Stock

L’homme peuplé, Franck Bouysse

Deux hommes, une atmosphère étrange, inspiration créatrice ou secrets de famille ?

Ce roman dont le personnage principal est un auteur qui tente de se ressourcer dans un lieu isolé devient très vite addictif. L’histoire reste cantonnée comme dans une pièce de théâtre à quelques rares personnages et une unité de lieu un village rural et son hameau en hiver.

Harry cherche sa respiration, le souffle très particulier de l’écriture. Après le succès d’un premier roman, il est en apnée et s’est épuisé à chercher en vain un sujet à la hauteur de ses ambitions. De guerre lasse, il s’enfuit et achète une ferme à l’écart de tout, surtout de son quotidien. Ce lieu hors du temps devrait lui fournir le calme nécessaire pour retrouver l’inspiration, l’envie d’écrire et de créer. Il rencontre peu de monde dans ce village isolé. Sofia, une bien jolie jeune femme qui tient l’épicerie dans laquelle se retrouvent bien peu de clients si ce n’est ce consommateur charmant et assidu, son visiteur du matin. Un maire qui parait accueillant mais au comportement étrange et suspicieux. Et surtout un voisin qu’il ne voit jamais mais qu’il devine.

Caleb est le fils de la sorcière, celle qui guérit, une taiseuse solitaire, mère abusive et exigeante. Il a les mêmes pouvoirs de guérisseur que sa mère. Ils vivent en symbiose avec la nature et les animaux. Incompris du commun des mortels, tous deux vivent à l’écart du village. Lorsque sa mère décède, Caleb continue en solitaire à soigner les bêtes et à vivre au plus près de la nature. Jusqu’au jour où la belle Emma croise la route de ce garçon beau comme un dieu et tombe amoureuse. Mais Caleb se méfie des femmes, celles par qui le malheur arrive, qu’il faut éviter à tout prix. Selon les règles que sa mère s’est échinée à lui inculquer depuis sa plus tendre enfance.

Étrangement, Harry entend ce voisin discret et solitaire, mais n’arrive ni à le croiser ni à l’apercevoir. Dans le même temps, il noue une relation de plus en plus proche avec Sofia, qui ne parle jamais de sa vie privée mais l’intrigue au plus haut point. Puis avec ce chien solitaire qui vient à sa rencontre, d’abord craintif, puis fidèle et attentif.

Ce que j’ai aimé ?

La façon dont Franck Bouysse tisse un écheveau fait de relations, de solitudes, de sentiments, qu’il alterne de chapitre en chapitre et nous dévoile peu à peu. Et justement, peu à peu le lecteur comprend toute la subtilité des relations entre les différents personnages, entre les saisons contradictoires, les champs qui passent de la neige épaisse et silencieuse aux prairies verdoyantes peuplées de fantômes et de souvenirs, de violence et de mots d’amour, de rencontres manquées et de passions inassouvies.

La puissance du climat souvent extrême. La neige, le froid, et le silence des univers glacés qui cachent une nature que l’on devine seulement, sont omniprésents dans le monde de Harry et de Sofia. La beauté des prairies d’été et cette nature aussi colorée que luxuriante abritent la violence et le silence dans le monde de Caleb et Emma.

La poésie des mots pour dire la vie et la mort, la beauté et le silence.

L’écriture est belle, masculine, bien balancée et efficace. Certes il y a aussi de trop fréquentes métaphores, parfois assez ésotériques, qui n’apportent rien et pourraient paraître parfois un brin prétentieuses si l’on ne connaissait pas l’auteur. Pourtant, j’ai apprécié la façon dont Franck Bouysse est capable de rendre floue la ligne entre une certaine réalité et la fiction. Il a su une fois de plus me séduire avec cette belle écriture qui dit la beauté et l’amour, le silence le chagrin, la violence et le deuil, la vie dans ce coin à la frontière de deux mondes, de deux temporalités. Même si j’ai été troublée par le côté surnaturel de certains passages qui me paraissaient inutiles et pas forcément bienvenus. Comme si l’auteur avait hésité entre plusieurs style pour écrire ce roman et décidé d’y mettre un peu de tout. A la fin, on hésite entre la frustration d’en connaître l’issue, son coté fantastique déroutant et l’envie d’en savoir plus. Mais là réside aussi le charme de l’écrivain, nous donner à lire ce qu’il propose, ces deux temporalités dans lesquelles il nous a plongés tout au long du roman.

