Border la bête, Lune Vuillemin

Elle a quitté ses terres, mais on ne sait pas ce qui l’a poussée vers ces terres du nord où le froid et la glace figent hommes et bêtes. C’est là qu’elle fait la rencontre de Arden et de Jeff, alors qu’ils tentent de sauver une femelle orignal bloquée dans un trou de glace.
Arden, la femme aux longues jambes et aux doigts d’araignée.
Jeff celui qui l’accompagne dans sa mission, sauver et soigner les animaux blessés pour les rendre à la nature dès qu’ils vont mieux, chaque fois que c’est possible.

Alors qu’elle voulait aller jusqu’à l’océan, la narratrice dont on ne saura pas le prénom décide de rester quelque temps auprès d’eux et des bêtes à soigner. Au plus près de la nature, de la rivière Babine, du Petit Lac et du Grand Lac, des castors et des coyotes.

À apprivoiser les bêtes, mais pas trop car elles ne doivent jamais perdre leur nature sauvage, à apprivoiser les sons, le chant des oiseaux, le bruissement des arbres, de la forêt, de l’eau, des éléments qui se déchaînent.

Peu à peu, en apprenant à vivre avec la nature, elle nous en dévoile davantage sur elle, sa vie d’avant, ses passions, ses envies, et se confronte chaque jour à ces paysages dans lesquels elle a su se fondre pleinement.

Chacun de trois principaux personnages à une dimension humaine forte, un lien avec son environnement qui façonne sa personnalité et nous les rend vivants et attachants chacun a sa façon, sauvage, secret, perdu, en mal d’amour ou d’amitié.

Un roman magnifique en ce qu’il nous fait découvrir la terre, les animaux, la nature autrement. Presque sensuellement, spirituellement, de façon très poétique aussi parfois, par touches quasi impressionnistes, il nous permet de nous en approcher sans la détériorer, de la comprendre sans vouloir la dompter, de s’y fondre, mais pas trop, car la nature n’a pas besoin de l’homme pour renouveler son cycle de vie, immuable, violent parfois, et toujours aussi beau.
Un jolie découverte poétique et sauvage.

Catalogue éditeur : La Contre Allée

Sur les berges d’un lac gelé, la narratrice assiste au sauvetage d’une orignale. Touchée par Arden, la femme aux mains d’araignée, et Jeff, l’homme à l’œil de verre, qui se démènent l’un et l’autre pour sauver l’animale, elle décide de les accompagner dans le refuge dont ils s’occupent.
Au cœur d’une nature marquée par les saisons, où humains et non-humains tentent de cohabiter, notre narratrice apprivoisera ses propres fêlures tout en apprenant à soigner les bêtes sauvages, et à interpréter les sons et les odeurs de la forêt et de la rivière.
Dans ces lieux qui façonnent les êtres qui les peuplent, comment exister sans empiéter sur ce qui nous entoure ?

Collection La Sentinelle / ISBN 9782376651338 / pages 192 / parution 12/01/2024 / Prix 12,99€ – 19,00€

À prendre ou à laisser, Lionel Shriver

Kay et Cyril mènent une vie heureuse dans leur grande maison de Lambeth.
Lui est médecin généraliste et travaille pour le service de santé de l’état.
Elle est infirmière.
Elle est épuisée après avoir passé des années à s’occuper de son père vieillissant, devenu gâteux. Tant et si bien que le décès de ce dernier est plus une libération qu’un immense chagrin.
Les décès des parents dans des conditions pénibles tant pour eux que pour les familles poussent Cyril à prendre une résolution irrévocable. Il leur est impossible d’attendre la déchéance, la maladie, de perturber la vie de leurs enfants qui ont bien d’autres soucis, et de peser sur le budget du gouvernement déjà bien trop sollicité.

S’ils ont aujourd’hui cinquante ans, la résolution de se suicider le jour de leur quatre-vingts ans est semble-t-il la plus logique. Enfin, le jour des quatre-vingt ans de Kay, puisqu’elle a un an de moins que son époux.
À partir de cette prise de conscience, ils vont évoluer chacun de son côté en sachant que le flacon du jour J est bien rangé sur une des étagères de leur frigo.

