Le secret Hemingway, Brigitte Kernel

L’histoire méconnue de Grégory Gloria Hemingway, ou le secret Hemingway dévoilé avec pudeur et délicatesse par Brigitte Kernel

L’auteur présente avec beaucoup de réalisme et de délicatesse l’histoire du troisième fils du grand Ernest Hemingway, explicitant si besoin était la difficulté d’être soi et en même temps le fils de ce monstre de la littérature, coureur de jupons, ancien soldat, pêcheur au gros et compétiteur hors pair dans cette catégorie, entre autre, cette force de la nature adulée par les femmes et par ses  nombreux admirateurs, cet écrivain lauréat de tant de prix…

Celui qui s’appelait Gregory, marié trois fois, père de huit enfants et qui deviendra Gloria.

Si dans la lignée des Hemingway alcool et dépression, mais aussi pulsions suicidaires sont un fil rouge, Gregory/Gloria n’y coupera pas, et à tout cela s’ajoute cette difficulté à être lui ou elle, et à choisir puis assumer sa différence. Comment devient-on soi-même lorsque l’on a un père aussi célèbre ?  Mais aussi une vie multiple, des rêves et des désespoirs, celui d’avoir comme il lui a dit tant de fois, tué sa mère, tué son père, et de n’avoir pas pu finalement tuer plus tôt cet homme qui était dans son corps mais qu’il ne voulait pas être, qu’il ne pouvait pas être au plus profond de lui.

Habillé en fille jusqu’à l’âge de sept ans, attendu par son père comme une fille qui viendrait éclairer ses jours, a-t-il était totalement troublé par cette relation ou est-il réellement né dans le mauvais corps ? Si on peut se poser la question, c’est qu’il se l’est peut-être parfois posée. Pourtant il se sentait fille ce petit garçon appelé Gigi par son père, mais que celui-ci va emmener à la pêche, et faire des sports très masculins pour l’aguerrir. Il devient médecin et a fait médecine pour comprendre comment et pourquoi sa mère est morte.  Mais aussi pour savoir puis être en mesure de prendre des hormones et se traiter seul avant même de pouvoir imaginer se faire opérer pour réaliser et assumer son besoin d’être femme. Car il ne le fera qu’à 60 ans passés, soucieux de sa femme et de ses enfants, et son opération n’est même pas terminée lorsqu’il décède à la prison de femmes de Miami en 2001.

Lecture bouleversante que celle de ce roman qui nous interroge à la fois sur la famille, l’amour entre un père et son fils, l’amour dans le couple, mais aussi sur le genre et la difficulté d’être soi dans le corps d’un autre. C’est une véritable découverte. J’aime cette façon d’écrire, cette capacité qu’à l’auteur de se mettre à la place d’un personnage réel mais si romanesque en même temps. Alors oui, j’ai écouté Gloria me parler de Gregory et de sa famille avec beaucoup d’émotion, j’ai essayé de le comprendre et j’ai aimé les mots et l’écriture de Brigitte Kernel qui le fait revivre le temps de ce beau roman.

Catalogue éditeur : Flammarion

Ils ont dit que j’avais tué ma mère.
Puis ils ont dit que j’avais tué mon père.
Enfin, ils ont dit que chez nous, les Hemingway, de génération en génération, tout le monde se tuait.

Ce roman est une histoire vraie, celle de Gloria, née Gregory Hemingway (1931-2001).

Paru le 08/01/2020 / 320 pages / 137 x 210 mm / Prix : 19,00 € / ISBN : 9782081471894

Le ciel par-dessus le toit, Nathacha Appanah

Dans Le ciel par-dessus le toit, le nouveau roman de Nathacha Appanah, il y a un jeune Loup mal dans sa peau, une famille sans amour, et l’espoir distillé comme une rédemption.

Eliette est une jeune fille très belle adulée et poussé par ses parents. Elle chante bien et sa voix est un cristal que tous ont envie d’écouter, surtout à la soirée annuelle de l’usine où travaille son père. Les parents, fiers et heureux, poussent la fillette sur l’estrade, coiffée, maquillée, (elle m’a fait penser à ces petits filles que leur mère poussent aux concours de miss) mais rien de cela ne lui plait, elle ne le fait que pour répondre à l’amour et à l’admiration de ses parents. Jusqu’au jour de ses onze ans, jusqu’à cet homme, jusqu’au point de rupture…

A partir de ce jour, Éliette disparait, Phénix renaitra de ces douleurs intenses, aura deux enfants sans père et se tiendra loin d’eux. Pas de caresse ni d’amour échangé, pas de geste tendre, la mère fuit son enfance et ses souvenirs douloureux en prenant ses distances avec ses enfants, et fracasse à son tour l’enfance de ceux qu’elle a mis au monde. Sa fille Paloma a quitté le foyer en abandonnant Loup, son petit frère. Mais le chagrin de ces années d’attente est trop fort, Loup prend la voiture de sa mère et part à la recherche de sa sœur. Cela ne se fera pas sans dommage.

