Explorer les souvenirs à travers les lieux de vie
Il n’y a pas une, mais douze maisons pour former ce squelette. Celui qui maintient les souvenirs bons ou mauvais pour en faire 35 ans de vie, et peut-être déjà un peu plus.
Ce squelette qui porte toute la peine de la mort du Grand-Singe son père, le souvenir de la grand-mère décédée elle aussi.
De chacune de ces maisons qui ont vu grandir le Bébé-singe avec ses peines et ses questions, l’incompréhension de la mauvaise-famille, le rejet de celle qui vient de là-bas et qui ressemble tant au père. De celle qui ne veut pas rentrer dans le rang et s’obstine à construire ces cabanes qui dérangent l’ordre établi, l’allée rectiligne des pommiers en fleurs.
Alors elle nous les présentent une à une telles qu’elles sont dans sa mémoire, bonheur, malheur, souvenirs, famille, décès, regrets, silences, rencontres. Tout y est posé pêle-mêle et laissé à notre regard de lecteur parfois un peu perdu.
L’utilisation de la troisième personne tout au long du roman est parfois gênante mais maintient bien la distance entre l’autrice et celle qui évolue à sa place dans la maison squelette.
Comme un double qui serait un autre soi, mais différent, celui qui a vécu, subi, souffert, aimé ou détesté, qui a espéré vibre autrement et pleuré le décès du père, le seul véritable homme et pilier de sa vie.
Un roman assez étrange que j’ai eu du mal à lire mais que je n’ai pourtant pas eu envie de lâcher pour autant. Une écriture singulière pour dire les sentiments tenus à distance, comme pour se protéger et moins souffrir, malgré l’afflux puissant des souvenirs et des regrets.
Enfin, aucun nom mais des surnoms pour désigner, pointer, marquer, éviter, dire sans dire puisque personne, tout comme aucun lieu, n’est mentionné vraiment. Ce qui rend parfois la lecture compliquée et alourdi le rythme, c’est forcément voulu mais à mon avis c’est dommage. Du coup, j’ai trouvé cela fastidieux à lire par moments. Et pour moi cela casse l’intensité du message qui est avant tout la douleur de perdre un être cher, ici le père. C’est malgré tout une lecture intéressante, un texte où l’autrice met à nu ses sentiments, et réussi à nous toucher par sa sincérité.
Catalogue éditeur : éditions Léo Scheer
« La Maison Squelette s’est construite sans plan ni architecte. Elle s’est érigée sur les bribes de mes deuils et de mes souvenirs, se plantant au milieu de mon paysage pour en prendre toute la place. Celle que les absents avaient laissée.
La Maison Squelette a accouché de toutes les autres. Toutes ces maisons dans lesquelles j’ai vécu, en les aimant souvent, les haïssant parfois.
Au milieu de tous ces lieux perdus, se tenait toujours mon père. Lui qui était devenu le fantôme de ma vie, je le convoquais à chacune de mes errances. Nos retrouvailles régulières, entre les quatre murs de mon esprit, m’ont appris à affronter sa mort.
En perdant mon père, je me suis un peu perdue, moi aussi. Me retrouver aura pris le temps d’achever ce livre. »
Camille Patrice est née en 1988 à Paris. Elle est assistante réalisateur pour le cinéma et la télévision. La Maison Squelette est son premier livre.
Parution le 6 septembre 2023 / 272 pages / 19 euros / EAN 9782756114439