Mais que se passerait-il si l’un ou l’autre décidait de ne pas respecter le pacte ? Quelles pourraient être les multiples autres possibilités qui s’offriraient à eux ?

A partir de nombreuses hypothèses, toutes plus farfelues les unes que les autres, mais cependant souvent plausibles, Lionel Shriver examine les fins de vies qui s’offriraient à eux, ensemble ou séparés selon qu’ils auraient ou pas accepté le pacte.

N’hésitant pas à aborder les grands sujets d’actualité, le Brexit, pour ou contre, les confinements successifs et la façon dont le monde, et la Grande Bretagne en particulier, les ont appréhendés, les difficultés rencontrées dans toute famille lorsque les parents et les enfants ont du mal à se comprendre, la vieillesse et les maladies, la façon dont les couples évoluent, ensemble ou au contraire de façon contradictoire malgré les longues années passés ensemble, etc.

N’hésitant pas non plus à se mettre en scène de façon tout à fait ironique et brillante.
Douze façons de respecter ou pas le pacte, douze façons d’appréhender sa fin de vie, douze digressions loufoques ou pas, pour un roman qui malgré ses nombreuses répétitions, et grâce à sa structure originale nous fait poser de nombreuses questions.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

Catalogue éditeur : Pocket, Belfond

Ils l’ont décidé depuis longtemps. Pour ne pas disparaître dans l’indignité, la sénilité, la misère d’un système de santé défaillant, Kay et Cyril mettront fin à leur vie le jour de leurs 80 ans – ensemble. Depuis lors, la petite pilule attend sur les étagères du frigo, dans une boîte à savon.
Mais l’échéance approchant, le vieux couple ne voit plus la chose du même œil. Tandis que la date fatidique approche, douze fins potentielles s’ouvrent à eux. Douze options possibles. À prendre. Ou à laisser.

Traduit par Catherine Gibert / paru le 04/01/2024 / EAN : 9782266337540 / pages : 368 / 8.60 €

La Louisiane, Julia Malye

En 1720, elles sont toutes pensionnaires de la Salpêtrière ou de la Grande Force. C’est dire que ce sont des femmes ou des filles qui ne peuvent plus rien attendre de la vie à Paris. Soit orpheline, abandonnée à la naissance, comme Charlotte, soit internée là par la famille, trop indépendante, trop singulière, pas dans le moule voulu par la famille comme Pétronille, soit ayant osé devenir ces faiseuses d’anges qui aident les femmes mais sont condamnées par la société, comme Geneviève.

Geneviève, Charlotte, Étiennette, Pétronille, sont sélectionnées pour aller peupler la Louisiane, cette terre française où sont déjà installés les hommes à qui il faut trouver des épouses qui leur feront de nombreux enfants pour vite peupler le pays. Soit disant volontaires, mais en fait quelle belle opportunité de se débarrasser de ces femmes encombrantes. Indispensable aussi qu’elles soient en âge de procréer, ce qui a cette époque signifie à partir de 13 ans.

Elles vont donc, après un long périple de Paris jusqu’au Havre, embarquer à bord de la Baleine, l’un des vaisseaux qui dans ces année là ont emmené de nombreuses femmes, ou hommes, dans ces contrées lointaines, sauvages et inhospitalières de la Louisiane.

Et nous allons les suivre tout au long de leur voyage. Geneviève, Charlotte et Pétronille plus précisément. La sélection des femmes à l’arrivée, quand il faut vite leur trouver un mari, ou plutôt les attribuer à chaque homme cherchant à fonder une famille, ou cherchant une femme pour gérer le quotidien. Elles restent plus ou moins soudées, bien que ne se connaissant pas au départ, les jours et les jours de voyage ont créé un lien. Certaines restent à Mobile et sur l’embouchure du fleuve, d’autres partent au loin vers les territoires indiens.

Chacune à sa façon va vivre tout ce que les femmes vivent alors, violence intra-familiale, coups, pauvreté, enfants à la chaîne, soumission à l’homme seul maître à bord du foyer.

Leur amitié, bien que précaire et souvent superficielle va résister au temps, mariages, naissances, deuils, solitude, famille, violences, mais aussi au climat, aux ouragans, à tout ce qu’il faut affronter pour tenter de s’installer durablement.

