Fils du feu. Guy Boley

Fils du feu, un premier roman magnifique et poétique pour une entrée remarquée dans le monde de l’écriture

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Les fils du feu, ce sont les fils des forgerons, ces homme qui travaillent l’acier dans des conditions difficiles, fiers de ce travail rude, laissant parfois place à la solidarité et à la créativité. Le narrateur est fils de forgeron, mais n’en deviendra pas un à son tour. Il est né dans une ville de province dans les années 50, ces années qui connaissent l’avènement d’un monde nouveau, fait de frigidaires et de machines, de clés métalliques et de portail en fer livré par le grossiste, où il faut s’adapter au nouvel âge, devenir commerçant plutôt qu’artisan.
Dans cette famille il y a le père, forgeron, aidé par Jacky, cet homme splendide sous l’effort, taiseux et mystérieux, la sœur, qui claque très tôt la porte de la maison familiale pour s’envoler vers d’autres cieux, il y a Norbert, le petit frère, mort si jeune. Il y a la mère, doucement évaporée et sombrant peu à peu dans une forme de folie douce. Car elle ne se remettra jamais de la mort du tout petit, elle qui place chaque jour son couvert sur la table et le berce chaque soir.
Alors pour pouvoir vivre à son tour, ce fils du feu devient homme, accepte la folie de la mère, découvre ses préférences, ses différences, tâtonne dans des études pour enfin trouver sa voie, laissant éclore son talent de peintre, tourmenté au plus profond de lui par une famille qui le marque à vie.

Il y a une mélancolie douce dans ces souvenirs d’enfance, devant la puissance du feu dans la forge du père, vulcain invincible et majestueux, ou de ce feu que l’on trouve sous les bassines de fer des lavandières, femmes bavardes, courageuses et fortes, qui peuplent son enfance. Mais il y a également la tendresse et l’acceptation d’un fils pour sa mère et pour sa douleur, celle immense et impossible à combler que provoque la perte d’un enfant. Enfin, l’acceptation de soi, de son anormalité, ou au contraire de sa normalité, « Comme Cocteau et Jean Marais ? » «  Mais alors, je n’aurais pas de petits-enfants ? »  dira la mère, qui accepte la différence, bercée par ses deux fils, celui avec qui elle partage la vie rêvée, là-haut dans le grenier, et celui qui poursuit sa route d’homme.

Par moment, le lecteur est immergé dans un poème tant les phrases semblent des rimes, portées par des alexandrins qui n’en sont pas, tant par le rythme que par le sujet. C’est un roman qui n’est aucunement triste ni mélancolique, et ce malgré le deuil et la douleur évoqués dans ces lignes, mais aussi la période pendant laquelle il se situe et qui connaît une véritable remise en cause de la société et un bouleversement des habitudes de chacun. On ressort de cette lecture avec l’impression d’avoir partagé de belles choses, à un rythme à la fois doux et puissant, porté par la force du feu, par la puissance des escarbilles, celles de la forge et celles de la vie, par l’amour, mais aussi par l’absence et le chagrin, même si les situations sont parfois décrites avec un brin d’ironie et de cocasserie, par un monde qui s’achève et le commencement d’un autre, porté par la vie avant tout. Guy Boley signe là un premier roman d’une rare poésie.

Catalogue éditeur : éditions Grasset

Nés sous les feux de la forge où s’attelle leur père, ils étaient Fils du feu, donc fils de roi, destinés à briller. Mais l’un des deux frères décède précocement et laisse derrière lui des parents endeuillés et un frère orphelin. Face à la peine, chacun s’invente sa parade : si le père s’efface dans les vagues de l’ivresse, la mère choisit de faire comme si rien ne s’était passé. Et comment interdire à sa mère de dresser le couvert d’un fantôme rêvé ou de border chaque nuit un lit depuis longtemps vidé ? Pourquoi ne pas plutôt entrer dans cette danse où la gaîté renaît ? Une fois devenu adulte et peintre confirmé, le narrateur, fils du feu survivant, retrouvera la paix dans les tableaux qu’il crée et raconte à présent. Ainsi nous dévoile-t-il son enfance passée dans une France qu’on croirait de légende, où les hommes forgent encore, les grands-mères dépiautent les grenouilles comme les singes les bananes, et les mères en deuil, pour effacer la mort, prétendent que leurs fils perdus continuent d’exister.
Dans une langue splendide, Guy Boley signe ainsi un premier roman stupéfiant de talent et de justesse.

Parution : 24/08/2016 / Pages : 160 / Format : 130 x 205 mm / Prix : 16.50 € / EAN : 9782246862116

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