La maison squelette, Camille Patrice

Il n’y a pas une, mais douze maisons pour former ce squelette. Celui qui maintient les souvenirs bons ou mauvais pour en faire 35 ans de vie, et peut-être déjà un peu plus.
Ce squelette qui porte toute la peine de la mort du Grand-Singe son père, le souvenir de la grand-mère décédée elle aussi.
De chacune de ces maisons qui ont vu grandir le Bébé-singe avec ses peines et ses questions, l’incompréhension de la mauvaise-famille, le rejet de celle qui vient de là-bas et qui ressemble tant au père. De celle qui ne veut pas rentrer dans le rang et s’obstine à construire ces cabanes qui dérangent l’ordre établi, l’allée rectiligne des pommiers en fleurs.

Alors elle nous les présentent une à une telles qu’elles sont dans sa mémoire, bonheur, malheur, souvenirs, famille, décès, regrets, silences, rencontres. Tout y est posé pêle-mêle et laissé à notre regard de lecteur parfois un peu perdu.

L’utilisation de la troisième personne tout au long du roman est parfois gênante mais maintient bien la distance entre l’autrice et celle qui évolue à sa place dans la maison squelette.
Comme un double qui serait un autre soi, mais différent, celui qui a vécu, subi, souffert, aimé ou détesté, qui a espéré vibre autrement et pleuré le décès du père, le seul véritable homme et pilier de sa vie.

Un roman assez étrange que j’ai eu du mal à lire mais que je n’ai pourtant pas eu envie de lâcher pour autant. Une écriture singulière pour dire les sentiments tenus à distance, comme pour se protéger et moins souffrir, malgré l’afflux puissant des souvenirs et des regrets.

Enfin, aucun nom mais des surnoms pour désigner, pointer, marquer, éviter, dire sans dire puisque personne, tout comme aucun lieu, n’est mentionné vraiment. Ce qui rend parfois la lecture compliquée et alourdi le rythme, c’est forcément voulu mais à mon avis c’est dommage. Du coup, j’ai trouvé cela fastidieux à lire par moments. Et pour moi cela casse l’intensité du message qui est avant tout la douleur de perdre un être cher, ici le père. C’est malgré tout une lecture intéressante, un texte où l’autrice met à nu ses sentiments, et réussi à nous toucher par sa sincérité.

Catalogue éditeur : éditions Léo Scheer

« La Maison Squelette s’est construite sans plan ni architecte. Elle s’est érigée sur les bribes de mes deuils et de mes souvenirs, se plantant au milieu de mon paysage pour en prendre toute la place. Celle que les absents avaient laissée.
La Maison Squelette a accouché de toutes les autres. Toutes ces maisons dans lesquelles j’ai vécu, en les aimant souvent, les haïssant parfois.
Au milieu de tous ces lieux perdus, se tenait toujours mon père. Lui qui était devenu le fantôme de ma vie, je le convoquais à chacune de mes errances. Nos retrouvailles régulières, entre les quatre murs de mon esprit, m’ont appris à affronter sa mort.
En perdant mon père, je me suis un peu perdue, moi aussi. Me retrouver aura pris le temps d’achever ce livre. »

Camille Patrice est née en 1988 à Paris. Elle est assistante réalisateur pour le cinéma et la télévision. La Maison Squelette est son premier livre.

Parution le 6 septembre 2023 / 272 pages / 19 euros / EAN 9782756114439

Les guerres précieuses, Perrine Tripier

Quand vient le temps de revivre les guerres intimes du passé

Isadora n’a pas toujours été cette vielle dame qui se meurt dans un établissement pour personnes âgées. Toute sa vie s’est déroulée dans la Maison, cette de la famille, de l’enfance, de sa vie d’adulte, loin du monde loin des autres loin de la vie. Aujourd’hui, à l’aube de sa fin de vie, elle se souvient. Essentiellement de l’enfance, Petit Père, Petite Mère, Louisa Harriet Klaus, Bertie, tante Hilde ou grand-tante Babel, tous revivent à ses côtés, les absents et les morts, les vivants et les présents. La vie s’est chargée d’éloigner la fratrie après le décès des parents.

