« Goya n’est pas celui qui répond, mais celui qui interroge » André Malraux
Créé en 1864, le musée est situé depuis 1931 dans un bel édifice Art Déco. Depuis 2019, il bénéficie de nouveaux espaces avec la réhabilitation de la Bibliothèque Paul Lafond, un nouvel agencement joliment mis en valeur. Quelques belles œuvres constituent les collections permanentes.
Depuis le mois d’octobre, le visiteur peut admirer l’exposition Goya, témoin de son temps. On connaît sans doute d’avantage le peinte mais Goya est aussi un graveur au style reconnaissable entre tous, artiste emblématique du XIXe et XXe siècle espagnol.
Dans une société qui est souvent soumise au pouvoir monarchique et aux diktats de l’église, il n’hésite pas à critiquer ou mettre en exergue les dévoiements du système. Les gravures exposées au musée des Beaux-Arts de Pau sont représentatives de la seconde moitié de sa vie.
Les Caprichos, réalisés à partir de 1799, recueil à l’eau-forte et l’aquatinte. Il veut y dénoncer les dérives et les excès de la société de son époque. Quand la raison s’efface, naissent les montres qui prennent le pouvoir, superstitions, sorcières, surnaturel, abîmes enfouis en chacun.
Les désastres de la guerre, 1810-1820. les troupes de Napoléon Ier envahissent l’Espagne sur leur route vers le Portugal, et l’empereur installe son frère Joseph sur le trône d’Espagne. Suivront six années de guerre, plus de 650 000 morts. Il fait alors figure de véritable reporter de guerre, et par ses gravure tente de montrer l’horreur et les atrocités perpétrées de chaque côté.
La tauromachie, 1815-1816. une série d’eaux-fortes sur le thème qui l’a tant passionné dans sa jeunesse. On y retrouve toutes les étapes d’un corrida, postures, expressions du taureau ou du matador, attaques, violence, souffrance, tension du combat entre l’homme et la bête.
Les proverbes, 1815-1823. Goya a déjà soixante ans lorsqu’il réalise cette série à atmosphère sombre qui relève du cauchemar, de la vision, de l’hallucination.
Une exposition pour laquelle il faut prendre son temps, tant il y a de détails à observer et découvrir dans les multiples gravures exposées ici. Quelques toiles, un peu trop rares à mon goût, complètent cette exposition.
Quand : jusqu’au 30 janvier. Où : musée des Beaux-Arts, rue Mathieu Lalanne, Pau Entrée gratuite
Tatiana de Rosnay a rencontré Tamara de Lempika alors qu’elle avait quinze ans. Rencontrée, vraiment ? Non, mais c’est tout comme, et depuis l’image de Tamara triomphante au volant d’un Bugatti verte l’accompagne. Ce sont sans doute ces longues années qui ont crée cette forme de complicité exprimée ici par le tutoiement.
Car ce livre est un long monologue où Tatiana s’adresse à Tamara, pour dire la Talentueuse, Ambitieuse, Magnétique, Arrogante, Rebelle, Artiste qu’elle a été.
Née en 1899, ou 1902, ou 1895, 1898 ? A Varsovie, à Saint-Pétersbourg ?… Comme on le remarque, cela commence par être un peu flou et cela le restera toute sa vie. Car elle brode, raconte, arrange pour que sa vie corresponde à ses desiderata. Qu’importe, celle qu’on aime c’est l’artiste, la femme qui aimait la fête, les hommes, la peinture et exercer son art comme un homme l’aurait fait, en toute indépendance.
Tout au long de ces pages, j’ai découvert avec intérêt et plaisir la famille, les maris, la fille, mais surtout l’artiste peintre, le succès puis l’oubli, les toiles, les expositions, les folies, de Tamara de Lempika.