Il y a tout au long de ce roman une forme très poétique qui crée une distance, qui rend plausible, mais aussi acceptable la douleur et la souffrance de chacun des protagonistes. Avec ce regard empreint de délicatesse qui la caractérise, Nathacha Appanah dit la douleur, l’absence, le mal aimer et le mal être. En peu de phrases – le roman est particulièrement court- elle pose les bases d’un amour qui ne s’avoue pas mais qui attend, tapi dans l’ombre, pour éclairer les jours sombres et les vies dépourvues de sentiments.

Comment se construit-on quand personne ne nous aide ni ne vous distille ces gestes d’amour si importants pour avancer ? Est-on l’exact contraire de l’enfance que l’on a fui ? Dans Le ciel par-dessus le toit, il y a l’enfance gâchée, le manque ou le mauvais amour. Il y a l’enfermement et la prison de ces ados qui ne peuvent pas en sortir indemnes. Il y a une mère qui avance à tâtons pour se créer une carapace et exister malgré son passé. Il y a la crainte de souffrir, celle de répéter les erreurs du passé qui ont fait tant de mal. Il y a la rédemption, l’amour filial ou maternel plus fort que tout.

Retrouvez également les avis de Léa Touch Book, Henri-Charles de Ma collection de livres.

Du même auteur, j’avais particulièrement aimé Tropiques de la violence que je vous invite à découvrir.

Catalogue éditeur : Gallimard

«Sa mère et sa sœur savent que Loup dort en prison, même si le mot juste c’est maison d’arrêt mais qu’est-ce que ça peut faire les mots justes quand il y a des barreaux aux fenêtres, une porte en métal avec œilleton et toutes ces choses qui ne se trouvent qu’entre les murs.
Elles imaginent ce que c’est que de dormir en taule à dix-sept ans mais personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là.»
Comme dans le poème de Verlaine auquel le titre fait référence, ce roman griffé de tant d’éclats de noirceur nous transporte pourtant par la grâce de l’écriture de Nathacha Appanah vers une lumière tombée d’un ciel si bleu, si calme, vers cette éternelle douceur qui lie une famille au-delà des drames.

128 pages, 140 x 205 mm / Parution : 22-08-2019 / ISBN : 9782072858604 / Prix 14,00 €

Ta vie ou la mienne, Guillaume Para

Un beau premier roman de vie et d’amour.

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Hamed Boutaleb vient du 93. Sevran-Bodottes pour qui s’y est perdu un soir, c’est quand même bien la zone. Orphelin à treize ans, il déménage chez son oncle et sa tante, à Saint-Cloud, il arrive dans un autre monde à quelques encablures pourtant de son point de départ, dans cette région parisienne si disparate et qui vous marque à jamais, suivant l’endroit où l’on nait…

L’enfance et l’adolescence se passent, Hamed est doué, très doué pour le foot, c’est aussi un gamin qui aime les autres. Lorsqu’il défend François, le petit blanc souffre-douleur des gamins du collège, une indéfectible amitié s’instaure entre les deux  garçons, amitié qui ne les quittera plus jamais. Un jour, François lui présente Léa, la belle, l’inaccessible dont il est secrètement amoureux. Cette fille si différente, arrivée des quartiers huppés de Saint-Cloud, et qu’Hamed aime en secret, amour déjà partagé par Léa.

Le père de François, ancien footballeur, donne des leçons à Hamed, leçon de sport, de foot, leçons de vie, et son coaching lui permet de rentrer dans l’équipe des jeunes footballeurs d’Auxerre.

Jusqu’au jour où Léa lui annonce qu’elle est enceinte, jusqu’au jour où Hamed veut la demander en mariage, jusqu’au soir fatal où leur vie bascule… Jusqu’au jour où, ta vie ou la mienne…

Ensuite, ce sera la prison, Fleury-Mérogis et sa violence, les coups et les humiliations, les trafics en tout genre, la duplicité des matons, les gangs du dehors qui se reforment pour le malheur des plus faibles. Seul le soutien de Jean-Louis, son compagnon de cellule, permet à Hamed de garder la tête hors de l’eau, mais quatre longues années feront de lui un tout autre homme. A sa sortie, la vie d’avant, l’amour, la sérénité, ne sont plus faits pour lui. Comment alors peut-il imaginer retrouver Léa, l’amitié, la famille, comme redevenir l’homme qu’il a toujours été au fond de lui.

Un roman découvert grâce aux 68 premières fois. Vous le commencez et vous ne pouvez pas le refermer avant d’avoir tourné la dernière page, l’œil parfois un peu humide. Un beau roman qui parle d’amour, d’amitié et d’hommes fiers et libres. Mais qui parle également de la violence des prisons, violence qui vous marque à jamais et vous fait devenir autre. De la difficulté à vivre ou à sortir de sa banlieue maudite, celle qui vous marque au fer rouge, comme une empreinte inavouable, et vous empêche de vivre bien, de vivre mieux, cette vie à laquelle vous avez pourtant droit. Car peut-on renier ses origines, et en est-on responsable toute sa vie ? Faut-il se sentir coupable même lorsqu’on a payé sa dette à la société, et le malheur doit-il se coller à vous comme une tique ?

