Les autres fleurs font ce qu’elles peuvent, Alexandra Alévêque

Quand protéger les enfants crée des blessures si longues à guérir, un premier roman témoignage émouvant, qui évoque le deuil et les secrets de famille

Violette à dix ans en 1982 quand la vie bascule, son père adoré est malade. Instituteur, fumeur invétéré, papa sérieux et mari aimant, il est un père vite idéalisé. Ses deux frères sont partis à la ville étudier, elle reste seule à la maison avec Jeanne, sa si jolie maman.

Quand la maladie arrive, brutale, au diagnostic mal posé, le silence s’installe autour d’elle. Violette n’attend rien si ce n’est le retour de son papa. Pourtant, elle est mise à l’écart. Selon une théorie fausse qui veut que l’on doit protéger les enfants dans certaines situations douloureuses, elle sera même envoyée en vacances chez des amis.

Le roman alterne deux époques, les années 80, avec la maladie et ses conséquences dans  l’entourage familial. Puis 2009 et après, quand quarante ans plus tard, cette blessure la touche encore et que son travail de deuil n’est toujours pas accompli.

Un roman émouvant, où les choses sont dites avec douceur et réalisme. C’est à la fois vivant et triste. En parallèle du drame familial il y a les souvenirs heureux d’une enfance passée dans une famille aimante, l’école, les copines, les rêves. L’incompréhension face à une situation douloureuse que l’enfant n’est peut-être pas prête à entendre, et la réaction de la famille, puis le travail de la femme d’aujourd’hui, sa vie depuis et comment on se construit dans l’absence et le silence.
Une jolie lecture malgré le thème qui aurait pu être pesant. Un auteur que je découvre avec grand plaisir.

Catalogue éditeur : Sable Polaire

Violette vit dans un monde idyllique entre ses parents, et ses deux frères. Un jour d’octobre 1982, ce doux quotidien se trouve chamboulé. Son papa, alité depuis quelques jours à cause de maux de tête, est emmené à l’hôpital. Quand Violette comprend que cette vie sans heurts est en train de prendre une sale tournure, une multitude de questions la hante : peut-on mourir d’un mal de crâne ? Combien de temps vont rester tous ces gens à pleurer dans le salon ? Et pourquoi passent-ils leur temps à écouter une cassette audio ? Vingt-sept ans plus tard, Violette est une femme obsédée par une pensée : elle doit absolument récupérer cette satanée cassette.

Date de parution 21/08/2019 / 20cm x 13cm / Nombre de pages : 128 / EAN : 978-2490494606

Tout quitter, Anaïs Vanel

Et si Tout quitter était la solution pour vivre pleinement et sereinement sa vie rêvée ? Un roman qui nous entraine au gré des vagues et des performances des surfeurs de la côte Basque 

Rejoindre le sud, c’est mieux que d’être à l’ouest et de ne plus supporter la ville. Tout quitter pour revivre, loin des autres, du passé, avec seulement quelques valises, et mettre toute une vie dans le coffre d’un Berlingo, ça ne pèse pas bien lourd… et si c’était la condition pour mieux avancer ?

A la façon du surfeur qui étudie sa vague et la courbe qu’il doit prendre pour sortir des flots, la narratrice a tout quitté pour mieux s’élancer. C’est donc vers La Sud, une plage qu’elle connait déjà, qu’elle est partie pour fuir son quotidien, pour se retrouver, se ressourcer, et au grès des vagues, sur sa planche de surf, réapprendre sa vie. Bon, bien sûr, c’est quand même dans sa maison du sud qu’elle va fuir la capitale, l’inconnu total n’est pas au bout du chemin ! Mais qu’importe, le pas est franchi, la vague est passée, sa vie va changer.

Voilà un court roman qui interroge sur nos options de vies, celles que l’on prend ou pas, que l’on regrette parfois de ne pas avoir saisies au bon moment, et qui nous rendent plus forts quand on arrive à les réaliser. J’ai aimé cette construction en touches fines déposées sur la page comme autant d’instants de vie qui permettent d’avancer, et qui sont chacune empreintes d’une certaine poésie. Dans de courts paragraphes, les saisons et les jours défilent, ceux de l’enfance et du passé, ceux du nouveau monde que l’on se construit, de l’oubli qui régénère, de ces murailles d’eau que l’on bâtit pour mieux se protéger. Quitter la folie de la ville, le rythme dément des transports, le stress du bureau, même lorsqu’on a la chance d’exercer un métier que l’on aime,  et si c’était la solution pour aller de l’avant sereinement, sans se perdre  en route ?