L’ouvrage original paru chez Michel-Lafon permet de découvrir les photos de Charlotte Jolly de Rosnay. Mais dans la version parue chez Pocket, il y a ces mots de Tatiana à Tamara pour raconter la jeune fille, la femme, l’artiste, l’épouse, celle qui aime la fête, le succès, la vie et l’art. Celle qui peint sans relâche, portraits emblématiques d’un style, d’une époque. Mais par dessus tout il y a l’artiste que l’on aime souvent passionnément aujourd’hui encore, et que personne n’a oublié.
Si vous ne la connaissez pas encore, si vous aimez ses toiles et son art tout à fait en symbiose avec son époque, vous allez dévorer ce roman. Cette étonnante biographie fait également le lien avec les souvenirs de l’autrice, sa relation avec l’artiste, son pays, sa famille.
Depuis qu’elle a posé les yeux, à 15 ans, sur une toile de Tamara de Lempicka, Tatiana de Rosnay n’a cessé d’être fascinée par son œuvre et sa vie : au volant de sa Bugatti verte, la reine des Années folles y construit déjà sa propre légende, faite de scandales et de secrets, d’élégance totale et d’exils constants. Une vie plus grande que la vie, que la romancière restitue pour nous avec la passion intacte de son premier choc esthétique.
EAN : 9782266321549 / Nombre de pages : 304 / 6.95 €
Jusqu’au 23 janvier 2022, le Petit Palais présente la première rétrospective française consacrée à Ilya Répine, l’une des plus grandes gloires de l’art russe. Répine est né en 1844 à Tchougouïev, une petite ville de l’Empire russe qui est aujourd’hui située en Ukraine, non loin de Kharkov. A l’époque l’Ukraine est une des régions qui composent l’Empire russe.
Ilya Répine est l’un des portraitistes les plus courus de son temps, il a réalisé près de 300 portraits. Les visiteurs peuvent admirer la multiplicité des sujets abordés : hommes politiques, le Tsar et sa famille, auteurs, scientifiques, écrivains, femmes du monde et personnalités influentes des milieux artistiques, mais aussi proches de l’artiste.
Dès les années 1860, il prend pour modèles les membres de sa famille, sa première épouse Véra, et ses enfants, la petite Véra, Nadia et Youri, comme le font d’ailleurs de nombreux artistes, c’est en particulier pour la facilité à les faire poser à loisir. C’est aussi dans le cercle familial qu’il peut donner libre cours à son imagination, à ses expérimentation, abordant la lumière et les couleurs à la façon des impressionnistes par exemple, on le remarque dans Libellule ou le portrait de Léon Tolstoï allongé dans l’herbe.
Plusieurs œuvres de l’exposition font référence à la fierté de Répine d’être originaire de sa région d’Ukraine, comme le montre par exemple ce portrait d’une Ukrainienne en costume traditionnel.
Ukrainienne, 1875Portrait de Nadia Répine, 1881Libellule, 1884
Léon Tolstoï
Lorsque Répine et Léon Tolstoï se rencontrent pour la première fois en 1880, dans l’atelier du peintre, l’auteur de Guerre et paix et d’Anna Karénine est déjà un auteur mondialement célèbre. Cet homme né dans une ancienne famille de la noblesse russe refuse son statut de nantis et veut donner un nouveau but à sa vie, en vivant plus proche de la nature et des paysans. Répine a réalisé de très nombreux portraits de l’auteur, quelques uns sont présentés dans l’exposition.
Répine et l’Histoire de la Russie
Grand peintre d’histoire, Ilya Répine excelle dans la représentation des personnages historiques. Pour être le plus juste, il voyage, se documente, fait des recherches sur les costumes, décors, etc. qu’il met ensuite en scène avec rigueur et exactitude.
Les Cosaques zaporogues, 1880-1891
On peut admirer des formats immenses (et se demander comment ils sont arrivés jusque là) où tout le talent de l’artiste est démontré dans la précision, le détail, la finesse.
Une magnifique exposition proposée par le Petit Palais jusqu’au 23 janvier. Jusqu’au 22 février 2022, on peut admirer également quelques tableaux d’Ilya Répine de La Collection Morozov, icônes de l’art moderne à la Fondation Vuitton .