Un roman qui me faisant très envie, mais j’avoue que par moment je me suis un peu ennuyée, beaucoup de longueurs, et des personnages pas vraiment attachants, ou alors un peu trop de personnages qui passent et nous perdent un peu. Pourtant, j’étais très intéressé par la période, le sujet, l’idée de parler de ces femmes restées dans l’ombre, la façon dont les familles se débarrassaient d’elles, puis comment l’institution de la Salpêtrière les a envoyées dans des conditions déplorables sur des terres inhospitalières et souvent hostiles, pour plaire au pouvoir et remplir des cases.

J’ai aimé y retrouver la réalité de la conditions féminine de l’époque, quand les femmes ne sont jamais indépendantes, restent soumises au père, au frère au mari, et même à l’autorité administrative si en plus elles possèdent des terres.

Enfin, intéressant passages sur les indiens Natchez, en particulier sur la difficile cohabitation, le désir d’aider et de faire connaître les remèdes ou les recettes des tribus indiennes, avec Utu’wv Ecoko’ nesel la petite Natchez.

En fait j’ai à moment donné arrêté l’écoute, que j’ai reprise plus tard, et là ça allait un peu mieux. Mais je lui ai trouvé malgré tout beaucoup de longueurs. Et je ne me suis pas sentie assez immergée dans le territoire, cette Louisiane hostile qu’il faut dompter pour s’y installer durablement.

J’ai aimé la voix de la lectrice. Valérie Nuzzi a le ton qu’il faut, la douceur ou la force dans la voix pour incarner ces femmes. Et donner à chacune sa singularité, ses craintes, ses doutes, ses aspirations, ses espoirs, sa façon d’appréhender la vie. Sa voix est douce, posée, parfois complice, parfois secrète, tourmentée ou sereine, elle réussi à faire passer les sentiments, inquiétudes et espoirs, ou même le fatalisme que chacune porte en elle. Ah, et bravo pour avoir prononcé un nombre incalculable de fois le prénom de la jeune Natchez !

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2024

Catalogue éditeur : Stock, Audiolib

Paris, 1720. La Supérieure de la Salpêtrière, est mandatée pour sélectionner une centaine de femmes « volontaires » qui seront envoyées en Louisiane afin d’y épouser les colons français.
Parmi elles, trois amies improbables : Charlotte, une orpheline de douze ans à la langue bien pendue ; Pétronille, une jeune aristocrate désargentée et Geneviève, une faiseuse d’anges. Comme leurs compagnes à bord de La Baleine, elles ignorent tout de ce qui les attend au-delà des mers.
Ces étrangères réunies par le destin devront braver l’adversité et traverser une vie faite de chagrins d’amour, de naissances et de deuils, de cruauté et de plaisirs inattendus. Et d’une amitié forgée dans le feu.

Parution : 13/03/2024 / Durée : 12h45 / EAN 9791035415419 Prix du format CD 27,90 € / EAN numérique 9791035416058 Prix du format Numérique 24,95 €

Finalistes Prix Audiolib 2024

Maintenant que j’ai lu-écouté l’ensemble des titres, voici mon classement pour le Prix Audiolib :

  1. Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand lu par Laurent Natrella
  2. La dernière allumette de Marie Vareille lu par Caroline Tillette et Renaud Bertin
  3. Les Enfants endormis d’Anthony Passeron lu par Loïc Corbery
  4. Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea lu par l’autrice
  5. Traverser la nuit d’Hervé Le Corre lu par Ariane Brousse
  6. Perspective(s) de Laurent Binet lu par Françoise Cadol, Nicolas Djermag, Emmanuel Lemire et Marion Trintignant
  7. Arpenter la nuit de Leila Mottley traduit par Pauline Loquin lu par Amélia Ewu
  8. Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser lu par François Cognard
  9. La Louisiane de Julia Malye lu par Valérie Muzzi
  10. Peindre la pluie en couleurs d’Aurélie Tramier lu par Sophie Frison et Quentin Minon

Voici la liste des finalistes, déterminée par l’ensemble des blogueuses du jury :