Catalogue éditeur : Flammarion

« Un jour, j’ai acheté un Berlingo. J’ai mis quelques cartons dans le coffre et je suis partie. J’ai pris la route comme ça. Après ma journée de boulot, comme on part en week-end. J’ai avalé les kilomètres, en écoutant King of the Road, de Roger Miller. Et enfin. Les pins. Les dunes. Les embruns. L’appartement. J’ai éventré les cartons. Trouvé mon maillot de bain. Et je suis allée me jeter dans les vagues. »

Au rythme des saisons et des vagues de la Sud, la grande plage près de laquelle elle vient de s’installer, Anaïs retrouve les souvenirs qui habitent en elle. Devant l’étonnante simplicité des choses, tout quitter signifie la réconciliation avec soi.

Paru le 25/09/2019 / 192 pages – 135 x 210 mm / Prix : 18,00€ / ISBN : 9782081478497

Vigile. Hyam Zaytoun

Vigile, celui qui guette, qui protège, qui attend, le Vigile d’Hyam Zaytoun est un bel objet littéraire, un récit sublime de douleur et d’amour.

Plus qu’un roman, voilà un récit qui vous prendra aux tripes par son authenticité, par les sentiments qu’il fait affleurer à nos esprits, embrumés par tant de douleur, par cette crainte de perdre ceux qu’on aime, face à l’incertitude, la maladie, quand il n’y a plus que l’urgence d’aimer, de vivre.

Une nuit, une jeune femme est réveillée par la respiration vrombissante de son compagnon, quel bruit, oui, mais pourquoi ? Elle se rend vite compte que la situation est grave et qu’il est en défaillance respiratoire, il fait un arrêt cardiaque. Le temps que les secours arrivent, pendant une éternité, elle pratique les gestes qui sauvent, ceux qu’elle avait appris sans trop y croire.

Puis il est emporté vers l’hôpital, opération, coma artificiel. L’attente est longue, difficile, éprouvante pour chacun des membres de la famille, pour la compagne, les parents, les enfants, les amis…

C’est cette longue épreuve qui est dite ici avec autant de pudeur que de force, d’espoir que d’attente, de défaite que de chagrin. Il y a dans ce récit à peine quelques jours d’une vie, mais des jours, des secondes, d’une intensité folle, profonde, éprouvante, qui nous entrainent au plus intime de la peur, de l’angoisse, de l’attente, de l’amour aussi.

Que faire, espérer, attendre, dire aux enfants, se préparer, rien n’a de sens, rien n’est possible, et pourtant la vie avance, jour après jour… c’est beau et triste, intense et fragile, comme la vie et la mort, comme l’amour et l’espoir, comme des rires d’enfants et des chagrins d’adulte. Une jolie et émouvante pépite littéraire.

💙💙💙💙💙

Catalogue éditeur : Le Tripode

Un bruit étrange, comme un vrombissement, réveille une jeune femme dans la nuit. Elle pense que son compagnon la taquine. La fatigue, l’inquiétude, elle a tellement besoin de dormir… il se moque sans doute de ses ronflements. Mais le silence revenu dans la chambre l’inquiète. Lorsqu’elle allume la lampe, elle découvre que l’homme qu’elle aime est en arrêt cardiaque.
Avec une intensité rare, Hyam Zaytoun confie son expérience d’une nuit traumatique et des quelques jours consécutifs où son compagnon, placé en coma artificiel, se retrouve dans l’antichambre de la mort.

Comment raconter l’urgence et la peur ? La douleur ? Une vie qui bascule dans le cauchemar d’une perte brutale ? Écrit cinq ans plus tard, Vigile bouleverse par la violence du drame vécu, mais aussi la déclaration d’amour qui irradie tout le texte. Récit bref et précis, ce livre restera à jamais dans la mémoire de ceux qui l’ont lu.

Comédienne, Hyam Zaytoun joue régulièrement pour le théâtre, le cinéma et la télévision. Elle collabore par ailleurs à l’écriture de scénarios. Elle est aussi l’auteur d’un feuilleton radiophonique – « J’apprends l’arabe » – diffusé sur France Culture en 2017. Vigile est son premier texte. 