à la rencontre d’un artiste méconnu à la folie dévastatrice
Et si c’était tout simplement ça, la Terreur. Celle des hordes qui parcourent le pays pour tuer sans discernement nobles et ouvriers, gens de cour et subordonnés. Lorsqu’en 1793 le roi Louis XVI meurt sur l’échafaud, nombreux sont également ceux qui perdent la vie ces années là. C’est dans ce contexte que Lazare Bruandet, peintre naturaliste porté autant sur la bouteille que sur la bagarre doit fuir la ville.
Mais suite à un coup de sang et une jalousie mal placée, au retour de chez sa maîtresse il défenestre sa compagne. Il ne trouve de salut que dans la fuite à l’abri de cette campagne qui l’a vu grandir. Déjà difficile du temps de son enfance, la vie y est devenue périlleuse. Sa maison est en ruine, il se réfugie alors chez les moines à qui il finira par apprendre à se défendre contre les milices. Mais aussi à l’auberge où la servante accorte se prend d’amitié pour lui, admirative du travail du peintre.
Partout c’est le chaos. On échappe aux milices pour tomber au mains ou sous les coups de l’armée ou des pillards. Il faut se défendre, mais il faut aussi survivre. C’est ce que fera le peintre dans les forêts qu’il affectionne, lui l’artiste spécialiste de la nature, amoureux de ces paysages qu’il peint à l’envi. Rien ne lui fait peur, cet artiste alcoolique au mauvais caractère a cependant une certaine dextérité à manier l’épée et les armes autant que ses pinceaux.
L’ensemble est porté par un graphisme brut, sombre, fait de peu de traits affinés ou précis, mais plutôt d’une sombre représentation à l’image de cette époque si dangereuse pour ceux qui l’ont connue. Une forme de folie émerge de ces dessins, de ces pages parfois denses et sombres, d’autre fois plus lumineuses, à l’image de l’artiste tout en excès et en fulgurance.
Si le personnage a réellement existé, et si sa folie et son amour de la peinture naturaliste sont bien réels, l’auteur lui a créé une enfance à la hauteur du personnage. Car il semble qu’il a réellement tué sa compagne et fuit dans la forêt de Fontainebleau, poussé par une forme de folie autodestructrice qui transparaît à chaque page. Le peintre parisien joue par ailleurs un rôle décisif dans le développement de l’art du paysage. Il est en totale rupture avec le cadre institutionnel de son époque avec sa pratique de la peinture en plein air dans les forêts environnant Paris.
Quelques œuvres de Lazare Bruandet (1755-1804) peintre français du XVIIIe siècle et paysagiste méconnu.
1793. Louis XVI est condamné à mort tandis que la France est frappée par la Terreur, une véritable guerre civile qui met le pays à feu et à sang. Fuyant la capitale pour trouver refuge à la campagne, un écorché vif au regard inquiétant louvoie dans la forêt. C’est un étrange peintre que voici, dont le nom résonne comme un couperet : Lazare Bruandet a des gestes un peu fous, le verbe haut et le coup d’épée tranchant. Tiraillé par des souvenirs d’enfance douloureux, hébergé par des moines qui lui demandent de l’aide, Lazare tombe sous le charme d’une jeune aubergiste. L’homme a bien du mal à se retirer de ce monde dont la violence et la bêtise l’agressent, et pour tenter de s’y soustraire, il peint la nature qui le fascine, sans souci d’académisme et de postérité vis-à-vis de son œuvre…
Rencontre exceptionnelle avec Chagall et Bella, sa muse
Chagall en Russie, à Paris, à Berlin, Chagall l’artiste singulier qui ne suit aucun courant classique ou même novateur de son temps mais trouve sa véritable personnalité et son style, Chagall apprécié des collectionneurs, des marchands, mais qui mettra pourtant tant de temps à vivre de son art. Chagall et sa muse Bella, l’amoureuse de toujours, celle qui le connaît depuis l’enfance russe, l’attend, le rejoint, l’épouse, lui donne une fille et reste toute sa vie dans l’ombre de celui qu’elle inspire, accompagne, soutient. Bella sans qui le génie du maître ne se serait peut être jamais révélé avec la même ampleur. Chagall et les couleurs, éclatantes, vives, aux compositions uniques, avec ses personnages tout droit sortis d’un rêve et qui parfois, souvent même, s’envolent.
