Mai 68 ; La veille du grand soir, Patrick Rotman & Sébastien Vassant

Mai 68 ; La veille du grand soir, ou comment Patrick Rotman et Sébastien Vassant nous font vivre les évènements de mai 68 dans un superbe roman graphique.

Domi_C_Lire_la_veille_du_grand_soir_mai_68_delcourtLe cinquantième anniversaire de mai 68 est l’occasion pour l’écrivain Patrick Rotman et l’auteur de BD Sébastien Vassant d’unir leurs talents pour sortir un roman graphique ou bande dessinée sur cette période qui reste une référence historique dans la vie du pays.

Sur presque 200 pages les auteurs nous dressent les faits chronologiques de ce mois de mai 68 assortis de quelques explications pour éviter de perdre le lecteur qui n’aurait pas vécu à cette époque.

Étudiants, révolutionnaires, flics, CRS, syndicalistes, politiques, ouvriers, bourgeois et casseurs chacun est à son poste et joue sa partition. Les auteurs ont choisi de nous faire traverser les évènements au travers de dialogues d’un jeune couple qui nous permet de comprendre l’évolution des questions politiques ou existentielles de la jeunesse sur une si courte période.

La force de cette BD est d’abord une justesse historique et sa capacité à nous projeter dans les têtes et pensées des nombreux protagonistes. On entre dans la bataille, chaque camp est décrit avec une recherche de vérité historique et sans caricature. Le lecteur est très vite pris dans l’ambiance il manque juste à cette BD le bruit des grenades, la clameur des foules et l’odeur des lacrymogènes.

On y retrouve les meilleurs slogans de l’époque et l’explosion des utopies de ce mois de mai 68 y est particulièrement bien décrite.
Tout y est ou presque l’évolution du mouvement étudiant, la récupération par les syndicats, le  pourrissement dans une ambiance de foisonnement d’idées révolutionnaires et enfin les hésitations et récupération politique par le pouvoir en place.  

Si la mise en scène des illustrations est réussie et colle parfaitement au récit le seul bémol serait peut-être le style du dessin proche du dessin de presse dont certains pourraient moins apprécier l’esthétique.
Ce roman illustré intéressera les « vieux » passionnés de politique qui ont traversé cette époque, les jeunes aussi qui se demandent pourquoi et comment Mai 68 et ce qu’il en reste aujourd’hui. Enfin les journalistes et politiques qui font un parallèle entre la situation actuelle et mai 68 pourront comparer et voir si dans les consciences du moment le grand soir est encore pour demain.

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Delcourt

Ce livre est le récit historique et romanesque de mai 68, dessiné par Sébastien Vassant, et nourri du vécu de Patrick Rotman et des entretiens inédits qu’il a réalisé auprès du pouvoir.
Il y a 50 ans, une crise existentielle secoue la France. Dans Mai 68 : La veille du grand soir,  le lecteur est là où l’histoire s’écrit, à la Sorbonne et à l’Élysée, aux usines Renault ou à la Préfecture. Il côtoie Cohn-Bendit, voit débattre Sartre. En contrepoint, les auteurs racontent aussi les atermoiements au sommet de l’État : les affrontements entre De Gaulle et Pompidou ou les négociations entre un Chirac armé jusqu’aux dents et la CGT…

Date de parution : 14/03/2018 / ISBN : 978-2-413-00038-9

Scénariste : ROTMAN Patrick / Coloriste & Illustrateur : VASSANT Sébastien

 

 

Azadi, Saïdeh Pakravan

Découvrir Théhéran par la voix de Saïdeh Pakravan, dans ce roman singulier et bouleversant

Téhéran 2009, malgré l’interdiction et dans un climat particulièrement tendu, des milliers d’iraniens investissent les rues de la ville pour s’insurger contre le résultat des élections. Les policiers sont partout présents, usant de grenades lacrymogènes et de matraques pour disperser les manifestants. Étudiants appartenant à la classe aisée, femmes voilées, personnes de tous âges, enfants, sont vite réprimés par les bassjidjis qui n’hésitent pas à frapper et à emprisonner.

Raha et ses amis comptent parmi eux. Au cours d’une de ces manifestations, Raha sera arrêtée, emprisonnée, et subira les pires sévices. De retour presque miraculeusement dans sa famille, alors que ses projets de vie volent en éclats, elle va tenter de se reconstruire sur les cendres des illusions perdues de son adolescence.

manifs

Les protagonistes et les expériences se succèdent pour donner une image assez précise, à plusieurs voix, de l’Iran actuel, mais aussi de celui du Shah, que certains osent à peine regretter, de celui de Khomeiny, instaurateur d’une république islamiste contraignante, liberticide et si peu bienveillante, mais également entre les lignes, de l’Iran de demain rêvé par la jeunesse parfois bien naïve et pourtant souvent optimiste d’aujourd’hui.