J’ai aimé découvrir et suivre les destins croisés et parfois maudits de ces trois personnages si attachants. Il y a bien sûr quelques poncifs, mais malgré ces stéréotypes, le tout est bien écrit, plausible et touchant, on s’y laisse prendre et on espère que le prochain roman de ce jeune auteur saura tout autant nous retenir !

Catalogue éditeur : Anne Carrière

Hamed Boutaleb naît à Sevran, en Seine-Saint-Denis. Orphelin à l’âge de huit ans, il part vivre chez son oncle et sa tante à Saint-Cloud, commune huppée de l’Ouest parisien. Pour la première fois, une existence sans adversité s’offre à lui. Hamed saisit sa chance et s’épanouit avec une passion : le football. Il brille dans le club de la ville, où il se lie d’amitié avec l’un de ses coéquipiers, François. À seize ans, le jeune homme tombe amoureux de Léa, qui appartient à un autre monde, la haute bourgeoisie. L’amour passionné qui les lie défie leurs différences et la mystérieuse tristesse qui ronge l’adolescente. Lire la suite…

ISBN : 978-2-8433-7886-7  / Nombre de pages : 250 / Parution : 9 février 2018 / Prix : 18 €

Sous les pavés la jungle, Simone Gélin

Vous rêvez d’une lecture tranquille ? Passez votre chemin. Vous rêvez d’une lecture qui va vous emporter, vous bousculer, à laquelle vous allez penser longtemps après avoir fermé la dernière page ? Foncez … et lisez « Sous les pavés la jungle » le dernier roman de Simone Gélin paru aux éditions Cairn, du Noir au Sud.

Domi_C_Lire_sous_les_paves_la_jungleSi en mai 68 les murs affirmaient Sous les pavés, la plage aujourd’hui Simone Gélin nous entraine dans un univers où elle l’affirme haut et fort on trouve Sous les pavés, la jungle.

Il s’appelle Milo, simplement parce que sa grand-mère était d’origine italienne, il s’appelle Kevin, mais il ne sait pas pourquoi, puisque sa mère l’a abandonné à la naissance en lui donnant ce prénom qu’il trouve ridicule. Ils se rencontrent à la prison de Fresnes, arrivés là presque par hasard pour l’un, comme si c’était une évidence inéluctable pour l’autre.

Milo a trempé dans une sombre affaire d’attaque à main armée. Reconnu par un témoin, il clame haut et fort son innocence mais ne pourra échapper ni aux mois de préventive, ni à l’enfer carcéral. Dans cette jungle où le plus faible devient la proie du plus fort, il faut se terrer et se faire oublier pour continuer à exister tout en gardant un semblant d’humanité.
A Fresnes il fait la rencontre de Kévin, jeune homme fragile qui ne saura pas résister à la pression et à la violence sournoise tapie entre ces murs, pourtant acceptée par tous, y compris par les matons semble-t-il, car elle est le seul moyen d’en sortir un tant soit peu indemne. Il va se lier entre eux une étrange amitié qui va résister au mal comme au pire, y compris par-delà les murs.

Pendant ses mois de préventive, et pour ne pas perdre totalement la raison, Milo s’est longuement penché sur les secrets inavoués de son passé. Sa mère l’a élevé avec sa sœur, mais elle a perdu la raison depuis bien longtemps, il veut comprendre pourquoi. Une fois libéré, il cherche d’où il vient. Ses investigations vont l’entrainer vers le bassin bordelais, à la rencontre d’un grand père inconnu et la découverte de l’amour qui a foudroyé ses grands-parents sur les barricades, source de tous les mystères. Chemin faisant il va également croiser la route de Mounia, échappée de l’enfer de la jungle à Calais, cette jeune femme le fascine. Avec sa sœur Sophie, ils vont assister à l’évacuation de la jungle, au déplacement de ces migrants éternellement voués à être déplacés, de pays en pays, loin de leurs terres et à la merci des malfrats et des passeurs.

De folles aventures en course poursuite, nous allons suivre Milo et Sophie de Paris au Cap Ferret, de Fresnes à Calais, de leurs vies à celles de leur mère et grand-mère, personnages particulièrement énigmatiques, à la recherche de leurs racines, puis revenir dans un présent empli de mystère et d’espoir.

Des barricades de mai 68 à la jungle de Calais, d’hier à aujourd’hui, des basfonds de Bordeaux, aux cellules de Fresnes, l’auteur nous propose une réflexion sociologique terriblement actuelle. Elle nous entraine dans une course pour la vie, nous prend aux tripes, nous fait aimer follement ses protagonistes, chercher réparation, mais aussi l’amour, la vérité, la lumière, dans un univers de violence et de vengeance contrebalancé par une belle et étonnante humanité. Avoir foi en l’homme et croire en l’amour, la vérité, la loyauté ou la justice ne sont pas de vains mots sous la plume de Simone Gélin. On ouvre Sous les pavés, la jungle, puis on s’y attache, on se laisse emporter, on vibre, c’est assurément une jolie pépite littéraire !