La lecture par Philippe Allard est vibrante, posée, à l’image de ces deux hommes, l’un si beau et si sauvage dans son isolement choisi, l’autre si perdu et si solitaire dans sa recherche d’inspiration, leur rencontre est un beau moment de poésie au plus proche de la nature. Et la voix de la mère, scandée, forte, obsédante, à l’image de cette personnalité qui se dessine de page en page bien au delà de la mort, reste en mémoire longtemps.

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

Lu par Philippe Allard

Harry, romancier à la recherche d’un nouveau souffle, achète sur un coup de tête une ferme à l’écart d’un village perdu. C’est l’hiver. La neige et le silence recouvrent tout. Les conditions semblent idéales pour se remettre au travail. Mais Harry se sent vite épié, en proie à un malaise grandissant devant les événements étranges qui se produisent.
Serait-ce lié à son énigmatique voisin, Caleb, guérisseur et sourcier ? Quel secret cachent les habitants du village ? Quelle blessure porte la discrète Sofia qui tient l’épicerie ? Quel terrible poids fait peser la mère de Caleb sur son fils ? Entre sourcier et sorcier, il n’y a qu’une infime différence.

Parution : 14/09/2022 / Durée : 7h22 / EAN 9791035411527 Prix du format cd 23,90 € / EAN numérique 9791035411398 Prix du format numérique 21,45 € / Date de parution 14/09/2022

La nuit des pères, Gaëlle Josse

Retrouver le père pour guérir les cicatrices invisibles

Il s’est passé de nombreuses années depuis son départ du village de montagne où vivent son père et son frère. Pourtant aujourd’hui Isabelle y revient.

Le père est au plus mal, et Olivier ne peut plus assumer cette charge seul, il a besoin de sa sœur, même dans le silence, malgré les rancœurs et les secrets.

Isabelle a quitté le domicile familial au décès de sa mère. Comment rester auprès d’un homme qui n’a jamais montré d’amour ni même d’affection. Comment s’épanouir et vivre libre auprès de cet amoureux des grands espaces qui a fuit toute sa vie vers les sommets, préférant la nature au cocon familial. Et quand le père ne rêve que de l’élever vers les cieux, Isabelle préfère quant à elle les profondeurs et le silence des mers. Comment pourraient-ils alors se retrouver.

Dans un étrange huis-clos au cœur de la montagne, elle va égrener les souvenirs pour tenter de comprendre. L’attitude du père, sa froideur, ses silences, ses absences, ce manque d’amour qui détruit tout. Mais désormais la mémoire du père s’enfuit, il sera bientôt impossible de lui parler.

L’autrice fait parler chacun des personnages, Isabelle, Olivier, le père, pour tenter d’ouvrir les cœurs et les mémoires, d’éveiller les souvenirs, de comprendre les réticences. Pour évoquer une enfance dévastée, le besoin d’amour d’une enfant envers son père, le silence de la mère, les violences parfois silencieuses, insidieuses, comme la scène avec le chiot si difficile à supporter. Pour dire enfin ce qui a été tu toute une vie, et de se demander lors, et si cela avait été différent, qu’elles auraient été les vies de chacun dans cette famille. Échange, discussion, partage, résilience, pardon, tant de choses sont dites dans ce roman qui cependant en peu de pages semble porter toute une vie de silence et de regrets.