L’artiste et sa façon si singulière de représenter aussi bien les classiques de la religion juive que les Fables ou la Bible. Intemporel, unique en son genre,aussi lumineux que coloré.
Un très beau roman qui se lit avec bonheur, curiosité et intérêt. Si au départ j’ai été surprise par le tutoiement, je m’y suis vite habituée, allant jusqu’à imaginer être à la place du maître, écoutant Bella me raconter notre vie commune.
Caroline Grimm m’a donné envie d’aller voir les tableaux dont elle parle si bien tout au long du roman. Même si j’ai déjà vu à plusieurs reprises des œuvres de Chagall dans divers musées ou expositions, j’ai très envie d’y retourner avec désormais un regard neuf.
Retour sur le destin hors du commun de Moishe Zakharovich Shagalov, pauvre gamin d’un shtetl russe, à qui André Malraux propose la rénovation du plafond du palais Garnier en 1964. Le peintre accepte, refusant d’être rémunéré pour ce qu’il considère comme la consécration ultime par son pays d’adoption. Les douze panneaux sont l’illustration éclatante de son énergie créatrice. Il a alors soixante-dix sept ans. Dès son arrivée à Paris en 1911 à l’âge de vingt-trois ans, Chagall n’aura de cesse de croire en ses rêves face aux échecs et aux drames qui viendront bouleverser le XXème siècle. À ses côtés, pendant trente-cinq ans et par-delà sa mort en 1944, son amour légendaire, Bella, qui fut sa muse, son modèle et sa première femme. Ils firent ensemble le choix absolu de la beauté, de la couleur et de l’art comme remparts face à l’adversité.
Prêtant sa voix à Bella, l’éternelle fiancée qui survole ses compositions oniriques, Caroline Grimm revisite les toiles, comme autant d’expression des états d’âme du peintre. Invitation au voyage dans l’univers incomparable d’un artiste de génie, Ma double vie avec Chagall célèbre la gloire du cœur, credo du peinte et du couple. De Vitebsk à Paris en passant par Berlin et New York, l’histoire d’une passion flamboyante, à l’image des toiles du maître.
Scénariste, actrice, productrice et réalisatrice, Caroline Grimm publie son premier ouvrage, Moi, Olympe de Gouges, en 2009. Elle l’adapte au théâtre où la pièce rencontre un joli succès. En 2012, son roman Churchill m’a menti, Flammarion, 2014, a été largement salué par la critique. Aux EHO publie deux autres romans, Vue sur mère (2019) et Ma double vie avec Chagall (2021).
EAN : 9782350877686 / Nombre de pages : 240 / 18.00 € / Date de parution : 06/05/2021
Profiter des plus de soixante chefs-d’œuvre de cette première exposition monographique consacrée à l’un des plus grands maîtres de la peinture danoise Peder Severin Krøyer (1851-1909). Ce successeur de Købke et prédécesseur d’Hammershøi tient une place majeure dans l’art de son temps. Ce peintre prolifique et excellent dessinateur est aussi un photographe au regard humaniste et bienveillant.
S’il est un contemporain de Vilhelm Hammershøi (1864-1916) dont je vous avais parlé ici Hammershøi, le maître de la peinture danoise, musée Jacquemart André, Peder Severin Krøyer est au plein air ce que Hammershøi fut à la scène d’intérieur. C’est aussi un extraordinaire interprète de l’heure bleue, ce phénomène météorologique qui précède le crépuscule et se déploie surtout aux lointains bords de mer septentrionaux. Formé à l’Académie des Beaux-arts de Copenhague et à l’atelier de Léon Bonnat, à Paris, on peut le qualifier plus certainement de peintre naturaliste qu’impressionniste.