Saïdeh Pakravan le raconte à travers la voix de plusieurs personnages vivant dans l’entourage de Raha, étudiante en architecture, issue d’une famille aisée de Téhéran. Les voix se succèdent, en particulier celles de Nasrine, sa mère ; Celle de Gita, qui vit aux États Unis et revient quelque temps à Téhéran, spectatrice impuissante dans son propre pays ; D’Homa, chirurgien à l’hôpital, elle voit chaque jour les méfaits du pouvoir ; De Pari, qui vit dans l’opulence, protégée par les excellentes relations de son mari avec le pouvoir en place ;  De Mina, gardienne de prison par nécessité, mais qui a un cœur gros comme ça et saura aider Raha ; De Hossein, gardien de la révolution, religieux par tradition familiale plus que par conviction, policier par nécessité, issu d’un milieu modeste, il tombe amoureux de Raha sans pouvoir se l’avouer ni réaliser son rêve ; De Kian, étudiant, fiancé à Raha, qui ne saura jamais dépasser les apparences ni les préjugés.

Des voix qui racontent les gardiens de la révolution, les règles qu’il faut suivre mais qu’on ne connait pas toujours, la police des mœurs qui contrôle la longueur d’un voile, qui vérifie que les femmes circulent bien avec un homme ayant un lien de parenté avec elles, sinon gare à elles.

Qui parlent de la condition des femmes, si peu reconnues, souvent si maltraitées, elles qu’un homme peu violer en toute liberté à condition d’avoir prononcé les mots lui accordant un « mariage temporaire », elles aussi que l’on va violer avant de les exécuter, car sinon vierges, elles entreraient tout droit au paradis.

Qui évoquent les contradictions d’un peuple, les moyens de s’évader des contraintes, surtout quand on appartient à la classe aisée, qui présente cette jeunesse qui rêve d’ailleurs et de liberté, d’une piscine privée où bravant les interdits, filles et garçons vont se baigner ensemble, de films téléchargés illicitement, d’internet, des réseaux sociaux qui ouvrent au monde.

azadi tour

C’est particulièrement intéressant d’entendre ces différents points de vue, même si forcément ils sont aussi issus du propre vécu de l’auteur. Au début je me suis un peu perdue dans la multiplicité des personnages, mais au final juste quelques-uns sont importants dans le récit, les autres servant essentiellement à ajouter une opinion, une vision propre à leur condition. Le rythme du roman est parfois dense, ajoutant à l’intrigue une description de la situation politique du pays, et c’est aussi ce qui fait son intérêt. Les chapitres alternent avec aisance, d’un personnage à l’autre, d’un témoignage à l’autre, on tourne les pages, on vit avec Raha, ses aspirations de jeune femme un peu naïve, d’étudiante, sa chute et son combat. L’insertion de mots persans est agréable car immédiatement traduits, pas en bas de page ou en annotations lointaines, ils sont facile à assimiler à mesure de la lecture. Ils sont là comme une mélodie qui donne son rythme au roman, inconnu, singulier, bouleversant, musical.

Catalogue éditeur : Belfond

Azadi signifie « liberté » en persan. Certains la rêvent et d’autres paient le prix pour la vivre.
Lauréat du Prix de la Closerie des Lilas 2015
Téhéran, juin 2009. Après des élections truquées, une colère sourde s’empare de la jeunesse instruite de Téhéran. Dans la foule des opposants la jeune Raha, étudiante en architecture, rejoint chaque matin ses amis sur la place Azadi pour exprimer sa révolte, malgré la répression féroce qui sévit. Jusqu’au jour où sa vie bascule. Après son arrestation, et une réclusion d’une violence inouïe, ses yeux prendront à jamais la couleur de l’innocence perdue…
Tout en levant le voile sur une psyché iranienne raffinée et moderne, sans manichéisme et avec un souffle d’une violente beauté, Azadi raconte de façon magistrale le terrible supplice de celle qui cherche, telle une Antigone nouvelle, à obtenir réparation. Et à vivre aussi… là où le sort des femmes n’a aucune importance.

Saïdeh Pakravan, écrivaine franco-américaine de fiction et poète, est née en Iran. Ayant grandi dans un milieu francophone, elle s’installe à Paris, participant, après la révolution iranienne de 1979, à un mouvement de libération de l’Iran.
Publiée dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, lauréate de prix littéraires dont le prix Fitzgerald, Saïdeh Pakravan est également essayiste et critique de film.

Date de parution : 22/01/2015 / EAN : 9782714460158 / pages : 448 / Format : 134 x 190 mm / 19.00 €