On retrouve une fois encore l’écriture de Gaëlle Josse à la fois humaine et pudique, ciselée et précise, au plus près des sentiments et des interrogations qui nous touchent tous plus ou moins un jour ou l’autre.

Catalogue éditeur : Noir sur Blanc

Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli.
Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer.
Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer.
Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.

Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.

Date de parution : 18/08/2022 / Prix : 16,00 € / 192 pages / ISBN : 978-2-88250-748-8

Tout doit disparaître, Laurent Maillard

Et si la vie était aussi dans les cimetières

Toussaint, n’est-ce pas un prénom prédestiné pour un gardien de cimetière ? Toussaint a la belle quarantaine d’un homme qui aime son village, sa terre, son cimetière. Car c’est le métier de ce Toussaint là, surveiller, préparer, nettoyer, parler aux morts et leur faire écouter la radio pour qu’ils ne s’ennuient pas trop dans leur si long sommeil.

Un jour arrive dans son cimetière de Charmont une vielle dame prénommée Marguerite. Inconnue au bataillon, et pourtant Marguerite est une enfant du pays, ce pays qu’elle a abandonné plus de soixante ans plus tôt. Peu à peu, Toussaint apprivoise la vieille dame et découvre qu’elle est la fille d’un couple d’armuriers décédés depuis bien longtemps. D’ailleurs leur chapelle mortuaire est quasiment en ruine. Marguerite sait que son heure va bientôt arriver et décide de restaurer la dite chapelle, après tout ce sera sa dernière demeure, autant la faire à son goût.

Le vieux garçon bourru et tendre et la vieille Marguerite solitaire s’apprivoisent peu à peu. Difficile de connaître le secret de la dame, mais les langues se délient, les souvenirs s’égrènent, le malheur est enfin dit, les mots sont posés sur les souffrances qui ont changé une vie. Enfin, quelques secrets gardent encore leur mystère.

Un joli roman d’amitié et d’amour, de vie paisible et calme, dans une France des années 60 plus paysanne que citadine. Si au départ j’ai eu la crainte de lire un fade remarque en plus court de Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin, j’ai rapidement pris plaisir à découvrir la vie de Toussaint et de Marguerite. L’humanité des personnages, leur humour, leur goût pour la vie et l’amitié qui se dessine entre eux à mesure des chapitres les rend particulièrement attachants. Décidément, je n’aurai sans doute plus la même vision des cimetières après cette nouvelle lecture.

Catalogue éditeur : Macha Publishing

Une histoire de cimetière, au cœur d’un village français, paradoxalement pleine de vie et de lumière… 
Toussaint, un quadragénaire solitaire, est le gardien de ce lieu. Il passe ses journées à parler aux absents, à veiller sur les tombes, radio allumée, pour tenir l’au-delà au courant de ce qui se déroule sur Terre. Mais voilà que surgit Marguerite, de retour dans son village après soixante ans d’absence. Elle cherche à retrouver un passé qu’elle a fui toute sa vie. Leur rencontre et l’amitié qui en découle constituent la colonne vertébrale de ce roman. 

Entre drames, rancœurs et petits secrets, Toussaint se voit contraint de sortir de sa réserve et de son cimetière si protecteur. 
Qui est Marguerite ? Et en quoi cela le concerne-t-il, lui ? 

Laurent Maillard est né en 1964 à Longwy, au cœur de la Lorraine sidérurgique. Il est aujourd’hui consultant en communication éditoriale. À travers les mots, et non le dessin, il se plaît à « croquer » les passants qu’il croise dans sa vie quotidienne, leur inventant, le temps d’un trajet en train, une vie de quelques lignes… Tout doit disparaître est son premier roman.