De nombreuses œuvres dont j’ai apprécié la beauté, les couleurs, les paysages, mais aussi les thèmes, avec ces scènes de pêcheurs, réunions de famille, portraits ou rencontres avec les amis, donnent une image chaleureuse et réaliste de son époque.
Le double portrait de son épouse Marie et de leur amie, l’artiste Anna Ancher, seules, cheminant, entre mer et plage, sur une étroite bande de sable qui traverse la toile pour s’élever très haut dans l’horizon clôt le parcours. Intitulé Soirée calme sur la plage de Skagen, Sønderstrand (Anna Ancher et Marie Krøyer marchant) (1893, Skagen, Skagens Kunsmuseer) ce chef-d’œuvre est incontestablement la toile la plus illustre de Peder Severin Krøyer et sans doute la plus poétique.
Une très belle exposition à savourer grâce à la jauge réduite dans le respect des mesures sanitaires. Exposition placée sous le haut patronage de la Reine Margrethe II du Danemark.
Où : musée Marmottan Monet 2, Rue Louis Boilly Paris Quand : jusqu’au 26 septembre 2021
Ils sont trois sur la scène du Lucernaire, au milieu de draps tendus comme les toiles de l’artiste. Un acteur, et deux musiciens qui improvisent un accompagnement musical chaque soir. Ils font revivre le temps d’un spectacle le talent, les émotions, les interrogations et la vie de Nicolas de Staël. Sur les toiles, des projections de certaines œuvres nous rappellent la fulgurance de sa créativité, les formes qui se dissolvent pour n’être plus que tonalités, aplats de couleurs, alternance entre l’éclat de tons chauds et de couleurs intenses et la mélancolie douce et froide de gris et de noirs.
Un peu plus d’une heure pour entrer dans l’univers de l’artiste, pour mieux comprendre son œuvre à travers les lettres qu’il a envoyées de 1943 à 1955 à ses amis, en particulier à René Char, mais aussi à Jeanne, à sa femme, à Paul Rosenberg, son galeriste new-yorkais, etc. Assez pour apprécier la qualité et la force de cette correspondance abondante, mélancolique parfois, passionnée et sincère, souvent poétique, jamais amère même dans l’adversité.
Les textes alternent les moments heureux avec ceux où le manque d’argent se fait sentir au point de demander de l’aide, la rencontre avec Jeannine sa compagne artiste comme lui puis le décès de cette dernière, la rencontre avec sa femme, puis avec Jeanne dont il tombe éperdument amoureux, enfin la réussite qui exacerbe ses questionnements sur la qualité de sa création et le plonge dans le doute et la dépression.
Les mots de Staël pour décrire sa peinture, ou celle de Vélasquezet des artistes qu’il admire au musée du Prado sont un émerveillement et une ouverture pour mieux appréhender son œuvre. Nicolas de Staël aura peint en quelques années des centaines de toiles, des nus, des marines, des paysages, des ciels et des nuages aux couleurs sans cesse réinventées…
Le temps passe trop vite, l’accompagnement musical donne une densité et une force aux textes et aux moments de sa vie ainsi abordés. L’acteur n’essaie pas d’être Nicolas de Staël, mais d’une certaine façon, à travers ses mots, il incarne cette créativité et cette recherche de perfection qui habitent cet artiste si singulier.