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Catalogue éditeur :  Cairn, du Noir au Sud

Enfer de la prison, zone de non‐droit de Calais, jungle féroce de la vie, faune humaine, aujourd’hui, jaillit un cri comme un slogan d’une autre époque… Sous les pavés la jungle.

Lauréate 2017 du Prix de l’Embouchure pour son roman L’affaire Jane de Boy, remis lors du festival Toulouse Polars du Sud, Simone Gélin intègre la collection Du Noir au Sud en signant un polar social et politique. Plus de détails

ISBN :  9782350686127 / 11,00 € TTC / Format     12 x 18 / Nombre de pages 344 / Date de parution mars 2018

Ne préfère pas le sang à l’eau. Céline Lapertot

Si comme moi vous avez aimé ses « Femmes qui dansent sous les bombes » alors  vous allez succomber au nouveau roman de Céline Lapertot « Ne préfére pas le sang à l’eau » chez Viviane Hamy.

Domi_C_Lire_celine_lapertot_ne_prefere_pas_le_sang_a_l_eauD’un côté, il y a les migrants qui, comme Karole et sa famille, ont franchi des kilomètres dans la souffrance et la faim pour arriver jusqu’à Cartimandua. Dans cette ville une citerne géante abreuve la population avec ce bien qui manque à tous : l’eau.

De l’autre côté il y a les habitants de la ville, qui ont du mal à accepter ces nez-verts qu’ils ne connaissent pas et qui les terrifient. Comme cela arrive souvent avec l’arrivée des migrants, ces peuples méconnus que l’on rejette avant même de les comprendre et les accepter.

Un jour, le drame arrive, la citerne explose et dévaste une partie de la ville. La jeune Karole jouait tout à côté, dans le bac à sable. Petite marionnette cassée, entrainée par les flots, cette enfant qui a traversé le désert avec sa famille meurt noyée, engloutie par l’eau qui devait apaiser les brulures de sa gorge déshydratée et enfin la désaltérer.

Alors que la soif risque de toucher toute la population, le pays tombe sous la coupe d’un dictateur, Ragazzini, qui établit sa puissance en assoiffant les populations.

Dans cette ville où les hommes meurent désormais de soif, il y a également un pénitencier. Là, au fond de sa cellule, il y a T, qui compte inexorablement les briques rouges qui composent les murs de sa prison. T qui a osé écrire sur les murs pour dénoncer, dire l’espoir, réveiller les consciences et a été trahi par son ami d’enfance.

On comprend immédiatement que ce pays, ces hommes, cette époque sont tous imaginaires, mais que tout cela pourrait être ici et maintenant. Car dans son roman Céline Lapertot parle avant tout d’immigration, de dictature, de liberté, de différence, de violence. Elle évoque aussi les mots qui sauvent, l’écriture, la fraternité et la confiance.

J’avais aimé Femmes qui dansent sous les bombes, je retrouve de nouveau la force, l’engagement, la violence de situation découverts avec ce roman. L’auteur est une jeune femme aux textes engagés qui décillent les yeux de ceux qui les découvrent. Je dois avouer que ce pays imaginaire m’a cependant par moment tenue à distance du sujet, de la souffrance dénoncée, en lui donnant une dimension irréelle et trop abstraite. Pourtant, il est évident que ce sujet interroge et touche ses lecteurs. C’est un roman d’anticipation qui entre véritablement  en résonnance avec l’actualité et avec nos interrogations actuelles.

Si vous avez aimé ce roman, et surtout si le sujet abordé vous interpelle vous aussi, n’hésitez pas à découvrir le dernier roman de Philippe Claudel, L’archipel du Chien, ainsi que L’opticien de Lampedusa de Emma-Jane Kirby.

💙💙💙


Catalogue éditeur : Viviane Hamy

« Cette sensation de fin du monde, quand tu as dix ans et que tu comprends, du haut de ton mètre vingt, qu’il va falloir abandonner la sécheresse de ton ocre si tu ne veux pas crever. Je serais restée des millénaires, agenouillée contre ma terre, si je n’avais pas eu une telle soif.
Maman a caressé la peau de mon cou, toute fripée et desséchée, elle m’a vue vieille avant d’avoir atteint l’âge d’être une femme. Elle a fixé les étoiles et, silencieusement, elle a pris la main de papa. On n’a pas besoin de discuter pendant des heures quand on sait qu’est venu le moment de tout quitter. J’étais celle à laquelle on tient tant qu’on est prêt à mourir sur les chemins de l’abîme.
J’étais celle pour laquelle un agriculteur et une institutrice sont prêts à passer pour d’infâmes profiteurs, qui prennent tout et ne donnent rien, pourvu que la peau de mon cou soit hydratée. J’ai entendu quand maman a dit On boira toute l’humiliation, ce n’est pas grave. On vivra. Il a fallu que je meure à des milliers de kilomètres de chez moi. »

Parution 11/01/2018 / Collection Littérature française / ISBN 9791097417048 / Pages 152 p / Prix 17€

La terre qui les sépare. Hisham Matar

Lire « La terre qui les sépare » c’est embraquer dans les pas de Hisham Matar pour un voyage de retour en terre libyenne.

