Trois chemins vers la mer, Brit Bildoen

Un roman aussi émouvant qu’inoubliable

Les chapitres alternent trois récit, l’état, le corps, l’exil. Trois femmes entrent en scène tour à tour.
Une femme marche vers la mer ;
Une femme attend le courrier de l’administration qui va briser sa vie ;
Une femme tente de comprendre son ennemi.

Une femme est en exil sur cette partie de terre qui abrite un observatoire ornithologique. Chaque jour elle promène son chien, la vieille Isa qui lui tient compagnie. Car elle qui refuse toute autre relation, toute amitié, toute interaction avec les humains de son entourage. Les seuls qu’elle accepte sont ses collègues de l’observatoire. Dans le silence et la solitude de son intérieur, elle traduit un roman de Dany Laferrière. Elle se laisse bercer par les mots, elle a le goût de la précision, de la sonorité qui doit lui correspondre dans sa propre langue. Mais qui est vraiment cette femme secrète, solitaire, taiseuse.

Un femme marche, elle traîne une valise avec un chat dedans. Qui est-elle, et pourquoi va-t-elle si souvent dans la maison de celui qu’elle nomme l’état ? Quelle relation délétère et secrète entre cet homme et cette femme ? Que cherche-telle à démonter, jour après jour, nuit après nuit ?

Une femme attend depuis quatre ans le bonheur de pouvoir adopter un bébé. Fausse couche après fausse couche, tout espoir d’être un jour mère s’est envolé, son corps lui refuse le bonheur qui devrait être dû à chaque femme qui le souhaite. Avec son époux, ils sont en liste d’attente pour adopter un enfant chinois. Mais les années passent, le gouvernement doit renouveler leur agrément. Ils ne sont plus très loin sur la liste d’attente, sur le chemin de l’espoir, plus que quelques mois sans doute et ils auront enfin le bonheur de tenir un bébé dans leurs bras. Pourtant l’administration et les règlements en ont décidé autrement. S’engage alors pour le couple de quinquagénaires un long combat pour tenter de faire valoir ses droits.

Ces trois femmes ont un chemin de vie difficile, portées par un seul désir, celui d’être mère, et par une seule incompréhension face à l’inadmissible réponse de l’administration. Car dans ces trois récits, l’état, le corps, l’exil , il y a surtout l’espoir de devenir mère, la révolte face à l’administration, enfin l’apaisement et l’envie de vivre enfin.

Brit Bildøen ose mettre des mots sur la douleur extrême, sur l’incompréhension, sur la folie et le chagrin qui détruisent inexorablement les rêves d’une vie. Ce roman se lit d’un souffle, d’une traite. Peu à peu les personnage et l’intrigue se dessinent et s’emboîtent comme une évidence. Le chagrin devient si fort, l’espoir puis l’anéantissement de tous les rêves sont impossibles à accepter. Empathique, le lecteur entre en communion avec cette femme, ses interrogations et ses doutes, sa fuite et ses rêves.

Un roman que je vous conseille vivement, tant pour son écriture que pour cette atmosphère qui s’en dégage, à la fois dérangeante, bouleversante, douce et humaine.

Catalogue éditeur : Delcourt littérature

Une femme fait de longues promenades avec son chien sur la plage. Quand elle ne travaille pas à l’Observatoire ornithologique, elle traduit Dany Laferrière. Elle veut tout oublier de ce qui a été. Mais les remparts de la mémoire menacent de céder…
Une femme marche vers sa boîte aux lettres. À l’intérieur, il y a la lettre qu’elle attend depuis si longtemps. Une lettre qui pourrait changer sa vie : l’agrément d’adoption des Services sociaux à l’enfance.
Une femme déambule dans une zone résidentielle, traînant derrière elle une valise à roulettes. À l’intérieur, il y a un chat mort. C’est la même femme mais elle est différente. Une femme qui glisse insensiblement dans une folie violente. Jusqu’où ira-t-elle ?
Les migrations intérieures d’une femme chahutée par les tournants de la vie, jusqu’à l’échappée belle.

Née en 1962, Brit Bildøen rencontre son premier succès en 1998 avec Tvillingfeber couronné par le prix Oslo et le prix Nynorsk. Elle est l’auteur de huit romans (souvent primés), dont Sju dagar i august finaliste pour le Dublin International Award et élu en 2019 par le quotidien Dagsavisen comme l’un des quinze meilleurs romans de la dernière décennie. Également traductrice, Brit Bildøen vit aujourd’hui à Oslo.

Traduit du norvégien par Hélène Hervieu

Parution le 30 septembre 2020 / 180 pages / 19€

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