Vous ne connaissez rien de moi, Julie Héraclès

Je viens d’écouter ce roman avec surprise, intérêt, envie d’en savoir plus, d’aller au bout et de faire quelques recherches.
Je ne connaissais pas l’histoire derrière la photo. Alors j’ai lu, entendu. Écouté ce que l’on dit de l’histoire avec un grand H de cette période de l’épuration et des règlements de comptes, du mal qui a été fait par Simone et sa famille sans espoir de se racheter un jour.

Et pourtant j’ai aimé ce roman, car c’est bien d’un roman qu’il s’agit. Un brillant premier roman. Je sais qu’il est très controversé, mais lit-on un roman qui nous parle d’une époque particulière de l’histoire comme nous lirions un livre d’histoire ?
Que va-t-on y chercher ?

Dans celui-ci bien sûr, l’autrice s’est inspirée d’une photo de Robert Capa prise l’été 44, et de la représentation de Simone Touseau la tondue de Chartres. D’aucun se demandent alors pourquoi en avoir fait un tel personnage. Même si elle a changé les noms, et les faits sans doute. Et comme tout auteur, laissé la part belle à son imaginaire. Pourquoi la photo, pourquoi la référence.

Ce n’est pas ce qui m’a intéressé ici.

J’ai apprécié découvrir cette jeune femme aussi détestable que parfois émouvante dans sa façon de réagir aux événements.
Une famille pas forcément facile, un père taiseux et absent, sans aucune personnalité, une mère crémière mais dans ces années de guerre et quand en plus on n’est pas super avenante, difficile de tenir la boutique. Lorsque elle est contrainte de mettre la clé sous la porte elle s’oublie dans l’alcool qu’elle descend en cachette pour arriver à supporter son quotidien. Madeleine, une sœur gentille, un peu trop sans doute. Soumise au qu’en dira-t-on et incapable d’affirmer une personnalité et des envies, comme  tant d’autres jeunes femmes de son époque et encore d’aujourd’hui.

Enfin, Simone Grivise, la préférée de maman, la douée, la rebelle, celle qui voudrait plaire, comprendre, séduire, réussir. Celle qui prend un certain nombre de claques à l’école d’abord, puis de la part des hommes qui la séduisent, de ses professeurs, et se relève toujours, à sa façon, sans doute pas en prenant le meilleur chemin, mais pugnace et volontaire.

Simone qui semble ne rien savoir, ou comprendre aux événements qui l’entourent, naïveté, insouciance, pas envie de savoir ? Là aussi, qu’importe, je la trouve plutôt crédible.

J’ai adoré la lectrice de ce livre audio.

Le vocabulaire employé par l’autrice semble fait pour cette voix, j’y ai retrouvé les intonations et les mots d’une grand tante, titi banlieusarde qui avait connu la guerre jeune fille dans le café de son père à Epinay. Elle détestait les souris grises de la rue Boissy d’Anglas, mourrait d’envie de pouvoir manger un de ces croissants que le boulanger de la rue Saint honoré chargeait pour les apporter à l’occupant et dont elle sentait les effluves chaque matin en allant à son travail. Tombée amoureuse d’un jeune homme entré dans Paris avec le général Leclerc, revenu auréolé de gloire de ses années de guerre, au moins celle qu’elle a bien voulu lui attribuer, à la libération de Paris.

Elle avait à la fois ce vocabulaire, cette façon de parler, ces expressions, cette gouaille que j’ai retrouvés tout au long du roman et que j’entendais dans sa voix chaque fois qu’elle nous parlait de sa jeunesse. Cela donne une grande crédibilité au personnage, quel qu’il soit, inspiré du réel ou inventé par l’autrice.

Cette voix, cette façon de parler rendent ce livre très vivant, avec une envie de continuer comme si nous étions là à écouter Simone nous raconter son histoire, sa façon à elle d’aborder cette période dramatique, ses actes, ses échecs, ses réussites, ses regrets, trop peu sans doute à notre goût. Mais le monde n’est ni noir ni blanc et il est parfois intéressant de se placer à la lisière de la morale pour entendre à défaut de comprendre. L’essentiel n’est-il pas alors de se demander comment nous aurions réagit à la place des différents protagonistes de cette histoire ? Et ça nul ne le saura jamais.

Un premier roman à l’écriture remarquable de justesse. Tout y est, le contexte, les différents personnages, un personnage principal que l’on ne peut décidément pas aimer mais qui me paraît juste dans son cheminement.
Vous l’aurez compris, une lecture audio que je vous conseille vivement !

Catalogue éditeur : Audiolib

Le 16 août 1944, à Chartres, le photographe Robert Capa a immortalisé une femme, tondue, le visage incliné vers son nourrisson, conspuée par la foule. Dans un roman bouleversant qui s’inspire de ce cliché, Julie Héraclès retrace la vie de cette femme libre, Simone, au tempérament incandescent.

Lu par Amélie Belohradsky / Durée 9h37 / EAN 9791035415860 Prix du format Numérique 23,95 € EAN numérique 9791035415860 / Date de parution 13/12/2023

Laisser un commentaire