Récit / 128 pages / EAN : 9782370551856 / Prix: 13,00 € / Parution : 3 janvier 2019

Léonor de Recondo, Manifesto

Ce roman autobiographique nous entraine à la rencontre de Félix de Recondo, de sa fille Léonor et de l’ami Ernesto Hemingway.

Léonor de Recondo, écrivain violoniste, Félix de Recondo, peintre et sculpteur, se rejoignent dans cette chambre 508 de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour la longue et éprouvante dernière nuit du père. Là, les pensées de Félix s’envolent vers l’enfance, l’Espagne et le pays basque, mais aussi vers Ernest Hemingway, l’ami plus âgé que Félix va retrouver, car la mort aboli toutes les différences, d’âge en particulier.

Les chapitres, très courts, alternent les voix de Félix, de Léonor et d’Ernesto, pour nous rendre compte des belles choses du passé. La voix de Félix pour évoquer l’enfance, Amatxo et la grand-mère, l’amitié avec Ernest Hemingway, mais aussi la guerre civile espagnole, la destruction de Guernica, le franquisme, la lutte, la fuite vers la France, et l’exil, définitif qui vous ampute d’une partie de vous-même, la mort de ses enfants d’un premier lit. La voix de Léonor pour évoquer l’enfance aussi, avec ce père artiste qui lui façonne un violon unique, mais aussi pour évoquer la douleur de la perte du père, que l’on aime par-dessus tout, et ses dernières heures qui s’étirent dans la douleur et le souvenir, dans une austère et impersonnelle chambre d’hôpital. La voix d’Ernesto pour évoquer l’amour, les femmes, la guerre, la mort.

J’avais déjà aimé Amours du même auteur. Ici, dans un style différent, plus personnel, Léonor de Recondo nous offre un roman triste et beau comme des notes de violon qui s’échapperaient d’une chambre où l’on veille celui qui bientôt ne sera plus… Manisfesto est indiscutablement un superbe roman de cette rentrée de janvier.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix des lecteurs BFM l’Express

Catalogue éditeur : Sabine Wespieser

« Pour mourir libre, il faut vivre libre. » La vie et la mort s’entrelacent au cœur de ce « Manifesto » pour un père bientôt disparu. Proche de son dernier souffle, le corps de Félix repose sur son lit d’hôpital. À son chevet, sa fille Léonor se souvient de leur pas de deux artistique – les traits dessinés par Félix, peintre et sculpteur, venaient épouser les notes de la jeune apprentie violoniste, au milieu de l’atelier. L’art, la beauté et la quête de lumière pour conjurer les fantômes d’une enfance tôt interrompue.
Pendant cette longue veille, l’esprit de Félix s’est échappé vers l’Espagne de ses toutes premières années, avant la guerre civile, avant l’exil. Il y a rejoint l’ombre d’Ernest Hemingway. Aujourd’hui que la différence d’âge est abolie, les deux vieux se racontent les femmes, la guerre, l’œuvre accomplie, leurs destinées devenues si parallèles par le malheur enduré et la mort omniprésente.
Les deux narrations, celle de Léonor et celle de Félix, transfigurent cette nuit de chagrin en un somptueux éloge de l’amour, de la joie partagée et de la force créatrice comme ultime refuge à la violence du monde.
Parution 10 janvier 2019 / Prix : 18 €, 192 p. / ISBN : 978-2-84805-314-1

Un fils obéissant, Laurent Seksik

Un roman qui évoque la relation universelle entre un père et un fils aimants

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Tel que l’exige la religion juive, alors que son père est décédé depuis un an, Laurent Seksik se rend sur sa tombe à Jérusalem pour honorer sa mémoire. Un an à réciter le kaddish chaque jour, puis se rassembler pour honorer le défunt et dire quelques mots à son attention, entouré de tous ceux qui pensent à lui, pour enfin le laisser partir…

Alors qu’il est en chemin, il échange avec sa voisine d’avion, installée sur le siège à côté de lui. Banale et courtoise tout d’abord, cette conversation, pas forcément voulue au départ, va rapidement devenir l’occasion pour l’auteur de se remémorer les instants de joie, de bonheur, les étapes d’une vie au contact de ce père à la présence magnétique.

