Les ciels furieux, Angélique Villeneuve

Henni la douce, la travailleuse inlassable, la petite et la grande sœur, est une fillette de huit ans qui vit dans la Zone de Résidence assignée aux juifs, dans un village du shtetl aux confins de l’Europe de l’Est, au début du siècle dernier.
Henni a une grande sœur qu’elle admire. Zelda a tout appris de la grand-mère, elle sait, et peut tout faire dans la maison.
La mère se contente de pondre des bébés et de les alimenter quand on les lui présente, toujours assise sur ce siège qu’elle ne quitte jamais, dans cette maison bien entretenue dans laquelle elle ne touche à rien.

Henni a des petits frères, confiés à tour de rôle par le père aux deux fillettes, les deux premiers à Zelda, le petit dernier à Henni lorsqu’elle est enfin en âge de s’en occuper. Posséder un objet vivant et en avoir la responsabilité, une chance inouïe. La vie s’écoule paisiblement, entre le travail de la ferme et celui dédié à la famille, dans cette maison à l’écart du village.

Jusqu’au jour où, les hommes sont venus, les cavaliers, les hommes seuls ou par deux ou trois, ont détruit, pillé, brûlé, tué… Le père a dit de fuir, la mère qui ne parle jamais a dit de fuir… Alors Henni, Zelda et Lev, le grand frère ont fuit.

Réfugiés dans les entrailles de la briqueterie voisine, Henni va vivre à hauteur d’enfant les doutes, les angoisses, les terreurs et les incompréhensions qu’engendre une telle folie. Car que peut comprendre une fillette de cet âge à la violence des hommes, comment même envisager la réalité des pogroms quand on vit en bonne intelligence à côté des autres. Que sait-on de l’antisémitisme et de l’extermination en cours et à venir d’un peuple oppressé depuis la nuit des temps.

C’est terrible et beau à la fois cette vision naïve et positive de la vie, de la famille, des autres. Henni n’est jamais seule, car chacun de ses doigts représente un membre de la famille Sapojnik, enfin, pas tous, elle n’en trouve que neuf en comptant la grand-mère décédée. Alors elle leur parle et les écoute lui répondre, lui dire que faire, comment être invisible, comment survivre, comment rester une enfant déjà adulte dans ce monde qui s’écroule autour d’elle.

Que cette écriture est belle, vivante, imagée, irréelle parfois. Pour dire les mots et les attentes d’une enfant de huit ans. Mais aussi sa naïveté, ses espoirs, sa crainte, sa confiance aveugle dans la sœur aînée, le doute et la méfiance à l’égard du frère, chaque sentiment, chaque doute, chaque espoir est ici tellement réel, vivant, vibrant. Le tout dans une nature omniprésente, un hiver de neige et de glace, une forêt et une rivière, une cavalcade de chevaux ou l’ombre menaçante d’un ours, un village et une campagne tour à tour protecteurs ou menaçants, mais dont la présence est toujours prégnante dans l’écriture imagée et sensorielle de l’autrice.

On s’attache immédiatement à cette petite fille que l’on a envie de suivre, de protéger, de réchauffer, d’accompagner vers la maison de tous les bonheurs de tous les espoirs de tous les doutes et de toutes les angoisses. Il y a toute une vie dans ces vingt-quatre heures de l’existence de cette petite Henni.

J’admire la façon dont Angélique Villeneuve sait se renouveler. Des personnages émouvants, forts, dans des situations à chaque fois différentes. Avec toujours en filigrane ce soucis de décrire l’enfance, ses peurs, ses joies, ses craintes, et cette façon sublime d’en parler. Les mots justes, les images, les expressions, tout est admirablement posé sur le papier pour nous entraîner à sa suite sans avoir envie de quitter un seul instant ces personnages auxquels on s’attache avec force et tendresse.

Catalogue éditeur : Le Passage

À l’est de l’Europe, quelque part dans la Zone de Résidence où sont cantonnés les Juifs en ce début du XXe siècle.
Henni a huit ans et vit avec sa famille dans un village ordinaire. Zelda, sa sœur aînée, est son modèle en tout. Un soir, à la fin de l’hiver, des hommes en furie pénètrent dans leur maison, comme dans tant de maisons ils sont entrés et entreront encore pour piller, pour punir et pour tuer. Dans l’affolement, une partie de la fratrie parvient à s’enfuir.
Les Ciels furieux raconte vingt-quatre heures de la vie d’Henni après cette intrusion. Et c’est comme si on marchait derrière elle, dans le froid, effaré mais renversé aussi par le monde que, pour survivre, elle recompose en pensée. Ce chemin semé de batailles, d’éblouissements et de crocs transcende à la fois l’incompréhensible nuit des violences et le feu de l’enfance.

ISBN: 978-2-84742-504-8 / Date de publication: 24/08/2023/ Nombre de pages: 216 /
Dimensions du livre: 14 × 20,5 cm / Prix public: 19 €

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