Eve Melville, Cantique, Justine Bo

Le cantique d’Eve pour dire la noirceur des murs, la noirceur d’un monde

Août 2016, à Brooklyn, Eve Melville découvre sa maison peinte en noir. Maison de briques rouges, héritée du père de son père qui la tenait de Salomon Melville.

Fils d’esclave, lui-même esclave, Salomon a fui la plantation d’indigo par le underground railroad, ces chemins secrets qui permettaient aux esclaves de fuir le sud et de trouver la liberté au nord. C’est sur les docks de New-York, puis en gravissant tous les échelons de la police de la ville qu’il a accompli sa vie. Et acheté cette maison qu’il a léguée à sa descendance.

Eve Melville est le protecteur de ces lieux, elle entretient leur mémoire, comme s’il s’agissait de celle toujours vivante de l’aïeul disparu, du père et du grand-père qui ne sont plus.

Mais surtout de ces générations d’hommes qui se sont libérés du joug de l’esclavage et qu’il ne faut jamais oublier.

Eve Melville au ventre vide qui se désespère de ne pas avoir eu de descendance pour perpétuer le souvenir de ceux qui ne sont plus, des épreuves traversées, de la liberté chèrement acquise et qu’il faut sauvegarder, fut-ce au prix de sa vie.

Eve Melville et Hannah, l’amour interdit, et Peter Stephenson et les artistes maudits des années sida, dans le New-York des années 80 et des chambres d’hôtel à l’abandon.

Eve Melville et Maria, le soutien inconditionnel, la compagne de chaque jour.

Étrange roman qui nous parle des murs d’une maison comme de la chair et des os des humains, qui nous dévoile ses secrets, ses tourments, ses espoirs et ses attentes. Cri d’une peuple libéré qui ne peut accepter aucun retour arrière et aucun oubli.

Car peindre cette maison en noir, est-ce pour rayer du quartier ceux qui l’ont crée, pour faire fuir ceux qui en sont l’âme et le symbole vivant. De 1845 à Savanah en Géorgie jusqu’en 2026 à New-York, la longue histoire des esclaves se dessine sous nos yeux.
L’esclavage, le Vietnam, le 11 septembre, la transformation des quartiers de New York, Eve Melville a tout connu, tout traversé, tout subit, tout accepté. Mais aujourd’hui Eve Melville est en colère, Eve devient folle, Eve se révolte.

Si Eve et Salomon Melville sont des personnages à part entière, la maison du 629 Halsey street occupe elle aussi toute sa place.

La structure, l’écriture de ce texte sont assez troublantes et pourtant on s’y fait très vite. Phrase coupée au milieu qui se poursuit au paragraphe suivant, comme un souffle que l’on garde, que l’on retient et que l’on ne veut pas perdre. Une histoire sans fin qui se déroule d’un côté à l’autre du pays, du sud au nord, du passé au présent. Ce présent qui chamboule tout et serait prêt à gommer du quartier tout ce qui lui rappelle certaines époques. Succession de phrases de mots, énumération pour dire et être sûr que l’on entende le message.

Catalogue éditeur : Grasset

Un matin d’août 2016, un cri déchire le cœur de Brooklyn  : la maison d’Eve Melville a été peinte en noir pendant la nuit. Eve la tient de son arrière-grand-père, Solomon Melville, né esclave en Géorgie. Ce stigmate sur sa façade avive le souvenir. L’héroïne tranquille devient inquiétante, s’accroche à sa propriété comme à sa mémoire et se révolte contre les promoteurs qui défigurent le paysage de son enfance. 
 
Entre l’affranchissement de Solomon et la furie d’Eve, ce roman entrechoque les mythologies américaines : la torture dans les plantations d’indigo, les spectres du Vietnam, l’apparition du sida et les émeutes qui secouèrent Brooklyn à l’aube des années 1990.
 
Dans une langue incantatoire, magnifique, puissante, ce cantique pour Eve Melville remonte aux racines d’un pays qui rejoue sans cesse ses batailles.

EAN 9782246837121 Prix du format papier 20,00 € / EAN numérique 9782246837138 Prix du format numérique 14,99 € / 216 pages / Date de parution 10/01/2024

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