  • La dernière allumette de Marie Vareille lu par Caroline Tillette et Renaud Bertin
  • Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand lu par Laurent Natrella
  • Les Enfants endormis d’Anthony Passeron lu par Loïc Corbery
  • Perspective(s) de Laurent Binet lu par Françoise Cadol, Nicolas Djermag, Emmanuel Lemire et Marion Trintignant
  • Arpenter la nuit de Leila Mottley traduit par Pauline Loquin lu par Amélia Ewu

Maintenant c’est à vous (et à moi!) de voter sur le site Audiolib pour désigner le lauréat 2024

La géométrie des possibles, Édouard Jousselin

Un roman brillant et addictif qui nous embarque de chaque côté de l’Atlantique

Du Morvan à Hollywood, de Paris à Bordeaux, de Oklahoma City à Los Angeles, sur plusieurs décennies, suivre les vies de Lucien, Dominique et Isabelle, de Benjamin et Lucy, de Jessie et Ben

On y croise des passionnés de l’AJ Auxerre, des migrants mexicains, des résistants de la seconde guerre mondiale, des producteurs de vin dans le bordelais, des producteurs de films à Hollywood, la télé-réalité et les attentats de Oklahoma City, des utilisateurs du darkweb et des policiers du FBI.

On y croise surtout 30 ans de notre histoire récente de chaque côté de l’Atlantique.

C’est brillant, addictif, les personnages très nombreux sont souvent attachants, assez différents pour être facilement reconnaissables tout au long de ces retours dans le passé ou au présent, lorsque l’on passe des uns aux autres, dans un pays ou une ville à chaque fois différents. Et peu à peu, alors qu’ils sont tous sur des trajectoires en apparence éloignées, la vie va se charger de les mettre en relation, d’établir des connections, comme ces six personnes dont on dit qu’elles sont seulement nécessaires pour arriver à atteindre n’importe qui dans le monde.

C’est un roman qui peut faire peur au départ par sa taille mais qui devient rapidement addictif. Destins croisés, trajectoires interrompues ou au contraire lancées vers les sommets, difficulté à vivre, accident de la vie, échecs ou réussite, tout ce qui fait la vie est là, se croise, interfère, s’évite ou se soutien.

Je les ai aimés tour à tour, Lucien, Dominique et Isabelle, Max et Marine, Clarisse, Jacques et Bruno, Benjamin et Jessica, William et Lucie, Candido et tous les autres.
J’ai aimé les suivre dans leurs vies pas toujours parfaites, leurs succès ou leurs échecs, suivre leurs destins ni vraiment heureux ni malheureux, ceux d’hommes et de femmes d’aujourd’hui et d’hier qui vivent dans notre présent et sont le reflet de nos sociétés.

Un roman de vie et de mort, de société et d’histoire récente, qui parle des autres et aussi de nous avec talent et humanité.

Catalogue éditeur : Rivages

Quel fil invisible relie un ancien résistant, une starlette de la téléréalité, un père de famille américain, un couple d’étudiants appliqués, un migrant mexicain et une jeune mère au bord de la crise de nerfs ? Aucun en apparence, et pourtant. Des forces mystérieuses tressent leurs vies pour les plonger dans la tourmente, hantées par l’ironie de l’Histoire, son cours impitoyable. Leurs ambitions cohabitent avec le mensonge et la fatalité les attend au tournant.
Des brumes du Morvan aux plages de Californie, des profondeurs du Darkweb aux paillettes d’Hollywood, espaces et temps se télescopent, selon les lois d’une énigmatique géométrie des possibles.

EAN: 9782743661687 / Parution: janvier, 2024 / 492 pages / Prix: 23,90€

Que faire en Aragon ? Visiter le village de Roda de Isabena

Dans la province de Huesca, en Aragon, sur la route depuis Vielha pour aller à Roda de Isabena, on trouve tout d’abord le Monasterio de Santa María de Obarra.