Mais Isadora fidèle à la Maison n’a jamais quitté la chambre aux lits jumeaux, jamais quitté le bois où elle seule distingue toujours les fantômes de leurs cabanes d’enfants dans les arbres, la pièce où Petite Mère peignait inlassablement ses bouquets de fleurs.

C’est toute cette vie, ces souvenirs qu’elle égrène aujourd’hui dans sa chambre solitaire entre deux visites d’infirmière ou d’aide soignante.

Avec une écriture ciselée, précise, juste, Perrine Tripier fait revivre la Maison oubliée, désormais vidée de ses habitants et de ses souvenirs. Il y a une application et un soucis de perfection dans cette écriture, une force de description qui rend les souvenirs plus précis que heureux.

Le temps qui passe prend ici toute son importance, la vie, l’enfance, le décès des parents, les frère et sœur qui quittent à leur tour la Maison, l’abandon des traditions familiales.

De tout cela ressort une fatalité, un besoin pour Isadora de maintenir le fil de ce qui n’est plus envers et contre tout et tous qui m’a fait ressentir une grande tristesse pour la vie manquée de cette femme. Je n’ai pas réussi à m’y attacher. À aucun moment. Malgré les deuils qu’elle a connu, la solitude qu’elle s’est imposée, elle qui s’est astreinte à faire vivre coûte que coûte la Maison familiale.

Je pensais que j’allais dévorer ce roman dont j’avais beaucoup entendu parler, mais en fait j’ai eu beaucoup de mal à le lire et le terminer.

Pourtant j’ai aimé la façon dont l’autrice s’est emparé des souvenirs pour faire revivre une maison, objet en apparence inanimé s’il en est, mais rendu vivant par ceux qui l’habitent. Et sur les dernières pages, Isadora m’a semblé un peu plus « aimable », elle que j’ai eu tant de mal à aimer justement.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2023

Un roman également finaliste du Prix Orange du Livre.

Catalogue éditeur : Gallimard

Hantée par un âge d’or familial, une femme décide de passer toute son existence dans la grande maison de son enfance, autrefois si pleine de joie. Pourtant, il faudra bien, un jour ou l’autre, affronter le monde extérieur. Avant de choisir définitivement l’apaisement, elle nous entraîne dans le dédale de sa mémoire en classant, comme une aquarelliste, ses souvenirs par saison. Que reste-t-il des printemps, des étés, des automnes et des hivers d’une vie ?

192 pages, / ISBN : 9782072961076 / 18,00 € / parution : 12-01-2023

Le magasin des jouets cassés, Julien Rampin

Depuis toujours dans cet immeuble du XVe arrondissement de Paris les vies se croisent, s’évitent ou se rencontrent, les habitants se parlent ou s’ignorent.
Un immeuble assez banal en somme.

C’est là que s’installe Lola pour élever seule Léon, après la trahison de son mari et son divorce
Là que Martine épie tous ceux qui passent devant sa porte, et là aussi qu’elle consigne leurs moindres faits et gestes depuis plusieurs décennies dans le silence lugubre de son appartement.
Là que Paul Henry vit pour ses livres et dans ses souvenirs. Il partage chaque semaine l’amour de la littérature, mais vit pourtant en solitaire dans son grand appartement.

Chaque jour Martine ouvre un magasin qui n’attire plus personne où elle n’a plus rien à vendre depuis longtemps, comme si cela repoussait l’instant fatidique où tout doit s’arrêter.
Au fils des jours, au fil des pages, julien Ramplin ravive leurs souvenirs, les bons et les mauvais moments vécus ensemble ou seuls. Tissant une toile entre les différents personnages qui imperceptiblement se rapprochent, se dévoilent, se révèlent les uns aux autres.

C’est le deuxième roman, le troisième est déjà en librairie, de cet auteur que j’ai souvent rencontré dans le microcosme des blogueurs et je suis agréablement surprise par ma lecture. J’ai passé un bon moment avec tous ces personnages.

Alors bien sûr certaines scènes sont prévisibles, certaines blessures évidentes, certaines aspirations coulent de source, mais cela fait du bien aussi de verbaliser les évidences.
Il s’en dégage une jolie humanité, un soucis de dire la vie, l’amour, la solitude et le silence, l’attente et l’espoir, la déceptions et le chagrin, la singularité et l’empathie.

