Camera obscura, Gwenaëlle Lenoir

il est marié avec bonheur avec Ania, il est le père aimant de Najma et Jamil, il vit dans un pays qui ne sera jamais nommé mais que l’on imagine aisément comme étant la Syrie de Bashar El Assad pendant la guerre civile

Il a un étrange métier. Il est photographe, mais pas un photographe ordinaire, c’est un photographe légiste de la police militaire syrienne. Son travail consiste en photographier et enregistrer les cadavres qui sont entreposé à la morgue de l’hôpital militaire dans lequel il travaille. Routine pas très agréable, mais routine quand même.

Pourtant, le matin où il découvre plusieurs cadavres de jeunes gens à photographier, il s’interroge. Jeunes, martyrisé, torturés, en partie cachés, aux noms effacés, à la vie soustraite au monde, comme s’ils n’avaient jamais existé.

Alors il se pose des questions. Et protégé derrière la lentille de son appareil photo, il clique, une deux, trois photos pour se souvenir, garder en mémoire ceux qui furent et n’existent plus.

Pourquoi, il ne le sait pas encore, mais il sait au plus profond de lui qu’il n’a pas le choix, qu’il est peut-être le seul témoin de la fin de ces existences bien trop courtes, existences qu’il faut rappeler au monde, pour ne pas les oublier.

Et chaque nouveau matin apporte son lot de corps, jeunes, suppliciés, torturés, à effacer de toute urgence mais à photographier malgré tout. Silence oppressant des autorités, sens du devoir impliquant un risque important pour le narrateur, son choix est vite fait, il n’a d’ailleurs pas le choix prendre en photo, trouver les noms de tous ces morts, témoigner, pour qu’un jour, peut-être, la vérité sorte enfin. Pour les familles, pour le combat, pour la vie.

Mais la tâche est compliquée, puisqu’il est chaque jour observé, traqué, par ses supérieurs, puisqu’il ne faut pas que la moindre information puisse fuiter, il ne faut pas que le monde sache.

Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l’extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s’offre à lui, quel destin l’attend, lui, sa femme, ses enfants.

C’est ce que le lecteur assis confortablement dans son fauteuil va découvrir ces autres mondes qui frappent à nos portes mais que nous ne voyons que d’un œil, protégés que nous sommes par nos démocraties certes pas toujours optimums mais où la liberté de penser, de dire et d’agir existe.

Un roman émouvant, et ce d’autant plus que le narrateur existe et vécu ce qui nous est exposé ici. Il est inspiré de la véritable histoire d’un photographe Syrien qui vit aujourd’hui en Europe sous le nom de César.

Pour aller plus loin : Wikipédia César, photographe

César est le pseudonyme d’un ancien photographe légiste de la police militaire syrienne qui a fui la Syrie en emportant près de 45 000 photographies prises entre 2011 et 2013 illustrant notamment la torture et les décès dans les prisons du régime syrien : elles montrent les corps de 6 786 détenus, de 4 025 civils tués hors de prison, et de 1 036 soldats.

Ces photographies ont été authentifiées, étudiées, classées et analysées, tout d’abord dans un rapport, puis par des services de justice. Elles ont permis à de nombreuses familles syriennes de rechercher et parfois connaître le sort d’un proche arrêté par les services secrets du régime ou victime de disparition forcée, elles ont servi, avec divers autres documents exfiltrés et témoignages, à des ONG de défense des droits humains d’établir des rapports sur les conditions de détention en Syrie, à l’ONU et certaines sont également utilisées par la justice, notamment lors du procès Al-Khatib en Allemagne.

Catalogue éditeur : Julliard

Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l’hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d’autres, et d’autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu’il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s’abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n’a jamais remis en cause l’ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n’est pas prudent.
Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d’un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. De sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.
Gwenaëlle Lenoir est journaliste indépendante, spécialiste de l’Afrique orientale et du Proche et Moyen-Orient. 

Date de parution : 04/01/2024 /EAN : 9782260056249 / Nombre de pages : 224 / 20.00 €

4 réflexions sur “Camera obscura, Gwenaëlle Lenoir

  1. znoygovy6 avril 25, 2024 / 16:35

    J’ai entendu parler de ce livre et l’ai noté. Tu confortes mon choix

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    • Domi avril 29, 2024 / 15:04

      oui, c’est difficile de faire la part entre roman, biographie, récit, mais il est publié comme un roman… et je ne peux que le conseiller !

      Aimé par 1 personne

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