Si le rêve de ce père n’est pas tu seras un homme mon fils, mais bien tu seras écrivain, ce père qui l’a encouragé dès ses premières rédactions d’enfant, il lui faudra bien assouvir aussi le rêve d’une mère, tu seras médecin mon fils… Aujourd’hui, après avoir exercé comme médecin pendant des années, après avoir écrit en parallèle plus d’une dizaine d’ouvrages, l’auteur a réalisé ces deux rêves.

Après avoir découvert et apprécié Romain Gary s’en va-t-en guerre, j’avais très envie de lire le dernier roman de cet auteur de talent au parcours atypique. Bien m’en a pris… Ce roman est un long discours intérieur, même s’il s’agit d’un échange, d’un long cheminement vers l’enfance, la relation entre le père modèle et le fils parfait, vers l’histoire de ses ancêtres, en particulier d’un certain Victor, figure emblématique de la cellule familiale, c’est également une projection vers l’avenir, où la présence du père est à la fois protectrice et émulatrice, bienveillante et critique.

Cette longue conversation à huis-clos est aussi l’opportunité de se remémorer les étapes de la maladie, la souffrance que cela entraîne, le courage face à une fin inéluctable. D’évoquer le rôle difficile du médecin confronté à un père malade, le dernier patient que l’on doit avoir envie de consulter sans doute, à qui il est difficile de dire la vérité – car est-on justement capable de l’appréhender soi-même cette vérité ? – malgré la confiance aveugle qu’il vous fait… Le moment d’affronter la mort d’un proche, la souffrance que cela engendre, qui vous fait grandir d’une certaine façon, même si pas un seul d’entre nous n’a envie de vivre cette situation. Sans parler de comprendre et d’accepter le chagrin, la tristesse de ceux qui restent…

Il y a beaucoup d’émotion à la lecture de ce fils obéissant. C’est à la fois intime, personnel et universel, cette relation au père, aux parents même, ce besoin de plaire, de satisfaire, de réaliser les rêves et les espoirs qui sont mis en chacun de nous par ceux qui nous ont conçus.

Du même auteur, j’avais également beaucoup aimé le roman Romain Gary s’en va-t’en guerre.

Catalogue éditeur : Flammarion

Un homme se rend sur la tombe de son père un an après sa disparition pour y tenir un discours devant une assemblée de proches…
Le neuvième roman de Laurent Seksik, le premier où il ose le je, embrasse une vie d’amour filial. Ce voyage entre présent et passé entremêle l’épopée prodigieuse d’un grand-oncle… Lire la suite

Paru le 22/08/2018 / 256 pages / 140 x 211 mm Broché / EAN : 9782081413030

Dix-sept ans. Eric Fottorino

A la recherche de l’enfance et de la mère, un roman intime et émouvant

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D’Eric Fottorino je n’avais encore rien lu, si ce n’est bien sûr l’excellent journal Le 1. En cette rentrée littéraire, le thème de la famille et celui de la relation fils père ou mère m’a attirée.  Après la lecture du roman de Laurent Seksik, Un fils obéissant, puis de l’excellent Oublier mon père de Manu Causse, me voilà face à cette histoire qui lie un fils à sa mère.

Un fils et une mère absente, puisque c’est sa grand-mère que le jeune Éric a longtemps appelée maman. Puisque dans ces années 60, le poids du quand dira-t-on  et de la religion ont guidé cette grand-mère autoritaire et toute puissante qui fait plier sa fille d’à peine dix-sept ans. Enceinte hors mariage, engrossée par Moshé, un étudiant juif vite reparti à Fès, cette fille mère ne sera pas rejetée par les siens, mais c’est tout comme. Elle devra s’effacer pour que l’opprobre ne tombe pas sur la famille, et son fils, né en catimini à Nice, est élevé par une grand-mère hostile qui fera tout pour annihiler en lui jusqu’à la judéité du père absent.  Lina devient la sœur de son fils… Puis Lina épouse le gentil Michel, qui arrive de Tunisie. De cette union naîtront deux fils légitimes et Eric sera adopté par ce mari aimant mais suicidaire.

Lorsque s’ouvre ce roman, Lina avoue à ses fils la douleur qui la tourmente depuis tant d’années. Eric décide alors de partir à la recherche de sa propre enfance, de sa naissance, de chercher les traces de la mère qu’enfant il n’a pas eue, de cette Lina qu’il n’a jamais vraiment connue, jeune fille de dix-sept ans, jeune femme, jeune mère.