Catalogue éditeur : Le livre de Poche, Charleston

Paris, XVe arrondissement, un immeuble comme beaucoup d’autres, avec son ascenseur étroit, ses balcons minuscules et sa cour. Après son divorce, Lola a choisi cet endroit pour prendre un nouveau départ avec son fils de six ans, Léon. Ici vivent Martine, dont l’appartement en rez-de-chaussée lui permet d’assouvir sa curiosité en épiant les habitants, et aussi Paul-Henry, un vieux monsieur à l’éternel nœud papillon, qui partage sa passion pour la littérature avec ses voisins et ses abonnés sur les réseaux sociaux. En apprenant à les connaître, Lola fait malgré elle voler en éclats des décennies de secrets et de mensonges, qui pourraient bien changer sa propre vie…

264 pages / Date de parution: 29/03/2023 / EAN : 9782253244387 / 8,40€

Là où murmure le vent, Cathy Galliègue

Ils se nomment Gabin, Solange, Clovis ou Riton, Adèle ou Lison, une fois que vous les aurez rencontrés vous ne les oublierez plus jamais

Pourtant, Gabin oublie lui. Au seuil de sa vieillesse, le majordome éternel célibataire est revenu dans son Jura natal. Il voulait se rapprocher de La Petite, celle qui a hanté ses nuits et ses jours, mais aujourd’hui, alors qu’elle est si proche, il oublie. La vie, les souvenirs, les moments heureux et les autres plus compliqués.

Solange est restée seule dans la maison d’enfance, celle de la mère douce et soumise à la violence du père. Celle du père, mauvais, violent, amer et sanguin. Celle du frère, Clovis, éternel célibataire comme elle et qui l’a abandonnée pour le voyage sans retour depuis un mois déjà.

Cette nuit, Solange a chuté et se retrouve au sol, dans le froid, simplement réchauffée par son fidèle chat. Une nuit de souvenirs et de rendez-vous manqués, une nuit d’amour et de rupture, de regrets et de sanglots, d’amertume et de chagrin de ce qui a été, ce qui aurait pu être.
Au petit matin, Gabin et sa mémoire qui flanche font la nique à cet alzeihmer qui le perturbe tant. Il décide de monter vers le lac, vers la combe, vers le Cul-de-sac, la ferme où se trouve La Petite, sa Solange. Parce que l’amour, quel que soit votre âge, est plus fort que tout.

Les souvenirs s’entrechoquent dans sa mémoire défaillante, mais l’amour fait émerger des fulgurances, réminiscences d’un passé heureux.

Et les voilà, chacun de son côté, au seuil de leur vie.
Une nuit sur le sol de sa maison pour elle…
Des heures au froid sur un cailloux au bord du lac pour lui…
Deux amoureux que le temps et la distance, les exigences d’un père, l’amour exclusif d’une mère, n’ont jamais véritablement éloignés.

Un roman que j’ai eu du mal à poser à 2h cette nuit. Mais dès ce matin j’ai eu envie de les suivre, triste de ces vies manquées, de cette mémoire qui s’enfuit, ce temps perdu, mais dans l’attente de quelque chose tant ces mots, ces pages, ces personnages sont attachants, émouvants, sensibles, fiers.

Catalogue éditeur : Presses de la Cité

Un jour d’hiver, le vieux Gabin, qui n’a plus toute sa tête, sait pourtant qu’il doit aller, loin du village, dans la combe qui a vu naître et a protégé le grand amour de sa vie. Il pense ardemment à elle, Solange, sa petite. Mais il n’imagine pas qu’après une mauvaise chute elle gît sur le sol froid de la ferme isolée qu’elle a toujours partagée avec son frère, récemment décédé, et dont les murs tremblent encore des cris du père et des drames familiaux ; son chat qui lui fait une maigre compagnie la réchauffe un peu ; elle attend, elle espère. De ces deux-là, le couple a été brisé, il y a si longtemps, mais ils n’ont jamais cessé de penser l’un à l’autre, de vivre l’un pour l’autre.
La danse de leurs souvenirs, au fond de leurs détresses jumelles, saura-t-elle les réunir, enfin ?
Un roman bouleversant sur l’intemporalité de l’amour et la nécessité de le vivre, au cœur des forêts du Haut-Jura.