Paru le 22 mars 2022 / ISBN: 978-2-37437-406-2 / 220 pages

Le guerrier de porcelaine, Mathias Malzieu

Traverser la guerre à travers les yeux d’un enfant

Mainou vient de perdre sa mère, morte en couche alors que la famille attendait impatiemment une petite sœur. Drame de la vie qui ne devient plus du tout ordinaire quand on sait que cela se passe en zone libre, en août 1944, et que le père de Minou est engagé dans les combats. Impossible pour cet homme seul de s’occuper de son fils si jeune. Il décide donc de l’envoyer chez sa propre mère. Mais la grand-mère de Mainou habite en Lorraine, zone occupée par l’Allemagne depuis trente ans.

Débute alors pour le garçonnet un voyage clandestin hors du commun, puisqu’au lieu de fuir la zone occupée, il doit franchir incognito la ligne de démarcation pour aller se terrer en zone occupée.

Avec l’aide de son père, puis de complices, d’une cousine, de passeurs, il embarque dans le train puis sur une charrette, caché sous la paille, et arrive sans heurts à sa destination. Mais la vie à la ferme n’est pas vraiment amusante pour cet enfant qui, ne parlant pas allemand, et n’étant pas du coin, doit se cacher chaque jour. Impossible de courir, de jouer, de sortir, pendant une année entière.

Fort heureusement, il se passe malgré tout quelques aventures dans cette ferme isolée. Un cambrioleur du grenier, une voisine accorte à qui il faut apporter ses poèmes quotidiens, un oncle et une grand-mère pas si bourrus que ça, un vélo que l’on peut emprunter la nuit sans lumière, un œuf qui bientôt laissera sortir un cigogneau baptisé Marlène Dietrich, compagnon des jours de solitude, et surtout l’ombre de la meilleure amie de sa mère qui rode par là.

Ce roman, qui pourtant évoque une période difficile, est un véritable bonheur de lecture. Lors qu’il était hospitalisé et qu’il luttait pour rester en vie, Mathias Malzieu avait demandé à son père de lui raconter cet épisode pour le moins singulier de son enfance. Il a réussi par ses mots, son humanité, sa justesse, sa capacité à se mettre dans la tête d’un gamin, à nous faire rire, à nous émouvoir, nous étonner, nous bouleverser.

J’ai écouté la version audio après avoir lu le roman publié chez Albin-Michel. La voix de Mathias Malzieu est juste, attachante, posée, dansante, espiègle parfois. La musique qui rythme certains passages en allant crescendo donne une vitalité et une dynamique au texte. Une angoisse aussi, telle que devait la vivre cet enfant orphelin de mère, dont la père à également disparu, car du moins nul ne sait s’il reviendra un jour, perdu dans sa famille inconnue, adopté avec amour par les siens mais contraint au silence et aux questionnements sans réponse, au milieu de cette guerre atroce. C’est un bonheur à écouter, et pourtant il parle de chagrins, de guerre, de deuil, mais l’auteur sait faire émerger la lumière à travers le mots de Mainou qui chaque jour pose quelques lignes sur le papier, dans ces lettres qu’il écrit sans s’arrêter à la mère absente, à celle qui console, qui dorlote, qui aime et qui protège.

J’ai écouté la version audio avec mes petits-fils de sept et neuf ans, en faisant régulièrement des pauses pour expliquer certaines situations, ils ont adoré et avaient chaque fois hâte de reprendre la lecture.

Catalogue éditeur : Albin-Michel Audiolib

En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Émile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée.

Albin-Michel 12 janvier 2022 / Édition Brochée 19,90 € / 240 pages / EAN : 9782226470379

Audiolib Date de parution 16/02/2022 / Durée 4h35 / EAN 9791035408039 Prix du format cd

21,90 € / EAN numérique 9791035407896 Prix du format numérique 19,95 €

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, Maria Larrea

Une histoire de vie et d’amour, où tout est inventé, où tout est vrai

À Bilbao en 1943 naît Julian, hijo de puta au vrai sens de l’expression, mais hijo abandonné par cette mère qui l’a enfanté sans désir. C’est à l’orphelinat chez les jésuites qu’il va vivre désormais. En Galice naît Victoria, déposée à l’orphelinat d’un couvent de bonnes sœurs par Dolorès, cette mère qui ne veut pas de sa fille mais ne l’abandonne pas vraiment. Elle ne sera jamais adoptée et sera « récupérée » à dix ans par une mère ingrate et peu ou pas aimante. Les enfants peuvent travailler et faire vivre certains parents, c’est cette vie là qui est désormais dévolue à Victoria.