Le roman est ce long échange entre un fils parti sur les traces de sa mère, échange avec les souvenirs, les impressions, les attentes de ce bonheur perdu qui ne viendra jamais plus, avec cette mère qu’il aurait voulu connaître. Avec ces pères absents aussi, morts tous les deux, mais arrivés bien tard dans sa vie. Attente sans doute d’une meilleure compréhension des silences, des absences, des douleurs incomprises dans l’enfance, mais qui révèlent aujourd’hui toute leur réalité et leur poignante  vérité.

Difficile de comprendre et d’accepter la distance que ce fils éprouve pour sa mère, mais elle est si évidente  pourtant. Le chemin vers l’amour et la compréhension est long et douloureux, mais l’issue en est heureuse. J’ai aimé cette quête d’une enfance, d’une trace du bonheur, d’une mère absente à réinventer, l’aveu de ce manque, de cette vie gâchée, est certainement un bel exemple pour ceux qui n’osent pas dire… Il y a beaucoup d’émotion tout au long de ces pages, de beaux sentiments aussi, même si l’amour n’arrive pas toujours à s’exprimer envers cette mère méconnue et quasi rejetée. Il y a aussi cette écriture, à la fois léchée et sobre, avec une pointe d’humour pour évoquer la vie, les sentiments. Une forme d’humilité et de douceur aussi dans cette recherche désespérée au plus profond, au plus secret de cette intimité dévoilée. Enfin, une façon de se regarder en face en toute objectivité, sans parti pris, y compris pour exprimer la douleur, les instants de faiblesse ou même de rejet quasi physique de cette mère si longtemps incomprise.

Tu ne m’aimais jamais assez puisque je t’aimais toujours trop. Je ne te voyais pas comme tu étais. Il suffisait pourtant d’ouvrir les yeux.

Les yeux se sont ouverts, et avec eux le chemin du cœur…. Et l’auteur nous emporte avec lui auprès de Lina, cette jeune fille de soixante-quinze ans qui ne demande qu’à aimer et être aimée en retour.

Catalogue éditeur : Collection Blanche, Gallimard

 «Lina n’était jamais vraiment là. Tout se passait dans son regard. J’en connaissais les nuances, les reflets, les défaites. Une ombre passait dans ses yeux, une ombre dure qui fanait son visage. Elle était là mais elle était loin. Je ne comprenais pas ces sautes d’humeur, ces sautes d’amour.»

Un dimanche de décembre, une femme livre à ses trois fils le secret qui l’étouffe. En révélant une souffrance insoupçonnée, cette mère niée par les siens depuis l’adolescence se révèle dans toute son humanité et son obstination à vivre libre, bien qu’à jamais blessée.
Une trentaine d’années après Rochelle, Éric Fottorino apporte la pièce manquante de sa quête identitaire. À travers le portrait solaire et douloureux d’une mère inconnue, l’auteur de Korsakov et de L’homme qui m’aimait tout bas donne ici le plus personnel de ses romans.

272 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782070141128 / Prix : 20,50 € / Parution : 16-08-2018

La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose, Diane Ducret

Un roman vrai, émouvant, un beau parcours de vie

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Ah, mais voilà un joli roman feelgood, à la couverture sympathique qui va nous faire passer un bon moment de lecture. Ah, mais non, ne vous y fiez pas, car sous des airs légers, ce roman profond et sensible va vous toucher au cœur ! Alors préparez-vous, car le flamant rose vous entraîne bien bas, vers l’enfer que va vivre la douce Enaid…

Alors Diane, ou Enaid ? Est-ce un portrait inversé de l’auteur ? Est-ce l’image, le reflet d’une vie difficile dont elle aura su se relever ? Parce que avouons-le, elle a quand même une vie de roman cette Enaid, mais de roman catastrophe, car elle en cumule des événements négatifs dans sa courte vie !

