Les Sources, Marie-Hélène Lafon

Un retour aux Sources et la puissance d’une écriture à l’os pour évoquer les violences et les non-dits

Elle vit à la ferme, et avec l’homme depuis dix ans. Dix années de mariage, de douleurs, de silence, de honte sans partage. Trois enfants, deux filles et un fils, qu’elle aime et élève du mieux qu’elle peut.
Vingt-six mois de service au Maroc, de courriers échangés, puis le mariage. Mais il l’avait bien dit le père, je ne le sens pas ton fiancé. Au fils des années, tant de mots dits et autant de mots tus, car à qui dire, avec qui partager la honte des roustes, des coups, des bleus, des insultes du mari.
Pourtant elle est propriétaire de la moitié de la ferme, descend en voiture au village pour aller à la messe avec ses trois enfants, c’est important de montrer ses forces, ses richesses, sa puissance aux autres, ceux du village qui la connaissent et dont elle sait qu’ils racontent ce qu’ils ont vu.

Et les années passent, dix ans déjà, de souffrance de douleur de silence jusqu’au jour où, plus envie de revenir à la ferme, juste envie de tout quitter.
Quotidien ordinaire d’une paysannerie aisée de province, où la vie n’est pas toujours facile mais où les apparences sont sauves. Jusqu’au moment où tout doit changer.

Trois parties de longueurs inégales dans ce roman, la mère, l’homme, la fille aînée. Trois époques, 1967, 1970, 2021. Trois moments importants dans une vie de femme, mariage, divorce, et après.

Une fois de plus Marie Hélène Lafon a les mots simples pour tout dire, l’amour, la souffrance le silence l’abandon la révolte l’incompréhension la famille la solitude la douleur la vie. Impossible de lâcher ce roman avant la fin, et aussitôt l’envie de tout reprendre à zéro tant les mots sont pesés, travaillés posés précis comme ils le sont roman après roman.
Les mots pour dire la vie en province dans les années 60 la famille les violences silencieuses qui détruisent aussi sûrement que les coups, et les violences physiques aussi, isolées dans le silence dévastateur du qu’en dira-t-on et de l’honneur.
J’ai aimé suivre cette femme qui subit, s’interroge accepte et un jour se révolte pour sauver à la fois sa vie et celle de ses enfants. Une vie de femme qui a hélas toute sa place en 2023.

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l’érable, mais elle n’entre pas dans la maison. Elle n’y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l’après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c’est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu’elle a de la chance avec la lumière d’octobre, la cour de la maison, l’érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu’à elle dans l’air chaud et bleu. Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.

Les Sources est le nouvel opus de Marie-Hélène Lafon après Histoire du fils, prix Renaudot 2020.

Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel.

Date de parution : 05/01/2023 / 16,50 € / 128pages / ISBN : 978-2-283-03660-0

3 réflexions sur “Les Sources, Marie-Hélène Lafon

    • Domi janvier 14, 2023 / 09:44

      Elle a vraiment l’art de dire sans dire, tout est dit avec finesse et si juste. Je l’apprécie de roman en roman

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