Un jour, le destin fait se rencontrer ces deux orphelins. Amoureux, ils se marient, quittent Bilbao et partent vivre à Paris.

Julian est concierge au théâtre de la Michodière. Passionné et excessif, l’alcool est son meilleur ami, même s’il rencontre et devient l’ami de tous ces grands noms qui fréquentent le théâtre.
Victoria ne sait ni lire ni écrire, on se demande bien qui aurait bien pu lui apprendre entre l’orphelinat et une mère aussi peu mère, aussi peu attentive et si peu aimante. Elle sera femme de ménage et secondera son mari concierge.

L’amour entre ces deux là est une réalité, mais il leur est si difficile d’avoir un enfant. Heureusement dans ces années 70 a Bilbao des gynécologues peuvent aider les femmes infertiles à avoir des enfants. Cela s’est pratiqué au bon temps du franquisme pour de bien mauvaises raisons, cela se pratique encore en ces années là pour d’aussi obscures raisons, l’appât du gain en particulier.

C’est dans ces conditions que naît Maria, mais elle ne le sait pas encore. La jeune femme a toujours senti une sorte de flou autour de sa naissance sans en comprendre la raison, la future naissance de son premier enfant et la rencontre avec une cartomancienne vont déclencher une quête de quatorze longues années pour découvrir d’où elle vient.

Une quête longue et éprouvante, non pas pour connaître ses parents biologiques, mais plutôt la genèse de sa vie, l’histoire avant la naissance, le pourquoi et le comment de ce qui a permis qu’elle vienne au monde.

Un roman incroyable, dans lequel comme disait Boris Vian, « tout est vrai puisque je l’ai écrit » . Mais ici, tout est romancé, et tout est vrai. Je ne veux pas vous en dire plus si ce n’est lisez-le !

La rencontre avec l’autrice à Manosque puis à la librairie Tonnet de Pau m’a donné un bel éclairage sur la genèse du roman, mais il n’est pas besoin de trop en savoir pour lire avec bonheur et intérêt ce magnifique premier roman.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Grasset

L’histoire commence en Espagne, par deux naissances et deux abandons. En juin 1943, une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon qu’elle confie aux jésuites. Un peu plus tard, en Galice, une femme accouche d’une fille et la laisse aux sœurs d’un couvent. Elle revient la chercher dix ans après. L’enfant est belle comme le diable, jamais elle ne l’aimera.
Le garçon, c’est Julian. La fille, Victoria. Ce sont le père et la mère de Maria, notre narratrice.
Dans la première partie du roman, celle-ci déroule en parallèle l’enfance de ses parents et la sienne. Dans un montage serré champ contre champ, elle fait défiler les scènes et les années : Victoria et ses dix frères et sœurs, l’équipe de foot du malheur  ; Julian fuyant l’orphelinat pour s’embarquer en mer. Puis leur rencontre, leur amour et leur départ vers la France. La galicienne y sera femme de ménage, le fils de pute, gardien du théâtre de la Michodière. Maria grandit là, parmi les acteurs, les décors, les armes à feu de son père, basque et révolutionnaire, buveur souvent violent, les silences de sa mère et les moqueries de ses amies. Mais la fille d’immigrés coude son destin. Elle devient réalisatrice, tombe amoureuse, fonde un foyer, s’extirpe de ses origines. Jusqu’à ce que le sort l’y ramène brutalement. A vingt-sept ans, une tarologue prétend qu’elle ne serait pas la fille de ses parents. Pour trouver la vérité, il lui faudra retourner à Bilbao, la ville où elle est née. C’est la seconde partie du livre, où se révèle le versant secret de la vie des protagonistes au fil de l’enquête de la narratrice.  

