Une famille, deux cultures, un roman universel contemporain

De Faïza Guène, j’avais lu et apprécié Un homme ça ne pleure pas qui évoquait déjà l’émigration algérienne en France. Dans La discrétion, l’écriture a mûri, la légèreté s’est envolée, le lecteur part à la rencontre de Yamina, et de différents membres de sa famille.
Yamina est née en 1949 dans l’Algérie colonisée, dans la province de Msirda Fouaga. Famine, sécheresse, fragilité des récoltes et dureté de la vie sont le lot quotidien de ses parents, dans ce pays soumis aux affres de la guerre. De son enfance, Yamina retient les années d’école, le bonheur d’apprendre, puis la retour à la maison, seule fille de la fratrie elle doit aider la mère et abandonner cartable et cahiers. Ce sera plus tard la fuite vers le Maroc, puis l’exil vers la France avec Brahim, ce mari plus âgé qu’on lui a choisi.
Yamina déborde d’amour pour les siens, vit discrètement, accepte son sort et celui imposé aux émigrés, jamais vraiment acceptés dans ce pays qui pourtant devient aussi le leur, même si la génération d’après née sur le sol français est toujours une génération d’étrangers. Yamina et Brahim ont eu des filles et Omar, le fils chéri. Des années plus tard, Omar est taxi Uber. Pas facile de gagner sa vie, même quand on est issu d’une famille qui a toujours eu du travail, où l’on a toujours mangé à sa faim et que l’on a fait des études.
Le mariage de l’aînée est un échec retentissant et inacceptable pour les parents. Et quand leur plus jeune fille décide de quitter le domicile familial sans être mariée c’est totalement incompréhensible pour ces parents aux traditions encore fortement ancrées, malgré une vie passée en région parisienne.
Le roman alterne les récits de plusieurs époques et différents personnages, montrant ces disparités familiales, ceux qui suivent encore la tradition, ceux qui essaient de s’en libérer, le divorce comme un fléau pour les femmes, mais pas pour les hommes, la place des filles, à la maison, les études, les mariages arrangés, des règles que tous appliquent avec plus ou moins de rigueur, en pensant faire au mieux pour le bonheur de tous. Toujours présent également l’amour des parents pour leurs enfants, et l’amour filial et le respect qui empêchent parfois un enfant de vivre pleinement sa vie. Enfin, ce cruel dilemme des enfants de la deuxième génération qui ne trouvent leur place ni dans le pays d’origine de leurs parents, ni dans leur pays de naissance. Jusqu’à quand ? Combien faudra-t-il de générations avant que chacun accepte l’autre pour ce qu’il est, et arrête de voir uniquement d’où il vient.
L’écriture est précise, sans fioriture, elle décrit sans jugement, sans partis pris, sans rancune. Elle donne l’exacte dimension des sentiments de Yamina, son amour pour ses enfants, leur réussite, les souffrances de l’enfance, les regrets, mais aussi un bonheur simple enfin accessible.
Catalogue éditeur : Plon
« Ses enfants, eux, ils savent qui elle est, et ils exigent que le monde entier le sache aussi »
Yamina est née dans un cri. À Msirda, en Algérie colonisée. À peine adolescente, elle a brandi le drapeau de la Liberté.
Quarante ans plus tard, à Aubervilliers, elle vit dans la discrétion. Pour cette mère, n’est-ce pas une autre façon de résister ?
Mais la colère, même réprimée, se transmet l’air de rien.
Née en 1985, Faïza Guène est romancière et scénariste. Kiffe kiffe demain, traduit en vingt-six langues, la fait connaître à l’âge de dix-neuf ans.
Dans La Discrétion, elle rassemble les fragments d’une histoire intime qui vient bouleverser le roman national.
Parution : 27/08/2020 / EAN : 9782259282444 / Nombre de pages : 256
La façon dont Faïza Guène redonne une dignité à cette femme pour que ses enfants puissent investir leurs deux pays sans trop de hargne et en trouvant leurs places est très intéressante. Un roman que j’ai bcp aimé aussi 😉
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oui, elle a une belle écriture pour dire les sentiments et leur donner de la force, même dans un quotidien aussi discret
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Oui, sujet pas facile et bien traité par l’auteur
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