20.00 € / EAN : 9782258202405 / pages : 240 / Date de parution : 13/04/2023

Wanted, Claire Delannoy

Fin de cavale d’une princesse jardinière, solitaire icône du terrorisme

Elle, Elsa, étudiante en médecine, s’est laissée embringuer par de jeunes utopistes vaguement révolutionnaires. Dans l’impatience de la jeunesse, bourrée de certitudes, elle a tout abandonné pour vivre avec eux, JR, K, Achille, jusqu’au jour où… Hold-up raté, mort, arrestation, cavale, sa vie n’a plus été qu’une fuite de chaque instant. Mais qui est-elle vraiment, une icône terroriste ou une jeune femme piégée ?

Lui, Anton, enquête pour la retrouver. C’est son métier et il touche enfin le but. Mais peut-être est-ce une sorte de fatalité qui l’amené là, auprès d’elle, celle qu’il recherche inlassablement, obstinément depuis tant d’années.

Assise sur le rocking-chair, chaque jour, elle l’attend. Et chaque fois elle se raconte, elle revit les amitiés parfois toxiques qui l’ont conduite à faire ce voyage. Une vie de cavale passée à se cacher dans différents pays, elle est vite devenue très douée pour le camouflage, mais surtout une vie affreusement solitaire.

Son travail d’introspection forcé lui permettra peut-être de faire la lumière sur un événement précis, celui qui a changé le cours de son existence à jamais.

Et si c’était enfin l’occasion de dire, de se libérer, d’avouer et de vivre plus sereinement le début du reste de sa vie.

Elle le sonde, d’où vient-il, pourquoi est-il là, comment et quand l’a-t-il retrouvée, jusqu’à ce que peu à peu, lui aussi se dévoile. N’est-il que ce sale type à la poursuite d’un gibier  ou au contraire quelqu’un de plus proche qu’il n’y paraît ? Car un lien invisible semble les relier, à elle de le trouver, à lui de le révéler.

Étonnant roman sur une rencontre improbable, celle de ces deux êtres que tout oppose et sépare, en apparence du moins. Sur le pourquoi ou le hasard des grands engagements, ceux de la jeunesse, ceux que l’on prend parfois sans en peser les conséquences. Sur les faiblesses, les manipulations, l’emprise, mais aussi les remords et les regrets.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Au fil d’un face à face subtil et sinueux, Elsa et Anton, deux êtres qu’apparemment tout oppose, vont se livrer à une exploration de leur passé, à commencer par celui d’Elsa, l’engagement révolutionnaire de sa jeunesse, sa cavale sous des identités diverses pour échapper à l’image qu’on lui a assignée. Revisitant les utopies des années 1968, sondant le travail du temps et la distance lucide qu’il instaure entre les événements et soi, Wanted est aussi une invitation au dépouillement et à la sérénité.

Claire Delannoy est éditrice et auteure de plusieurs romans, dont La guerre, l’Amérique (Goncourt du premier roman) et Méfiez-vous des femmes exceptionnelles. 

17,90 € / 01 février 2023 / 128 pages / EAN : 9782226480033

Le secret des parents, Nicolas Mathieu, Pierre-Henri Gomont

Connaissez vous le secret ? Savez vous ce que les parents pensent des enfants ?

Kleber le sait bien, car il a percé le secret des parents, ceux qui détestent les enfants, les grondent, les obligent à ranger leur chambre, à aller à l’école, et surtout surtout, ceux qui ont oublié depuis longtemps qu’un jour ils ont été eux aussi des enfants.

Heureusement, il y a mamie et ses délicieuses tartes à la mirabelle, qui console de tout, tout le temps. Et qui explique, raconte, et vous fabrique plein de souvenirs pour plus tard. Enfin, il y a aussi toutes les promesses que Kleber fait à l’adulte qu’il deviendra un jour.

Mais le temps passe, les années s’ajoutent aux années et le jour où Kleber est devenu adulte à son tour, c’est un père de famille occupé et stressé. Mais alors, aimera-t-il les enfants ou va-t-il les détester lui aussi ?

Si vous voulez le savoir, il faut lire ce joli livre écrit par Nicolas Mathieu et au graphisme tout en légèreté et bonne humeur réalisé par Pierre-Henri Gomont. Tellement de vérité et de conseils faciles à appliquer finalement dans cette BD à hauteur d’enfant à lire sans faute par les parents, pour ne jamais oublier !