Pages : 224 / EAN : 9782246831969 prix : 20.00€ / EAN numérique: 9782246831976 prix :

14.99€ Parution : 17 Août 2022

Les survivants, Alex Schulman

Dans la fratrie dévastée, trois frères et un secret

Ils sont trois frères, Nils, Benjamin et Pierre, les fils meurtris de parents fort étranges. Aujourd’hui ils se retrouvent pour accomplir les dernières volontés de leur mère, répandre ses cendres au bord du lac de leur maison de vacances. Là où tout a commencé, là où tout s’est terminé.

Deux temporalités vont se succéder tout au long du roman. Le jour où les trois garçons devenus des hommes se retrouvent et se battent au bord du lac, avec en main l’urne qui contient les cendres de leur mère. Et à partir de ce moment là, un retour en arrière chronologique raconte le fil de cette journée heure par heure.

En alternance, les chapitres de l’enfance au bord du lac, les jeux des garçons, l’affection de Molly pour Benjamin, l’indifférence et la froideur des parents. Et le voyage depuis ce jour au bord du lac, jusqu’au temps présent, celui de la dernière et violente bagarre.

Dans leur jeunesse les garçons étaient unis, une préférence des parents pour l’aîné, celui qui réussissait ce qu’il entreprenait, a sans doute créé quelques tensions et des jalousies. Mais dans les efforts, les punitions, les découvertes ou les bêtises, la solidarité de la fratrie était bel et bien présente. Quel est cet événement du passé qui vingt ans plus tôt les a bouleversés à ce point, pourquoi une telle indifférence de leur mère, que faisait le père pour s’imposer, et comment ont ils vécu à la fois les années d’enfance, et l’obligation de rentrer un jour dans l’âge adulte sans le soutien de parents aimants, seulement parfois d’un père.

Quel roman étonnant. L’auteur a une capacité à nous faire entrer dans les tourments, les pensées, les émotions de l’enfance, de l’adolescence par ses mots, par ces scènes de la vie ordinaire sur lesquelles pèse une ambiance à la fois délétère et lourde. Pas ou peu d’amour, pas d’intérêt des parents pour ces garçons qui poussent comme ils peuvent au milieu de l’indifférence de parents alcooliques et indolents qui se suffisent à eux mêmes.

Bien sûr, la révélation qui arrive si tard éclaire d’un tout autre jour ces souvenirs de l’enfance meurtrie. Je n’ai eu qu’une envie, tout reprendre à zéro, en me demandant où étaient les indices, qu’est-ce que j’ai zappé, à quel moment ai-je décroché pour ne pas avoir compris avant. Une lecture qui m’avait laissé très septique dans les premiers chapitres, avant d’avoir réellement compris la structure de l’écriture, puis qui m’a happée et donné envie d’écouter sans m’arrêter ces tourments de l’enfance. Avec l’envie d’aider ces jeunes à devenir les hommes qu’ils sont ou devraient être aujourd’hui, sans savoir, sans avoir compris où se situait leur point de non-retour.

Lecture par Mathieu Buscatto. Sa voix s’adapte parfaitement au ton donné par l’auteur, aux souvenirs qui s’égrènent, à l’incompréhension, à la nostalgie de ce qui n’a jamais été et ne pourra plus jamais être.

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

Benjamin, Pierre et Nils sont venus accomplir les dernières volontés de leur mère : répandre ses cendres dans le lac qui borde leur maison d’enfance, non loin d’une épaisse forêt de sapins comme on en trouve en Suède. Là où, vingt ans auparavant, un drame a changé le cours de leur existence.

Traduit par Anne Karila
Lu par Mathieu Buscatto

EAN 9791035410186 Prix du format cd 22,90 € / EAN numérique 9791035410414 Prix du format numérique 20,95 € / Date de parution 06/07/2022