Ne m’appelle pas Capitaine, Lyonel Trouillot

Quand deux mondes que tout oppose se rencontrent

Lyonel Troulliot nous fait découvrir une nouvelle facette de cet Haïti intime qu’il connaît si bien.

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Aude est élève journaliste. Le prochain devoir de ce futur grand reporter ? Enquêter sur des faits, des lieux, des dates, de préférence dans un milieu qu’elle ne connaît pas. Elle choisit Morne Dédé à Port-au-Prince, ce quartier connu pour avoir abrité les opposants au régime des Duvalier, quartier en tous points à l’opposé de celui où elle vit. Car Aude est une jeune fille issue de la grande bourgeoisie de Port au Prince. Née du bon côté, elle possède une voiture, des robes fabuleuses, jouit pleinement du confort moderne de la luxueuse maison familiale, dans cette société Haïtienne qui vit à l’abri dans des résidences sécurisées.

Elle choisit d’aller dans ce quartier pauvre dont elle ne sait rien où elle va rencontrer Capitaine, un survivant des années de dictature. Lui le résistant, le maître en arts martiaux qui rêvait de créer une maison comme un lieu d’apprentissage où chacun pourrait tisser des liens pour faire vivre ce quartier déshérité, ne vit plus désormais que dans le regret et le rêve de ses amours perdues.

Peu à peu, de rencontre en monologue, de discussion en échange, Aude se révèle à elle-même. Ces visites à Capitaine agissent sur elle comme un révélateur. Car tout coup elle n’appartient plus à une famille mais elle pense enfin en son nom. Elle a des idées, des opinions et c’est nouveau pour elle. Elle qui vit depuis toujours dans une certaine opulence et d’un seul côté de la barrière se réveille aux autres. A ces autres à qui elle s’adresse d’abord maladroitement, car pour une fois ils ne sont pas là pour la servir mais au contraire ils sont ses égaux et c’est nouveau pour elle.

Lyonel Trouillot nous offre ici une étonnante vision humaine et solidaire d’Haïti, l’île aux multiples visages. Toute la beauté de ce roman tient dans cet échange, dans ces deux voix qui se craignent, se repoussent, puis se mêlent et se rejoignent. Celle d’Aude et celle de Capitaine, chacun méfiant, chacun si loin de l’autre, puis d’une certaine façon de plus en plus proche. Le lecteur assiste à l’éveil d’une conscience, non pas tant du mal vers le bien mais plutôt de la richesse qui isole vers la conscience qui rapproche et qui révèle. C’est la rencontre de deux personnes que tout oppose, qui n’ont rien en commun mais qui vont se découvrir, s’éveiller l’un à l’autre, par ce chemin improbable qu’ils vont faire l’un vers l’autre, alors que rien ne pouvait le laisser présager !

A propos d’Haïti, vous pouvez retrouver également mes chroniques des romans de Louis-Philippe Dalembert, Avant que les ombres s’effacent, ou de Yanick Lahens, Douces déroutes.

Catalogue éditeur : Actes Sud

Quand Aude, aspirante journaliste, décide de frapper à la porte de Capitaine pour enquêter sur le Morne Dédé, elle n’est rien d’autre aux yeux du vieil homme qu’une jeune bourgeoise qui n’a connu que “des souffrances de contes de fées”, l’héritière d’une longue tradition de familles opulentes ayant bâti leur fortune sur le dos des pauvres gens.
Mais à ce vieillard acariâtre figé dans son fauteuil, la jeune fille offre également l’occasion de déchirer le silence, provoquant d’abord sa colère, puis parvenant peu à peu à ressusciter le grand maître d’arts martiaux qu’il a autrefois été, du temps où il se battait pour faire vivre son club, un lieu d’apprentissage, du temps où une mystérieuse élève l’avait ensorcelé et enjoint à servir “la cause”, une femme dont il était tombé fou amoureux avant de la haïr.
Parce qu’elle apprend à poser un regard critique sur le milieu protégé dont elle est issue, qu’elle sait, dès lors, voir plus loin que le bout de son portail sécurisé, Aude commence à faire sa place dans cet ailleurs. En la personne du vieil homme et de quelques jeunes “échoués”, elle identifie un autre monde, une nouvelle humanité et, avec elle, le chemin pour faire de la vie une cause commune.

Août, 2018 / 11,5 x 21,7 / 160 pages / ISBN 978-2-330-10875-5 / prix indicatif : 17, 50€

Une réflexion sur “Ne m’appelle pas Capitaine, Lyonel Trouillot

  1. eimelle novembre 5, 2018 / 08:19

    J’en avais lu un de cet auteur que j’avais apprécié !

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