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Dans les années 1990, l’auteur n’a que dix-neuf ans lorsque son père est arrêté. Comme beaucoup d’autres opposants au régime Jaballa Matar va finir sa vie dans les geôles de Kadhafi. Hisham Matar, élevé par les femmes de la famille, va partir vivre en Angleterre. Lors de la fin du règne de Kadhafi, les prisons sont ouvertes, les prisonniers libérés, point de trace de ce père qui avait pourtant réussi à communiquer quelques années plus tôt en faisant passer de rares lettres à sa famille, et dont certains prisonniers se souviennent. Hisham Matar passe des années à rechercher son père, mais aussi des oncles, des voisins, tous ces hommes qui ont disparu simplement parce qu’ils avaient un autre avis, d’autres opinions que celles imposées par le dictateur et sa famille. Il va remuer ciel et terre pour tenter de savoir, faire intervenir ambassades, journaux, associations des droits de l’homme, allant même jusqu’à rencontrer le fils de Kadhafi, dans l’espoir d’une réponse à cette question lancinante restée à jamais irrésolue : où, et quand a réellement disparu son père.
Des années après, il revient en Lybie pour rencontrer la famille, pour comprendre. De ce voyage sortirons des articles dans le NewYorker, puis ce récit. Que l’on soit attiré ou pas par l’Histoire, ce livre est absolument passionnant et d’un grande qualité d’écriture. Jamais lassant, il se dégage de tout ce malheur un optimisme, un espoir en l’homme, et en même temps une image de la société en Lybie du temps de Kadhafi qui fait froid dans le dos, mais dont on avait pu lire par ailleurs d’autres témoignages tous aussi édifiants.
J’ai trouvé avec La terre qui les sépare un récit passionnant sur ce pays à l’histoire complexe. Passé d’une regroupement de tribus à une colonie italienne, puis sous le joug d’un dictateur sanguinaire, la Lybie fascine et interroge, et son avenir est tout sauf serein. Mais c’est également un très beau questionnement sur l’éducation, sur l’absence, le manque et l’amour du père.

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Catalogue éditeur : Gallimard

The Return, Fathers, Sons and the Land in between
Trad. de l’anglais (Libye) par Agnès Desarthe

En 1990, Hisham Matar a dix-neuf ans lorsque son père, Jaballa Matar, disparaît. Celui-ci, après avoir trouvé refuge en Égypte avec ses proches, est enlevé et emprisonné en Libye pour s’être opposé dès le début au régime de Kadhafi. La famille reçoit quelques lettres, envoyées secrètement, jusqu’à ce que toute correspondance cesse brusquement. Vingt et un ans plus tard, lors de la chute de Kadhafi, en 2011, le peuple prend les prisons d’assaut et libère les détenus. Mais Jaballa Matar est introuvable. A-t-il été exécuté lors du massacre d’Abou Salim qui a fait 1 270 victimes en 1996 ? La détention l’a-t-elle à ce point affaibli qu’il erre quelque part, libre mais privé de souvenirs et d’identité ?
Hisham Matar va mener l’enquête pendant des années, contactant des ONG et des ambassades, relatant l’histoire de cette disparition dans la presse internationale, se rendant à la Chambre des lords en Angleterre, son pays d’adoption, s’adressant aux personnalités les plus inattendues,…Lire la suite

Collection Du monde entier, Gallimard / Parution : 12-01-2017 / Romans et récits / Littérature étrangère / Anglo-saxonnes – Arabes / 336 pages, 140 x 205 mm / Achevé d’imprimer : 05-12-2016 / Pays : Libye / Époque : XXIe siècle / ISBN : 9782070197118

Azadi, Saïdeh Pakravan

Découvrir Théhéran par la voix de Saïdeh Pakravan, dans ce roman singulier et bouleversant

Téhéran 2009, malgré l’interdiction et dans un climat particulièrement tendu, des milliers d’iraniens investissent les rues de la ville pour s’insurger contre le résultat des élections. Les policiers sont partout présents, usant de grenades lacrymogènes et de matraques pour disperser les manifestants. Étudiants appartenant à la classe aisée, femmes voilées, personnes de tous âges, enfants, sont vite réprimés par les bassjidjis qui n’hésitent pas à frapper et à emprisonner.

Raha et ses amis comptent parmi eux. Au cours d’une de ces manifestations, Raha sera arrêtée, emprisonnée, et subira les pires sévices. De retour presque miraculeusement dans sa famille, alors que ses projets de vie volent en éclats, elle va tenter de se reconstruire sur les cendres des illusions perdues de son adolescence.

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Les protagonistes et les expériences se succèdent pour donner une image assez précise, à plusieurs voix, de l’Iran actuel, mais aussi de celui du Shah, que certains osent à peine regretter, de celui de Khomeiny, instaurateur d’une république islamiste contraignante, liberticide et si peu bienveillante, mais également entre les lignes, de l’Iran de demain rêvé par la jeunesse parfois bien naïve et pourtant souvent optimiste d’aujourd’hui.