Catalogue éditeur : Actes Sud Junior

Pourquoi les grandes personnes sont-elles si sévères avec les enfants ? Le petit Kleber ne cesse de s’interroger. Jusqu’à ce qu’un jour, sa grand-mère lui révèle un secret : si les adultes sont si grognons, c’est parce qu’eux-mêmes ont oublié qu’ils étaient autrefois des enfants. Alors, Kleber se jure que lui n’oubliera jamais. Mais le temps passe, et les étés se succèdent…

Nicolas Mathieu est né en 1978, à Épinal. Après des études d’histoire et de cinéma, il s’installe à Paris où il exerce une multitude de métiers (scénariste, stagiaire dans l’audiovisuel, rédacteur dans une société de reporting, professeur à domicile, contractuel à la Mairie de Paris…).
En 2014, il publie son premier roman, Aux animaux la guerre, dans la collection Actes noirs, et reçoit le prix Erckmann-Chatrian, le prix Transfuge du meilleur espoir Polar et le prix Mystère de la critique.  Il participe à l’adaptation du roman qui devient une série diffusée sur France 3, avec Roschdy Zem dans le rôle principal.
Son deuxième roman, Leurs enfants après eux, parait en 2018. Salué par une critique enthousiaste, il est récompensé par le prix Blù Jean-Marc Roberts, la Feuille d’or de Nancy, le prix des Médias France Bleu-France 3-L’Est Républicain, le prix du deuxième roman Alain Spiess-Le Central et le prix Goncourt. Son troisième roman Connemara est sorti en janvier 2022.

Né en 1978, Pierre-Henry Gomont a exercé différentes professions, dont celle de sociologue, avant de devenir auteur de bandes dessinées. En 2010, il fait ses premiers pas dans le 9e art et participe à l’album collectif 13m28 (Manolosanctis). En 2011, il signe son premier album, Kirkenes (Les Enfants rouges), scénarisé par Jonathan Châtel. Au cours de la même année, il écrit et dessine Catalyse (Manolosanctis). Début 2012, il publie Crématorium (Kstr), écrit par Éric Borg. Il enchaîne ensuite les titres : Rouge karma (Sarbacane, 2014), avec Eddy Simon, et, en solo, Les Nuits de Saturne (Sarbacane, 2015) et Pereira prétend (Sarbacane, 2016). Pour cet album, adapté du roman d’Antonio Tabucchi, il reçoit le Grand Prix RTL de la bande dessinée ainsi que le prix de la bande dessinée historique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois.
Chez Dargaud, il est l’auteur de Malaterre et La fuite du cerveau.
En 2020, il fait son entrée au catalogue d’Actes Sud junior avec l’album La Grande École qu’il signe avec Nicolas Mathieu. Et en 2021, Le secret des parents. Il vit et travaille à Bruxelles.

novembre 2021 / 24.00 x 32.00 cm / 32 pages / ISBN 978-2-330-15521-6 / prix : 16,50 €

Jour bleu, Aurélia Ringard

Un roman de départ et d’attente, un roman d’amour et d’espoir

Assise au restaurant Le Tain Bleu gare de Lyon, elle attend. Elle attend un homme qu’elle n’a vu qu’une fois, et n’a pas revu depuis trois mois. Sera-t-il là ? Lui est artiste peintre, rencontré lors d’un vernissage. Elle est médecin mais veut changer de vie.

Elle est toute entière portée par cette attente. Elle est venue quelques heures en avance, sereine mais impatiente. Ici, tout lui rappelle l’enfance et l’adolescence, les souvenirs de départ et d’arrivée, d’un père et d’une mère divorcés que frère et sœur allaient retrouver le temps d’un week-end ou pour les vacances. Elle est jeune et pourtant c’est sa vie qui défile au contact de cette multitude qui se croise, s’évite, se quitte, se retrouve, s’embrasse ou pleure, se bagarre ou s’enlace, ces vies multiples que l’on rencontre sans les voir dans toutes les gares du monde.