En effet, depuis toujours, Enaid collectionne les malheurs. Cette jeune femme pas banale aurait à priori tout pour réussir, mais non, avec elle rien ne fonctionne. Les hommes qui l’attirent sont tous ce qu’on appelle aujourd’hui des pervers narcissiques, de ces hommes auxquels on s’attache mais qui vous détruisent lentement mais sûrement, vous faisant croire qu’ils sont indispensables et que sans eux, vous qui êtes tellement nulle, vous seriez encore plus mal… Et bien sûr, elle y croit, Enaid, à ces beaux discours, à ces hommes indispensables à son équilibre, à cette vie qu’ils lui promettent. Et elle tombe, sous les coups, physiques ou moraux, qu’importe, car tous laissent des marques,  indélébiles parfois, et il est si difficile de s’en relever ! Il en faut du courage, de la volonté, de l’amour de soi au plus profond de son désespoir pour arriver à s’en sortir !

Car cette enfant qui grandit sans mère, auprès d’Yvette et André, qu’elle trouve un peu vieux peut-être, qui la surprotège et la freine dans ses élans. Mais elle ne se pose pas trop de question, jusqu’au jour où elle comprend que ce sont ses grands-parents (mais où sont passés les parents !). Alors il y a les années d’adolescence, difficiles, contestataires, puis l’accident de cheval, terrible, handicapant et mal soigné, les rencontres amoureuses, fiascos dévastateurs. Et toujours une jeune femme capable de se relever, d’avancer, de positiver. Pourtant, bon sang avouons-le, ce n’est vraiment pas facile ! Bref, une femme que j’admire énormément pour sa résilience (oui, je sais, c’est bateau la résilience, mais manifestement elle a pris son envol de flamant rose et a réussi à soigner le mal profond qui l’a blessée pendant trente ans, alors …), son côté positif. Aie, que c’est dur de démarrer dans la vie sans savoir si l’on a un jour été aimée par ses parents, avec ce doute lancinant et destructeur, puis de subir les violences conjugales, comme si votre vie ne pouvait être que ça, une succession de malheurs à l’infini ! Mais elle est si forte, si vaillante, si enthousiaste Enaid, que même les obstacles qu’elle franchi sont une course en avant qui lui permet d’accéder au bonheur, d’avancer vers l’avenir.

J’ai aimé, beaucoup ! J’ai été bouleversée et j’ai passé des moments d’émotion intense, des moments difficiles mais également tendres avec Enaid. J’ai eu envie de l’accompagner, de la cajoler, de lui dire les mots qu’on dit à un enfant, à une jeune femme, pour l’aider à grandir. Mais elle n’en a pas besoin, elle va atteindre l’impossible étoile, celle qui brille dans son cœur, elle éclate de vie, d’énergie positive, elle est lumineuse comme ses mots qui vous emportent. Que d’émotions à vivre et à ressentir en tournant ces pages, impossible de tout dire, mais lisez, jusqu’au bout !

Tu as été ma mère et j’ai été ta fille…

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J’avais déjà beaucoup aimé le roman de Diane Ducret Les indésirables. Là elle nous entraîne dans un tout autre registre et c’est tout aussi formidable.

Lire aussi l’interview de Diane Ducret par Karine Papillaud sur lecteurs.com : « On a fait de la résilience quelque chose de normatif » Diane Ducret

Catalogue éditeur : Flammarion

La loi de Murphy n’est rien comparée à la loi d’Enaid : tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera plus mal encore qu’on aurait humainement pu le prévoir.
Après avoir été quittée à Gdansk par téléphone, Enaid se rend à l’évidence : les fées qui se sont penchées sur son berceau ont dû s’emmêler les pinceaux…Lire la suite

Littérature française / Paru le 28/02/2018 /  273 pages  / 150 x 223 mm / EAN : 9782081421691 ISBN : 9782081421691

Seuls les enfants savent aimer, Cali

Un retour vers l’enfance, vers un souvenir prégnant qui marqué une vie à jamais, le décès de sa mère

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Alors qu’il a 6 ans, le jeune Bruno voit sa vie basculer avec la mort de sa mère, une jeune femme de trente-trois ans. Bien sûr, il y avait des semaines qu’elle luttait contre la maladie, qu’elle était partie à l’hôpital, mais elle était revenue à la maison.
« Tu es revenue. Pour partir à jamais. »

Une plaie ouverte qui ne se refermera pas. Il n’a pas été autorisé à accompagner à son enterrement celle qu’il aime par-dessus tout, qui compte tant pour lui, trop jeune, trop fragile. C’est dans une pièce obscure de la maison qu’il va deviner, inventer, la mise en terre, les adieux, pourtant passage quasi obligé pour la plupart des vivants pour arriver à faire son deuil de celui qui part. Un amour filial dont personne dans la famille n’a su prendre la mesure.

