Il ne doit plus jamais rien m’arriver, Mathieu Persan

L’amour d’une mère, comment vivre sans ?

Tout d’abord il y a ces trois silhouettes dans une rue déserte, la nuit sans doute, un graphisme sobre et beau.
Ensuite il y a Mathieu Persan, l’auteur de ce premier roman est un illustrateur de talent qui est d’avantage habitué aux couvertures des romans qu’il crée pour d’autres, qu’au sien.
Enfin, il y a cette famille unie autour des parents,
Elle, une mère qui a oublié d’être femme et épouse à partir du jour où elle a donné la vie,
Lui le père, amoureux comme au premier jour de celle qui grâce à lui ne doit plus jamais pleurer,
Eux, les enfants, frères et sœur unis, la fratrie entourée, choyée, aimée par cette mère qu’ils adorent,
Et l’invité surprise, celui dont personne ne veut, le cancer.

Avec une grande tendresse et parfois une belle dose d’humour, l’auteur raconte la maladie, la perte de celle qui s’en va comme le disent souvent avec ellipse les personnels médicaux pour annoncer un décès. Puis la suite, toute la suite, enfin presque. L’assurance vie, le cimetière, les pompes funèbres, mais au fait, comme habille-t-on un défunt ? Le verre que l’on boit à la santé de ceux qui restent et à tous ces souvenirs qui nous reviennent lorsque l’on partage le deuil, le départ, la perte d’un être cher.

Ensuite, il faut dire, aux enfants, soutenir le père, vivre avec mais sans.

Ce roman, ou récit, ou un peu des deux, n’est pas triste malgré son sujet qui devrait être profondément déprimant. On y sent tout l’amour d’un fils pour sa mère, cette complicité, ces silences et tous ces mots jamais dits, ni par l’un ni par l’autre, mais que chacun sait et ressent au plus profond de lui. C’est un bel hommage empreint de sensibilité et de tendresse à tout ce qu’elle a donné à ses enfants tout au long de sa vie.

J’ai aimé le lire, et du coup me souvenir forcément du décès de mon père, mon choix de musique refusé d’abord par l’église, ce qui m’a tellement mise en colère que finalement c’est passé (comment, « on ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime, pas assez dans la ligne du parti, enfin de l’église ? ), le cimetière, le caveau pas prêt, les voisins qui prêtent le leur, un temps, comme s’il fallait un sas avant de quitter définitivement cette terre. Oui, c’est évident, dans ces moments de grande tristesse, il y a comme des signes de connivence avec le défunt qui bien sûr nous le fait comprendre, vous l’avez vécu vous aussi ? Et qu’il est difficile de réaliser que pendant que votre cœur saigne, tout autour de vous le monde continue sa course effrénée sans rien remarquer.

J’ai retrouvé tout ça et plus encore dans ce récit-roman, lu d’une traite, parce qu’il est impossible à lâcher. J’y ai trouvé une belle écriture, un flot de sentiments, d’amour, d’empathie, de tendresse et de tristesse auquel on ne peut qu’adhérer. Je n’avais pas lu la quatrième de couverture, ni le sujet du roman, comme à mon habitude, mais il est dans la sélection des romans en lice pour le Prix Orange du Livre 2023. Fort heureusement pour moi, car je ne sais pas si je serais allé de moi même le lire, cela aurait été bien regrettable.

Catalogue éditeur : L’Observatoire

Dans ce récit, Mathieu Persan raconte les combats de sa mère contre la maladie, jusqu’à ses derniers jours ainsi que les siens et ceux de sa famille, après sa disparition. Malgré tout, à mesure que sa santé se dégrade et ensuite quand le deuil s’installe, un constant appel à la vie refait surface. Ce sont les souvenirs d’enfance au sein d’une famille fantaisiste, l’empreinte des grands-parents juifs, l’amour de la cuisine, les grandes tablées ouvertes à tous. Mathieu Persan manie tendresse, pudeur et humour, et souvent le rire l’emporte sur le chagrin.

Mathieu Persan est un illustrateur connu du milieu littéraire pour son engagement et son travail au style rétro et élégant. Il a réalisé les couvertures de nombreux livres, magazines et albums de musique. Il signe avec l’Iconoclaste son premier roman.
ISBN 978-2-37880-347-6 / Date de publication 09/03/2023 / Nombre de pages 255

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