Le pont Gothique qui permet d’y accéder a été détruit par des orages en 1963, mais un pont semblable a été reconstruit quasiment au même endroit,
à l’entrée du site, un ancien moulin a été transformé en colonie de vacances, Il est ouvert en été j’imagine.
Puis on découvre la basilique de Santa María date du XIe,
et plus loin l’église de San Pablo du XIIe,
à l’arrière, se trouve un tout petit cimetière, l’entrée est toute simple, surplombée par deux boules en pierre, comme j’en ai vu plusieurs dans la région. Peu de tombes, et cette grille qui m’a fait imaginer la cellule d’un Hermite qui aurait été reclus là…

Roda de Isabena se trouve quelques kilomètres plus loin.
C’est un village médiéval répertorié comme l’un des 100 plus beaux villages d’Espagne.
Sa cathédrale et son cloître, ses ruelles et ses maisons sont emblématiques de l’Aragon médiéval.

La cathédrale San Vincente est une ancienne cathédrale, mais elle en garde cependant le nom. Elle est la plus ancienne et la plus petite d’Espagne. Sa construction a débuté au XIe siècle, dans le style roman lombard, puis elle a subi évolutions et modifications au fil des siècles.
Elle possède une crypte étonnante, puisqu’on la voit à l’intérieur de la cathédrale, il a été impossible de creuser pour la réaliser en sous-sol tant la cathédrale est construire sur la roche. c’est là que désormais a lieu la messe hebdomadaire.
Indispensable de la visiter et de visiter également son magnifique cloître.

Cerise sur le gâteau, nous avons déjeuné dans l’Hospederia de Aragon, le restaurant situé dans l’ancien réfectoire du cloître. On y accède depuis le cloître si l’on fait la visite, mais aussi directement depuis l’extérieur de la cathédrale.
Des fresques gothiques et un mobilier du XVIII, un menu à 25€ arrosé d’un bon vin de Somontano bu avec modération, un déjeuner dans un cadre somptueux, que demander de plus !

C’était un plaisir de marcher dans les ruelles du village, même s’il faisait vraiment chaud le jour où nous y sommes allés, puis de faire un arrêt au pont roman situé en bas du village. Il enjambe la rivière Isabena.
Le village est situé sur le chemin de Compostelle.

Vous pouvez aller voir quelques photos par ici et par là !

May et Chance, Jim Fergus

Nous l’avions rencontrée dans le premier roman de la trilogie, Mille femmes blanches. Roman dans lequel l’auteur parlait du programme américain qui a consisté en fournir mille femmes aux indiens, choisies ou plutôt désignées, dans les asiles, les prisons, prostituées ou femmes seules arrêtés en ville, toutes étaient bonnes à envoyer chez les sauvages.

MayTodds fut l’une d’elle. Mère de deux enfants très jeune, envoyée à l’asile par son père, elle a quitté Chicago en 1875.
En 1877, alors qu’elle avait été déclarée morte, et sauvée par une indienne, elle décide de revenir à Chicago pour retrouver ses enfants. Accompagnée de Chance Hadley, son amant et futur mari, de Martha et son bébé indien, et de Mo, le Horse-Boy Cheyenne qu’elle a adopté comme son fils, ils sont en route pour Chicago.
Après deux ans avec les Cheyennes et une fuite de quelques mois à travers le pays, il lui faut désormais s’adapter à cette nouvelle vie.
À l’arrivée il faut jouer la discrétion car le père de May-June est un homme puissant qui pourrait leur faire du mal.
Pour cela, ils s’installent aux abords de la ville dans un quartier réservé aux noirs, grâce au travail que Chance a trouvé dans le milieu du Polo, ce nouveau sport à la mode.

Le roman est bien sûr une fois de plus un prétexte pour évoquer le sort réservé aux Natifs américains, la façon dont les indiens ont été chassés de leurs terres, tués, exterminés pour certaines tribus, puis pour ce qu’il en restait parqués dans des réserves.
Avec un petit passage dans la troupe de William Cody, ou Buffalo Bill pour les intimes, celui qui a porté les habitudes des indiens sur tous les continents grâce à son Wild West Show.