Bien sûr, il y a aussi le serveur séduit, le numéro de téléphone griffonné sur l’addition, les regards, mais aussi les voyageurs assis près d’elle, leurs instants de vie qu’elle partage sans y être invitée. Bien sûr les déchirures, les exaspérations, les élans, les départs, définitifs, la solitude, les quais de gare, les regards, les pleurs, les rires, les chagrins.

Elle attend et elle sait déjà que sa vie est à une charnière, qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que demain sera autre, différent, inconnu mais comme elle le souhaite, à deux sans doute, heureux peut-être. Ce retour vers l’enfance, vers les rêves qui ne se sont pas réalisés et tous ceux qui pourraient être, vers la vie passée, est aussi un nouveau départ vers l’inconnu, vers celui qui doit arriver, celui qui sera là et qu’elle espère.

Le roman alterne les chapitres, tantôt à la première personne lorsqu’il revient au temps de l’attente, au temps présent, tantôt à la troisième personne, comme pour donner une distance à la rencontre, au passé, aux souvenirs, même si à chaque fois c’est de cette jeune femme qu’il nous parle. Une lecture agréable, et un personnage attachant. Et avouons-le, qui n’a pas essayé un jour dans une gare d’inventer les vies de ces hommes et de ces femmes qui passent, se croisent, se quittent, s’aiment.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Frison-Roche Belles Lettres

Une femme a rendez-vous avec un homme en gare de Lyon. Du moins, c’est ce qu’elle croit. Cela fait trois mois qu’ils se sont rencontrés. Trois mois au cours desquels ils ne se sont pas vus. Elle a décidé de venir très en avance, de prendre ce temps de l’attente, assise au café. Le hall de la gare revêt l’allure d’une salle de spectacle, d’une pièce de théâtre où chaque personnage qu’elle croise la renvoie à ses propres souvenirs, aux moments clefs de la trajectoire qui l’a menée jusqu’ici et qui a façonné le décor de sa vie. Dans ce premier roman, Aurélia Ringard décrit avec minutie une poignée d’heures de la vie d’une femme, dans un huis clos magistral, époustouflant de maîtrise et de mélancolie.

Née en Bretagne, à Guingamp, Aurélia Ringard a d’abord vécu à Washington, aux États-Unis, et à Paris avant de s’installer à Nantes. Diplômée en pharmacie, elle se consacre aujourd’hui à sa passion pour les mots et la littérature. Elle anime des ateliers d’écriture et participe à l’organisation d’événements pour la promotion de la lecture. Suite à sa participation à un concours organisé par l’école d’écriture Les Mots, ce texte reçoit le coup de cœur du jury. Aurélia signe ici son premier roman.

Collection : Ex Nihilo / parution : 01/06/2021 / pages : 164 / EAN : 9782492536106 / Prix : 17.00 €

Une araignée dans le rétroviseur, Patricia Bouchet

Un premier roman qui parle à nos sens, tout en images et en émotions

C’est le livre des émotions, des sensations, des odeurs, des saveurs, des couleurs
Le roman des souvenirs, des impressions, de la douleur, de l’oubli, des chagrins.
Du chemin parcouru et de celui qui s’ouvre enfin, serein et libre, après la révélation, celle des souvenirs enfouis au plus profond, si loin et qui pourtant laissent des traces dévastatrices.

La narratrice fait le chemin à l’envers. Elle retourne vers la maison de son enfance.
La maison où elle passait ses étés.
Celle des grands-parents, des vacances au soleil sous la tonnelle quand on reste sous l’œil bienveillant des anciens.
Celle des souvenirs heureux, joyeux ou tristes, qui surgissent au détour d’un meuble, d’une porte, d’un tiroir empli d’objets anciens presque oubliés. Souvenirs
Celle des saveurs partagées, douces ou amères.
Celle enfin de la main qui se pose, du geste qui ne doit pas être, du mal-être qui s’installe. Du silence et de l’oubli.
C’est le livre des souvenirs que l’on a enfouis pour être capable de poursuivre sa route, mais qu’il faut déterrer pour avancer droit, pour être entière, debout, enfin.

L’écriture est travaillée, précise, photographique par moments, remplie d’odeurs et de senteurs que le lecteur peut découvrir en même temps que la narratrice. De belles images, un paysage, une maison dans laquelle on pénètre à sa suite, sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger et laisser faire ce qui doit être, ce qui doit s’accomplir et qui peu à peu se dessine.