Saïdeh Pakravan le raconte à travers la voix de plusieurs personnages vivant dans l’entourage de Raha, étudiante en architecture, issue d’une famille aisée de Téhéran. Les voix se succèdent, en particulier celles de Nasrine, sa mère ; Celle de Gita, qui vit aux États Unis et revient quelque temps à Téhéran, spectatrice impuissante dans son propre pays ; D’Homa, chirurgien à l’hôpital, elle voit chaque jour les méfaits du pouvoir ; De Pari, qui vit dans l’opulence, protégée par les excellentes relations de son mari avec le pouvoir en place ;  De Mina, gardienne de prison par nécessité, mais qui a un cœur gros comme ça et saura aider Raha ; De Hossein, gardien de la révolution, religieux par tradition familiale plus que par conviction, policier par nécessité, issu d’un milieu modeste, il tombe amoureux de Raha sans pouvoir se l’avouer ni réaliser son rêve ; De Kian, étudiant, fiancé à Raha, qui ne saura jamais dépasser les apparences ni les préjugés.

Des voix qui racontent les gardiens de la révolution, les règles qu’il faut suivre mais qu’on ne connait pas toujours, la police des mœurs qui contrôle la longueur d’un voile, qui vérifie que les femmes circulent bien avec un homme ayant un lien de parenté avec elles, sinon gare à elles.

Qui parlent de la condition des femmes, si peu reconnues, souvent si maltraitées, elles qu’un homme peu violer en toute liberté à condition d’avoir prononcé les mots lui accordant un « mariage temporaire », elles aussi que l’on va violer avant de les exécuter, car sinon vierges, elles entreraient tout droit au paradis.

Qui évoquent les contradictions d’un peuple, les moyens de s’évader des contraintes, surtout quand on appartient à la classe aisée, qui présente cette jeunesse qui rêve d’ailleurs et de liberté, d’une piscine privée où bravant les interdits, filles et garçons vont se baigner ensemble, de films téléchargés illicitement, d’internet, des réseaux sociaux qui ouvrent au monde.

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C’est particulièrement intéressant d’entendre ces différents points de vue, même si forcément ils sont aussi issus du propre vécu de l’auteur. Au début je me suis un peu perdue dans la multiplicité des personnages, mais au final juste quelques-uns sont importants dans le récit, les autres servant essentiellement à ajouter une opinion, une vision propre à leur condition. Le rythme du roman est parfois dense, ajoutant à l’intrigue une description de la situation politique du pays, et c’est aussi ce qui fait son intérêt. Les chapitres alternent avec aisance, d’un personnage à l’autre, d’un témoignage à l’autre, on tourne les pages, on vit avec Raha, ses aspirations de jeune femme un peu naïve, d’étudiante, sa chute et son combat. L’insertion de mots persans est agréable car immédiatement traduits, pas en bas de page ou en annotations lointaines, ils sont facile à assimiler à mesure de la lecture. Ils sont là comme une mélodie qui donne son rythme au roman, inconnu, singulier, bouleversant, musical.

Catalogue éditeur : Belfond

Azadi signifie « liberté » en persan. Certains la rêvent et d’autres paient le prix pour la vivre.
Lauréat du Prix de la Closerie des Lilas 2015
Téhéran, juin 2009. Après des élections truquées, une colère sourde s’empare de la jeunesse instruite de Téhéran. Dans la foule des opposants la jeune Raha, étudiante en architecture, rejoint chaque matin ses amis sur la place Azadi pour exprimer sa révolte, malgré la répression féroce qui sévit. Jusqu’au jour où sa vie bascule. Après son arrestation, et une réclusion d’une violence inouïe, ses yeux prendront à jamais la couleur de l’innocence perdue…
Tout en levant le voile sur une psyché iranienne raffinée et moderne, sans manichéisme et avec un souffle d’une violente beauté, Azadi raconte de façon magistrale le terrible supplice de celle qui cherche, telle une Antigone nouvelle, à obtenir réparation. Et à vivre aussi… là où le sort des femmes n’a aucune importance.

Saïdeh Pakravan, écrivaine franco-américaine de fiction et poète, est née en Iran. Ayant grandi dans un milieu francophone, elle s’installe à Paris, participant, après la révolution iranienne de 1979, à un mouvement de libération de l’Iran.
Publiée dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, lauréate de prix littéraires dont le prix Fitzgerald, Saïdeh Pakravan est également essayiste et critique de film.

Date de parution : 22/01/2015 / EAN : 9782714460158 / pages : 448 / Format : 134 x 190 mm / 19.00 €

Ultra Violette, Raphaëlle Riol

Quel étrange livre qui tient à la fois du roman, de la biographie et du récit, dans lequel tout s’emmêle, le vrai et le faux, la vie et le rêve

ULTRAVIOLETTEBIS

Raphaëlle Riol a une façon bien particulière de nous raconter l’histoire connue de tous, mais finalement si peu dans ses détails, de Violette Nozière, parricide de 17 ans condamnée à mort en 1933.