J’ai aimé retrouver May Todd et son journal, même si j’avais lu le premier roman à sa sortie, puis les suivants il y a déjà quelques années. C’est à chaque fois un plaisir renouvelé. Et chacun se lit séparément, fort heureusement.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

Catalogue éditeur : Pocket

Wyoming, 1876.
« Être décédée présente certains avantages » : ainsi recommence le journal de May Dodd, que tous ont cru morte l’année précédente. Du passé cependant, elle n’a rien oublié. Ni l’asile d’aliénés, où sa famille l’a jadis enfermée, ni sa fuite au désert, et son mariage à un puissant chef cheyenne.
Mais aujourd’hui qu’une nouvelle vie s’offre à elle, c’est à ses enfants qu’elle pense – ces enfants dont on l’a séparée et qu’avec son amant Chance, elle court retrouver à Chicago.
Là, le monde des Blancs les attend de pied ferme, et l’aventure aussi, sous les traits d’un certain Buffalo Bill…

Jean-Luc Piningre (traduit par) / parution : 18/04/2024 / 8.60 € / EAN : 9782266336338 / pages : 352

Des frontières et des femmes, Manuela Parra

Il est temps que je vous parle de ce livre, recueil de témoignages écrit par Manuela Parra, après ses rencontres avec des femmes qui ont quitté l’Espagne au moment de la guerre et sous Franco.

Dix femmes, Suzana, Ema, Herminia, Sara, Lucia, Josefa, Isabel, Nuria, Carmen, Armelle, mais aussi Naya qui quitte d’autres rivages pour le même exil.
Des voix qui transmettent la douleur, le manque, l’exil et toutes les souffrances mais aussi les espoirs que cela représente.
Une écriture à la fois sobre, intimiste et universelle pour dire les départs d’alors et ceux d’aujourd’hui. Pour dire le chagrin et la difficulté d’adaptation malgré toute la bonne volonté de chacune, pour dire ceux qui sont restés au pays et auxquels on pense chaque jour, puis toute une vie.

Des témoignages pour transmettre, faire comprendre que chaque génération connaît ces vides et ces absences, ces vies qu’il faut laisser au pays pour partir se reconstruire ailleurs. Là où on ne vous attend pas.

Très court, vite, presque trop vite lu, mais lourd en émotion, face à ces femmes résilientes et fortes, face à leur courage, leur pugnacité, à toute cette solidarité qui fort heureusement aussi s’exerce pour aider et accueillir son prochain.

Catalogue éditeur : éditions chèvre-feuille étoilée

Des frontières et des femmes : Depuis plus de quinze ans, Manuela Parra, artiste, poète et présidente de l’association Voix de l’extrême Poésie et Culture, sillonne la France et l’Espagne pour rencontrer des exilées, des survivantes.

En 10 récits, elle nous transmet leur témoignage. Celui de femmes courageuses qui ont voulu dans leur jeunesse sculpter avec force les contours d’une société nouvelle. Celui de femmes qui ont suivi à pied les longues files de l’exil pour se réfugier en France afin d’échapper à la brutalité des troupes franquistes. Celui de jeunes adolescentes d’origine et de nationalité différentes qui ont connu des destins semblables.

ISBN : 9782367951614 / Paru le 28 février 2024 / 17,00€

Le sang des innocents, S.A. Cosby

Arpenter le Sud des États-Unis et son passé toujours tellement présent

Titus Crown savait bien qu’il n’aurait pas la vie facile en devenant shérif du comté de Charon, en Virginie. Bien sûr il y a de nombreuses familles afro-américaines dans sa ville natale. Mais pas sûr que les familles de blancs les aient acceptées comme leur égales, surtout certaines qui se verraient bien revenir au temps maudit des adeptes du KKK.

Après avoir travaillé pendant douze années au FBI, c’est le premier noir à être élu à ce poste. Il entend bien occuper au mieux cette fonction, et faire respecter les droits et obligations de chacun sans distinction, qu’ils soient noirs ou blancs. Son intégrité le fait craindre de chaque côté, certains noirs le suspectent d’être passé de l’autre côté, et d’autres se méfient même de lui, allant jusqu’à lui dénier son autorité ou le considérer comme illégitime.

Un jour, il est appelé au collège à la suite d’une fusillade, une comme il y en a tant aux USA. L’auteur de la fusillade est Latrell, un jeune garçon qu’il connaît bien. Il a du mal à le considérer comme totalement coupable du meurtre sauvage qu’il vient de commettre sur la personne de M. Spearman, le professeur préféré de tout le lycée depuis plusieurs décennies.
Mais Latrell est un adolescent noir. Et l’un des hommes de Titus Crown l’abat sans avoir vraiment le temps de faire des sommations.

