Le cas Victor Sommer, Vincent Delareux

Journal d’une émancipation inquiétante

Victor Sommer a trente-trois ans, l’age du christ. Sa mère a soixante-six ans. C’est son seul univers, sa vie, son horizon. Après lui avoir permis de faire des études, cette femme a réussi le prodige, enfin, plutôt le maléfice de soumettre son fils à sa seule volonté. C’est l’archétype de la mère possessive, exigeante, autoritaire, elle exige sa présence au quotidien, heure par heure, avec elle, et en échange lui offre le gîte, le couvert, et des émoluments qui suffisent à combler ce semblant de vie qu’elle lui autorise.

Elle prend soin de son fils qu’elle couve, embrasse, enlace, au delà du raisonnable. Elle lui a même trouvé un psy chez qui il peut aller exposer ses états d’âme une fois par semaine. Mais en dehors du psy et du marchand de journaux chez qui il va docilement chaque matin acheter le journal pour sa mère, sa vie est solitaire et soumise.

Une seule fois, lors d’un anniversaire, elle lui a montré une vieille photo de celui qui devait être son père. Mais n’a jamais plus évoqué ce géniteur totalement inconnu du fils.

À chacun de ses anniversaires elle ne souhaite qu’un seul et unique cadeau, une photo encadrée de son fils, qu’ils accrochent quasi religieusement au mur de la chambre maternelle. Et aujourd’hui, ce dernier anniversaire ne fait pas exception à cette règle immuable.

Pourtant c’est précisément ce jour là que Victor montre des velléités de vouloir travailler à l’extérieur, de voir le monde, de s’émanciper de cette mère trop possessive, de rencontrer une femme. Et Vincent ose braver l’interdit. Dès lors, le monde de sa mère s’écroule et celle-ci disparaît.

Punition, disparition inquiétante, le lecteur va devoir attendre et pour comprendre, tenter de soulever le voile de quelques scènes pour le moins étranges. Mais Victor souffre de cette incertitude, de cette solitude, de cette incompréhension. Victor, ce jeune homme ni vraiment sympathique ni tout à fait antipathique. Victor et ses inquiétudes, sa solitude, ses velléités de vivre enfin, mais sa peur de décevoir cette mère aussi possessive que castratrice.

Je me suis laissée embarquer dans ce roman à côtoyer un Victor aussi étrange que paumé, au caractère particulier ni vraiment attachant, ni vraiment détestable que l’on a envie de sauver de cette prison affective. Puis à comprendre sans vouloir le découvrir trop vite ce qu’il a bien pu se passer tout en ayant envie de voir où cette relation toxique entre une mère et son fils pouvait les mener. J’ai aimé l’écriture et le style de Vincent Delareux, et cette façon singulière d’envisager le désir d’enfant, le besoin et sa signification pour une mère ou un individu quel qu’il soit. Pourquoi fait-on des enfants, pour eux ou pour soi ?

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : L’Archipel

À 33 ans, Victor Sommer mène une vie monotone qui lui pèse. Secrètement, il aspire à devenir quelqu’un. Une ambition entravée par sa mère, infirme autoritaire et possessive qui l’empêche de prendre son envol.
Le jour où celle-ci disparaît de façon mystérieuse, Victor est confronté à un monde qu’il n’a jamais appris à connaître…

Après des études littéraires à Paris, Vincent Delareux s’installe en Normandie et commence à écrire. À 25 ans, il signe Le Cas Victor Sommer, premier roman d’une série où les tourments de l’âme côtoient les secrets de famille.

EAN : 9782809844177 / Nombre de pages : 208 / 18.00 € / Date de parution : 25/05/2022

4 réflexions sur “Le cas Victor Sommer, Vincent Delareux

  1. Sandrine août 28, 2022 / 20:17

    Les relations mère-fils font d’excellentes histoires pour qui sait écrire, et celle-ci me semble forte et mystérieuse à la fois.

    Aimé par 1 personne

    • Domi août 28, 2022 / 21:44

      pas toujours facile de se renouveler mais l’auteur a su trouver !

      J’aime

Laisser un commentaire