Patricia Bouchet signe là un joli premier roman qui donne envie de lire les prochains.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue édition : Parole

Cachée au cœur d’un parc luxuriant, volets et portes encore closes, une maison blanche. Celle de l’enfance où le temps compte si peu. Une jeune femme, déterminée, revient sur ses pas et se souvient. Elle s’abandonne aux fantômes bienveillants, aux parfums retrouvés, aux évocations qui émanent de chaque recoin et surtout, elle affronte les peurs enfermées, les images verrouillées et brise le carcan de l’oubli. Elle trouvera des alliés précieux, des sentiers colorés, un nid dans la tonnelle et puis le pont, pour passer d’une rive à l’autre, sans oublier.

Originaire de la région parisienne, Patricia Bouchet vit actuellement dans le sud de la France. Elle poursuit un travail d’écriture et d’images photographiques qui a donné lieu à plusieurs expositions. Grande lectrice de littérature, elle anime aussi des ateliers d’écriture auprès de publics adultes. Une araignée dans le rétroviseur est son premier roman.

9,00 € / 64 pages / parution mars 2022

Un jour ce sera vide, Hugo Lindenberg

Les souvenirs doux-amers d’un gamin en mal de repères

C’est un jeune garçon en manque d’amour, de repères, de reconnaissance que l’auteur nous fait rencontrer le temps d’un été. Chaque année il qui passe ses vacances avec sa grand-mère en Normandie. Mais il faut avouer qu’il est un peu honteux de cette grand-mère au fort accent polonais et de cette tante en apparence un peu dérangée. Lui rêve d’appartenir à ces familles qu’il observe sans répit sur la plage.

Jusqu’au jour où il fait la rencontre de Baptiste. Un garçon du même âge que lui mais qui semble évoluer dans ce qu’il imagine être la famille modèle par excellence. Un père et une mère, une sœur, une belle maison dans laquelle le narrateur sera bientôt invité. Une complicité va naître entre les deux garçons, mais la fascination exercée par Baptiste, l’isolement du narrateur en mal d’amour et d’amitié ne seront sans douta pas suffisant pour faire tomber les barrières de classe. C’est pourtant au fil de ces jours et de ces rencontres qu’il va forger peu à peu ses sentiments d’homme en devenir.

C’est un roman tout en mélancolie qui évoque l’enfance et les rêves enfouis, la vie dont on rêve et celle que l’on croit avoir, les souvenirs et les chagrins, les projets qui n’aboutiront peut être jamais.
Sur fond de souvenirs de guerre et de ces drames qu’à connu la famille au moment de la Shoa. Ces souvenirs et ces secrets occultés par les femmes de sa famille, et qui le perturbent sans qu’il le sache, car il n’est pas pire sentiment que celui de ne pas savoir, ne pas comprendre.

Je n’ai pas vraiment apprécié la lecture faite par Clément Hervieu-Leger, une voix un peu trop maniérée à mon goût et qui cataloguait trop le narrateur sans laisser au lecteur la possibilité de se faire une idée sur sa personnalité.
Du coup je suis un peu passée à côté, même si j’ai apprécié la délicatesse et la façon dont l’auteur parle de cette période difficile de l’enfance, de ce moment où l’on cherche sa place et où l’on a souvent besoin de modèles, de repères, pour se construire et avancer.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2022

Catalogue éditeur : Christian Bourgois et Le Livre de Poche

C’est un été en Normandie. Le narrateur est encore dans cet état de l’enfance où tout se vit intensément, où l’on ne sait pas très bien qui l’on est ni où commence son corps, où une invasion de fourmis équivaut à la déclaration d’une guerre qu’il faudra mener de toutes ses forces. Un jour, il rencontre un autre garçon sur la plage, Baptiste. Se noue entre eux une amitié d’autant plus forte qu’elle se fonde sur un déséquilibre : la famille de Baptiste est l’image d’un bonheur que le narrateur cherche partout, mais qui se refuse à lui.
Écrit dans une langue ciselée et très sensible, Un jour ce sera vide est un roman fait de silences et de scènes lumineuses qu’on quitte avec la mélancolie des fins de vacances. L’auteur y explore les méandres des sentiments et le poids des traumatismes de l’Histoire.