Adaptation et mise en scène Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco Avec Bruno Abraham-Kremer (comédien) Hubertus Biermann (jeu et contrebasse) jean-baptiste Favory (électroacoustique)
À l’écoute des lettres de Nicolas de Staël, on est saisi de stupeur et d’émotion. Éblouis, on pénètre comme par effraction dans son atelier, au cœur de sa création, dans son monde de ciels et d’eau, de matières incandescentes… mais aussi dans l’intimité de sa vie, de ses amitiés, dont celle du grand René Char, de ses passions amoureuses. Le spectacle est une tentative de transmettre ce cadeau à tous : par la performance d’un trio d’acteur et de musiciens, faire renaître la vibration intérieure de l’artiste, sa poésie, la fulgurance de sa parole et « l’intensité de sa frappe » sur la toile blanche.
À propos de Nicolas de Staël
Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine …
Nicolas de Staël (Von Holstein) naît le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg, dans une famille aristocratique russe. En octobre 17, ils sont contraints de fuir la Révolution. Sur la route de l’exil, Nicolas perd successivement son père et sa mère, et en 1922, il est recueilli avec ses sœurs à Bruxelles par un couple russe, les Fricero. En 1933, il suit les cours de l’Académie Royale des Beaux-arts de Bruxelles. En 1938, lors d’un voyage au Maroc, il rencontre la peintre Jeannine Guillou qui devient sa compagne et aura une immense influence sur lui. Le 22 février 42, Jeannine donne naissance à leur fille Anne. En 1943, la famille retourne à Paris. Jeanne Bucher achète des dessins à Nicolas et prête un logement à la famille. Georges Braque manifeste sa sincère admiration pour le jeune peintre, et ils noueront des liens d’amitié très étroits. Ce sont des années marquées par la faim et les privations. Jeannine meurt en 1946. Peu de temps après, il épouse Françoise Chapouton dont il aura 3 enfants. En 1949, le Musée national d’art moderne de Paris acquiert Compositions, il exige d’être accroché en haut de l’escalier pour être écarté du groupe des abstraits. En 1951, René Char, lui confie l’illustration de son livre Poèmes. Ce sera le début d’une amitié féconde. À partir de l’année 1952, riche en création (plus de 240 tableaux), il expose en Angleterre, à Paris et aussi à New York, où il connaît un grand succès. L’exposition du 8 février 54 chez Paul Rosenberg se révèle un très grand succès commercial. En 1954, il s’installe à Antibes, où vit Jeanne Polge, une amie de Char, mariée, dont il tombe éperdument amoureux. Malgré l’intérêt grandissant autour de son œuvre, Nicolas de Staël se suicide en se jetant du haut de son atelier à Antibes le 16 mars 1955. Il a 41 ans et laisse inachevée sa plus grande toile Le Grand Concert.
Nicolas de Staël réalise au cours d’une carrière fulgurante, entre 1942 et 1955, l’une des productions artistiques les plus libres et reconnues de l’après-guerre, dépassant l’opposition apparente entre abstraction et figuration. L’œuvre de Staël s’inscrit comme un événement unique dans la peinture du XXe siècle
Quand : du 30 septembre au 15 novembre 2020 du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 16h Où : théâtre du Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris
Un roman léger, décalé et rafraichissant, avec un soupçon d’humour et de folie douce
Un roman paru sous le titre « sois toi-même les autres sont déjà pris » phrase empruntée à Oscar Wilde… D’où le changement peut être ?
Alfredo Scali est peintre, artiste, pas en bâtiment. Enfin, ça c’est lui qui l’affirme haut et fort tant à sa famille qu’à son inénarrable conseiller pôle emploi. Pourtant rien n’y fait, personne ne veut de ces rêves d’animaux qu’il a posé sur ses toiles.
Sa chère grand-mère est atteinte d’Alzheimer. Une association lui propose l’aide d’un singe capucin pour l’assister dans ses tâches quotidiennes. Mais c’est sans compter sur l’évolution de la maladie. Aussi, le jour où elle menace d’en faire du bouillon, Alfredo se voit contraint de récupérer Schmitt, le gentil singe amateur de beignets à la pistache. La cohabitation sera facile et plutôt joyeuse, et aura des conséquences inattendues pour Alfredo et la réalisation de ses ambitions d’artiste.