Titus doit mener une enquête à la fois sur les raisons de ce meurtre et sur la possible bavure policière envers un jeune homme noir.

Pourtant, il n’est pas au bout de ses peines et son enquête s’avère plus périlleuse et difficile que prévu. Il met rapidement à jour des actes de violence et de torture sur de jeunes adolescents, impliquant sans doute l’existence d’un tueur en série. Il faut dire que le mysticisme exacerbé de certains, les prédications des églises évangéliques ou autres, viennent également troubler le paysage.

Un roman comme sait les écrire S.A.Cosby, pour notre plus grand plaisir de lecteur. Décrire des hommes simples, aux vies presque ordinaires, mais qui doivent prendre des décisions et sont placés dans des situations qui leur demandent d’être tout autre chose, de transcender leur quotidien pour respecter à la fois leurs valeurs, leurs ambitions et leur humanité.

Et à travers leurs vies, nous parler de ce Sud des États-Unis qui n’a pas toujours évolué et qui reste campé sur ses fondements, souvent nostalgique de la guerre de Sécession, au sol imbibé de plusieurs générations de larmes, porteur d’un racisme et d’envies de ségrégation et de violence venus du passé.

Catalogue éditeur : Sonatine

Traduit par Pierre Szczeciner

Le Sud n’a pas changé. Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon, la terre de son enfance. Si son élection a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs,… Lire la suite

Date de parution : 11/01/2024 / EAN : 9782383991366 / pages : 400 / 23.00 €

Deux grands hommes et demi, Diadié Dembélé

Manthia parle, et parle encore. Au traducteur qui doit compléter son dossier pour le juge. Car Manthia le malien est en centre de rétention après avoir été arrêté avec de nombreux autres sans-papiers à Paris, dans les années 1990.
Il vivait dans un petit village qu’il a dû quitter pour Bamako, et tenter de gagner assez d’argent pour aider ses parents et faire vivre sa toute jeune femme. Contraint au départ, il ne peut rester à la capitale que des troubles politiques rend incertaine.
C’est donc en France qu’il arrive, avec Toko, son ami du village forcé à l’exil lui aussi.

L’arrivée au pays de cocagne est violente et difficile. Les promesses de vie meilleure s’avèrent des fables racontées pour rassurer ceux restés au pays et qui attendent l’argent que doivent leur envoyer les émigrés. Pas de papier, pas de travail, pas de logement. Mais des galères, des dettes à vie pour rembourser le passage, les aides, les parents voleurs et profiteurs de ces hommes qui ne parlent pas la langue et vivent dans la plus grande précarité.

Avec sa langue imagée et vivante, Diadié Dembélé fait paler Manthia qui raconte l’enfance, la jeunesse, le village, les contraintes liées à la famille et aux obligations de soutien que cela implique. Mais aussi les galères rencontrées par tous ceux qui ont un jour quitté le pays pour se fracasser sur la barrière de la langue, de la loi, de la justice, d’un pays pas toujours prêt à les accueillir malgré toute la bonne volonté dont ils peuvent faire preuve.

Un auteur découvert avec son premier roman Le duel des grands-mères, lauréat du Prix de la Vocation et qui confirme ici son talent d’écrivain.

Catalogue éditeur : JC Lattès

De Bamako à Paris, deux amis, Manthia et Toko, vivent la route de l’exil de façon très différente. 
Ils sont originaires du même village au Mali. À la vingtaine, face à une récolte infructueuse, ils n’ont d’autre choix que de rejoindre la capitale, Bamako. Mais en 1991, les troubles politiques et sociaux les poussent à nouveau à partir. En France cette fois. 
C’est Manthia qui raconte leurs histoires depuis un centre de rétention administrative. Il se confie à son avocat grâce à un traducteur en espérant obtenir des papiers. Le traducteur l’interrompt souvent. Est-ce qu’il cherche le mot juste ou à le contraindre à un autre discours ?

Date de parution 10/01/2024 / Pages 234 / EAN 9782709672092 Prix du format papier 20,90 € / EAN numérique 9782709672399 Prix du format numérique 14,99 €