ISBN : 9782267032673 / Date de parution : 20/08/2020 / 176 pages / Prix : 16,50 € / paru au Livre de Poche 26/01/2022

Aulus, Zoé Cosson

Une incursion nostalgique dans les Pyrénées de la belle époque

Aulus-les-Bains est situé dans le massif des Pyrénées ariégeoises, plus exactement dans le Haut Couserans. L’Espagne se trouve à peine à cinq heures de marche. Si l’activité thermale est connue dans cette région depuis l’époque romaine, elle a pourtant été longtemps seulement un lieu d’exploitation des mines de plomb, au XVIe, au XVIIIe et jusqu’après la seconde guerre mondiale. Pourtant c’est bien au XIXe siècle que l’exploitation des eaux l’emporte sur celle des mines. À partir de 1822, 1845 les cures sont déjà surveillées médicalement. Et les buvettes, l’établissement thermal et les nombreux hôtels font désormais la renommée de la station.

C’est dans ce contexte de fin de règne que le père de la narratrice décide d’acheter un vieil hôtel qui a connu ses heures de gloires à la belle époque. Abandonné de tous, mais pas de ce père original qui tente aille que vaille de restaurer quelques pièces de cette vaste bâtisse qui tombe en décrépitude.

Au cours de ses vacances dans la région, la narratrice qui n’est autre que sa fille va observer non pas simplement la nature, mais bien la nature humaine et les quelques spécimens qui constituent la population permanente du village. Au cours de nombreuses marches dans les sentiers de randonnée du coin, ou aux abords des maisons du village, elle fait des rencontres, apprend à connaître l’autre, celui qui n’a jamais quitté son coin perdu de montagne et qui vit bienheureux là-haut, celui qui aime raconter la nature, les aventures, les anciens, la vie en apparence si simple mais pourtant si complexe pour ceux qui doivent faire avec. Ce sont des chemins, de cascades, des couleurs et des saisons, des feuilles qui bruissent aux arbres et des étendues de neige où rien ne bruisse. Ce sont des rencontres, des disputes, des souvenirs, des attentes ou des espoirs. C’est le père qui tente de faire revivre son hôtel délabré et vide, qui le peuple d’objets à défaut d’humains, qui partage, donne, échange avec les autres, chaque jours, par habitude, par soucis d’intégration, par plaisir finalement.

Si la vie y est souvent difficile, la chaleur des échanges, la beauté de la nature, donnent sa véritable dimension humaine au village et à l’aventure vécue par l’autrice. Le roman est court, l’écriture ciselée, sans un mot de trop, construit autour de quelques cartes postales anciennes, d’instantanés de vies, qui donnent corps et présence à tous ces absents qu’elle n’a pas oubliés. J’ai aimé ces portraits, ces traits de caractère, ces anecdotes qui font revivre avec humour, nostalgie et tendresse les années d’enfance. Mais aussi la façon dont la narratrice narre cette relation entre un père fantasque et malade et une adolescente pas toujours d’accord. Une jeune fille qui vit au plus près de ses émotions et fait preuve d’une capacité d’émerveillement face à l’autre, quel qu’il soit. C’est un roman atmosphère, de vivants, bien plus que de souvenirs enfuis. Alors qui sait si, en passant du côté des Pyrénées ariégeoises, vous n’aurez pas envie vous aussi de continuer votre route pour découvrir Aulus.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

Aulus est une station thermale des Pyrénées construite à la Belle Époque, qui ne compte plus, aujourd’hui, qu’une centaine d’habitants. Depuis son enfance, la narratrice y vient chaque année. Elle réside dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères, point de départ de ses randonnées.
Dans le village et sur les chemins, la narratrice écoute, regarde et recueille habitudes et histoires des Aulusiens : la météo, l’ours, la centrale plantée sur une rivière, les élections… Elle en fait un récit, celui d’un écosystème fragile, où hommes et nature cohabitent comme ils peuvent. Où une ancienne mine pollue dangereusement la montagne. Où tout menace de se défaire, malgré la force millénaire de la roche omniprésente. Un récit actuel, métaphore de notre époque, en perpétuelle rupture d’équilibre.

Parution : 07-10-2021 / 112 pages / ISBN : 9782072958397 / 12,90 €