De péripéties en courriers rageurs auprès de son conseiller, Alfredo va finir par trouver le succès auprès d’un galeriste… Mais qui est le véritable auteur des œuvres exposées ? Et comment va-t-il se dépêtrer de ces accommodements pas vraiment raisonnables qu’il mène avec sa conscience.
Le roman est parsemé de nombreuses invraisemblances et de tout aussi nombreuses expressions empruntées, mais le personnage central est plutôt attachant et la morale de l’histoire est sauve. L’auteur pose également quelques questions, comment vivre en étant réellement soi-même, réaliser ses rêves, être honnête avec soi et les autres. Le tout en fait un moment de lecture qui s’il a quelques défauts est cependant léger et décalé.
Tout sourit à Alfredo Scali, peintre ambitieux : il vient d’être repéré par un grand galeriste parisien et peut enfin se débarrasser de son conseiller Pôle Emploi ! Ses parents sont aux anges. Même Schmidt, le petit singe hérité de sa grand-mère, semble fier de lui. Et pour cause : le capucin malicieux, accro aux beignets à la pistache et à Starsky sans Hutch, est le véritable auteur des toiles ! Comment Alfredo va-t-il se sortir de cette situation ? D’une friterie belge aux plages paradisiaques de République dominicaine, il nous entraîne dans une aventure ubuesque. Avec sa galerie de personnages hauts en couleur et une belle palette d’humanité, ce roman réjouissant est un bijou de fantaisie.
Né en 1977 en banlieue parisienne, David Zaoui a suivi les cours Florent et travaillé comme réalisateur et producteur dans le cinéma pendant plusieurs années, notamment aux États-Unis. Lauréat du Festival du premier roman de Chambéry 2018 pour Je suis un tueur humaniste, il se consacre aujourd’hui à l’écriture.
288 pages / Date de parution : 06/05/2020 / EAN : 9782253240679
Rétrospective chronologique d’un artiste singulier « dernier grand maître de la Renaissance, premier grand peintre du Siècle d’Or »
Mystique ? Fou ? Tout a été dit sur son œuvre et sur cet artiste atypique. Né en 1541 en Crète, Domenico Theotokopoulos, dit Le Greco, fait son premier apprentissage dans la tradition byzantine. Inspiré depuis toujours par l’Italie de la renaissance, il va parfaire sa formation à Venise en 1567.
Lorsqu’il s’installe à Rome en 1570, il découvre les grands artistes de l’époque. Il rencontre Le Titien, et les œuvres Michel-Ange mort depuis quelques années. Il emprunte les compostions du Tintoret, le clair-obscur de Bassano, ou les couleurs du Titien, et à son tour passe maitre dans l’art du portrait.
N’arrivant pas à trouver sa place, il quitte l’Italie en 1577 pour Madrid puis Tolède. Là, il reçoit de nombreuses commandes, y compris pour l’Escorial du roi Philippe II. Cherchant à se singulariser, il va proposer d’autres modèles, couleurs, formes, et ainsi créer puis imposer son propre style.
Certains personnages semblent avoir sa faveur, les Saints, la Pietà, Marie-Madeleine ou encore Jésus chassant les marchands du temple. Il les représente souvent méditatifs, visages penchés, comme repentants, aux yeux larmoyants, aux mains fuselées, aux doigts infiniment longs, ou au contraire auréolés de gloire. Il pose sur ses toiles des détails anachroniques, mais aussi parfois les portraits de ses maitres.
Compositions aux personnages rassemblés, ou au contraire démesurément allongées, bras levés vers le ciel, personnages étirés nimbés de couleurs vives sur fond sombres… Tout au long de sa carrière, il aura également peint à de multiples reprises la même toile à laquelle il apporte quelques modifications mineures. Idée reprise dans les séries par Monet ou Warhol ?… Le Greco meurt en 1614 à Tolède, à l’âge de soixante-treize ans.
L’exposition du Grand Palais propose 75 œuvres de divers formats, très peu de dessins, mais il faut dire que très peu sont parvenus jusqu’à nous.
