Ne préfère pas le sang à l’eau. Céline Lapertot

Si comme moi vous avez aimé ses « Femmes qui dansent sous les bombes » alors  vous allez succomber au nouveau roman de Céline Lapertot « Ne préfére pas le sang à l’eau » chez Viviane Hamy.

Domi_C_Lire_celine_lapertot_ne_prefere_pas_le_sang_a_l_eauD’un côté, il y a les migrants qui, comme Karole et sa famille, ont franchi des kilomètres dans la souffrance et la faim pour arriver jusqu’à Cartimandua. Dans cette ville une citerne géante abreuve la population avec ce bien qui manque à tous : l’eau.

De l’autre côté il y a les habitants de la ville, qui ont du mal à accepter ces nez-verts qu’ils ne connaissent pas et qui les terrifient. Comme cela arrive souvent avec l’arrivée des migrants, ces peuples méconnus que l’on rejette avant même de les comprendre et les accepter.

Un jour, le drame arrive, la citerne explose et dévaste une partie de la ville. La jeune Karole jouait tout à côté, dans le bac à sable. Petite marionnette cassée, entrainée par les flots, cette enfant qui a traversé le désert avec sa famille meurt noyée, engloutie par l’eau qui devait apaiser les brulures de sa gorge déshydratée et enfin la désaltérer.

Alors que la soif risque de toucher toute la population, le pays tombe sous la coupe d’un dictateur, Ragazzini, qui établit sa puissance en assoiffant les populations.

Dans cette ville où les hommes meurent désormais de soif, il y a également un pénitencier. Là, au fond de sa cellule, il y a T, qui compte inexorablement les briques rouges qui composent les murs de sa prison. T qui a osé écrire sur les murs pour dénoncer, dire l’espoir, réveiller les consciences et a été trahi par son ami d’enfance.

On comprend immédiatement que ce pays, ces hommes, cette époque sont tous imaginaires, mais que tout cela pourrait être ici et maintenant. Car dans son roman Céline Lapertot parle avant tout d’immigration, de dictature, de liberté, de différence, de violence. Elle évoque aussi les mots qui sauvent, l’écriture, la fraternité et la confiance.

J’avais aimé Femmes qui dansent sous les bombes, je retrouve de nouveau la force, l’engagement, la violence de situation découverts avec ce roman. L’auteur est une jeune femme aux textes engagés qui décillent les yeux de ceux qui les découvrent. Je dois avouer que ce pays imaginaire m’a cependant par moment tenue à distance du sujet, de la souffrance dénoncée, en lui donnant une dimension irréelle et trop abstraite. Pourtant, il est évident que ce sujet interroge et touche ses lecteurs. C’est un roman d’anticipation qui entre véritablement  en résonnance avec l’actualité et avec nos interrogations actuelles.

Si vous avez aimé ce roman, et surtout si le sujet abordé vous interpelle vous aussi, n’hésitez pas à découvrir le dernier roman de Philippe Claudel, L’archipel du Chien, ainsi que L’opticien de Lampedusa de Emma-Jane Kirby.

💙💙💙


Catalogue éditeur : Viviane Hamy

« Cette sensation de fin du monde, quand tu as dix ans et que tu comprends, du haut de ton mètre vingt, qu’il va falloir abandonner la sécheresse de ton ocre si tu ne veux pas crever. Je serais restée des millénaires, agenouillée contre ma terre, si je n’avais pas eu une telle soif.
Maman a caressé la peau de mon cou, toute fripée et desséchée, elle m’a vue vieille avant d’avoir atteint l’âge d’être une femme. Elle a fixé les étoiles et, silencieusement, elle a pris la main de papa. On n’a pas besoin de discuter pendant des heures quand on sait qu’est venu le moment de tout quitter. J’étais celle à laquelle on tient tant qu’on est prêt à mourir sur les chemins de l’abîme.
J’étais celle pour laquelle un agriculteur et une institutrice sont prêts à passer pour d’infâmes profiteurs, qui prennent tout et ne donnent rien, pourvu que la peau de mon cou soit hydratée. J’ai entendu quand maman a dit On boira toute l’humiliation, ce n’est pas grave. On vivra. Il a fallu que je meure à des milliers de kilomètres de chez moi. »

Parution 11/01/2018 / Collection Littérature française / ISBN 9791097417048 / Pages 152 p / Prix 17€

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