Des années après, celui qui s’appelle pour nous tous Cali, va enfin écrire, avec les mots du petit garçon de cette époque, la perte, le chagrin, les évènements qui ont bouleversé son horizon, pendant les mois qui vont suivre le deuil.

Un père qui meurt peu à peu de l’absence et sera plus souvent au café qu’à la maison, une grande sœur qui tente tant bien que mal de pallier au manque en faisant les tâches ménagères de cette mère disparue, la famille qui ne trouve rien de mieux que de détruire toute trace de celle qui est décédée, en brulant tout, scène marquante du roman j’avoue. Puis il y a l’école, Carole, celle qui focalise tous les sentiments de Bruno, son amour sans retour, Alec, le meilleur ami, celui des secrets, des bêtises, des câlins aussi, enfin le départ en colonie, comme une punition suprême, un éloignement de plus du lieu où repose sa mère.

Des souvenirs forts pour l’enfant qui sont tantôt écrits avec le langage du petit garçon, tantôt avec celui du poète, mais qui du coup tiennent également le lecteur à distance de la douleur. Mais sans doute est-ce voulu, pour tenir l’adulte qu’il est devenu également à distance de cette douleur si prégnante et destructrice ? Alors comment dire, il m’a manqué un petit quelque chose pour être emballée, même si j’ai été touchée par ce premier roman d’un homme qui sait jouer avec les mots, y compris pour exprimer le chagrin et la perte, l’incompréhension et la manque.

Mes poings fous tambourinent à la porte de l’église.
Celle de la mort, des enterrements.
« Il est où, Dieu ? »
…. Je dois lui parler seul à seul. Et comprendre
.

Lire également les chroniques de Nath Le boudoir de Nath, de HCh Dahlem Ma collection de livres,  et de Joëlle Les livres de Joëlle

Catalogue éditeur : le Cherche Midi

Seuls les enfants savent aimer.
Seuls les enfants aperçoivent l’amour au loin, qui arrive de toute sa lenteur, de toute sa douceur, pour venir nous consumer.
Seuls les enfants embrassent le désespoir vertigineux de la solitude quand l’amour s’en va.
Seuls les enfants meurent d’amour.
Seuls les enfants jouent leur cœur à chaque instant, à chaque souffle.
À chaque seconde le cœur d’un enfant explose.
Tu me manques à crever, maman.
Jusqu’à quand vas-tu mourir ?

Date de parution : 18/01/2018 / EAN : 9782749156385 / Nombre de page : 188

Toutes les familles heureuses, Hervé Le Tellier

Quand Hervé Le Tellier raconte l’histoire de sa famille et passionne ses lecteurs 

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Toutes les familles heureuses est un roman particulièrement réussi et qui se lit d’une traite, avec à la fois crainte, tristesse et grands éclats de rire, car il y a tout dans ces lignes, tout ce qui fait la vie, gaîté, malheur, incohérence, tristesse, rigolade, et quelques souvenirs, très peu de souvenirs concrets mais beaucoup de sentiments à partager.

Voilà un livre sur la famille dans ce qu’elle a de plus complexe, de plus dramatique parfois, avec une mère toxique qui ne joue pas son rôle, un père inconnu, un beau-père transparent qui fait ce qu’il peut. On le comprend vite, la seule issue pour le jeune homme de 17 ans qu’était l’auteur est de s’enfuir de chez lui à tire d’aile, le plus loin possible, pour survivre, intact et poursuivre une vie normale. Et l’on se rend compte que l’amour des parents n’est pas une évidence, que le bonheur n’est pas toujours partagé, mais que pourtant de tant d’erreurs peut émerger un homme équilibré et parfaitement heureux. Enfin, apparemment ! L’auteur a osé se mettre à l’écriture de ce roman autobiographique lorsque les principaux protagonistes ont disparu, ou qu’il était assuré qu’ils ne pourraient pas être blessés par cette lecture…. Une forme d’amour sans aucun doute, de respect en tout cas, qui démontre que tout n’est pas si triste et sombre.

J’ai aimé Toutes les familles heureuses, alors que je craignais de m’embarquer dans une histoire de famille qui allait peut-être me lasser, ou me laisser indifférente car ce n’était ni la mienne, ni celle de tout le monde. Mais il m’aura fallu du temps pour en parler, puisque ce roman est une de mes lectures de la rentrée de septembre 2017.