Quand : jusqu’au 10 février Où : Grand Palais 3 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris
Découvrir la vie tumultueuse et le talent d’un peintre méconnu avec Torrentius, le roman historique réaliste et truculent de Colin Thibert
Né en 1589 à Amsterdam, Johannes van der Beeck dit Torrentius est un peintre qui réalise les natures mortes les plus incroyables de son époque, grâce à une technique inédite qui lui permet d’obtenir une lumière unique. Un émissaire du roi d’Angleterre le remarque et lui passe commande d’une toile au nom du roi Charles Ier d’Angleterre.
Torrentius est un homme frivole qui aime les beaux habits et les bijoux, le vin et les filles. Ce libertin invétéré aime s’encanailler dans les auberges sans toujours y payer son écot, profiter de la vie dans tout ce qu’elle peut lui offrir, et clame haut et fort que son coup de pinceau est l’œuvre du diable. Il profite également de son grand talent pour réaliser quelques gravures pornographiques qu’il fait vendre sous le manteau. Mais vivre cette vie-là, c’est hélas oublier qu’aux Pays Bas à cette époque règnent les prédicants et l’austérité de la religion calviniste.
Arrêté par le bailli d’Harlem qui a juré sa perte, Torrentius est torturé, jugé puis condamné. Il sera sauvé in extremis par Charles Ier d’Angleterre mais la torture et la prison auront eu raison de sa passion et de son art… Il meurt le 17 février 1644 à Amsterdam.
Dans ce court roman, Colin Thibert fait efficacement ressentir à ses lecteurs l’ambiance délétère qui régnait dans cette Hollande du XVIIe siècle et dans les pays calvinistes. Quand la raison divine devient prépondérante, et que les diktats religieux font fi des relations humaines. Il décrit un homme certes libertin, mais surtout un génie de la peinture au caractère trempé et capable de résister aux épreuves infligées par l’Homme. Un roman qui fait réfléchir sur la nature de l’homme et sur les aberrations qui sont commises lorsque les religions deviennent prépondérantes sur les lois des hommes, et ce qu’elles qu’elles soient.
Si l’on se souvient bien des dégâts provoqués par l’inquisition aussi bien en France qu’en Espagne, on connait souvent moins bien cette chasse aux sorcières et aux mécréants qui a également frappé les provinces du nord. La prospère et bourgeoise Hollande du XVIIe siècle est aux mains des protestants qui prônent une vie aussi rigide qu’austère au service d’un Dieu bien peu compatissant.
Le roman de Colin Thibert m’a fait penser au roman Miniaturiste de Jessie Burton, qui se passe à Amsterdam en 1686, ou encore à La rose de Saragosse de Raphaël Jerusalmy, où l’on retrouve les folies criminelles de l’inquisition.
Le seul tableau de Torrentius qui a survécu à la destruction de toute sa production, Nature morte avec bride et mors, 1614, est conservé au Rijksmuseum d’Amsterdam.
Sous le nom de Torrentius, Johannes van der Beeck peint les plus extraordinaires natures mortes de son temps et grave sous le manteau des scènes pornographiques qui se monnayent à prix d’or. Dans l’austère Haarlem du XVIIe, ce provocateur flamboyant, noceur invétéré et fornicateur insatiable, fascine autant qu’il dérange. Certains donneraient cher pour le neutraliser. Un bailli zélé mène l’offensive et le traduit en justice. Sous la menace de la torture, le blasphémateur acceptera-t-il de se renier ? Aussi précis et raffiné que les toiles de ce génie oublié de la peinture flamande, Torrentius est le roman du destin contrarié d’un avant-gardiste. Recomposant le tableau de cette existence tumultueuse, la plume savoureusement anachronique de Colin Thibert nous invite à côtoyer cet hédoniste libertaire.
128 pages | 15€ / Paru le 22 août 2019 / ISBN : 978-2-35087-537-8