L’auteure, ou la narratrice évoque le quotidien de Violette au 9 rue de Madagascar. C’est une fille unique choyée, mais si mal, par des parents un peu trop ordinaires pour cette adolescente qui rêve d’autre chose. Un père cheminot, une mère au foyer, une vie dans un appartement trop petit, elle souffre de cette promiscuité malsaine, surtout le soir quand elle doit s’endormir dans la pièce principale, après le dîner et l’invariable partie de belote, quand les parents s’aiment bruyamment dans leur lit, dans cette chambre contiguë à la porte jamais close.

Fuguant et fuyant le lycée et ses élèves un peu trop dociles, Violette rêve de bijoux, de fourrures, de belles toilettes. Elle fume, traine dans les bars, puis dans la chambre 7 du petit hôtel de la rue Victor cousin, dans cette chambre où enfin elle trouve le calme et la solitude, quand les amants de passage sont repartis, après avoir payé un bien léger écot. Difficile de vivre ainsi, il faut partir en douce le soir, tricher dans la journée, voler les billets de banque cachés un peu partout dans l’appartement pour se payer cette légèreté, cette part de rêve auquel elle aspire tant. Plus le temps passe, plus Violette étouffe dans cet appartement du 9 rue de Madagascar. L’issue fatale pour les parents devient une évidence. La voilà parricide, accusée, condamnée, puis muse improbable des surréalistes, prisonnière modèle, puis vient la libération et la vie autrement.

Raphaëlle Riol invite Violette dans son récit, la narratrice vit avec elle, s’entretient avec elle, pense pour elle. Viennent s’ajouter quelques scènes supposées vécues au moment de la sortie de prison de Violette, toutes en suppositions aussi hasardeuses les unes que les autres. Etrange roman où le réel et l’imaginaire interférent pour un dialogue entre l’auteure et son personnage, pour une relation étrange dans laquelle se perdra la narratrice. J’ai particulièrement aimé ce décalage de l’écriture, ce tutoiement de la narratrice envers Violette, qui est là, présente puis absente, jusqu’à la rédemption ou la perte. Une écriture ciselée, réaliste et effrontée pour un livre bien singulier.

Catalogue éditeur : Éditions du Rouergue

Autour de la figure de Violette Nozière, parricide de 17 ans devenue une légende dès son procès, Raphaëlle Riol dessine le portrait d’une jeune fille hors normes et d’une époque, les années 30. Dans ce roman, l’auteur fait revivre le fantôme de Violette Nozière, lui redonne une figure littéraire, à la façon de ce qu’elle fut pour les Surréalistes. Un livre envoûtant, par sa capacité à réécrire la vie de cette jeune meurtrière et d’une grande inventivité dans sa façon de romancer un fait divers.
Née en 1980, Raphaëlle Riol est l’auteur de deux précédents romans publiés dans la brune : Comme elle vient (2011) et Amazones (2013)

Broché: 192 pages / 7 janvier 2015 / 18,00 € / ISBN  978-2-8126-0748-6

En ce lieu enchanté, René Denfeld

En ce lieu enchanté, le couloir de la mort d’une prison sordide au fin fond des États Unis…

EN CE LIEU ENCHANTÉ - Rene DENFELD

Le lieu importe peu, d’ailleurs il n’est pas précisé. Il a un côté irréel, tout comme l’impression générale qui se dégage de ce roman : on plonge dans la magie et le sordide en même temps, c’est terriblement étrange et par moment inconfortable.

Et pourtant, il y a aussi une beauté dans ce texte. En ce lieu enchanté, Arden, le narrateur qui ne parle jamais est dans le couloir de la mort depuis quelques années. Il attend comme tant d’autres le jour de son exécution. Il est isolé dans sa cellule, et cependant il connait les moindres recoins de cette prison crasseuse, les mouvements anormaux, les règles implicites, les échanges, les coups, les trafics de drogue avec les matons, les viols des nouveaux arrivés, toute une vie glauque et inavouable, celle de gardiens corrompus, des détenus qui trafiquent jusque dans leur geôle, celle de la loi des plus forts contre les plus faibles.

« La dame » vient régulièrement rencontrer des condamnés. Le bureau d’avocats pour lequel  elle travaille décide parfois de sauver un de ces hommes. Pour cela elle devra enquêter, chercher ce qu’il y a de moins noir en eux, comprendre d’où ils viennent, pour tenter d’atténuer leur responsabilité dans les atrocités qu’ils ont commis, et commuer leur sanction en perpétuité. Oui, mais tous ne sont pas d’accord ; certains ne souhaitent qu’une chose, que leur tour arrive pour qu’ils puissent enfin quitter définitivement le couloir de la mort.

Le roman pose la question dérangeante de la peine de mort. Faut-il sauver ceux qui ne le souhaitent pas pour leur donner une peine sans doute aussi barbare, celle d’un enfermement définitif. Faut-il sauver ces hommes dont on comprend qu’ils ont commis le pire, l’impardonnable, et que la société a déjà jugés. Je découvre une profession qui interpelle. C’est apparemment celle de l’auteur, René Denfeld, qui alterne poésie et violence pour évoquer un univers qu’elle connait.  Un livre bien étrange, embarrassant, mais passionnant. Il m’a été impossible de le lâcher et ma nuit est passée à lire ce texte dans lequel les oiseaux et les chevaux d’or côtoient les détenus les plus noirs de la prison, avec tellement de poésie que c’en est magique.