Parce qu’il est dans la lignée de Fugitive, parce que reine peut-être ? … A croire que les enfances malheureuses, ou les enfants mal aimés, font d’excellents auteurs de romans et leur histoire de fabuleux romans, sans doute parce que ces mêmes auteurs ont su sublimer et dépasser cette violence faite à l’enfant qu’ils étaient, et ne garder que le meilleur, l’amour sous-jacent, et surtout celui qu’ils savent donner.

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Souvenir de la rencontre avec Hervé Le Tellier, à Manosque pendant les Correspondances.  Merci Joëlle du blog Les livres de Joëlle pour la photo !


Catalogue éditeur : JC Lattès

« Je n’ai pas été un enfant malheureux, ni privé, ni battu, ni abusé. Mais très jeune, j’ai compris que quelque chose n’allait pas, très tôt j’ai voulu partir, et d’ailleurs très tôt je suis parti.
Mon père, mon beau-père sont morts, ma mère est folle. Ils ne liront pas ce livre, et je me sens le droit de l’écrire enfin. Cette étrange famille, j’espère la raconter sans colère, la décrire sans me plaindre, je voudrais même en faire rire, sans regrets. Les enfants n’ont parfois que le choix de la fuite, et doivent souvent à leur évasion, au risque de la fragilité, d’aimer plus encore la vie.  »
H.L.T.

Parution : 23/08/2017 / 224 pages / 17.00 €

Leur séparation. Sophie Lemp

Dans « leur séparation », Sophie Lemp parle non pas d’eux, mais d’elle, comment un enfant vit cette  séparation qui le touche mais dans laquelle il n’est à aucun moment acteur.

DomiCLire_leur_séparationLeur séparation, c’est celle des parents que cette petite fille apprend incidemment, à la sortie de l’école, par sa mère venue la chercher là, en 1987-1988. De ce jour, la vie ne sera plus la même, plus de fête ensemble, plus de parents réunis aux vacances, plus de fous-rires ou de chagrins à partager, mais bien deux vies. « Double enfance » disait Julien Clerc dans cette chanson qui évoquait si bien cette séparation forcée jamais demandée par des enfants victimes passives de la vie qui passe et qui sépare les couples qui ne s’aiment plus.

Vingt-huit ans après, l’enfant devenue femme se souvient de cette vie qui a changé à jamais. De l’avant et de l’après, Espérant innocemment que l’amour que ses parents ont pour elle va pouvoir les souder, se demandant ensuite qui est le coupable, de l’enfant ou des parents. Difficile chemin de ceux qui subissent le désamour d’un couple et ses conséquences sur une vie. Les Noëls, les vacances, les rentrées scolaires, tous ces instants qui ponctuent une vie et qui seront à jamais vécus séparément. Puis vient souvent le remariage, les frères et sœurs – qui arrivent dans ces nouveaux foyers dont ils ne feront jamais réellement partie – qui partagent une vraie vie de famille. Car on le comprend en lisant ces lignes, ces enfants se sentent alors élément rapporté, jamais vraiment à sa place, ni accepté ni rejeté…

J’aime l’écriture de Sophie Lemp, cette façon pudique et réaliste de parler des sentiments des enfants lors d’un divorce, lors de « leur séparation » celle des parents, qui devient la leur. On en parle peu, et pourtant ils ne sont ni acteur ni coupable, mais avant tout victime indirecte souvent trop peu prise en compte.

J’ai un coup de cœur pour cette auteur qui tout au long de ces pages nous parle comme à une amie intime, doucement, sobrement, délicatement. Elle évoque avec justesse le chagrin, les blessures invisibles, la différence, la solitude dans la famille éclatée, puis dans les familles recomposées où il est si difficile de trouver sa juste place.

Voilà un roman court, beau et émouvant. Tout en sobriété et sans ressentiments, sans reproches, évoquant avant tout le bouleversement de la vie d’une petite fille.

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Allary

Sophie Lemp fête ses dix ans quand ses parents divorcent. Trente ans plus tard, c’est avec le regard d’une petite fille devenue adulte qu’elle revit cette séparation.

Pourquoi cette blessure, commune à tant d’enfants, est-elle si difficile à cicatriser ?

100 pages / 14,90€ / parution 07 septembre 2017 / EAN : 978-2-37073-147-0