Le grand feu, Léonor de Récondo

Comment peut-on naître dans un famille aisée de marchands de tissus, et être pourtant « abandonnée » à la Pietà de Venise ? C’est ce que vit Ilaria, la dernière fille de Francesca, qui voit le jour en cette année 1699. Alors quelle n’a que quelques semaines, elle est déposée par sa famille dans l’orphelinat qui recueille les enfants abandonnés par celles qui ne peuvent pas les élever, leur évitant ainsi une vie sordide ou une mort précoce.

Là, elle va pouvoir apprendre la musique, un art majeur qui la libérera des contraintes du mariage et de la soumission à un époux, cet homme sans qui une femme de la bonne société vénitienne n’est rien. Protégée sans le savoir par Bianca, elle grandit isolée entre les murs de l’orphelinat, loin de sa famille, de sa mère et de ses sœurs.

Bercée par la beauté de la musique, elle apprend rapidement à manier l’archer et à écrire puis composer les notes sous l’œil averti du maître, Antonio Vivaldi. C’est lui qui enseigne et dirige toutes ces belles âmes prêtes à apprendre et à donner concert à l’abri des grilles, dans l’église de la Pietà, chaque dimanche que Dieu fait. Si les filles de La Pietà sont pour la plupart orphelines, Prudenza appartient comme elle a une famille de Venise et ne vient là que pour apprendre la musique et à jouer d’un instrument. C’est avec elle que Ilaria va nouer une tendre complicité et une belle amitié.

C’est sans compter sur la rencontre avec Paolo le frère de Prudenza. Lui n’a aperçu Ilaria que l’espace d’un instant mais brûle d’amour pour elle en silence. Saura-t-elle reconnaître cet amour, le partager, le comprendre et qui sait brûler du même élan pour lui. Elle qui reste cloîtrée entre ces murs, loin de la vie extérieure, des bruissements de la ville, de la chaleur des relations qui peuvent se nouer dans ce monde qui lui est interdit.

Le feu qui brûle en Ilaria, c’est celui de la musique et de la beauté des notes qui sortent de son instrument, que chacun peut apprécier et qui l’enflamme plus sûrement que n’importe quel autre sentiment.

Des personnages forts, intransigeants, obsessionnels, parfois attachants, mais placés dans un contexte qui peut être parfois difficile à comprendre. Comment une mère peut elle décider à la naissance de son enfant de l’abandonner pour ne la voir qu’une seule journée par an et imaginer que sa vie sera meilleure. Bien sûr la vie d’un femme de cette époque, et dans certains pays proches de nous encore aujourd’hui, ne peut s’entendre que chapeautée par un homme. Aucune liberté, aucune latitude, aucune voix à faire entendre. Alors celle qui vit cela ne le souhaite pas pour l’enfant à venir. Il lui en faudra de la force et de l’abnégation pour se priver de l’amour d’une enfant et lui donner ce qu’elle même n’a jamais pu avoir, une forme de liberté dans la solitude mais dans l’amour de la musique.

Une fois de plus je me suis laissée porter par la poésie, le lyrisme, la force des mots de Léonor de Récondo, par cette héroïne malgré elle qui se consume d’amour pour son instrument, sa musique, et pour l’amour, le vrai, le grand, absolu et universel. J’ai aimé la façon dont l’autrice parle de la relation du musicien à son violon. Un art qu’elle connaît bien et pour lequel elle dévoile la passion et le feu qui l’habite. Cela se sent dans ces pages où l’émotion et l’amour de la musique sont décrits de manière intense et fiévreuse, ce feu intérieur qui semble plus fort que tout lorsque les notes s’envolent et qu’elles vont conquérir, et parfois soumettre, tous ceux qui les reçoivent.

Catalogue éditeur : Grasset

En 1699, Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d’étoffes, à Venise. La ville a perdu de sa puissance, mais lui reste ses palais, ses nombreux théâtres, son carnaval qui dure six mois. C’est une période faste pour l’art et la musique, le violon en particulier.
À peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pietà. Cette institution publique a ouvert ses portes en 1345 pour offrir une chance de survie aux enfants abandonnées en leur épargnant infanticides ou prostitution. Lire la suite…

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