Catalogue éditeur : Fleuve et 10/18

La dame n’a pas encore perdu le son de la liberté. Quand elle rit, on entend le vent dans les arbres et l’eau qui éclabousse le trottoir. On se souvient de la douce caresse de la pluie sur le visage et du rire qui éclate en plein air, de toutes ces choses que dans ce donjon, nous ne pouvons jamais ressentir.

Dans le couloir de la mort, enfoui dans les entrailles de la prison, le temps s’écoule lentement. Coupés du monde, privés de lumière, de chaleur, de contact humain, les condamnés attendent leur heure.
Le narrateur y croupit depuis longtemps. Il ne parle pas, n’a jamais parlé, mais il observe ce monde « enchanté » et toutes les âmes qui le peuplent : le prêtre déchu qui porte sa croix en s’occupant des prisonniers, le garçon aux cheveux blancs, seul, une proie facile. Et surtout la dame, qui arrive comme un rayon de soleil, investie d’une mission : sauver l’un d’entre eux. Fouiller les dossiers, retrouver un détail négligé, renverser un jugement. À travers elle naissent une bribe d’espoir, un souffle d’humanité. Mais celui à qui elle pourrait redonner la vie n’en veut pas. Il a choisi de mourir.
La rédemption peut-elle exister dans ce lieu ou règnent violence et haine ?
L’amour, la beauté éclore au milieu des débris ?

Rene Denfeld dépeint un monde d’une grande férocité avec une infinie poésie et une profonde humanité et nous offre un diamant brut d’émotions.

Traduit par Frédérique Daber Gabrielle Merchez

Parution : 21 Août 2014 / EAN : 9782265098008 / 18.50 € / Pages : 208

Big Daddy, Chahdrott Djavann

Big Daddy, de Chahdortt Djavann alterne entre thriller, roman intimiste et roman noir avec une grande subtilité

Big daddy

Big Daddy, c’est l’archétype de l’homme qu’on souhaite ne jamais rencontrer. Pourtant, lorsqu’il se prend d’amitié pour un adolescent d’origine latino, c’est pour Rody comme un rêve. Rodrigues est un enfant paumé des rues et des quartiers pauvres de l’Amérique profonde, celle des malfrats et de la drogue, des petits boulots et de la prostitution, des obèses et des tueurs en série.

Condamné pour un triple meurtre Rody est emprisonné à vie sans aucun espoir de remise de peine. Son avocate vient le retrouver chaque semaine sans faillir pendant quatorze ans. Elle va progressivement l’éduquer, puis obtenir des confidences qui auraient pu faire changer l’issue de son procès. Enfin et surtout, elle va éprouver des sentiments très singuliers pour cet adolescent, elle qui se sent certainement protégée de toutes conséquences préjudiciable à son équilibre par la réclusion définitive de Rody. Les chapitres alternent la vision de l’adolescent, la vie de Big Daddy, puis celle de son avocate.

L’auteur aborde le difficile thème des condamnés à la réclusion à perpétuité sans aucun espoir de liberté conditionnelle, peine définitive et irrémédiable comme les états Unis sont capables d’en prononcer, y compris pour de jeunes adolescents. Peut-être aussi l’inquiétant équilibre qui se crée entre un détenu et son visiteur de prison, en abordant les liens subtils et occasionnellement risqués qui se tissent alors. C’est sombre, violent, attachant, singulier, très surprenant même et l’issue est également tout à fait inattendue. Je découvre Chahdortt Djavann et j’ai l’impression qu’elle sort ici de son genre habituel. Son écriture est prenante et malgré le fait qu’il soit aussi violent je n’avais aucune envie de lâcher ce roman inclassable. Big Daddy alterne entre thriller, roman intimiste et roman noir avec une grande subtilité.

Catalogue éditeur : Grasset

Un gamin des rues, Rody, est condamné à perpétuité pour un triple meurtre dans un trou perdu de l’Amérique profonde.
Lors de ses tête-à-tête dominicaux avec l’avocate commise d’office, Rody lui raconte son intimité avec Big Daddy, grand pervers criminel qui avait fait de lui son « fiston ».
Argent, drogue, sexe et loi de la haine, blancs, noirs, obèses, prostituées: tout y passe…mais rien ne se passe comme on peut l’imaginer.
« Rody’s case », l’affaire Roddy, est médiatisée et devient un enjeu de la campagne politique du gouverneur : consentira-t-il à le relaxer ?
Trois voix, trois histoires tendent cette intrigue pour composer un suspense psychologique d’une rare efficacité où chaque chapitre recèle une surprise, un retournement ou un coup de théâtre.
Roman politique et social, roman intime, roman noir : âmes sensibles, s’abstenir !

Format : 140 x 205 mm / Pages : 288 / EAN : 9782246851783 / Prix : 18.00€